★ L’ABSTENTIONNISME LIBERTAIRE : DE LA DÉMOCRATIE PARLEMENTAIRE À LA GESTION SOCIALE DIRECTE

Publié le par Socialisme libertaire

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★ Article du Monde Libertaire - 14 avril 2011.  
 

« Politiser l’abstention 
Les récentes élections cantonales et les très prochaines présidentielles (2012) sont l’occasion de remettre au goût du jour l’abstentionnisme que nous, anarchistes, portons depuis des années pour dénoncer l’illusion électorale et proposer une autre façon de prendre les décisions et, de fait, de gérer la société. D’autant que, face à une droite de plus en plus désavouée – y compris par ceux qui l’ont portée à la présidence – et une gauche désunie, qui préfère s’enliser dans des querelles de pouvoir au sein de ses partis et qui, globalement, porte un programme politique très proche de ce que propose la droite, nombre de votants sont tentés par le populisme du Front national ou une abstention apolitique. Il est donc essentiel que les anarchistes fassent valoir à nouveau une autre voie, celle d’une abstention politique, porteuse à la fois d’une critique du système démocratique parlementaire et d’un projet de transformation globale de la société.

Critique de la démocratie parlementaire 
Le principe de démocratie parlementaire en application dans notre pays depuis quelques siècles est, malgré les discours répétés sur la liberté qu’il serait censé incarner, une dépossession effective de la souveraineté individuelle et collective (populaire) puisqu’il confie la gestion de la société (autrement dit, l’ensemble des choses qui nous concernent) à l’État, c’est-à-dire à quelques individus renouvelés – ou non – toutes les X années. Certes, ces individus sont au préalable élus par le peuple (c’est-à-dire, en France, par les hommes et les femmes de nationalité française âgés de 18 ans ou plus), mais une fois les élections passées, ils ont carte blanche pour faire ce que bon leur semble, qu’ils aient ou non l’appui (ne serait-ce que de la majorité) de la population qu’ils gouvernent. L’exemple actuel d’un président de la République qui, bien que désavoué par plus de 75 % des Français, tire toujours les ficelles de nos vies, est éloquent. Il en va de même pour la réforme des retraites qui, malgré un mouvement social qui jetait hebdomadairement dans les rues françaises plusieurs millions de personnes, a été adoptée dans le mépris le plus total de l’opposition sociale. En réalité, donc, en démocratie parlementaire, le peuple ne dispose pas d’une souveraineté sur la gestion des choses qui le concernent, mais seulement du choix – toujours très réduit – des personnes qui le feront à sa place jusqu’aux prochaines élections où, à nouveau, il pourra revivre la même mascarade.
Certains me rétorqueront qu’il est possible d’exercer – ou d’instaurer – un contrôle des élus, de manière à éviter que ces derniers ne se coupent des préoccupations et des volontés du peuple qu’ils sont censés représenter. Mais, dans une société de classes comme la nôtre – une société capitaliste – dont la démocratie parlementaire est, nous le verrons plus loin, l’une des principales garantes, comment le peuple, qui en grande partie passe son temps à travailler pour gagner sa vie, aurait-il le temps de s’intéresser aux affaires politiques dans les mains de ses représentants ? Et, quand bien même trouverait-il du temps pour y jeter un œil ou une oreille, en aurait-il encore suffisamment pour s’adonner à l’instruction, à la réflexion, à l’analyse et aux discussions nécessaires à la bonne compréhension de ces mêmes affaires ? Il est évident que non, le peuple n’a fondamentalement pas de quoi comprendre les multiples intrigues politiques que fomentent tous les jours ses dirigeants qui, rémunérés pour leur mandat, peuvent s’y adonner quotidiennement. Autrement dit, la démocratie parlementaire, en professionnalisant la politique (au sens de gestion de la société), l’a rendue inaccessible à ceux qui n’en font pas leur « travail » – les travailleurs –, leur enlevant, de fait, la possibilité de gérer eux-mêmes collectivement, la société. Alors non, il est clair que le peuple n’est pas en mesure de pouvoir exercer un véritable contrôle sur ses élus. Et, de fait, la démocratie parlementaire n’est pas une « démocratie » au sens propre du terme (pouvoir du peuple), mais une oligarchie, puisque la gestion de la société repose dans les mains d’un groupe d’individus incontrôlables.
