★ Proudhon est-il le père de l’anarchisme ?

Publié le par Socialisme libertaire

Proudhon révolution anarchisme socialisme libéralisme antisémitisme judéophobie machisme misogynie homophobie

 

" Proudhon n’est ni socialiste, ni révolutionnaire, ni favorable à la lutte des classes et follement hostile aux femmes. Il est le petit boutiquier dans toute sa splendeur, partisan de l’individualisme à outrance, haineux vis-à-vis des Juifs, jaloux comme nombre de petits bourgeois des deux classes qui ont des perspectives historiques : le prolétariat révolutionnaire et le grand capital.

Il serait temps que les anarchistes qui sont révolutionnaires et du côté du prolétariat ne craignent plus de s’en démarquer...

Proudhon, anti-femmes ! 

« La femme est un diminutif d’homme L’être humain, complet, adéquat, à sa destinée, je parle du physique, c’est le mâle qui, par sa virilité, atteint le plus haut degré de tension musculaire et nerveuse que comportent sa nature et sa fin, et par là, le maximum d’action dans le travail et le combat. La femme est un diminutif d’homme à qui il manque un organe pour devenir autre chose qu’un éphèbe. Partout éclate la passivité de la femme sacrifiée, pour ainsi dire, à la fonction maternelle : délicatesse de corps, tendresse de chairs, ampleur des mamelles, des hanches, du bassin, jusqu’à la conformation du cerveau. En elle-même, la femme n’a pas de raison d’être ; c’est un instrument de reproduction qu’il a plu à la nature de choisir de préférence à tout autre moyen, mais qui serait une erreur, si la femme ne devait retrouver d’une autre manière sa personnalité et sa fin. Or, quelle que soit cette fin, à quelque dignité que doive s’élever un jour la personne, la femme n’en reste pas moins, de ce premier chef de constitution physique et jusqu’à plus ample informé, inférieure à l’homme, une sorte de moyen terme entre lui et le reste du règne animal. »

« De la justice dans la Révolution et dans l’Eglise »,
1858, " La femme est un joli animal ".

« L’infériorité intellectuelle de la femme vient de la faiblesse de son cerveau, comme son infériorité physique vient de la faiblesse de ses muscles. La force physique n’est pas moins nécessaire au travail de la pensée qu’à celui des muscles ; de sorte que, sauf le cas de maladie, la pensée, en tout être vivant, est proportionnelle à la force. Si la faiblesse organique de la femme, à laquelle se proportionne naturellement le travail du cerveau, n’avait d’autre résultat que d’abréger dans sa durée l’action de l’entendement, la qualité du produit intellectuel n’étant pas altérée, la femme pourrait parfaitement, sous ce rapport, se comparer à l’homme, elle ne rendrait pas autant, elle ferait aussi bien. La différence purement quantitative, n’entraînant qu’une différence de salaire, ne suffirait peut-être pas pour motiver une différence dans la condition sociale. Elle a l’esprit faux. »

« De la justice dans la Révolution et dans l’Eglise », 1858.
 

Proudhon anti-grèves et contre l’action directe sur le terrain social !

Le droit de coalition était le droit des ouvriers de se regrouper et d’imposer des augmentations de salaires.

Proudhon déclare :

« Non, il n’existe pas plus un droit de coalition qu’il n’y a un droit d’exaction, de brigandage, de rapine, un droit d’inceste, d’adultère. »

« De la capacité politique des classes ouvrières », 1868.

