★ PAR-DELÀ LE BIEN ET LE MAL

Publié le par Socialisme libertaire

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★ Article publié dans Le Monde libertaire n° 1837 (mars 2022).  
 

« C’est un fait, depuis toujours ou presque, les anarchistes ne présentent pas de candidats aux élections , prônent généralement l’abstention, critiquent hardi tiens bon le vote (sauf le vote blanc), dénoncent le système actuel de démocratie représentative, critiquent d’abondance la forme de république du moment…

Pour autant, sont-ils des anti-élections primaires, des ennemis irréductibles du droit de vote et du principe du vote, des adversaires de la démocratie et du concept de représentation, des anti-républicains à front bas… ?
Rien n’est moins sûr !

Des élections, oui, mais des vraies !
Pour peu que l’on reconnaisse que la vie en société est complexe, qu’on n’est pas compétent en tout et qu’on ne peut pas participer à 150 assemblées générales par jour, force est bien de devoir déléguer. Et, élire ses délégués est quand même mieux que de se les voir imposer. Mais, cela étant acquis, peut-on pour autant se satisfaire des systèmes électoraux tels qu’ils existent aujourd’hui, ici, là et ailleurs ?
Élire un président de la République disposant de quasiment tous les pouvoirs sur la base d’un chèque en blanc (et généralement en bois) pour 5 ans, est-ce bien raisonnable ? Et bien que les candidatures soient « libres », dès lors qu’elles nécessitent l’aval de 500 parrainages d’élus, que les médias qui font l’opinion sont aux mains des capitalistes et qu’une campagne électorale coûte un « pognon de dingue » que les pauvres n’auront jamais, il est limpide que le pot de terre a peu de chance de l’emporter sur le pot de fer.

Dans ces conditions, sauf à être maso ou complice, ou bête à manger du foin, pourquoi participer à ce cirque ?
Les anarchistes s’y refusent et préfèrent AGIR contre les maîtres du monde plutôt que de les élire. Ce qui ne signifie nullement qu’ils soient contre le principe de l’élection. Bien au contraire ! Élire des représentants sur la base d’une véritable égalité des chances (même accès aux médias, financement public égalitaire des campagnes électorales…), imposer des mandats impératifs sur certains sujets d’importance, instituer un contrôle permanent des mandatés avec licenciement immédiat à la clef si… ne déléguer un pouvoir que s’il s’accompagne de l’existence de contre-pouvoirs… fait partie de leur ADN. Comme fait partie de leur ADN la conscience que des élections de ce type, hormis dans les luttes, ne pourront s’épanouir que pendant et après une révolution sociale dont il est évident qu’elle ne sortira pas des élections que nous ont concoctées les maîtres du monde. Le capitalisme, il convient de s’en persuader, n’étant pas suicidaire.

Le droit de vote, évidemment, mais comment ?
Il va sans dire, et encore mieux en le disant, qu’un révolutionnaire, sauf à ignorer l’histoire des révolutions ou à être un imbécile sans espoir adepte de la vie sur une île déserte, ne peut pas être contre le droit de vote. Mais le droit de vote et la manière dont ce droit s’exerce sont deux choses différentes. En Chine, en Russie, à Cuba, au Mali, en Iran…, il y a des élections. Et, pourtant… ! Et chez nous, également. Et pourtant, même si c’est moins pire que là-bas, est-ce pour autant à dire qu’il faille se satisfaire d’un droit de vote conjugué au seul temps du moins pire ? Le moins pire serait-il un horizon indépassable au royaume de la « démocratie » bourgeoise ?

De l’abstention
Les anarchistes, adeptes s’il en est de la lutte des classes et des causes, refusent de participer au piège à cons des joutes électorales en régime dictatorial ou de « démocratie » bourgeoise. Mais leur abstentionnisme, contrairement à celui des pêcheurs à la ligne, est révolutionnaire car il prône l’agir au lieu de l’élire. Et il est pragmatique, pas religieux. En 1936, en Espagne, la puissante CNT anarcho-syndicaliste (1,5 millions d’adhérents plutôt du genre militants) fit un deal avec le Front populaire républicain. Si vous gagnez les élections et que vous vous engagez à libérer nos 30 000 militants emprisonnés, on n’appellera pas à voter, mais on ne fera pas de campagne abstentionniste. Le Front populaire l’emporta et nos prisonniers furent libérés.
Démocratie directe, représentative, république…

Les anarchistes, à juste titre, sont considérés comme des fans de la démocratie directe
Comme des « partisans » d’une décentralisation tous azimut des instances et des espaces de pouvoir. Les usines à ceux qui y travaillent. La terre à ceux qui la travaillent. La ville à ceux qui y vivent.
« Bizarrement », la démocratie directe n’est pas la tasse de thé de nos grands « démocrates » de droite comme de gauche. Ces gens-là, pas fous, n’ont-ils pas, de concert, gravé dans le marbre de la Constitution l’interdiction du mandat impératif. Et ce sont les mêmes qui osent traiter les anarchistes d’anti-démocrates et d’anti-républicains ! Anti ou trop démocrate ? Anti ou trop républicain ?
Car, et oui, plus démocrate et plus républicain que les anarchistes, c’est mission impossible.

Comment, quand on se dit démocrate, peut-on être contre la démocratie directe et interdire le mandat impératif alors que la démocratie directe et le mandat impératif sont seuls à même de fonder une démocratie véritablement représentative et une république véritablement républicaine ?
Poser la question c’est y répondre. Ces gens sont à la démocratie et à la république ce que la musique militaire est à la musique.

Le fédéralisme libertaire, stade suprême de la démocratie et de la république
On l’aura compris, le fédéralisme libertaire internationaliste qui allie HORIZONTALITÉ et VERTICALITÉ, démocratie directe et représentative, représente le stade ultime d’une démocratie et d’une république SOCIALES véritables. Pas un ersatz de ce rêve de toujours des damnés de la terre.

Notre critique des caricatures démocratiques et républicaines que veulent nous imposer les maîtres du monde et ceux qui aspirent à l’être nous vaut, à juste titre, d’être considérés comme des ennemis de leur « démocratie » et de leur « république ». Notre refus de participer à leur cirque témoignerait, selon eux, de notre refus du principe de la démocratie et de celui de la république. C’est de bonne guerre que les petits marquis d’un simulacre de démocratie et de république, à leur botte, se méfient comme de la peste des sans-culottes que nous sommes fiers d’être. Parce qu’ils savent que nous serons sans pitié avec eux, ils sont sans pitié avec nous.

Merci, donc, en espérant que le message soit passé, de, surtout, ne pas voter pour un anarchiste… avant la révolution sociale. Et même après. Votez juste pour vous. Ni Dieu, ni maître, ni anarchiste ! Juste l’anarchie ! Le communisme libertaire, pour faire court. »

Jean-Marc Raynaud
 

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