★ LA VIE, LA MORT, L’AMOUR
LA VIE, LA MORT, L’AMOUR, par Jean-Marc Raynaud.
ARTICLE DU MONDE LIBERTAIRE N°1825 DE FÉVRIER 2021.
" Comme il n’en a rien à carrer de l’hypothétique, du triangle avec un œil dedans,
Jean-Marc en appelle à la vie maintenant " (Le Monde libertaire).
« Quand j’étais petit (je n’étais pas grand), à chaque fois que j’avais un pet de travers, la peur de la mort (de ma mort) peuplait mes nuits de cauchemars.
Désormais que je suis vieux (mais pas beaucoup plus grand), s’il m’arrive encore de faire des cauchemars (le PSG gagnant la coupe d’Europe), la mort (sauf celle des autres) ne me hante plus. Mieux, j’ai décidé que tant que je serai vivant je ne serai pas mort et qu’une fois mort je n’irai pas à mon enterrement.
Pirouette que ce genre de propos ? Que nenni !
La vie
Qu’est-ce que la vie humaine et la vie tout court ?
Selon le dernier sondage Flop-Flop du 34 janvier 2021 réalisé auprès d’un échantillon de 78 milliards d’individus (comme dirait la police), les choses sont claires.
La plupart de nos frères et sœurs bipèdes, le nez sur le guidon de la survie, considèrent le bonheur et tout simplement le plaisir de vivre comme un rêve inaccessible. Parmi eux, un nombre croissant, victimes de publicités mensongères, espèrent sans trop y croire vraiment pouvoir enfin vivre… une fois morts. Et pour ce qui concerne la vie tout court, celle des humains comme celle des bestioles ou de la nature, hormis quelques esprits simples toujours pas sortis du stade anal de la croyance au Père Noël divin, ils écarquillent de grands yeux comme si on leur causait en grec ancien.
Bref, ce n’est pas gagné que d’essayer de mettre un peu de rationnel et de bon sens dans ce galimatias ! Essayons, néanmoins !
Est-ce, en effet, parce qu’on ne sait pas ce qu’il en est de la vie que cela doit nous empêcher de profiter de la vie pendant qu’on est vivant ?
Pour l’heure, l’existence de la planète Terre, l’espace sidéral, notre existence, celle des bestioles, des arbres… si on commence à en comprendre un peu le comment, on en ignore toujours le pourquoi. Cela s’appelle un mystère sans début ni fin. Cékomça ! Les mafias religieuses ont bien tenté de nous vendre une explication selon laquelle un nommé Dieu, qui n’a même pas d’adresse Internet ni de page Facebook, aurait créé la Terre et les hommes il y a 6000 ans. Mais, pas de chance, outre qu’ils ne nous disent pas qui a créé Dieu, la science a démontré depuis belle lurette que tout cela n’était que sornettes. Que l’existence de la Terre remonterait à des millions et plus d’années et que l’être humain était le produit d’une lente évolution là encore sur un temps très long. Pour autant, la science reconnaît qu’elle ne sait pas ce qu’est la vie, ce qu’il en est de l’univers et des univers, et encore moins s’il y a eu un début et s’il y aura une fin à tout cela. En clair, la science avoue que, pour l’heure, elle ne sait pas grand-chose. C’est honnête et, en plus, ce n’est pas grave.
Est-ce, en effet, parce qu’on ne sait pas ce qu’il en est de la vie que cela doit nous empêcher de profiter de la vie pendant qu’on est vivant ? Bien sûr que non. Et, ça devrait même être le contraire. Ne sachant pas d’où on vient, ni où l’on va, mais étant là, et - qui plus est - à titre provisoire, le bon sens voudrait que l’on croque la vie à pleines dents. À quoi bon, en effet, se prendre la tête avec des questions sans réponses, amasser bêtement des sous et des biens que nous n’emporterons pas dans l’au-delà, faire la guerre entre pauvres au seul profit des riches, courir après des chimères pitoyables comme le pouvoir, la course à celui qui aura la plus grosse, s’illusionner sur le grotesque d’une toute puissance quelconque, piller et détruire la nature et les conditions mêmes de la vie sur cette planète ? Nous avons tout pour être heureux, tous et toutes, et vivre en paix avec nos congénères d’ici et d’ailleurs dans le respect de la nature… Alors, pourquoi cela n’est-il pas ?
