★ LOUISE MICHEL, COMMUNARDE ET ACTIVISTE ANARCHISTE

Publié le par Socialisme libertaire

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« On commémore cette année le 150° anniversaire des événements de la Commune de Paris, une expérience historique exceptionnelle puisque le peuple parisien prit la ville devant la fuite de ses dirigeants à Versailles et face à la menace d’occupation par l’armée prussienne. On assista dans ce contexte à un phénomène d’autogestion sans précédents, et hommes et femmes s’apprêtèrent à transformer la société à partir de pratiques antiautoritaires, intégratrices et égalitaires. Les femmes, les premières à se jeter contre les canons, que l’on prétendait démobilisés par les versaillais, s’illustrèrent dans tout ce processus. À la fin, la répression fut terrible, on payait cher de s’auto-organiser et de vivre en marge de l’autorité. Et les femmes furent aussi accusées d’incendiaires, les fameuses pétroleuses, et de provoquer la destruction d’édifices et de biens. Beaucoup furent fusillées, d’autres déportées et d’autres emprisonnées. Nous nous intéressons parmi elles à Louise Michel qui devait embrasser les idées anarchistes pendant sa dure déportation dans les terres de Nouvelle-Calédonie, sous l’influence d’une autre femme, Nathalie Lemel, une autre communarde également déportée, l’une de ses grandes amies. Après une année de prison et presque dix de déportation, elle resta sur la brèche, pour lutter et défendre ses idées.

LOUISE MICHEL : INSTITUTRICE ET ÉCRIVAINE 

Louise Michel, méconnue dans l’imaginaire activiste du XXI siècle, à notre grand regret, est l’une des grandes références de l’anarchaféminisme mondial. Cette femme menue et en apparence fragile, à la silhouette gracile, s’insurgea contre toutes les adversités et toutes les tyrannies de son temps. Elle lutta comme peu suscitant l’étonnement de ses contemporains et de générations d’activistes libertaires du XX siècle. Elle fut très célèbre en son temps, une bonne partie de la presse généraliste la montre impliquée dans des arrestations, des révoltes, des assauts à des magasins alimentaires, ou au cours de grands procès contre l’organisation anarchiste naissante.

Louise Michel est née el 29 mai 1830 à Vroncourt-la-Côte (Haute-Marne) et après une vie digne d’un roman, d’engagement dans des révoltes sociales et dans des projets éducatifs et vitaux, elle mourut à Marseille, le 9 janvier 1905.

Louise Michel, était la fille d’une activiste sociale, Marie-Anne Michel, qui était employée comme domestique d’un grand propriétaire terrien. C’est pourquoi elle porta le nom de sa mère et on peut avoir raisonnablement des doutes sur l’identité de son véritable géniteur (entre un père, Étienne C. Demahis, ou son fils). Elle fut cependant prise en charge et éduquée par ses grands-parents paternels, des républicains et rationalistes convaincus. Un profil hors du commun car bien diffèrent de celui des enfants naturels des domestiques de son époque, élevées dans l’analphabétisme. 

Elle apprit à lire et à écrire et la lecture devint sa grande passion. Les idées de l’encyclopédie firent le reste, et l’enseignement devint sa grande vocation, car c’était la porte d’entrée dans un monde libre et rationaliste. Elle se découvrit bientôt l’amour de l’écriture, un désir d’être poétesse et narratrice des histoires de son temps qu’elle conservera toute sa vie et qui nous apporte une information de qualité sur son autobiographie et ses expériences qu’elle coucha en plusieurs ouvrages et articles qui furent peu à peu repris dans la presse ouvrière de son temps, et qui devaient parvenir jusqu’à nos journaux grâce aux maisons d’éditions anarchistes et aux traductions, Anselmo Lorenzo ou Fermin Salvochea pour ce qui est de l’Espagne.

Et sur le chemin de l’enseignement elle fit des études pour être institutrice. Son rêve sembla se réaliser à l’âge de 20 ans, mais au moment de prêter serment à Napoléon III, elle s’y refusa, et ne put de ce fait avoir le diplôme requis, condamnée à travailler dans des projets éducatifs alternatifs à l’enseignement officiel, et subsistant à peine avec de maigres salaires dépendant de la bonne volonté des parents de ses élèves. Elle ouvrit ses propres écoles entre 1852 y 1855 dans des petites localités (Audeloncourt, Clefmont, Millières) de son département, et elle employa le maigre pécule hérité de la fortune familiale, pour faire son chemin. Elle joua de malchance car son rationalisme et ses idées égalitaires lui causèrent des problèmes avec les parents d’élèves, très traditionnels. Elle décida donc de partir pour la grande ville : Paris. Elle envisageait déjà à cette époque l’enseignement mixte et aussi l’usage du théâtre à l’école. Ses idées novatrices, sans récompenses ni châtiments, reléguaient la mémorisation à un second plan, privilégiaient le travail pratique et la connaissance des sciences naturelles ainsi que les voyages scolaires.