Basée sur le vote majoritaire, la démocratie parlementaire implique toujours la soumission et le désaveu des souhaits d’une partie, souvent très large, de la population. Car dans ce système, seul suffit l’obtention de l’accord d’une majorité pour, après une élection, confier à quelques individus la gestion de toute une société ou, après un vote dans les instances décisionnaires gouvernementales, pour valider une loi. La minorité, quelle que soit son importance, n’a rien à dire et ses souhaits ne sauraient être pris en compte. L’exemple des dernières élections présidentielles, qui portèrent au pouvoir un individu réprouvé par presque la moitié des votants (46,94 %), suffit à en témoigner largement. Même s’il est toujours préférable que ce soit une majorité de personnes qui décide plutôt qu’une minorité, la démocratie parlementaire n’offre cependant aucune possibilité pour que la minorité ne soit pas complètement exclue et rejetée : aucun consensus n’est recherché, ni possible.
En outre, bien que toujours brandie comme le meilleur des systèmes, comme le modèle à suivre mondialement, force est de constater, sans difficulté aucune, que la démocratie parlementaire n’a jamais éliminé les inégalités sociales, l’exploitation économique et les rapports de domination dans la société. Au contraire, non seulement elle ne les a pas supprimés, mais elle les a entretenus. Car, fondamentalement, le principe électoral de la démocratie parlementaire est là pour choisir au fil du temps les individus qui composent l’appareil étatique. Et en renouvelant ainsi systématiquement à des échelles de temps et de hiérarchie interne différentes ses forces vives, le principe électoral contribue à pérenniser l’existence de l’État. Or, celui-ci étant le principal rempart du capitalisme, puisque créé pour maintenir une « paix sociale » destinée, il va de soi, à préserver les intérêts des puissances économiques qui l’ont construit, on ne peut espérer voir un jour les élections changer en profondeur la société.
De même, ce lien naturel et inévitable entre la démocratie parlementaire et l’existence de l’État, outre le fait qu’il condamne les élections à ne pouvoir jamais changer fondamentalement la donne sociale, impose au peuple le principe même de l’existence d’un gouvernement. On ne lui demande jamais, en effet, de se prononcer sur le bienfondé de l’idée gouvernementale, mais sur les gens qui l’incarneront ou, à la rigueur, sur la forme qu’elle prendra (république, monarchie parlementaire, etc.) L’idée de gouvernement étant ainsi admise de fait et non discutable, la démocratie nous condamne à vivre sous l’autorité. Le choix qu’elle nous offre en matière de politique est donc extrêmement réduit et à relativiser largement.
Si la légitimité du système démocratique parlementaire demeure toujours importante dans l’opinion publique, elle ne l’est plus autant depuis quelques années, un certain nombre d’individus s’étant concrètement rendu compte de ses limites : certains en constatant la dépossession de souveraineté individuelle et collective qu’elle incarnait, d’autres ne croyant désormais plus à sa capacité à répondre au problème social. Les taux d’abstention records obtenus aux échéances électorales de ces dernières années témoignent clairement de cette baisse de confiance dans le bulletin de vote. Sans doute inquiétés par cette désertion des urnes, nos dirigeants et autres politiciens se sont empressés, à grands coups de critiques de l’abstention et de culpabilisation des abstentionnistes, de renverser la donne. Parmi eux, et notamment du côté de la gauche socialiste, certains se sont mis à proposer une « démocratie participative », pensant ainsi répondre, par l’illusion, au problème posé par la mise à l’écart des citoyens dans les prises de décision. Dans cette logique, on a pu voir fleurir, ces dernières années, des conseils de quartier, des assemblées de citoyens et autres réunions organisées par (ou avec) les autorités municipales, et pendant lesquelles on nous agite le hochet de la démocratie participative. Mais, en réalité, les prises de décisions auxquelles peuvent participer les citoyens dans le cadre de ces instances s’inscrivent toujours sur une petite échelle, locale, et frôlent parfois la superficialité méprisante (comme, par exemple, choisir la peinture des grilles du parc du quartier…). Cette participation ne concerne et ne concernera jamais, dans ce cadre, des décisions importantes touchant les domaines clés de la vie de la société (comme l’économie, par exemple) à une échelle plus large que celle des rues du quartier. Au fond, sous couvert de donner aux citoyens la possibilité de s’exprimer et de participer aux prises de décisions, la démocratie participative, telle qu’elle est aujourd’hui pratiquée par les autorités municipales, ressemble davantage à de la com’ politique qu’à une volonté d’instaurer une véritable gestion sociale. Ce n’est pas une alternative à la démocratie parlementaire, ce n’est qu’une tentative de lui redonner un peu de légitimité auprès de ceux qui n’y croient plus.