« L’augmentation des salaires et la réduction des heures de travail ne peuvent aboutir qu’à l’enchérissement universel. »

« De la Capacité politique des classes ouvrières »

« Je disais donc que les ouvriers, de Saint-Étienne et Rive-de-Gier, qui en 1845, sous l’impulsion d’un sentiment de justice que je ne nie pas, se coalisèrent et se mirent en grève, agirent en violation flagrante de la loi ; que pour donner à leur coalition une apparence de droit, ils auraient dû, au lieu de s’assembler tumultueusement, se former préalablement en compagnie ouvrière pour l’extraction des minerais, de même que les maîtres s’étaient formés en société anonyme pour l’exploitation en commun de leurs propriétés et la vente de leurs produits. Sans cette condition, lesdits ouvriers ne pouvaient être regardés que comme une multitude de perturbateurs qu’aucune forme légale ne protégeait contre les présomptions de la justice, et contre lesquels le Pouvoir était appelé à sévir malgré qu’il en eût. »

« De la Capacité politique des classes ouvrières »

« Sous menace de grève, les uns, c’est le très-grand nombre, ont exigé une augmentation de salaire, les autres une réduction des heures de travail ; quelques-uns les deux à la fois. Comme si vous ne saviez pas, de longue main, que l’augmentation des salaires et la réduction des heures de travail ne peuvent aboutir qu’à l’enchérissement universel ; comme si vous pouviez ignorer qu’il ne s’agit point ici de réduction ni d’élévation des prix et salaires, mais d’une péréquation générale, condition première de la richesse ! On est allé plus loin. On a prétendu imposer, avec l’augmentation des salaires, leur égalité. Triste réminiscence du Luxembourg, que le Manifeste des Soixante avait pourtant condamnée, en professant hautement la libre concurrence. »

Même ouvrage cité précédemment…

Autre citation :

« Tout mouvement de hausse dans les salaires ne peut avoir d’autre effet que celui d’une hausse sur le blé, le vin, etc., c’est-à-dire l’effet d’une disette. Car qu’est-ce que le salaire ? C’est le prix de revient du blé, etc. ; c’est le prix intégral de toute chose. Allons plus loin encore : le salaire est la proportionnalité des éléments qui composent la richesse et qui sont consommés reproductivement chaque jour par la masse des travailleurs. Or, doubler les salaires, c’est attribuer à chacun des producteurs une part plus grande que son produit, ce qui est contradictoire ; et si la hausse ne porte que sur un petit nombre d’industries, c’est provoquer une perturbation générale dans les échanges, en un mot, une disette... Il est impossible, je le déclare, que les grèves suivies d’augmentation de salaires n’aboutissent pas à un renchérissement général : cela est aussi certain que deux et deux font quatre. »

« Je trouve que depuis quelque temps les ouvriers anglais ont perdu l’habitude des coalitions, ce qui est assurément un progrès, dont on ne peut que les féliciter : mais que cette amélioration dans le moral des ouvriers vient surtout de leur instruction économique. Ce n’est point des manufacturiers, s’écriait au meeting de Bolton, un ouvrier fileur, que les salaires dépendent. Dans les époques de dépression les maîtres ne sont pour ainsi dire que le fouet dont s’arme la nécessité, et qu’ils le veuillent ou non, il faut qu’ils frappent. Le principe régulateur est le rapport de l’offre avec la demande ; et les maîtres n’ont pas ce pouvoir... A la bonne heure, s’écrie M. Proudhon, voilà des ouvriers bien dressés, des ouvriers modèles, etc., etc. Cette misère manquait à l’Angleterre : elle ne passera pas le détroit. »

Article, septembre 1845.

Ou encore :

« La grève des ouvriers est illégale, et ce n’est pas seulement le Code pénal qui dit cela, c’est le système économique, c’est la nécessité de l’ordre établi... Que chaque ouvrier individuellement ait la libre disposition de sa personne et de ses bras, cela peut se tolérer : mais que les ouvriers entreprennent par des coalitions de faire violence au monopole, c’est ce que la société ne peut permettre. »

Proudhon, hostile aux révolutions !

« Peut-être, conservez-vous encore l’opinion qu’aucune réforme n’est actuellement possible sans un coup de main, sans ce qu’on appelait jadis une révolution, et qui n’est tout bonnement qu’une secousse. Cette opinion que je conçois, que j’excuse, que je discuterais volontiers, l’ayant moi-même longtemps partagée, je vous avoue que mes dernières études m’en ont fait complètement revenir. Je crois que nous n’avons pas besoin de cela pour réussir ; et qu’en conséquence, nous ne devons point poser l’action révolutionnaire comme moyen de réforme sociale, parce que ce prétendu moyen serait tout simplement un appel à la force, à l’arbitraire, bref une contradiction. Je me pose ainsi le problème : faire rentrer dans la société, par une combinaison économique, les richesses qui sont sorties de la société par une autre combinaison économique... Or, je crois savoir le moyen de résoudre à court délai ce problème. »

Lettre à Karl Marx, le 17 mai 1846.

