★ BAKOUNINE : OUVRIERS ET PATRONS

Publié le par Socialisme libertaire

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★ Bakounine : Théorie générale de la Révolution 
Extrait de la Deuxième partie : L'État et la propriété   
 Chapitre 3 : Ouvriers et patrons  
 

« Les philosophes doctrinaires, aussi bien que les juristes et les économistes, supposent toujours que la propriété est antérieure à l’Etat, tandis qu’il est évident que l’idée juridique de la propriété, aussi bien que la famille juridique, n’ont pu naître historiquement que dans l’Etat, dont nécessairement le premier acte fut de les constituer,

Faut-il répéter les arguments irrésistibles du socialisme, des arguments qu’aucun économiste bourgeois n’est jamais parvenu à détruire ? Qu’est-ce que la propriété, qu’est-ce que le capital, sous leur forme actuelle ? C’est, pour le capitaliste et pour le propriétaire, le pouvoir et le droit, garanti et protégé par l’Etat, de vivre sans travailler, et, comme ni la propriété ni le capital ne produisent absolument rien, lorsqu’ils ne sont pas fécondés par le travail, c’est le pouvoir et le droit de vivre par le travail d’autrui, d’exploiter le travail de ceux qui, n’ayant ni propriété ni capitaux, sont forcés de vendre leur force productive aux heureux détenteurs de l’une ou des autres.

Remarquez que je laisse ici absolument de côté cette question : par quelles voies et comment la propriété et le capital sont tombés entre les mains de leurs détenteurs actuels ? Question qui, lorsqu’elle est envisagée du point de vue de l’histoire, de la logique et de la justice, ne peut être résolue autrement que contre les détenteurs. Je me borne à constater, simplement, que les propriétaires et les capitalistes, en tant qu’ils vivent, non de leur propre travail productif, mais de la rente de leurs terres, du loyer de leurs bâtiments et des intérêts de leurs capitaux, ou bien de la spéculation sur leurs terres, sur leurs bâtiments et sur leurs capitaux, ou bien sur l’exploitation soit commerciale, soit industrielle, du travail du prolétariat — spéculation et exploitation qui constituent sans doute aussi une sorte de travail, mais un travail parfaitement improductif (à ce compte les voleurs et les rois travaillent aussi) -, que tous ces gens-là, dis-je, vivent au détriment du prolétariat.

Je sais fort bien que cette manière de vivre est infiniment honorée dans tous les pays civilisés  ; qu’elle est expressément, tendrement protégée par tous les Etats, et que les Etats, les religions, toutes les lois juridiques, criminelles et civiles, tous les gouvernements politiques, monarchiques et républicains, avec leurs immenses administrations policières et judiciaires et avec leurs armées permanentes, n’ont proprement pas d’autre mission que de la consacrer et de la protéger. En présence d’autorités si puissantes et si respectables, je ne me permets donc pas même de demander si cette manière de vivre, au point de vue de la justice humaine, de la liberté, de l’égalité et de la fraternité humaines, est légitime ? Je me demande simplement : à ces conditions-là, la fraternité et l’égalité, entre les exploitants et les exploités, et la justice ainsi que la liberté pour les exploités, sont-elles possibles ?

Supposons même, comme le prétendent Messieurs les économistes bourgeois, et avec eux tous les avocats, tous les adorateurs et croyants du droit juridique, tous ces prêtres du code criminel et civil, supposons que ce rapport économique des exploiteurs aux exploités soit parfaitement légitime, qu’il soit la conséquence fatale, le produit d’une loi sociale éternelle et indestructible ; toujours reste-t-il vrai que l’exploitation exclut la fraternité et l’égalité. Elle exclut l’égalité économique  ; cela s’entend de soi-même.

L’industrie capitaliste et la spéculation bancaire — laquelle finit toujours par absorber la première, l’une et l’autre étant obligées, sous la menace de la faillite, d’élargir sans cesse leur champ d’activité au détriment de la petite spéculation et de la petite industrie condamnées à être dévorées par elles- doivent s’efforcer d’être uniques et universelles.

