★ ESCLAVES SANS CHAÎNES, MAIS ALIÉNÉS

Publié le par Socialisme libertaire

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L’esclavage humain a atteint son point culminant à notre époque sous forme de travail librement salarié.

George BERNARD SHAW


« La conscience de sa propre condition d’esclave est difficile à connaître tant on nous explique et on nous conditionne, au sein de leurs institutions, à penser que nous serions des citoyens et travailleurs libres.

Ce système de propriété absolue, organise le fait qu’on ait à vendre notre force de travail physique ou intellectuelle contre de l’argent, et que si vous refusez, vous vivrez dans la misère. Ce système politique organise des élections pour qu’on ait à croire que nous sommes libre, et que si vous n’y participez pas, c’est que vous êtes contre la démocratie (de quelle démocratie parlent ils ?). Peut-on considérer que le chantage ainsi initié est basé sur une relation de liberté ? Non évidemment, c’est un système basé sur la violence d’un rapport maître / esclave (patron / salarié ; élu / électeur), on se doit à l’obéissance à leurs règles ou on sera soumis à une punition. Il n’y a aucun rapport d’égalité entre un maître et un esclave, donc aucune liberté.

Pour survivre, nous devenons, de manière temporaire ou à vie, la propriété d’un individu (patron/dictateur) ou d’une entité (État), qui possède un droit d’usage sur sa propriété (de manière réelle ou symbolique), dans des formes dures ou douces. Nous sommes leur propriété et ils ont autorité sur leur propriété. Au sein d’un État ou d’une entreprise la forme de gestion peut-être dure ou douce, ça dépend de la tension économique et sociale en son sein et de la concurrence externe. Évidemment, pour les tenants du pouvoir de la structure, ils vont soit user de force ou être plus souple (méthodes managériales) lorsque la force devient contre-productive.

Historiquement, dans l’antiquité lors de guerres, un prisonnier était considéré comme un butin, un esclave. Lors des diverses invasions et colonisations d’empires, la traite humaine était le fait d’une action commerciale (comme font les mafias) soumettant les “peuples” moins guerriers à donner des esclaves en contrepartie de protection et de non agression. Dans la période moderne, les anciens esclavages sont vantés comme étant abolis, cependant des individus sont soumis à un maître pour quelques heures par jour, de manière déterminé ou indéterminé, en contrepartie de conditions salariales, on les appellera des esclaves légaux/salariés. Ces derniers ont certes des conditions différentes (notamment le niveau de violence exercé par des maîtres sur les esclaves est légalement limité) dans la forme, mais dans le fond ça reste le même rapport hiérarchique de subordination violente. On pourrait s’offusquer des termes “travailleurs esclaves” ou “esclaves salariés”, en “utilisant un terme qui se compare” avec les conditions indignes que vivaient les esclaves de la traite négrière, traite des blanches ou autres, mais si cela gène certains, est ce que la condition de subordonné “travailleur esclave” leur convient ? Quand après avoir payé son loyer, ses assurances et sa nourriture nécessaire et qu’il ne reste en fin de compte au mieux que 20€ ou au pire que vous vous endettez pour pouvoir manger ou que vous sombrez dans la pauvreté, ce n’est pas une situation de liberté, ce n’est pas une vie enviable, ce n’est pas un choix volontaire ! c’est le fait d’une organisation systémique de la propriété rendant le luxe, la richesse et la puissance à certains et la pauvreté et l’esclavage aux autres ?

La société capitaliste moderne va concentrer tout dans l’idéologie du “travailleur libre” dans une économie de “marché libre”, avec un cadre politique “libre” ou pas (même les dictatures affirmées se vantent de “libertés”). Ceci dans le but certain de dissimuler la hiérarchie et la société de classe et le système capitaliste qui structure les rapports de pouvoir. Du coup, en tant que travailleur sincère et acquis inconsciemment à l’idéologie du système, très tôt apprise à l’école, on pense travailler pour soi et au “bien commun”, on veut faire un travail bien fait pour mieux vivre, on veut une bonne note, on croit mériter notre salaire, on arrive même parfois à penser que “propriété = liberté“, mais en fait, on travaille pour un maître, pour un propriétaire, pour un système de marché concurrentiel, on lui rapporte notre énergie et de la monnaie. Pendant ce temps, ce système, aidé par l’énergie qu’on lui fournit, détruit les sociétés humaines (ou non humaines) et leur environnement.

Certains libéraux vont mettre en avant la condition de travailleur “indépendant” (ou coopérativiste). ça peut faire illusion un temps, mais ne donne pas pour autant la “liberté”, car le capitalisme rend le travailleur quel qu’il soit dépendant et servile du bon vouloir de l’offre et la demande capitaliste ; le partage et l’entraide n’est pas la règle, seule la concurrence compte pour eux. La position d’esclave chômeur ou d’esclave RMIste n’est pas plus enviable, c’est dans une dépendance et une servilité à un État, avec une organisation politique d’exclusion bien réelle.

