★ Les dossiers noirs d’un certain fascisme rouge

Publié le par Socialisme libertaire

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Le 5 novembre 1944, à Montfort-sur-Boulzane (Aude), un groupe de « l'Union Nationale Espagnole » (staliniens espagnols) fusille 4 militants qui avaient refusé d'intégrer leur organisation : les socialistes Pedro Perez et José Ibanez, et les libertaires Antonio Rodriguez, et de Miguel Gonzales Espada.

 

« En avril 1917, Voline et Trotski, tous deux à New-York, se rencontrent dans une imprimerie. 

Voline prophétise la conquête du pouvoir par les marxistes de gauche et conclut : 

« …et alors, gare à nous autres, anarchistes ! Vous commencerez à nous persécuter dès que votre pouvoir sera consolidé. Et vous finirez par nous fusiller comme des perdrix… » Et Trotski réplique : « Allons, allons, camarade, vous êtes des fantaisistes têtus et incorrigibles. Voyons, qu’est-ce qui nous sépare actuellement ? Une petite question de méthode tout à fait secondaire. Comme nous, vous êtes révolutionnaires. Comme vous, nous sommes anarchistes en fin de compte. Seulement, vous, vous voulez instaurer votre anarchisme tout de suite, sans transition ni préparation. Tandis que nous, les marxistes, nous ne croyons pas possible de sauter d’un bond dans le royaume libertaire. Nous prévoyons une période transitoire au cours de laquelle le terrain pour la société anarchiste sera déblayé et défriché à l’aide d’un pouvoir politique anti-bourgeois : la dictature du prolétariat exercée par le parti prolétarien au pouvoir. En somme, il ne s’agit que d’une différence de nuance, sans plus… »

En décembre 1918, Voline est arrêté en Ukraine et les autorités en avisent Trotski par télégramme. La réponse est immédiate et peu nuancée : « Fusiller immédiatement. Trotski. » Mais grâce à la « sentimentalité déplacée des autorités locales » (dixit Trotski), Voline échappe à son sort. Il est comme cela des nuances fâcheuses.

Cette anecdote, rapportée par Voline (dans son livre “La révolution inconnue”), illustre très fidèlement les relations des anarchistes et des communistes et, d’une manière plus générale, les relations des bolcheviks avec les composantes révolutionnaires non ralliées. Des naïfs ont pu croire un temps qu’il s’agissait de bavures, de dérapages, mais la similitude des pseudo-révolutions marxistes « réussies » ici et là dans le monde réduit cette hypothèse à sa quintessence : un acte de foi pour marxiste illuminé. Comme dit l’humoriste : une fois c’est un accident, deux fois une coïncidence, dix fois une habitude. Le pourquoi de cette fatalité était déjà analysé par Bakounine, il tient lieu de formule : c’est le pouvoir qui transforme les hommes et non les hommes qui transforment le pouvoir. Et avant même d’atteindre ce pouvoir corrosif, les hommes sont transformés par les moyens qu’ils utilisent pour le conquérir. Surtout, comme dans le cas des bolcheviks, quand la seule éthique est l’efficacité, quand on ne recule ni devant le mensonge, ni devant l’intimidation, ni devant le meurtre. A ce point qu’entre communistes et fascistes, ce n’est plus qu’une question de nuance. »


> Le texte ci-dessus sert d’introduction à l’ouvrage “Les dossiers noirs d’une certaine résistance. Trajectoires du fascisme rouge“, paru aux éditions du CES, Perpignan, 1984.
Vous pouvez télécharger l’ouvrage au format PDF ici

 

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