Réflexions autour d’une gestion sociale directe 
Beaucoup d’anarchistes ont coutume d’opposer l’autogestion à la société démocratique parlementaire mais, personnellement, et même si cela recouvre les mêmes propositions, je préférerais parler de socialisme libertaire, terme qui me semble plus approprié (les choses ne se gèrent jamais toutes seules automatiquement, mais seulement avec l’action humaine, sociale). Le socialisme libertaire – ou, pour ceux qui préfèrent, société autogérée – est un système dans lequel la gestion de la collectivité est sociale, c’est-à-dire qu’elle permet et implique la participation effective de l’ensemble des individus qui y vivent. Pour ma part, cette gestion sociale s’articulerait autour de deux types de structures sociales qui constituent la base de la société : les syndicats – c’est-à-dire les organisations rassemblant les travailleurs – et les municipalités – les structures réunissant l’ensemble des individus formant une collectivité, travailleurs ou non. À cela, nous pourrions rajouter la fédération, qui permet d’établir un lien permanent entre les collectivités pour une gestion sociale à grande échelle. Prenons le temps de nous attarder un peu sur une telle organisation de la société.
Les syndicats, qui rassemblent les travailleurs d’une même profession, auraient en charge la gestion de l’économie. Ce sont eux qui organiseraient le monde du travail, la production et la distribution. Par leur biais, l’ensemble des travailleurs participerait à la gestion de son lieu et de son outil de travail : organisation du temps, méthode de travail, gestion technique et administrative de l’entreprise, etc. Les travailleurs ne seraient ainsi soumis à aucune autorité patronale, sauf s’ils choisissaient eux-mêmes de se doter d’une hiérarchie (mais c’est peu probable, du moins espérons-le).
Par souci de coordination et d’organisation, et parce que la société de demain ne pourra fonctionner que sur une échelle locale, les syndicats devront rassembler les travailleurs à plusieurs niveaux, comme c’est le cas, actuellement, dans le syndicalisme de lutte : à l’échelle de l’entreprise, à l’échelle de la profession, et à l’échelle de l’industrie. Prenons, par exemple, la fabrication de jeans : les travailleurs s’organiseraient à l’échelle de l’unité dans lequel ils fabriquent ce type de pantalons, à l’échelle de la profession des fabricants de jeans, et à l’échelle de l’industrie du textile.
Les syndicats seraient donc le cadre d’une gestion sociale du travail dans laquelle l’ensemble des travailleurs serait pleinement impliqué, tant dans la production que dans le fonctionnement de l’entreprise. Ils ne seraient plus seulement des travailleurs, ils seraient aussi acteurs et décideurs de l’organisation de l’ensemble du secteur professionnel auquel ils appartiennent. De cette manière, ils disposeraient d’un plein contrôle de leur activité : ils ne travailleraient plus pour et sous les ordres d’un patron, mais pour eux-mêmes, pour la société et, surtout, comme ils l’auraient décidé ensemble. Il ne s’agirait même plus de gestion participative du travail, mais de gestion collective : personne n’appellerait les travailleurs à participer à la gestion de quoi que ce soit, ce seraient eux qui, collectivement, organiseraient la vie et l’aménagement de leur travail, tant sur une échelle locale que globale.
La municipalité, quant à elle, réunirait l’ensemble d’une collectivité (c’est-à-dire un ensemble de personnes librement associées entre elles sur des bases géographiques et/ou affinitaires), travailleurs ou non. Ce serait l’élément central et souverain de la gestion sociale. Ce serait elle qui définirait les besoins de la collectivité, ce travail d’analyse permettant de fixer aux syndicats les quantités et les qualités de biens et de services à produire. Le fait que cette décision revienne aux municipalités et non aux syndicats est essentiel pour s’assurer que ceux qui ne travaillent pas – enfants, vieillards, invalides, etc. – ne soient pas rejetés et qu’ils puissent eux aussi voir leurs besoins comblés en étant acteurs des décisions prises au sein de l’assemblée. En revanche, si les besoins définis par la collectivité venaient à être remplis, la municipalité n’aurait pas son mot à dire dans l’organisation interne du travail, celle-ci ne relevant que des travailleurs, seuls concernés.
La municipalité serait également l’instance par laquelle la collectivité gérerait son espace public (aménagement urbain, etc.). C’est aussi à elle que reviendrait l’organisation de la gestion des tâches indispensables, qui pourraient être délaissées dans un système qui se refuse d’imposer à qui que ce soit une profession qu’il ne voudrait faire (par exemple l’entretien urbain, la circulation, etc.). Ces tâches seraient confiées par roulement à l’ensemble « capable » de la collectivité.