Paris se révélait comme la porte ouverte à l’écriture et à la poésie, à la possibilité de la vie bohême et de fréquenter des gens de lettres et des maisons d’éditions, et effectivement c’est là qu’elle noua une grande amitié avec l’homme qu’elle admirait, le grand écrivain Victor Hugo. Ils correspondaient depuis 1850, alors qu’elle vivait encore à la campagne, et ils continuèrent à s’écrire jusqu’en 1879.

Depuis 1856 jusqu’aux événements de la Commune, (1871) Louise Michel travailla sans relâche comme professeure, pendant 15 ans dans son école (24 rue Houdon, puis rue Oudot). Elle écrivait toute la nuit, fréquentait les cafés et écoutait des histoires à noter dans ses cahiers. Ses premiers poèmes voient le jour au cours de ces années-là, signés sous un pseudonyme masculin, puisqu’elle connaît la misogynie de ses contemporains, qui n’acceptent pas les écrits des femmes. Elle signe donc Enjolras, l’éphèbe et martyr républicain des Misérables de Victor Hugo. Au cours des nuits parisiennes, dans les milieux de l’activisme révolutionnaire et les cercles insurrectionnels de Blanqui, elle fit la connaissance d’Eugène Varlin, Raoul Rigault et Emile Eudes. Sa personnalité captiva le populaire éditeur du Cri du Peuple, Jules Vallès, qui l’invita à y contribuer par ses écrits. Elle connut bientôt son compagnon avec lequel elle vécut en union libre en 1870, Théophile Ferré, l’un des fusillés du 28 novembre 1871, pour sa participation à La Commune de Paris.

Au sein des cercles blanquistes, Louise participait à toutes les contestations dans la rue, elle expliquait elle-même comment elle avait assisté le 12 janvier (1870) à l’enterrement du journaliste républicain assassiné, Victor Noir. Elle avait revêtu un habit masculin pour ne pas attirer l’attention et avait un revolver en poche face au risque d’affrontements armé. En août, elle participa à la grande manifestation en faveur d’Eudes et de Brideau, arrêtés injustement et remit un écrit de Jules Michelet aux autorités. En octobre, elle lança des proclamations aux infirmières et "aux citoyens de la libre pensée" pour défendre la ville des Prussiens, co-fonda le comité de vigilance de Montmartre et participa à une grande manifestation en fin de mois en faveur de la Commune. Deux mois plus tard, elle fut arrêtée pour la première fois pour avoir participé à une manifestation de femmes.

LOUISE MICHEL ET LA COMMUNE DE PARIS : DES FEMMES SUR LES BARRICADES 

★ LOUISE MICHEL, COMMUNARDE ET ACTIVISTE ANARCHISTE

Sa biographie prend un tour décisif à partir de sa participation à la Commune. Dès lors l’institutrice et activiste devient le phare des libertaires de toutes les époques, puisque depuis le premier jour, tout comme sa mère, elle monte sur les barricades de Paris. En janvier 1871, Louise Michel tira sur les troupes du général Trochu. Elle faisait partie de la foule organisée et armée qui défendait la mairie de Pars contre l’armée d’invasion et les Versaillais. Habillée en garde nationale, elle devint une icône féministe, au moment où la Commune en était à ses débuts.

La situation en France était terrible : Napoléon III avait été vaincu par les Prussiens et se préparait pour la marche triomphale sur la capitale. Les Parisiens empêchèrent la reddition de la ville, ils ne voulaient pas la voir humiliée. Ils s’organisèrent donc par quartiers et bien vite se levèrent les premières barricades, comme celles de 1848 dont on était nostalgique. Les internationalistes sortirent dans les rues, les républicains, les blanquistes, une infinité de prolétaires urbains, des femmes, des sans-emploi etc. Parmi les internationalistes, nous distinguons Elisabeth Dmitrief qui, depuis l’Union des Femmes pour la Défense de Paris, fut l’une des premières à prendre les armes et appeler à l’auto organisation féminine. Des assemblées et des colloques furent organisés, des boulangeries et des tavernes s’auto-organisèrent pour pouvoir nourrir la population. Lee travail des femmes en tant qu’infirmières et ambulancières les amena aux barricades où elles reprenaient les armes de ceux qui étaient tombés et elles-mêmes rejoignaient la défense de la ville.

Au cours de ces mois très denses à l’activité fébrile, la population s’organisait à travers le dialogue et l’assemblée permanente, consciente de sa propre force.

Les noms des communardes oubliés par l’histoire méritent d’être relevés : Paule Minck, Nathalie Lemel, Aline Jacquier, Blanche Lefèvre, Marceline Leloup, et la courageuse André Léo qui nous livra ses impressions sur ces soixante jours à peine de lutte insurrectionnelle qui ébranlèrent le monde. »
 

Dolors Marín est une historienne anarchiste. 

TRADUCTION : MONICA JORNET GROUPE GASTON COUTÉ FA. 
 

★ LOUISE MICHEL, COMMUNARDE ET ACTIVISTE ANARCHISTE
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