Cette richesse est tout exclusive, et tend chaque jour à le devenir davantage, en se concentrant toujours entre un plus petit nombre de mains et en rejetant les couches inférieures de la classe moyenne, la petite-bourgeoisie, dans le prolétariat [1], de sorte que le développement de cette richesse est en raison directe de la misère croissante des masses ouvrières. D’où il résulte que l’abîme qui déjà sépare la minorité heureuse et privilégiée des millions de travailleurs qui la font vivre du travail de leurs bras, s’ouvre toujours davantage, et que plus les heureux, les exploiteurs du travail populaire, sont heureux, plus les travailleurs deviennent malheureux.

Supposons que je sois votre travailleur et vous mon patron. Si je vous offre mon travail au plus bas prix possible, si je consens à vous faire vivre du produit de mon travail, ce n’est certes pas par dévouement ni par amour fraternel pour vous — aucun économiste bourgeois, quelque idylliques et naïfs que soient les raisonnements de ces messieurs, lorsqu’ils se mettent à parler des rapports et des sentiments qui devraient exister entre les patrons et les ouvriers, aucun n’osera l’affirmer  ; non, je le fais parce que, si je ne le faisais pas, moi et ma famille nous mourrions de faim. Je suis donc forcé de vous vendre mon travail au plus bas prix possible, j’y suis forcé par la faim.

Mais — disent les économistes — les propriétaires, les capitalistes, les patrons sont également forcés de chercher et d’acheter le travail du prolétaire. C’est vrai, ils y sont forcés, mais pas également. Ah ! s’il y avait égalité entre le demandeur et l’offrant, entre la nécessité d’acheter le travail et celle de le vendre, l’esclavage et la misère du prolétariat n’existeraient pas. Mais c’est qu’alors il n’y aurait plus ni capitalistes, ni propriétaires, ni prolétariat, ni riches, ni pauvres, il n’y aurait rien que des travailleurs Les exploiteurs ne sont et ne peuvent être tels, précisément, que parce que cette égalité n’existe pas.

Elle n’existe pas, parce que dans la société moderne, où la production des richesses se fait par l’intervention du capital salariant le travail, l’accroissement de la population est beaucoup plus rapide que celui de cette production, d’où il résulte que l’offre du travail doit nécessairement en surpasser toujours davantage la demande, ce qui doit avoir pour conséquence infaillible la diminution relative des salaires. La production ainsi constituée, monopolisée, exploitée par le capital bourgeois, se trouve poussée, d’un côté, par la concurrence que se font les capitalistes entre eux, à se concentrer chaque jour davantage entre les mains d’un nombre toujours plus petit de capitalistes très puissants — les petits et moyens capitaux succombant naturellement dans cette lutte meurtrière, ne pouvant produire aux mêmes frais que les grands — ou même entre les mains de sociétés anonymes, plus puissantes par la réunion de leurs capitaux que les plus grands capitalistes isolés  ; d’un autre, elle est forcée, par cette même concurrence, à vendre ses produits au plus bas prix possible. Elle ne peut atteindre ce double résultat qu’en rejetant un nombre de plus en plus considérable de petits et moyens capitalistes, spéculateurs, commerçants et industriels, du monde des exploiteurs dans celui du prolétariat exploité  ; et en faisant, en même temps, des économies progressives sur les salaires de ce même prolétariat.

D’un autre côté, la masse du prolétariat augmentant toujours, et par l’accroissement naturel de la population, que la misère elle-même, comme on sait, n’arrête guère, et par le renvoi dans son sein d’un nombre toujours croissant de bourgeois, ci-devant propriétaires, capitalistes, commerçants et industriels — et augmentant, comme je viens de le dire, dans une proportion plus forte que les besoins de la production exploitée ou commanditée par le capital bourgeois — il en résulte une concurrence désastreuse entre les travailleurs eux-mêmes  ; car n’ayant d’autre moyen d’existence que leur travail manuel, ils sont poussés, par la crainte de se voir remplacés par d’autres, à vendre leur travail au plus bas prix possible. Cette tendance des travailleurs, ou plutôt cette nécessité à laquelle ils se voient condamnés par leur misère, combinée avec la tendance plus ou moins forcée des patrons à vendre les produits de leurs travailleurs, et par conséquent aussi à acheter leur travail, au plus bas prix possible, reproduit constamment et consolide la misère du prolétariat. Etant misérable, l’ouvrier doit vendre son travail pour rien, et, parce qu’il le vend pour rien, il devient de plus en plus misérable.