Tout comme les syndicats, il serait impératif que les municipalités se rassemblent et se fédèrent entre elles à différentes échelles géographiques, de manière à tisser des liens et des interconnexions permanents. La fédération, structure nécessaire à la gestion d’une société globale, permettrait d’établir la « centralisation » indispensable à l’exécution de décisions débattues et prises par les structures de base (municipalités, syndicats) au sein des structures fédérales et concernant des projets collectifs de grande ampleur, tels les transports (chemins de fer, autoroutes), les communications (téléphone, internet), le réseau des institutions sanitaires (hôpitaux), entre autres.
Évidemment, en fonction des échelles géographique et démographique sur lesquelles s’organiserait une semblable gestion collective – aussi bien au niveau des syndicats, des municipalités et des fédérations –, la tenue des assemblées nécessiterait inévitablement la mise en place de délégations représentatives : au-delà d’un certain nombre de personnes concernées, les assemblées ne pourraient se tenir qu’avec des délégués. Mais, inscrites dans une démarche libertaire, ces délégations ne devraient reposer que sur des mandats clairs et contrôlés : chaque délégué ne pourrait venir porter et soutenir à l’assemblée que le discours élaboré et validé par ceux qui l’auraient mandaté. Outre la délégation représentative, le mandatement serait aussi essentiel et nécessaire au fonctionnement de la société (notamment administratif) car, là encore, il va de soi qu’il sera impossible que tout un chacun s’occupe de tout tout le temps : tout le monde ne dispose pas de l’expérience, de la connaissance et de la disponibilité requises pour mener à bien telle ou telle tâche. Mais, afin que le mandaté ne se transforme pas en « chefaillon » de par ses responsabilités, il serait soumis, tout comme le délégué, au contrôle de son activité par l’assemblée. S’il venait à sortir des cadres de son mandat, ou s’il l’accomplissait d’une piètre façon, il pourrait se voir révoqué dans l’immédiat, qu’il ait ou non fini la période pour laquelle il aurait été nommé. Ainsi les mandatés, choisis pour une tâche définie et une durée limitée et pouvant être contrôlés et congédiés par l’assemblée, seraient dans l’incapacité de transformer le pouvoir temporaire dont ils disposent en instrument de domination.
Pour finir, et afin de rompre avec ce que l’on a appelé la « dictature de la majorité », les prises de décisions au sein des assemblées – que ce soient celles des syndicats, des municipalités ou de la fédération – se feraient après la recherche préalable d’une unanimité, imposant ainsi le débat, la transparence et la mise en place d’un consensus, et évitant les manipulations et autres coups bas si fréquents lorsqu’il s’agit de simplement conquérir à tout prix une majorité. Si toutefois l’unanimité n’était pas obtenue, c’est l’avis majoritaire qui l’emporterait. L’on pourrait ici me rétorquer que ce serait retomber dans les travers de la démocratie parlementaire, mais il n’en est rien. Car ce n’est pas le vote au suffrage universel qui est critiquable en soi, mais son usage au sein d’un système d’exploitation et de domination politico-économique où, comme nous l’avons vu précédemment, il est utilisé comme un moyen de pérenniser l’appareil étatique et les intérêts de la bourgeoisie capitaliste. Mais dans une société anarchiste, où il n’y a plus ni aliénation économique ni oppression politique, le vote au suffrage universel demeure le moyen le plus juste pour prendre des décisions qui ne parviendraient pas à faire consensus. Car il va de soi que, comme dans toute vie sociale, des décisions devront être prises constamment en société libertaire, et, même si l’unanimité n’est pas obtenue, il faudra tout de même bien choisir et se décider, le risque étant de tomber dans un immobilisme destructeur. Dans ce cas-là, le vote au suffrage universel sera toujours meilleur que, comme le disait Michel Bakounine, « le suffrage restreint [ou] le despotisme d’un seul » (1). Professer le contraire et s’opposer au principe même de vote comme dernier recours à une prise de décision, reviendrait, une fois de plus, à nous déconnecter de la réalité.
Il va de soi qu’il ne s’agit là que de quelques pistes de réflexion autour d’une gestion sociale de la société, et non d’un quelconque programme politique destiné à diriger le mouvement social. Ce ne sont que quelques orientations nécessaires et à creuser davantage, car, comme le disait Pierre Besnard, « il faut, j’en suis absolument certain, laisser à l’improvisation le minimum de travail. On improvisera toujours trop, parce qu’on n’aura pas assez préparé. Trop de défaites viennent de la marge trop large laissée à l’improvisation de bavards ignorants ou gens bien intentionnés mais incapables. Sans vouloir enfermer la vie dans un cadre rigide, il faut savoir, au moins d’une façon générale – et détaillée si possible – ce qu’on veut, où l’on va et comment on veut y aller » (2).

