Une mort à un million de dollars
/image%2F1177296%2F20210818%2Fob_e78d52_l-insoumise-de-gaza.jpg)
Une mort à un million de dollars.
Extrait de « L’insoumise de Gaza » d’Asmaa Alghoul et Sélim Nassib.
" Asmaa Alghoul, écrivaine, journaliste lauréate de nombreux prix et femme libre, est née en 1982 à Rafah, au sud de la bande de Gaza. Le courage de ses prises de position contre le « siège de l’esprit » qu’elle estime opéré par le Hamas tout autant que de ses reportages dans Gaza pendant l’offensive israélienne de 2014 ont été salués à l’étranger. L’insoumise de Gaza, qui paraît le 9 novembre 2016, est le récit de sa vie quotidienne. Elle l’a fait en arabe à Sélim Nassib, qui lui a prêté sa plume prestigieuse pour une édition en français. Commencé en 2011 au Caire pendant le printemps arabe, l’échange entre les deux écrivains s’achèvera en 2016, au gré des — rares — autorisations de sortie du territoire occupé.
Nous reproduisons ici le chapitre intitulé « Une mort à un million de dollars ». "
« Je me suis réveillée à 6 h 30 le lendemain matin, le 3 août. Sur mon portable, j’ai vu que le correspondant de la chaîne Al-Aqsa du Hamas m’avait téléphoné à sept reprises. Je l’ai rappelé. Il m’a demandé :
— Est-ce que les Alghoul qui habitent le quartier Yibna à Rafah sont de ta famille ?
— Oui, pourquoi ?
— Ils ont été bombardés. Mais n’aie pas peur : il n’y a que quatre morts.
Je suis devenue toute blanche. Nous avons allumé la radio : c’était bien ma famille, ils dormaient tous dans la maison de mon enfance, écrabouillée à présent ! Le nombre de victimes est monté à six, puis à sept, à huit, et finalement à neuf… Mes cheveux se dressaient sur ma tête. Nous nous sommes tous mis à pleurer et à crier, ma mère, mes frères… Et mon père qui dormait ! Je suis allée le réveiller en lui parlant le plus doucement possible :
— Papa, la maison de l’oncle Ismaël a été bombardée… Il a ouvert un œil.
— Ont-ils envoyé un obus à blanc sur le toit avant de bombarder ?
— Non.
— Ça veut dire qu’ils sont tous morts.
Nous nous étions donc réveillés sur la catastrophe que j’avais pressentie deux jours plus tôt. Les victimes étaient mon oncle de soixante ans, sa femme, quatre de leurs enfants et trois de leurs petits-enfants — dont le plus jeune, Mustapha, qui n’avait que vingt-quatre jours. Il était l’un des jumeaux récemment nés dans la famille. Mais qui avait pu décider que Mustapha était le mort et Ibrahim le vivant ? Qui avait pu les distinguer l’un de l’autre alors que leur père avait péri et que leur mère se trouvait dans un service de soins intensifs à l’hôpital ? Quel doute ce survivant allait-il porter en lui toute sa vie ? Cette troublante histoire de double n’était pas la seule puisque l’une de mes cousines assassinées, Asmaa Alghoul, vingt-deux ans, portait le même nom que moi… Mes cousins, mes cousines, où étaient-ils partis ? J’y pensais tout le temps. J’ai écrit une nouvelle à ce sujet : « Où sont-ils ? » Ils n’avaient pas connu beaucoup de plaisir sur cette terre, misérables qu’ils étaient ! Aucun d’entre eux n’appartenait au Hamas ni à une quelconque organisation politique. Mon oncle Ismaël était un homme très pragmatique. il était ouvrier et se procurait des stocks d’habits qu’il revendait, il avait passé sa vie à travailler en Israël, il parlait bien l’hébreu. C’est derrière sa camionnette que je me trouvais quand, enfant, un soldat m’avait offert ce bonbon que j’avais refusé… Deux missiles lancés par un avion de chasse F16 avaient pulvérisé leur maison. Il paraît qu’un seul de ces missiles coûte un demi-million de dollars. Toute leur vie, ils avaient vécu pauvres dans cette maison misérable, pas de fondations, pas de ciment, pas de décoration, rien du tout, un toit en tôle ondulée… Et ils sont morts à un million de dollars ! Quelle sombre mascarade !