« Nous ne devrions pas mettre en avant l’action révolutionnaire comme moyen de réformes sociales, car cela signifie tout simplement faire appel à la force ou à l’arbitraire, en bref une contradiction. Je me suis mis à poser le problème sous cet angle, à favoriser le retour à la société par une combinaison économique, de la richesse tirée de la société... »

« Nous voulons une révolution pacifique... vous devriez utiliser les institutions qu’on vous pousse à supprimer de telle sorte que la nouvelle société apparaisse comme le développement spontané, naturel et nécessaire de l’ancien. Alors que la révolution veut l’abrogation de l’ordre ancien, le nouvel ordre devrait néanmoins être tirés de l’ancien... »

Hostile à la transformation sociale radicale

Proudhon n’est en rien révolutionnaire comme le montrent ces extraits de « La liberté » :

> légaliste : 

« Le droit à l’insurrection [...] ne peut, dans un pays où le suffrage universel a commencé de s’organiser, être reconnu à la minorité contre la majorité. Quelque arbitraires que soient les décisions de celle-ci, si flagrante que paraisse la violation du pacte, une majorité peut toujours nier qu’elle le viole : ce qui ramène le différend à une simple question d’appréciation, et ne laisse, par conséquent, aucun prétexte à la révolte. Et quand la minorité se prévaudrait de certains droits antérieurs ou supérieurs à la Constitution, que la majorité, selon elle, aurait méconnus, il serait facile à celle-ci d’invoquer à son tour d’autres droits antérieurs ou supérieurs, tels que celui du salut public, en vertu desquels elle légitimerait sa volonté : si bien qu’en définitive il faudrait toujours en revenir à une solution par le vote, à la loi du nombre. Admettons donc comme démontrée cette proposition : entre la minorité et la majorité des citoyens, manifestée constitutionnellement par le suffrage universel, le conflit par les armes est illégitime. »

> croyance dans le caractère naturel du pouvoir : 

« Nous concevons a priori que, l’homme étant un être moral et libre, vivant en société, et soumis à justice, la société ne peut manquer de se constituer un ordre, c’est-à-dire de se donner un gouvernement ; - que ce gouvernement sera confié aux soins d’un élu, appelé prince, empereur, ou roi ; ou de mandataires, formant sénat, patriciat, aristocratie ; à moins qu’il n’y ait possibilité de laisser le pouvoir à l’assemblée du peuple ; - que les fonctions du gouvernement s’exerceront, tantôt ad libitum, par une volonté arbitraire, collective ou individuelle ; tantôt, d’après des traditions et des coutumes ; tantôt enfin suivant des règles positives et des lois raisonnées. On conçoit de plus que tous ces éléments, qui semblent s’exclure, transigeant entre eux, s’associent et se combinent dans des proportions variables : que l’autocratie soit tempérée par une intervention de l’aristocratie ou démocratie ; que le bon plaisir soit limité ou modifié par la coutume, l’initiative du prince par celle du sénat, toutes deux par l’élection populaire et par la loi écrite ; - que la subordination des classes, des fonctions et des prérogatives soit plus ou moins grande, et que parfois elle se déplace, etc. Tout cela peut varier à l’infini ; et c’est pourquoi, entre les deux extrêmes de l’autocratie et de la démocratie, en peut insérer autant de moyens ternies que l’on voudra. Mais tout cela ne fait pas que le système change ; il ne fait que le confirmer ; et tout ce que l’historien peut conclure ici des variations d’un l’État, c’est que la société est en souffrance, qu’elle cherche son assise, souvent même qu’elle décline, et, ne pouvant triompher de son impuissance, tend à la mort. En sorte que le système politique, tel que nous le comprenons maintenant, est élevé au-dessus de toute atteinte, affranchi de toutes les folles entreprises de l’homme, plus solide, plus durable que la race et la nationalité même. Nous pouvons nous livrer en politique à toutes les orgies imaginables, essayer de toutes les hypothèses. [...] : nous ne sortirons jamais des [bornes] prescrites, et, de deux choses l’une, ou nous périrons dans nos évolutions insensées, ou nous arriverons à cette synthèse dernière, qui est la paix et la félicité des peuples. »