Oui, plus misérable, vraiment ! Car dans ce travail de forçat, les forces productives de l’ouvrier, abusivement appliquées, impitoyablement exploitées, excessivement dépensées et fort mal nourries, s’usent vite  ; et une fois qu’elles se sont usées, que vaut, sur le marché du travail, que vaut cette unique marchandise qu’il possède et dont la vente journalière le fait vivre ? Rien  ; et alors ? Alors il ne lui reste plus [...] qu’à mourir.

Quel est, dans un pays donné, le plus bas salaire possible ? C’est le prix de ce qui est considéré par les prolétaires de ce pays comme absolument nécessaire pour l’entretien d’un homme. Les économistes bourgeois de tous les pays sont d’accord sur ce point.

Donc, le prix courant du strict nécessaire est la mesure constante, ordinaire, au-dessus de laquelle les salaires des ouvriers NE peuvent s’élever ni longtemps ni beaucoup, mais au-dessous de laquelle ils tombent trop souvent, ce qui a toujours pour conséquence l’inanition, les maladies et la mort, jusqu’à ce qu’ait disparu un nombre de travailleurs suffisant pour rendre l’offre du travail non égale, mais conforme à la demande.

Ce que les économistes appellent l’égalité entre l’offre et la demande ne constitue pas encore l’égalité entre le demandeur et les offrants. Supposons que moi, fabricant, j’aie besoin de cent travailleurs et qu’il s’en présente sur le marché précisément cent, seulement cent — car s’il s’en présentait davantage, l’offre surpasserait la demande, il y aurait inégalité évidente au détriment des travailleurs, et par conséquent diminution de salaires. Mais puisqu’il ne s’en est présenté que cent, et que moi, le fabricant, je n’ai besoin, ni plus ni moins que de ce nombre précis, il semble au premier abord qu’il y ait entre nous égalité parfaite : l’offre et la demande étant toutes deux égales à cent, elles le sont nécessairement entre elles. S’ensuit-il que les ouvriers pourront exiger de moi un salaire et des conditions de travail qui leur assurent les moyens d’une existence vraiment libre, digne et humaine ?  du tout. Si je leur accordais ce salaire et ces conditions, moi, capitaliste, je ne gagnerais pas plus qu’eux, et je ne le gagnerais encore qu’à condition que je travaillerais comme eux. Mais alors, pourquoi diable irais-je me tourmenter et me ruiner en leur offrant les avantages de mon capital ? Si je veux travailler moi-même comme ils travaillent, je placerai ce capital autre part à intérêts aussi grands que possible, et j’offrirai même [...] mon travail à quelque autre capitaliste, comme ils me l’offrent à moi.

Si, profitant de la puissance d’initiative que me donne mon capital, je demande à ces cent travailleurs de venir le féconder par leur travail, ce n’est pas du tout par sympathie pour leurs souffrances, ni par esprit de justice, ni par amour de l’humanité. Les capitalistes ne sont pas philanthropes, ils se ruineraient à ce métier. C’est parce que j’espère pouvoir tirer de leur travail un gain suffisant pour pouvoir vivre convenablement, richement, et grossir mon cher capital en même temps, sans avoir besoin de travailler. Ou bien je travaillerai aussi, mais autrement que mes ouvriers. Mon travail sera de tout autre nature, et sera infiniment mieux rétribué que le leur. Ce sera un travail d’administration et d’exploitation, non de production.