Trois semaines plus tôt, au quatrième jour de la guerre, j’étais allée à Rafah pour enquêter sur une famille, les Ghannam, qui avaient été victimes d’un tir d’obus. J’avais mis dans mes poches des carrés de chocolat que je voulais donner à ma grand-mère Zakiyyé. Sur le chemin, j’étais passée à côté de ma maison d’enfance et j’avais aperçu mon oncle Ismaël assis devant la porte. Je l’avais salué, il m’avait invitée à entrer en m’annonçant que mon autre grand-mère, Ghazalé, était en visite chez lui. J’avais ainsi croisé par hasard tous ceux qui allaient mourir. C’était Ramadan et ils se préparaient à rompre le jeûne. L’un de mes cousins, sa femme et ses enfants s’étaient réfugiés là parce que leur propre maison était proche de la zone très bombardée des tunnels. Je les avais tous embrassés, ainsi que mes cousines Asmaa et Hanadi, et nous avions beaucoup ri… Je m’étais mise à jeter les chocolats en l’air et les enfants essayaient de les attraper. La femme de mon oncle était sortie de la cuisine : « J’ai entendu la voix d’Asmaa ! » Elle m’avait serrée dans ses bras -– « Espèce de folle ! Comment as-tu fait pour arriver jusqu’ici ? » — et invitée à rompre le jeûne avec eux. Mais j’avais refusé : « Ma mère me tuera, il faut que je revienne tout de suite à Gaza. » Puis ils m’ont annoncé qu’ils avaient une surprise à me montrer, ils m’ont emmenée dans une chambre et là, j’avais découvert les jumeaux nés au deuxième jour de la guerre, quarante-huit heures plus tôt. Je ne savais pas que je leur faisais mes adieux, à eux, à leurs parents, à tous –- ainsi qu’à cette maison où j’avais grandi et entendu pour la première fois la BBC en arabe que mon grand-père écoutait toujours en s’endormant… Que Dieu ait pitié d’eux !
Les souvenirs et les mots se bousculaient dans ma tête, dans ma gorge, ils étaient en train de m’étouffer ! La liaison internet était coupée et il fallait absolument que j’écrive ! Je suis allée dans un endroit sur la plage où je savais qu’une connexion était possible, et j’ai commencé : « Je ne vais pas me taire ! Je ne vais pas pleurer ! Je vais écrire, écrire jusqu’à la fin ! » Les gens me voyaient de loin et venaient me présenter leurs condoléances ; je m’interrompais, je pleurais un peu et je recommençais à écrire. Jusqu’à sortir de moi cet article que la presse étrangère reprendra largement : « Ne me parlez plus jamais de paix. » Ce n’était ni un slogan ni un bon mot. J’ai toujours pensé que la paix était la seule chose qui pouvait dénouer ce conflit. Mais après avoir vu les miens tués de cette façon, quand l’un de mes cousins s’était réveillé avec un mal de ventre, et qu’en se touchant il s’était retrouvé avec ses intestins dans les mains, qu’il avait appelé son père, puis son frère et, n’entendant pas de réponse, avait compris qu’ils étaient tous morts… Quand te viennent ces détails atterrants sur la mort de proches et que tu continues à les voir sur des photos et des vidéos, de quelle paix peut-il encore être question ? Je parle de mes vrais sentiments, pas d’une quelconque position politique. Quelle paix quand un missile tombe sur une famille endormie qui ne sait même pas qu’elle est en train de mourir ? Et que leur maison, ma maison qui tenait debout depuis soixante-trois ans, où j’avais lu mon premier livre, est détruite dans la même seconde ? Je ne serai jamais favorable ni à la guerre ni à la violence. Quelle que soit leur laideur, je sais que les guerres finissent par une paix entre ennemis. Mais il s’agit d’une paix politique alors que je parle, moi, d’une paix intérieure.