> sa croyance dans les nations : 

« Les nations sont au service des idées ; elles n’en sont point maîtresses, propriétaires, encore moins productrices. Elles valent par les idées et rien que par les idées : il se pourrait même que telle nation qui, dans l’histoire, aura joué le plus grand rôle, l’ait dû précisément à sa personnalité moins accusée, à sa facilité à s’emparer des idées et à les mettre en œuvre. Les intérêts viennent ensuite modifier, dans l’application, les données de l’idée ; quant au tempérament et au caractère, leur action est de toutes la plus faible. Il n’y a pas, en un mot, de races initiatrices dans le sens rigoureux du mot ; point de races privilégiées ni de races maudites, point de nations souveraines ni de nations sujettes. Il n’y a que des instruments, plus ou moins dociles, plus ou moins dévoués, selon les intérêts et les circonstances, du Progrès ; des organes plus ou moins explicites de ce que les uns nomment Providence, les autres Destin, et qui pour nous est l’idée, et au-dessus de l’idée, le droit. »

> sa croyance dans la réconciliation des intérêts contraires : 

« Certes, je ne méconnais ni le fait de l’antagonisme, ou comme il vous plaira de nommer, de l’aliénation religieuse, non plus que la nécessité de réconcilier l’homme avec lui-même ; toute ma philosophie n’est qu’une perpétuité de réconciliation. Vous reconnaissez que la divergence de notre nature est le préliminaire de la société, disons mieux, le matériel de la civilisation. C’est justement le fait, mais, remarquez-le bien, le fait indestructible dont je cherche le sens. Certes, nous serions bien près de nous entendre si, au lieu de considérer la dissidence et l’harmonie des facultés humaines entre deux périodes distinctes, tranchées et consécutives dans l’histoire, vous consentiez à n’y voir avec moi que les deux faces de notre nature, toujours adverses, toujours en œuvre de réconciliation, mais jamais entièrement réconciliées. En un mot, comme l’individualisme est le fait primordial de l’humanité, l’association en est le terme complémentaire ; mais tous deux sont en manifestation incessante, et sur la terre la justice est éternellement la condition de l’amour. »

> son idéalisme remplaçant la lutte des classes : 

« L’histoire est la succession des états divers par lesquels l’intelligence et la société passent avant d’atteindre, la première à la science pure, la seconde à la réalisation de ses lois. C’est un panorama de créations en train de se produire, qui s’agitent pêle-mêle, se pénètrent d’une influence réciproque, et présentent à l’œil une suite de tableaux plus ou moins réguliers, jusqu’à ce qu’enfin chaque idée ayant pris sa place, chaque élément social étant élaboré et classé, le drame révolutionnaire touche à sa fin, l’histoire ne soit plus que l’enregistrement des observations scientifiques, des formes de l’art et des progrès de l’industrie. Alors le mouvement des générations humaines ressemble aux méditations d’un solitaire ; la civilisation a pris le manteau de l’éternité. »
 

Proudhon est pour la collaboration de classes : 

« La concurrence et l’association s’appuient l’une sur l’autre. Bien loin de s’exclure, elles ne sont pas même divergentes. Qui dit concurrence, suppose déjà but commun. La concurrence n’est donc pas l’égoïsme, et l’erreur la plus déplorable du socialisme est de l’avoir regardée comme le renversement de la société. »

> Proudhon, ami de la propriété bourgeoise et non son adversaire 

Ceux qui ont retenu uniquement sa formule volontairement provocatrice « La propriété, c’est le vol » commettent un contresens.

