★ LA GUERRE : L’ARGENT DU MILITARISME ET L’ENVERS DE LA MÉDAILLE
« Comme toujours les données économiques sont spécieuses, chacun les agence selon sa visée. Les coûts réels se dissimulent dans d’autres budgets, par exemple la recherche et développement militaire se nourrit de budgets privés, publics (nucléaire, biologie, chimie, etc.), et de productions non connues (auto productions, clandestines, fraudes etc.).
Budget armement dans le monde en dollar pour l’année 2022 : 2248 MD
Angleterre 60,4 MD
France 50,5 MD
Allemagne 49,5 MD
Voilà de quoi résoudre bien des problèmes économiques dans le monde et à peu de frais vu que ce budget mondial équivaut à 2,2% du même PIB.
Part des ventes d’armes dans le monde par pays pour l’année 2022 :
USA 40%
Russie 16%
France 11%
Chine 5,8%
Allemagne 4,2%
Cinq pays semblent se placer en tête pour 2023 : USA, France, Russie, Chine, Italie par ordre décroissant.
De prétendus experts valets des divers impérialismes, ou factotums des complexes militaro-industriels, ou lobbyistes de firmes capitalistes vont nous expliquer que la vente d‘arme rapporte de l’argent. Ces perroquets sont trompeurs :
USA : budget militaire 886 MD – export 143 = solde de 743 MD
France : budget 50,5 – export 27 = solde de 23,5 MD
Allemagne : le rapport budget armement / export était quasi équilibré, l’augmentation de son budget militaire, la baisse du PIB et des ventes d’armes, aboutissent à la croissance de son coût d’armement.
Ces chiffres évoluent suivant le contexte international, pour l’instant les soldes négatifs sont la règle générale notamment pour les USA de 743 MD, pour la France de 23,5 MD. C’est autant de moins pour le social. De plus pour clouer le bec de la volaille médiatique sur l’impact mondial de la guerre ukraino-russe de 1600 MD en 2O22 et de 1000 MD prévue pour 2023, estimations en 2022 pour la reconstruction de l’Ukraine 600/700 MD. L’impact économique, en sus des divers budgets armement, inclue les coûts: destruction matériel militaire et civil, démographie, médical, écologique, etc. Pour faire abonder les budgets militaires et éponger le déficit lié, soit vous augmentez les impôts ou diminuez les dépenses. Le système de classes oblige et le libéralisme étant érigé en dogme, la bourgeoisie incline à ne pas augmenter, voire à baisser, les impôts lui afférant et laisser détruire ou affaiblir les services publics, baisser les aides et les droits sociaux, (retraite, chômage, santé). Les riches le sont de plus en plus et une fraction majoritaire et croissante de la population est paupérisée tant dans le revenu directe que le revenu socialisé. Dans les prémisses de la guerre les États dopent leur complexe militaro-industriel, voire appliquent une économie de guerre. Cela peut, sur une durée courte, doper l’économie et l’emploi, mais, si le conflit dure, c’est comme il fut dit des larmes et du sang. Pendant la Seconde Guerre 39-45, les impôts augmentent considérablement mais aussi pour reconstruire l’après-guerre. N’oublions pas que si le vainqueur profite, le vaincu payera très cher. N’en déplaise aux matamores (qui jouent aux généraux dans les médias) grassement payés et planqués de l’arrière qui n’iront jamais aux tranchées.
Si la guerre est un désastre, pourquoi prendre un tel risque ?
Une fraction détentrice de capital (foncier, productif, financier, etc.) entend faire croître son capital, d’autres capitalistes plus faibles pour éviter de disparaître vont résister. Dans l’économie libérale, cela se fait par la concurrence, la fusion, la concentration. Quand le cadre de la régulation économique classique n’est plus efficace, l’action militaire est le moyen (La guerre continue la politique par d’autres moyens selon Clausewitz). La guerre plus insidieusement est aussi une réponse aux conflits sociaux (nationaux et internationaux). Lorsque la lutte des classes se dirige vers un risque insurrectionnel voire révolutionnaire, quoi de mieux qu’un ennemi commun ou une menace barbare à sa porte, pour ressouder la nation ou justifier une expédition militaire. Le nationalisme a cette fonction et permet le cas échéant de réprimer les opposants qualifiés d’ennemis de l’intérieur ou d’agent de l’étranger (assassinat de Jaurès). Si certaines guerres sont idéologiques (religion, culture) en grande partie, les guerres sont économiques. En Ukraine, nous observons que les arguments économiques, politiques, nationalistes, impérialistes sont utilisés concomitamment selon les besoins des belligérants. La traduction du texte de KRAS-AIT (Moscou) paru en mars 2022 dans Courant alternatif fait une analyse claire de la situation.