Une chose que je n’ai toujours pas comprise : comment les Israéliens ont-ils pu approuver un gouvernement qui tue avec un tel sang-froid des êtres humains, comment ont-ils pu justifier son action ? On aurait dit qu’un aveuglement général s’était abattu sur cette société, comme si le bombardement de Gaza et de ses habitants n’avait tout simplement pas lieu. Certains ont pourtant élevé la voix et exercé une grande influence — comme le journaliste du quotidien Haaretz, Gidéon Lévy, un type formidable. Pas un Arabe n’a écrit comme lui ! Des fanatiques palestiniens ont demandé qu’on le fasse taire, persuadés que c’était un hypocrite : ils ne pouvaient tout simplement pas croire qu’un Israélien puisse dire des choses pareilles ! J’ai suivi jour après jour ses écrits, et je crois que sa voix n’a malheureusement été ni assez forte ni assez entendue. Il a reçu tant de menaces qu’il a été obligé de prendre un garde du corps ! Puisque c’est comme ça, j’aimerais beaucoup qu’il vienne vivre à Gaza ! J’ai toujours refusé les demandes d’interview de Radio Israël ou d’autres médias israéliens. Je ne pouvais pas leur parler, cela m’était impossible. Mais si cela avait été Gidéon Lévy, comment aurais-je pu dire non ? »
- SOURCE : ORIENT XXI
/image%2F1177296%2F20150228%2Fob_69f0a5_banksy-gaza.jpg)
Gaza sous les bombes de Banksy - Socialisme libertaire
Le mystérieux graffeur s'est rendu dans la ville palestinienne en ruines pour y produire des œuvres et sensibiliser l'opinion sur les conditions de vie des habitants. Alors que le Premier ministr...
https://www.socialisme-libertaire.fr/2015/02/gaza-sous-les-bombes-de-banksy.html
Gaza sous les bombes de Banksy.
/image%2F1177296%2F20140903%2Fob_9b8471_ngo-logo-btselem.jpg)
Les enfants de Gaza ont un nom - Socialisme libertaire
" Un message radiophonique de B'tselem, association israélienne de défense des droits de l'homme, présentant la liste nominative des enfants palestiniens tués à Gaza, a été interdit. Ha'Aret...
https://www.socialisme-libertaire.fr/2014/09/les-enfants-de-gaza-ont-un-nom.html
Les enfants de Gaza ont un nom.
/image%2F1177296%2F20210817%2Fob_940b8c_palestine800.png)
★ Conflit israélo-palestinien - Socialisme libertaire
★ Conflit israélo-palestinien : contre toutes les frontières, pour la paix entre les peuples. " Des dizaines d'années de conflit, des dizaines d'années d'expulsions, de colonisation... et aut...
https://www.socialisme-libertaire.fr/2021/08/conflit-israelo-palestinien.html
★ Conflit israélo-palestinien.
/image%2F1177296%2F20201221%2Fob_d3c9b2_israel-palestine-paix-maintenant-l-4.jpeg)
★ Palestine-Israël, paroles d'anarchistes - Socialisme libertaire
" Voici deux interviews d'anarchistes palestiniens et israéliens. L'objectif pour nous est de montrer que de part et d'autre du " mur de la honte " des gens luttent contre l'oppression, contre le ...
https://www.socialisme-libertaire.fr/2014/10/palestine-israel-paroles-d-anarchistes.html
★ Palestine-Israël, paroles d'anarchistes.