Il écrit :

« La propriété est la plus grande force révolutionnaire qui existe et qui se puisse opposer au pouvoir (...) Où trouver une puissance capable de contrebalancer cette puissance formidable de l’Etat ? Il n’y en a pas d’autre que la propriété (...) La propriété moderne peut être considérée comme le triomphe de la liberté (...) La propriété est destinée à devenir, par sa généralisation, le pivot et le ressort de tout le système social. »

« Théorie de la propriété », 1862.

Proudhon a déclaré avoir été mal compris dans ses premiers écrits avec sa célèbre formule : " la propriété, c’est le vol " :

« Dans mes premiers mémoires, attaquant de front l’ordre établi, je disais, par exemple : La propriété, c’est le vol ! Il s’agissait de protester, de mettre pour ainsi dire en relief le néant de nos institutions. Je n’avais point alors à m’occuper d’autre chose. Aussi, dans le mémoire où je démontrais, par A plus B, cette étourdissante proposition, avais-je soin de protester contre toute conclusion communiste. Dans le Système des Contradictions économiques, après avoir rappelé et confirmé ma première définition, j’en ajoute une toute contraire, mais fondée sur des considérations d’un autre ordre, qui ne pouvaient ni détruire la première argumentation, ni être détruites par elle : La propriété, c’est la liberté ! »

« Confessions d’un Révolutionnaire », 1849.
 

Proudhon, hostile à l’intervention directe politique des exploités 

Voyons Proudhon dans le cours d’une réelle révolution…

En 1847, Proudhon, en prévision des événements qui mûrissent, voudrait avoir une tribune. On trouve dans ses carnets intimes la note suivante :

« Tâcher de m’entendre avec le Moniteur industriel, journal des maîtres, tandis que le Peuple sera le journal des ouvriers. »

Au début de 1848, Guizot suspend les cours de Michelet, comme il avait suspendu ceux de Mickiewicz et de Quinet ; Proudhon se félicite qu’on ait imposé silence à ces “ empaumeurs de niais ” et quand les étudiants protestent, il note :

« Quand est-ce que l’on casernera cette jeunesse débauchée et tapageuse ? courage, Guizot ! »

La montée révolutionnaire au cours de février 1848 lui inspire cette seule note :

« Le trouble et le scandale augmentent. La France, si elle ne renvoie pas son opposition, est perdue. »

Dans un article de journal du 19 février 1849, Proudhon a d’ailleurs retracé son “ anxiété dévorante ” devant les événements :

« Je me révoltais contre la marche des événements... Mon âme était à l’agonie. Je portais par avance le poids des douleurs de la République et le fardeau des calomnies qui allaient frapper le socialisme. Le 21 février au soir, j’exhortais encore mes amis à ne pas combattre. »

Il ajoute que la fusillade du 23 “ changea ses dispositions en un instant ”. C’est fort bien dit. Malheureusement c’est inexact puisque le 24 février il notait dans ses carnets intimes :

« Le gâchis est désormais inextricable... Je n’ai rien à faire là-dedans... Cela va être effroyable... »

et puisqu’il écrivait le 25 :

« Mon corps est au milieu du peuple, mais ma pensée est ailleurs. J’en suis venu, par le cours de mes idées, à n’avoir presque plus de communauté d’idées avec mes contemporains. »

Le 26 septembre 1848, il rendait visite à Louis-Napoléon Bonaparte et le trouvait “ bien intentionné : tête et cœur chevaleresques ”.

" L’indifférence en matière politique l’amènera à écrire quelques semaines après le coup d’État : “ En aucun lieu de la terre, l’esprit qui est tout l’homme n’est aussi libre que chez toi.

Et encore :

« Louis-Napoléon est, de même que son oncle, un dictateur révolutionnaire ; mais avec cette différence que le premier consul venait clore la première phase de la révolution, tandis que le président ouvre la seconde. »

Le 12 janvier 1853, il sollicite du prince Napoléon une intervention pour la concession du chemin de fer de Besançon à Mulhouse. Si la concession était obtenue, il confesse qu’il y trouverait l’occasion de faire une étude sur le thème suivant :

satisfaire aux justes exigences du prolétariat sans blesser les droits acquis de la classe bourgeoise ”.