La finance loi de L’empire
Les accords de Yalta ne sont plus valides, il se joue une nouvelle configuration des rapports mondiaux. Dans ce prisme la finance est concernée. Depuis les accords de Bretton Woods le dollar est la monnaie d’échange mondiale. Les USA font tourner la planche à billet, ce qui dope leur production, leurs prêts, la valeur de change du dollar. Les USA sont devenus la plus grande puissance économique, les principaux banquiers du monde. Les réserves privées tout comme celles des États sont largement en dollar, soit 58% des réserves mondiales contre 20,5% pour l’Euro. L’affaiblissement du dollar déprécie l’épargne mondiale, malgré certains désaccords et critiques, tous finissent pour leurs intérêts sous les fourches caudines du dollar. Bien que les états prétextent le droit international, la souveraineté des nations, le droit des peuples à disposer d’eux même etc., mais selon leurs besoins, ils bafouent ces principes, comme disait si bien Bakounine pour les possédants le droit est celui du plus fort. Les USA et ses alliés, par le biais international ou, par le principe d’extraterritorialité appliquent leur domination. Le dollar est un des justificatifs et moyen de ce droit, qui permet des sanctions, boycotts, blocages d’avoir ou de transactions, dépréciations des autres devises. Afin de maîtriser leur autonomie et indépendance certains États créent des blocs (asean, bric, cee, mercosud, etc.) ou entendent se passer du dollar dans leurs échanges pour un échange en devise des pays concernés (dédollarisation), ce qui affaiblirai la puissance des USA. C’est bien ce que demande le bloc Bric et leurs nouveaux alliés, d’autres États entendent faire de même, même en Europe certains poussent en se sens. Il se joue en Ukraine la suprématie des USA et ses alliés, ou la montée en puissance de nouveaux blocs capitalistes (russe, chinois, etc.). Sans nier les enjeux locaux économiques (pétrole en Mer Noire, productions agricoles, gazoducs) ceux géostratégiques (contrôle Mer Noire et Azov, frontières OTAN, turques, Iran, débouchée méditerranée). Si l’Ukraine gagne, le système Poutine est menacée, la Russie peut basculer dans le bloc capitaliste libéral sous hégémonie des USA. Si la Russie gagne le bloc des économies émergentes casse la domination des USA. La situation actuelle d’un statu-quo serait le signal d’un affaiblissement des USA et alliés, mais aussi une limitation de la puissance russe. Un accord tacite type statu-quo est possible le temps nécessaire aux divers camps pour refaire ses forces préparer le coup d’après car aucun des camps ne renoncera à sa visée impérialiste. La guerre est financièrement terrible pour les plus pauvres.
Militaire c’est pas libertaire
Qui dit guerre dit militarisation, mobilisation générale, loi martiale, tribunaux militaires, pas question de grève surtout dans les usines centrales pour l’effort de guerre. La guerre induit l’unité nationale et de réprimer toutes oppositions, pas questions de manifestations et autres actions. Il suffit de revisiter l’histoire des conflits et l’évolution des législations concomitantes.
Si nous ne voulons pas subir il faut agir
L’atonie favorise les excités de la gâchette, mais des personnes désapprouvent ce qui ce passe. Expliquer que l’argent dépensée pour la guerre serait mieux employée pour les conditions de vie, il y a de quoi. Dire non à la guerre n’a pas d’effet sans exiger un désarmement mondial. Cette exigence n’évitera pas les divergences tactiques et stratégiques.
Certains libéraux et leur doux commerce pensent que le marché concurrentiel suffit. Mais si l’économie, c’est la guerre par d‘autres moyens, nous savons que l’inverse est vrai.
Les sociaux-démocrates toujours dans le compromis, ne voudront pas détruire le capitalisme mais ses aspects les plus nocifs ou brutaux (limiter la course aux armements par exemple), c’est leur devise d’un capitalisme à visage humain.
Certains voudront des accords : internationaux, supranationaux, souverainistes nous savons que ces accords sont futiles, seul l’action directe et la mobilisation sont actrices et garantes en la matière.
Les révolutionnaires anti-capitalistes viseront la suppression du capitalisme par l’Étatisme, nous savons que l’Étatisme ne rend pas obsolète la guerre.
Les anarchistes diront que toute guerre est conséquence de l’exploitation ou de la domination, faute de supprimer cela la guerre est permanente sous ses diverses formes.