/image%2F1177296%2F20160512%2Fob_9ac291_aatw-image-1.jpg)
★ Les anarchistes, toujours contre le mur - Socialisme libertaire
Tandis que depuis bientôt soixante-dix ans que les Palestiniens ont été expulsé de leur pays en 1948 (et en 1967), ils n'ont toujours pas reçu les dédommagements prévus par les organisations...
https://www.socialisme-libertaire.fr/2016/05/les-anarchistes-toujours-contre-le-mur.html
★ Les anarchistes, toujours contre le mur.
/https%3A%2F%2Fi0.wp.com%2Fsoliranparis.files.wordpress.com%2F2010%2F12%2F3rd.gif%3Ffit%3D440%2C330)
Merde au Hamas Merde à Israël Merde au Fatah Merde à l'ONU
Merde au Hamas. Merde à Israël. Merde au Fatah. Merde à l'ONU Partout dans le monde, en en particulier au Moyen-Orient où les populations crèvent de ces guerres entre ces deux pôles du terror...
Merde au Hamas Merde à Israël Merde au Fatah Merde à l’ONU !
/image%2F1177296%2F20141104%2Fob_60a646_nationalisme-poison.jpg)
Hamas contre Israël: Perpétuation de la barbarie de deux nationalismes - Socialisme libertaire
" Le Hamas et Israël utilisent leurs faiblesses mutuelles pour poursuivre leurs ambitions nationales dans un Moyen-Orient ébranlé par les crises. Les experts compétents se livrent à toutes sor...
Hamas contre Israël: Perpétuation de la barbarie de deux nationalismes.
/image%2F1177296%2F20141008%2Fob_3938d9_coeur-pour-la-paix.jpg)
" Le Monde des livres " est heureux, et fier, de publier une correspondance littéraire qui est aussi un geste politique. A l'origine de ces lettres inédites, il y a un texte paru dans le journal de
Entre Sayed Kashua l'arabe et Etgar Keret le juif, une correspondance par-delà l'exil.
/image%2F1177296%2F20160228%2Fob_a20e0e_shlomo-sands-001.jpg)
Comment j'ai appris à aimer les sanctions - Socialisme libertaire
Les sanctions n'ont dévasté ni l'Afrique du Sud ni l'Iran. Pas plus qu'elles ne détruiront Israël ; par-dessus tout, elles dégageront Israël d'un piège d'où il est incapable de s'extraire t...
https://www.socialisme-libertaire.fr/2016/02/comment-j-ai-appris-a-aimer-les-sanctions.html
Comment j'ai appris à aimer les sanctions.
/image%2F1177296%2F20150904%2Fob_514bb1_1308-hamas.jpg)
Il faut nous débarrasser du Hamas - Socialisme libertaire
Vu de Palestine : il faut nous débarrasser du Hamas " Nous, Palestiniens, ne pouvons plus nier notre part de responsabilité dans le massacre de notre propre peuple ". Cri de colère d'un militant...
https://www.socialisme-libertaire.fr/2015/09/il-faut-nous-debarrasser-du-hamas.html
Il faut nous débarrasser du Hamas.
/image%2F1177296%2F20150517%2Fob_c8363b_gaza.jpg)
Palestine : Le Hamas réprime une manifestation de jeunes - Socialisme libertaire
Portés par le vent de révolte qui souffle sur le monde arabe, des jeunes Palestiniens de Gaza veulent secouer le joug du Hamas pour conquérir un espace de liberté et de parole qui leur est conf...
Palestine : Le Hamas réprime une manifestation de jeunes.
/image%2F1177296%2F20150528%2Fob_2988ba_hamas-gaza.jpg)
Le Hamas accusé de crimes de guerre contre des Palestiniens - Socialisme libertaire
L'ONG Amnesty International affirme dans un rapport que le groupe islamiste a profité du conflit avec Israël de l'été 2014 à Gaza pour régler ses comptes avec ses rivaux, dont plusieurs ont ...
Le Hamas accusé de crimes de guerre contre des Palestinien.