★ La lutte de classe au quotidien
« Selon certains intellectuels à la mode, les classes sociales n’existent plus et donc à fortiori la lutte des classes. Les classes sociales seraient remplacées par les identités et la lutte des classes par la lutte des identités : lutte des "blancs" contre les "noirs", des hommes contre les femmes, des hétéros contre les homos, des nations entre elles, des omnivores contre les végans etc.
Des gros contre les maigres, des grands contre les petits (à la fin j’exagère un peu, mais à peine). À la CNT-AIT, on pense qu’en ce début de vingt et unième siècle, la société est toujours structurée en fonction de la richesse et de la propriété, que le statut social de chaque individu est déterminé par le niveau des richesses qui sont siennes, et que les classes devenues dominantes ont construit leur fortune par un vol caractérisé en exploitant les classes qu’ils ont dominées. Les classes, tout comme les identités, aussi sont réelles.
Par contre, nous pensons que si l’être humain, quelle que soit sa couleur de peau, son genre, sa culture, son orientation sexuelle, est avant tout un être humain libre et égal à tout autre, et que parce qu’il est humain, il a ce droit inaliénable de choisir sa sexualité tout comme il a le droit de s’habiller comme il veut, de parler la langue de son choix, d’avoir les coutumes ou pratiques culturelles, sociales qu’il veut etc.
Nous avons tous les mêmes droits et devoirs, mais nous vivons dans un système économique fondamentalement injuste, inégalitaire, mortifère et même, nous le savons aujourd’hui de façon certaine, suicidaire. Si malgré son caractère odieux, ce système perdure encore, c’est tout simplement parce que la classe dominante, celle qui en tire profit, a toujours su diviser les dominés pour les opposer les uns aux
autres, identité contre identité, pauvres contre moins pauvres…
Ce texte écrit par une amie nous parle de la réalité du monde actuel et du fait que la division de la société en classes s’exprime même dans des activités du quotidien qui peuvent sembler banales :
Curieux comme on peut croiser des personnes différentes dans le même lieu. Je me suis inscrite dans une association qui propose des activités variées pour tous les âges : musiques, sports, langues, spectacles, activités manuelles etc.
J’ai d’abord commencé par l’activité tricot avec un peu de méfiance, car je sais que le tricot est aujourd’hui tendance chez les bobos. Aucun problème, je me suis retrouvée dans un groupe de femmes très modestes, certaines d’entre elles avaient appris très jeunes à confectionner pulls et chaussettes en gardant les vaches. La plupart, sinon toutes, nous utilisons les restes de laine et réutilisons la laine d’anciens tricots . Nous papotons beaucoup, échangeant sur les façons de faire front aux difficultés de la vie. Une personne me disait qu’elle se faisait des soupes avec un bouillon cube et du vermicelle.
Bref on est entre nous quoi. Nous ne portons pas forcément des vêtements parfaitement à la taille et les chaussures baillent un peu, mais l’ambiance est très sympa et les plus douées aident celles qui le sont moins.
Je me suis aussi inscrite à des cours d’anglais dans la même association dans la même commune rurale. "Conversation autour d’un café " ça s’appelle. L’animatrice est sympa, l’objectif est d’essayer de comprendre et de parler. Donc chacune pose des questions à tour de rôle et nous répondons les unes les autres. Les 13 personnes qui faisaient partie du groupe se sont inscrites en même temps, car elles étaient amies voilà déjà une année ou deux. D’abord j’ai remarqué que je n’avais pas affaire à des femmes du même rang que celles du tricot : voitures récentes, vêtements tendance, chaussures de qualité non usées, pas une personne aux cheveux colorés ne laissent apparaître de racines blanches. Bon allons-y quand même. Je sais que les manuels de langues sont le reflet de la mentalité du pays de cette langue, mais là les sujets abordés venaient de nous. Par exemple, les questions qui reviennent : "Que vas-tu faire pour le week-end ?", souvent les réponses tournent autour de réceptions être reçu ou recevoir avec, au menu, les meilleurs plats, avec les bons produits bios, le bon boucher, le bon traiteur, le bon pâtissier. Le bon vin... (je pense à la soupe vermicelle/ bouillon cube)
Les questions portent aussi sur les voyages et les vacances, l’une revient d’Italie, l’autre va en avion passer quelques jours en Alsace, elle louera une voiture pour faire la route des vins et dormira à l’hôtel près de la cathédrale de Strasbourg. Quelques-unes sont allées à New-York, 3 y retournent en septembre pour 6 semaines.
Une pose une question sur la peur des mois à venir et la réponse d’une d’entre elle ; "il faut faire confiance aux dirigeants" ("official ", que l’on dit en anglais, il paraît). Enfin, lors de la dernière rencontre, les questions ont consisté à donner des noms de bons restaurants dans la région, je bouillais !
À l’aise financièrement, à l’aise en toutes circonstances, elles parlent et coupent la parole même quand elles ne savent pas… Je crois que l’animatrice à remarqué mon agacement, car parfois elle essaye de faire prendre un autre tour à la conversation. Ces petits riens je peux les supporter comme à peu près adulte, pensant dans mon for intérieur qu’elles sont trop connes. Nous sommes quand même 3 ne pas faire parties du club des petites bourges. Mais je suis triste, car cette situation me fait penser aux gosses pauvres qui n’ont rien à dire, qui sont confrontés chaque moment aux frustrations et aux humiliations. C’est pourquoi je suis contre les ghettos, mais pour l’égalité économique. »