Mais le travail d’administration n’est-il pas un travail productif ? Sans doute, il l’est, car sans une bonne et intelligente administration, le travail manuel ne produirait rien, ou produirait peu et mal. Mais au point de vue de la justice et de l’utilité de la production elle-même, il n’est pas du tout nécessaire que ce travail soit monopolisé en mes mains, et surtout qu’il soit rétribué davantage que le travail manuel. Les associations coopératives ont prouvé que les ouvriers savent et peuvent administrer fort bien les entreprises industrielles, par des ouvriers qu’ils élisent dans leur sein et qui reçoivent la même rétribution que les autres. Donc, si je concentre le pouvoir administratif en mes mains, ce n’est point du tout pour l’utilité de la production, c’est pour ma propre utilité, pour celle de l’exploitation. Comme maître absolu de mon établissement, je perçois pour ma journée de travail dix, vingt, et, si je suis un grand industriel, souvent cent fois plus que mon ouvrier n’en perçoit pour la sienne, malgré que son travail soit, sans comparaison, plus pénible que le mien.

Mais puisque l’offre et la demande sont égales, dira-t-on, pourquoi les ouvriers accepteraient-ils de pareilles conditions ? Le capitaliste ayant tout aussi besoin d’occuper cent ouvriers que les cent ouvriers d’être occupés par lui, ne s’ensuit-il pas qu’ils sont l’un comme les autres dans des conditions parfaitement égales, arrivant tous les deux sur le marché comme deux marchands également libres, au point de vue juridique au moins, et apportant, l’un, une marchandise qui s’appelle le salaire journalier, soit par jour ou à terme, et voulant l’échanger contre une autre marchandise qui s’appelle le travail journalier de l’ouvrier, de tant d’heures par jour  ; et l’autre apportant sa marchandise à lui, qui s’appelle son propre travail journalier, et qu’il veut échanger contre le salaire offert par le capitaliste. Puisque, dans notre supposition, la demande est de cent travailleurs, et que l’offre est de cent travailleurs aussi, il semble que des deux côtés les conditions sont égales.

Non, elles ne le sont pas du tout. Qu’est-ce qui amène le capitaliste sur le marché ? C’est le besoin de s’enrichir, de grossir son capital, et de se procurer la satisfaction de toutes les ambitions et vanités sociales, de se donner toutes les jouissances imaginables. Qu’est-ce qui amène l’ouvrier ? C’est le besoin de manger aujourd’hui et demain, c’est la faim. Donc, égaux au point de vue de la fiction juridique, le capitaliste et l’ouvrier ne le sont pas du tout à celui de leur situation respective, économique ou réelle. Le capitaliste n’est point menacé par la faim en arrivant au marché  ; il sait fort bien que s’il n’y trouve pas aujourd’hui les travailleurs qu’il cherche, il aura toujours quelque chose à manger pendant beaucoup de temps, grâce à ce capital dont il est l’heureux possesseur. Si les ouvriers qu’il rencontre sur le marché lui font des propositions qui lui paraissent insuffisantes, des conditions qui lui paraissent exagérées, parce que, loin de grossir sa fortune et d’améliorer encore davantage sa situation économique, ces propositions et ces conditions pourraient, je ne dis pas l’égaliser, mais seulement la rapprocher quelque peu de la situation économique de ces mêmes ouvriers dont il veut acheter le travail, alors que fait-il ? Il les refuse et il attend. Ce qui le presse n’étant pas la nécessité, mais le désir d’améliorer une position qui, comparée à celle des ouvriers, est déjà très confortable, il peut attendre. Et il attendra, parce que l’expérience des affaires lui a appris que la résistance des ouvriers, qui, n’ayant ni capitaux, ni confort, ni grandes épargnes, sont pressés, eux, par une nécessité impitoyable, par celle de la faim  ; il sait que cette résistance ne peut durer trop longtemps et qu’il trouvera enfin les cent ouvriers qu’il cherche et qui seront forcés d’accepter les conditions qu’il trouvera utile pour lui-même de leur imposer. Si ceux-ci les refusent, d’autres viendront qui seront trop heureux de les accepter. C’est ainsi que les choses se passent chaque jour au vu et à la connaissance de tout le monde.