Cette formule lui avait été suggérée par le prince au cours d’un entretien, comme répondant exactement aux vœux de l’empereur. Il importe peu, dans ces conditions, qu’il ait noté, en même temps, dans ses journaux intimes que Louis-Napoléon était...

« un infâme aventurier, bâtard d’une princesse, débauché, crapuleux... destructeur des libertés publiques, usurpateur du pouvoir, voleur du trésor, mystificateur du peuple. »

puisqu’à la même date, comme il le dit lui-même dans une lettre :

« J’ai été aux Tuileries, au Sénat, à la Préfecture, voir quelques connaissances que j’ai parmi les amis de Louis-Napoléon. » (10 novembre 1852)

Il importe peu qu’il ait été condamné à la prison pour son ouvrage sur la Justice dans la révolution et dans l’Église, prison qu’il ne fit point, pour laquelle il fut gracié deux ans après, ouvrage qu’il présentait au prince Napoléon comme l’explication d’un principe nouveau :

l’incarnation dans une famille élue du droit humain ou de la pensée rationnelle de la Révolution.

Quant à son attitude réelle à l’égard du prolétariat, “ j’ai prêché la conciliation des classes, symbole de la synthèse des doctrines ” (lettre du 18 mai 1850) ; “ appuyé sur la réconciliation des classes ” (instructions pour la rédaction de La Voix du Peuple), elle résulte de sa correspondance comme de ses carnets :

« J’ai assez de la vile multitude et des démagogues... la classe la plus pauvre est, par cela même qu’elle est la plus pauvre, la plus ingrate, la plus envieuse, la plus immorale et la plus lâche. » (Lettre du 26 avril 1852)

« Ce qu’il y a de plus arriéré, de plus rétrograde, en tous pays, c’est la masse, c’est ce que vous appelez la démocratie. »

Il ira même jusqu’à reprocher au gouvernement de Napoléon III de “ soutenir secrètement les ouvriers contre les patrons ” (16 mai 1853) ; il définira les tendances du gouvernement dans la formule suivante : « Si nous ne pouvons fonder une nouvelle hiérarchie sociale en nous faisant accepter des prêtres, des bourgeois, etc., nous jetterons la bourgeoisie en pâture à la plèbe. » (27 novembre 1853)

Il assume parfaitement la révolution bourgeoise mais certainement pas les objectifs du petit peuple ou du prolétariat : « La Révolution française a été faite pour la liberté industrielle autant que pour la liberté politique ; et bien que la France, en 1789, n’eût point aperçu toutes les conséquences du principe dont elle demandait la réalisation, disons-le hautement, elle ne s’est trompée ni dans ses vœux, ni dans son attente. »
 

Proudhon antisémite : 

Proudhon est un des premiers penseurs français à utiliser la dimension raciale comme dans sa violente diatribe judéophobe de décembre 1847 :

« Le Juif est l’ennemi du genre humain. Il faut renvoyer cette race en Asie ou l’exterminer... Par le fer, par le feu ou par l’expulsion il faut que le Juif disparaisse. »

« Juifs. Faire un article contre cette race qui envenime tout, en se fourrant partout, sans jamais se fondre avec aucun peuple. Demander son expulsion de France, à l’exception des individus mariés avec des Françaises ; abolir les synagogues, ne les admettre à aucun emploi, poursuivre enfin l’abolition de ce culte. Ce n’est pas pour rien que les chrétiens les ont appelés déicides. Le juif est l’ennemi du genre humain. Il faut renvoyer cette race en Asie, ou l’exterminer. H. Heine, A. Weil, et autres ne sont que des espions secrets ; Rothschild, Crémieux, Marx, Fould, êtres méchants, bilieux, envieux, âcres, etc. etc. qui nous haïssent... »

« Carnets », 24 décembre 1847.

« Le judaïsme a infesté le christianisme. ».