Les divergences tactiques seront aussi présentes. Certains proposerons le jeu parlementaire, d’autres l’action directe. Nous aurons des pacifistes intégraux et des adeptes de l’action violente et des pragmatiques du dosage suivant le contexte. Comme toujours et au prétexte d’unité on tentera d’imposer une seule ligne. Nous savons que la lutte sociale n’est pas univoque, ceux qui parlent en son nom ne sont que fractions et quelques fois très minoritaires. Ces tantièmes pour s’imposer usent de ruses, manipulations, calomnies, exclusions. Ils structurent des commissions, comités, bureaux, secrétariats, manipulent des A-G, sabordent des actions dans le seul but d’imposer leur soi disant génie. Leurs succès est souvent le conflit dans les mobilisations, l’écœurement, la désaffection. Chacun a le droit de dire mais ne pas imposer. Il y a ceux qui d‘accord sur le fond diront que c’est trop tôt la masse n ‘est pas mobilisable actuellement, que souvent nous avons entendu cet argument. Par avant-garde, il faut distinguer si, nous avons une fraction d‘individus prenant en avance conscience d’une situation, ou des minorités directionnelles qui se pensent l’élite chargée de livrer un prêt à penser à la masse inculte. Curieuses avant-gardes qui se dérobent à son principe d’éduquer la masse qui reste inerte par défaut de ce principe. Le génie se noie dans le paradoxe, le paralogisme, si dire fait la chose mais que la chose est sourde comment la ou les masses arrivent sur la scène de l’histoire par quelles curieuses volontés. Dans les faits personne ne sait ce que pense cette masse, quant elle surgit les explications sont complexes et parcellaires. Bien souvent dans des luttes, la masse se trouve plus outillée que les minorités d’avant-gardes. Nous aurons ceux, grands stratèges, qui expliqueront que les contradictions du capitalisme n’ont pas atteint le stade de sa décomposition ou que la situation n’est pas arrivée au stade du basculement de la guerre impérialiste en guerre révolutionnaire. Il est vrai que les prolétaires soldats russes se soulevèrent et participèrent à la révolution russe de 1917. La position bolchevique pour la paix abouti à l’accord de Brest-Litovsk qui fit cesser la guerre russe avec l’Allemagne. Cette dernière portera tout son effort sur le flanc ouest. Certains belligérants comprirent qu’ils n’avaient rien à craindre d’un front avec les soviets et amplifieront leur effort de guerre, écraseront les opposants et diverses mutineries. Certes crosses en l’air mais les balles ne seront pas pour les généraux…
Il dira que la nature de l’Homme est guerrière, mais comment expliquer la nature des opposants à la guerre ? Une main peut frapper, elle peut aussi caresser, c’est un contexte social et non un déterminisme naturel qui fait l’action. Il dira que la preuve belliqueuse s’observe quand la foule s’entre-tue si on jette du pain, mais dans ce cas quelle est la nature du jeteur ? Il suffit que tout le monde ait du pain pour que cesse le trouble ; ce sont bien les conditions objectives de vies qui produisent les comportements (notons au passage que ce sont les conditions matérielles des capitalistes qui poussent à la guerre). Il dira que l’absence d’armes sophistiquées n’empêchera pas d’autres armes (épées, hache ,arc, etc.), sauf que les destructions sont non équivalentes. Les hypocrites se diront favorable, par principe, au désarmement rendu impossible vu que certains refusent ce principe, toujours cette petite sophistique du genre « augmenter les salaires oui mais faute à la concurrence ce n’est pas possible ». Remarquons que ces hypocrites savent contraindre quant cela leur importe. Nous, nos armes sont : la mobilisation populaire et son autonomie, la grève, le boycott, l’action directe, le sabotage en visant l’oppresseur et l’appui mutuel envers l’opprimé.
Ce qui uni rend fort et permet d’autres possibles
Sans nier les luttes spécifiques de certains groupes opprimés (couleur de peau, sexe, minorités etc.). Une mobilisation mondiale pour le désarmement comme toute action générale transcende les visions sectorielles, la lutte étroite voire nocive du corporatisme et du sectoriel. La lutte posée comme mondiale ne fait pas appel au nationalisme mais bien à tous ceux et celles qui se pensent appartenir à la même humanité au-delà des frontières. La lutte contre l’armement et la guerre dans une optique mondialisé c’est l’idée du bien, du bonheur, du juste, pour tous les êtres humains, c’est un imaginaire collectif universalisant. »
Caen janvier 2024
Jean Picard
- SOURCE : Le Café Anarchiste