Nous sommes les esclaves de leurs conditions d’existence liées à leur sacro-sainte propriété privative et absolue. On n’a pas le droit de définir nos conditions d’existence par nous-même, car leur propriété privative et absolue est sacrée et l’alpha et l’oméga de leur système protégé avec force par leur État.

D’ailleurs quand les esclaves, de leur “forme dure” ou “douce” (travailleurs), se révoltent (les spartakistes, les zandj, les séminoles, …) ou tentent une révolution sociale (communards, magonistes, makhnovistes, anarchistes argentins et espagnols, etc.) on a le droit, de la part des maîtres propriétaires, au retour de pratiques esclavagistes plus dures nommées guerres ou dictatures.

L’intérêt des classes “supérieures”, aidés par les médias aux ordres, selon l’idée de “diviser pour mieux régner”, est que les conflits se fassent entre les travailleurs eux-mêmes et non des “travailleurs” contre ce système hiérarchique capitaliste. De nombreuses stratégies interne sont utilisées pour diviser, dont le “mérite” par le salaire (défini par les maîtres ; acheter le silence de certains de leurs employés), donner les bonnes places aux amis de la hiérarchie (du népotisme : mettre en avant ses “amis” ou les personnes les plus “proches”), le management qui est utilisé à des fins de réorganisation des lieux de travail et des personnes, en gros ils prennent place dans l’entreprise/l’État afin de ne laisser aucune place à une autre parole, à une autre pratique, et surtout pas à celle autonome et solidaire des travailleurs désirant ne plus suivre les règles de leur jeu… On le sait, en politique officielle ou en entreprise, la seule parole autorisée (publique ou privée) est une parole assimilable/réformiste qui va conforter d’un sens ou d’un autre le pouvoir de la structure de l’État et/ou de l’entreprise. Le reste est considéré comme “extrémiste”, utopiste ou dangereux, cela doit être marginalisé. Les médias mainstream sont des exemples particulièrement parlants pour diffuser les us et coutumes de la société hiérarchique. Il ne faut pas que ça parte sur des bases différentes de celles actuelles. Ils partent généralement du précepte “La liberté des uns s’arrête là où commence celle des autres“, ce précepte (diffusé largement sans explication) ne rejette aucunement cette société de classe, société de propriétaires pour qui leur liberté est leur propriété. Ce sont fondamentalement des partisans de la hiérarchie et de l’atomisme libéral.

Il faut donc reconnaître ces pratiques et idéologies esclavagistes de division au sein de nos lieux d’existences, ceci pour les neutraliser et poser d’autres bases libres et égalitaires. Le pouvoir tient à ce qu’on ait envi d’utiliser les outils électoraux afin de croire à un pouvoir réel, hors on sait que les élections politiques ou syndicales ne sont que des pièges et des illusions pour que rien ne bouge. Les seuls lieux de pouvoir sont là où on vit et travaille (qui ne sont généralement pas dans les mêmes lieux), la propriété est le ciment de leur système esclavagiste, pour se débarrasser de l’esclavage on doit se débarrasser de l’idéologie de la propriété, donc de l’Etat. Pour cela, l’organisation de conseils sans hiérarchies, réunissant uniquement les travailleurs et habitants, pour discuter des réalités du travail et des lieux de vie, du respect de la dignité des personnes au sein de ces lieux, que la peur de la hiérarchie cesse, que la relation de compétition et de séparation entretenue par les hiérarchies cesse en abolissant les hiérarchies, que le “à chacun son travail et sa paie” et que “le chacun pour soi” cesse, que les besoins réels et le travail soient posés et rediscutés collectivement afin de redéfinir les activités à effectuer pour y répondre.

Dépossédons les propriétaires de nos vies, abolissons l’esclavage, reprenons en main nos vies ! »

PM
 

L’homme n’est réellement libre qu’autant que sa liberté, librement reconnue et représentée comme par un miroir par la conscience libre de tous les autres, trouve la confirmation de son extension à l’infini dans leur liberté. L’homme n’est vraiment libre que parmi d’autres hommes également libres; et comme il n’est libre qu’à titre humain, l’esclavage d’un seul homme sur la terre, étant une offense contre le principe même de l’humanité, est une négation de la liberté de tous.

Bakounine, in "Catéchisme révolutionnaire" (1865)

Comme tous les êtres vivants, l’homme s’adapte et s’habitue aux conditions dans lesquelles il vit, et il transmet, par hérédité, les habitudes qu’il a acquises. Ayant vécu enchaîné depuis sa naissance et étant l’héritier d’une longue série d’esclaves, l’homme a cru, quand il a commencé à penser, que l’esclavage était la caractéristique même de la vie, et la liberté lui est apparue comme étant chose impossible. De la même façon, contraint depuis des siècle et donc habitué à attendre du patron le travail, c’est-à-dire le pain, et à voir sa propre vie perpétuellement à la merci de celui qui possède la terre et le capital, le travailleur a fini par croire que c’est le patron qui lui permet de manger et il demande naïvement comment il pourrait vivre si les maîtres n’existaient pas.

Errico Malatesta, in "L'Anarchie" (1902)

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