« Carnets », 24 mai 1847.

« ...des juifs qui sont éparpillés sur la surface du globe, dont le roi actuel est Rothschild, peuple sangsue, peuple sans territoire, sans agriculteur, sans loi, sans culte, sans gouvernement, n’adorant jamais que Jéhovah c’est- à –dire l’égoïsme, ou Mammon, c‘est-à-dire l’argent. »

« Carnets », 23 décembre 1847.

« Le Juif est par tempérament anti-producteur, ni agriculteur, ni industriel, pas même vraiment commerçant. C’est un entremetteur, toujours frauduleux et parasite, qui opère, en affaires, comme en philosophie, par la fabrication, la contrefaçon, le maquignonnage. Il ne sait que la hausse et la baisse, les risques de transport, les incertitudes de la récolte, les hasards de l’offre et la demande. Sa politique en économie est toute négative, c’est le mauvais principe. Satan, Ahriman ( force du mal dans l’ancienne religion des Iraniens ), incarné dans la race de Sem. "

« Césarisme et Christianisme », 1860.

« Quel est le vrai propriétaire, à votre avis, du détenteur nominal, imposé, taxé, gagé hypothéqué ou du créancier qui perçoit le revenu ? Les prêteurs juifs et Bâlois sont aujourd’hui les vrais propriétaires de l’Alsace… »

« Système des Contradictions économiques ou Philosophie de la Misère », 1846.
 

Proudhon homophobe

Proudhon, s’indignant que Fourier ait “ sanctifié jusqu’aux unions unisexuelles ”.

« Sans aller jusqu’à la mort, je regrette que cette infamie qui commence à se propager parmi nous, soit traitée avec tant d’indulgence. Je voudrais qu’elle fût, dans tous les cas, assimilée au viol, et punie de vingt ans de réclusion. »

« Amour et mariage », 1858.

On n’en finirait pas citer des passages violemment anti-homo…
 

Proudhon misogyne et machiste

« 99 fois sur cent, vous trouverez que l’homme sera le maître. Voilà un fait... Est-ce la nature qui a établi entre eux cette différence ? Il est facile d’en juger : il suffit des yeux. »

« La pornocratie, ou Les femmes dans les temps modernes », 1875.

« Une femme qui exerce son intelligence devient laide, folle et guenon. »

Même texte . « De même que la civilisation doit nous guérir de l’esclavage, du prolétariat, de la polygamie, de la prostitution, elle doit nous guérir encore de la confusion des sexes, en donnant à l’homme une éducation de plus en plus mâle, et à la femme une éducation plus féminine. »

« La pornocratie, ou Les femmes dans les temps modernes », 1875.

« J’ai démontré, par d’illustres exemples, que la femme qui s’éloigne de son sexe, non seulement perd les grâces que la nature lui a données, sans acquérir les nôtres, mais retombe à l’état de femelle, bavarde, impudique, paresseuse, sale, perfide, agent de débauche, empoisonneuse publique, une Locuste, une peste pour sa famille et la société. »

« La pornocratie, ou Les femmes dans les temps modernes », 1875.

Proudhon, adepte fervent de la petite économie marchande précapitaliste :

« La concurrence est aussi essentielle au travail que la division. Elle est nécessaire à l’avènement de l’égalité. »

« Il ne saurait donc être ici question de détruire la concurrence, chose aussi impossible que de détruire la liberté ; il s’agit d’en trouver l’équilibre, je dirais volontiers la police. »

> son éloge du libéralisme marchand :