Le capitaliste vient donc sur le marché en homme, sinon absolument libre, au moins infiniment plus libre que l’ouvrier. C’est la rencontre du lucre avec la faim, du maître avec l’esclave. Juridiquement, ils sont égaux  ; économiquement, l’ouvrier est le serf du capitaliste, même avant la conclusion du marché par lequel il lui vendra à terme sa personne et sa liberté, parce que cette menace terrible de la faim, qui est chaque jour suspendue sur lui et sur toute sa famille, le forcera d’accepter toutes les conditions qui lui seront imposées par les calculs lucratifs du capitaliste, du chef d’industrie, du patron. Une fois que le marché est conclu, le servage de l’ouvrier devient double.

Charles Marx, l’illustre chef du communisme allemand, observe justement, dans son magnifique ouvrage [...] Le Capital, que si le contrat qui se conclut librement entre les vendeurs d’argent, sous la forme de salaires, à telles conditions de travail, et les vendeurs de leur propre travail, c’est-à-dire entre les patrons et les ouvriers, au lieu d’être conclu à terme seulement, [avait] été conclu pour la vie, il constituerait un réel esclavage. Conclu à terme et réservant à l’ouvrier la faculté de quitter son patron, il ne constitue qu’une sorte de servage volontaire et passager. Oui, passager et volontaire, seulement au point de vue juridique, mais nullement à celui de la possibilité économique. L’ouvrier a bien toujours le droit de quitter un patron, mais en a-t-il les moyens ? Et s’il le quitte, sera-ce pour recommencer une existence libre, où il n’aurait d’autre patron que lui-même ? Non, ce sera pour se vendre à un nouveau patron. Il y sera poussé fatalement par cette même faim qui l’avait déjà vendu au premier Donc sa liberté, cette liberté de l’ouvrier qu’exaltent tant les économistes, les juristes et les républicains bourgeois n’est qu’une liberté théorique sans aucun moyen de réalisation possible, par conséquent une liberté toute fictive, un mensonge. La vérité est que toute la vie de l’ouvrier ne présente autre chose qu’une continuité désolante de servages à terme, juridiquement volontaires, mais économiquement forcés, une permanence de servages, momentanément interrompus par la liberté accompagnée de la faim, et, par conséquent, un réel esclavage.

Cet esclavage se manifeste dans la pratique de chaque jour, de toutes les manières possibles. En dehors des conditions déjà si vexatoires du contrat, qui font de l’ouvrier un subordonné, un serviteur obéissant et passif, et du patron un maître quasi absolu, il est notoire qu’il n’existe presque pas d’établissement industriel où le maître [...] ne transgresse ces conditions à son profit et au détriment de l’ouvrier : tantôt en lui demandant plus d’heures, ou de demi-heures ou de quarts d’heures de travail qu’il n’était convenu, tantôt en diminuant son salaire sous des prétextes quelconques, tantôt en le frappant d’amendes arbitraires ou en le traitant durement, d’une manière impertinente et grossière. Mais alors l’ouvrier doit le quitter, dira-t-on. C’est facile à dire, mais non toujours à exécuter. Quelquefois l’ouvrier a pris des avances, sa femme ou ses enfants sont malades, ou bien l’ouvrage dans sa branche d’industrie est mal rémunéré. D’autres patrons paient encore moins que le sien, et, en quittant celui-là, il n’est pas toujours sûr d’en trouver un autre. Et pour lui, nous l’avons dit, rester sans travail, c’est la mort. D’ailleurs, tous les patrons s’entendent et tous se ressemblent. Tous sont presque également vexatoires, injustes et durs.

N’est-ce pas une calomnie ? Non, c’est dans la nature des choses et dans la nécessité logique des rapports qui existent entre les patrons et leurs ouvriers. »

Mikhaïl Bakounine


NOTE : 

[1] Dans le Manifeste, Marx et Engels écrivaient que « la concurrence précipite constamment les individus de cette classe [la petite-bourgeoisie] dans le prolétariat. Qui plus est, avec le développement de la grande industrie, ils voient approcher le moment où ils perdront toute autonomie dans la société moderne et seront remplacés dans la commerce, la manufacture et l’agriculture par des contremaîtres et des domestiques » (Marx, Economie I, Pléiade, p. 185). Page 161.

 

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