Le dogme abstentionniste 
L’abstentionnisme ainsi conçu – l’abstentionnisme libertaire – n’est plus le synonyme d’un désintérêt pour les affaires et la vie de « la Cité », mais la caractérisation d’un rejet et d’un refus de participer à des mécanismes de pouvoir qui non seulement nous dépossèdent de la capacité à gérer nous-mêmes collectivement notre société, mais rendent aussi quasi impossible toute transformation sociale profonde. Et, à partir de cette critique, l’abstentionnisme est également une force de proposition d’un autre type de société dans laquelle tout un chacun serait partie intégrante des prises de décisions. Pour autant, gardons-nous d’ériger l’abstentionnisme en dogme « sacro-saint » qui biaiserait la rationalité de nos raisonnements. Car, dans certaines situations, prendre part à la mascarade électorale en allant mettre son bulletin dans l’urne peut s’avérer stratégique. Ce fut le cas, par exemple, en 1936, lorsque la centrale anarcho-syndicaliste CNT appela les ouvriers à se rendre aux urnes pour voter massivement en faveur du Front populaire, et ceci afin de permettre, en cas de victoire, que les 30 000 prisonniers politiques qui croupissaient dans les geôles de la république soient libérés. Devant de telles situations d’urgence pratique, il est évident qu’il faut savoir dépasser ses postulats idéologiques. Les dogmes n’ont jamais rien eu de bon, évitons donc d’en ériger de nouveaux, fussent-ils libertaires. »


Notes : 

1. Lettre intitulée « La situation politique en France », rédigée à Lyon, le 29 septembre 1870-début octobre 1870. Citée par René Berthier dans Kropotkine, une approche scientifique de l’anarchisme, texte disponible sur le site Monde Nouveau.

2. Pierre Besnard, Les Syndicats ouvriers et la Révolution sociale, Le Monde nouveau, 1978.

 

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