« Deux nations sont séparées par un bras de mer ou une chaîne de montagnes. Elles sont respectivement libres, tant qu’elles ne communiquent point entre elles, mais elles sont pauvres ; c’est de la liberté simple : elles seront plus libres et plus riches si elles échangent leurs produits ; c’est ce que j’appelle liberté composée. L’activité particulière de chacune des deux nations prenant d’autant plus d’extension qu’elles se fournissent mutuellement plus d’objets de consommation et de travail, leur liberté devient aussi plus grande : car la liberté, c’est l’action. Donc l’échange crée entre nations des rapports qui, tout en rendant leurs libertés solidaires, en augmentent l’étendue : la liberté croît, comme la force, par l’union, Vis unita major. Ce fait élémentaire nous révèle tout un système de développements nouveaux pour la liberté, système dans lequel l’échange des produits n’est que le premier pas. [...] Ainsi donc l’homme qui travaille, c’est-à-dire qui se met en rapport d’échange avec la nature, est plus libre que celui qui la ravage, qui la vole, comme le barbare. - Deux travailleurs qui échangent leurs produits, sans autrement s’associer, sont plus libres que s’ils ne les échangeaient pas ; ils le deviendront davantage encore, si, au lieu de l’échange en nature, ils adoptent, d’accord avec un grand nombre d’autres producteurs, un signe commun de circulation, tel que la monnaie. Leur liberté croît à mesure, je ne dis pas qu’ils s’associent ; mais qu’ils font une permutation de leurs services : c’est encore une fois ce que j’appelle tour à tour liberté simple et liberté composée. »

« La concurrence est nécessaire à la constitution de la valeur, c’est-à-dire au principe même de la répartition, et par conséquent à l’avènement de l’égalité. Tant qu’un produit n’est donné que par un seul et unique fabricant, la valeur réelle de ce produit reste un mystère, soit dissimulation de la part du producteur, soit incurie ou incapacité à faire descendre le prix de revient à son extrême limite. Ainsi, le privilège de la production, est une perte réelle pour la société ; et la publicité de l’industrie comme la concurrence des travailleurs un besoin. Toutes les utopies imaginées et imaginables ne peuvent se soustraire à cette loi… La concurrence, en effet, est l’expression de l’activité collective : de même que le salaire, considéré dans son acception la plus haute, est l’expression du mérite et du démérite, en un mot de la responsabilité du travailleur. En vain l’on déclame et l’on se révolte contre ces deux formes essentielles de la liberté et de la discipline dans le travail. »
 

« La liberté »
Proudhon, adversaire du gouvernement direct par le peuple

« M. Rittinghausen suppose donc que le vote de la loi par tout le peuple donnera une approximation plus grande que le vote d’une simple majorité de représentants… Mais cette supposition en implique nécessairement une autre, à savoir, qu’il y a dans la collectivité du peuple une pensée sui generis, capable de représenter à la fois l’intérêt collectif et l’intérêt individuel, et que l’on peut dégager avec plus ou moins d’exactitude, par un procédé électoral ou scrutatoire quelconque… Comment avez-vous pu croire qu’une pensée à la fois particulière et générale, collective et individuelle, en un mot synthétique, pouvait s’obtenir par la voie d’un scrutin, c’est-à-dire, précisément, par la formule officielle de la diversité ? 100.000 voix, chantant à l’unisson, vous donneraient à peine le sentiment vague de l’être populaire. Mais 100.000 voix individuellement consultées, et répondant chacune d’après l’opinion qui lui est particulière ; 10.000 voix qui chantent à part, sur des tons différents, ne peuvent vous faire entendre qu’un épouvantable charivari ; et plus, dans ces conditions, vous multiplierez les voix, plus la confusion augmentera… On conclut que c’est à la nation, tout entière, à nommer ses représentants. Mais, s’il est ainsi d’une classe d’hommes que le libre essor de la société, le développement spontané des sciences, des arts, de l’industrie, du commerce ; la nécessité des institutions, le consentement tacite ou l’incapacité notoire des classes inférieures ; d’une classe enfin que ses talents et ses richesses désignaient comme l’élite naturelle du peuple ; qu’attendre d’une représentation qui, sortie de comices plus ou moins complets, plus ou moins éclairés et libres, agissant sous l’influence de passions locales, de préjugés d’état, en haine des personnes et des principes, ne sera, en dernière analyse, qu’une représentation factice, produit du bon plaisir de la cohue électorale ? »

la liberté mais la liberté bourgeoise... "
 

Robert Paris

 

★ Proudhon est-il le père de l’anarchisme ?
Commenter cet article