Parce que nous avons conscience d’être vivants, nous ne pouvons pas nous penser morts.
La mort
Nous autres, bipèdes humains, nous avons, comme la plupart des bestioles, la chance de penser. Mais, contrairement aux bestioles dont la pensée s’arrête au ressenti, nous avons la malchance de nous penser. Et, ayant conscience de nous penser, il nous est très difficile de nous penser ne plus pensant. En clair, parce que nous avons conscience d’être vivants, nous ne pouvons pas nous penser morts. D’où cette angoisse ontologique de la mort qui nous est propre et qui nous bouffe la vie.
Il en a toujours été ainsi, et il en sera toujours ainsi !
Mais, cette angoisse de la mort, à défaut de pouvoir se guérir, peut, du moins, se soigner. Avec quelques comprimés homéopathiques CH14 de rationalité.
C’est clair, vivant, on ne peut pas se penser mort. Et pourtant nous savons que nous allons mourir. Donc, à quoi bon avoir peur de quelque chose d’inévitable ? Et puis, avant de naître et de nous penser, étions-nous malheureux ? Non ! Alors, pourquoi, une fois morts, le serions-nous ?
Je vous l’accorde, la vie comme la mort relèvent fondamentalement de l’absurde et du non-sens. Considérer la vie comme un « entre parenthèses » entre le néant et le néant est largement anéantissant. Mais, justement, puisque la vie comme la mort sont des non-sens, elles sont porteuses de sens. Celui de comprendre que la vie, de fait, est une chance extraordinaire. Et oui, nous avons la chance de vivre. Et il convient de ne pas la gâcher en confondant l’essentiel et l’accessoire.
L’amour
Si on pense que la vie, pour absurde qu’elle soit, est une chance, eh bé, il serait dommage et stupide de ne pas remplir cette chance de sens. Et surtout de bon sens.
Vivre, c’est assurément, d’abord, avoir les moyens de vivre. C’est-à-dire pouvoir se nourrir, se vêtir, se loger, vivre en paix avec ses voisins immédiats et lointains, cultiver (bio) en bon père ou mère de famille notre petit jardin et celui, immense, de la nature. Et cela, aujourd’hui, est possible. Une agriculture intelligente, une science et des techniques au service exclusif du bien commun, des productions de toutes sortes, hormis les inutiles et les dangereuses… permettent tout cela. Et sur ces bases il serait possible d’accéder à l’essentiel.
Franchissez les obstacles et s’ils sont infranchissables, contournez-les.
L’essentiel, et vous n’êtes pas sans l’avoir toujours recherché et parfois trouvé, c’est l’amour et l’amitié. Le bonheur d’être et d’être ensemble. Celui de la contemplation d’un lever ou d’un coucher de soleil. D’avoir plaisir à être et à être avec l’autre. De s’aider à être heureux. Dans la paix, la sécurité, la liberté, l’égalité, l’entraide, l’échange, le don, la culture, l’éducation à tout cela…
Oh, bien sûr, comme Rome, le bonheur ne se construit pas en un jour et la roche tarpéienne sera toujours proche du Capitole. Mais, il est à portée de main. À portée de désir et de volonté. Alors ?
Alors, debout les morts, organisez-vous, syndiquez-vous, manifestez pour vos droits et ceux des autres, franchissez les obstacles et s’ils sont infranchissables contournez-les, soyez des militants de la désobéissance civique, débarrassez-vous des oripeaux dont les maîtres du monde vous affublent, n’attendez pas demain pour commencer à construire le monde nouveau que vous avez dans le cœur, retrouvez l’espoir des luttes passées et enrichissez-le, prenez votre carte au parti des sans-carte, n’attendez rien ni d’un homme providentiel, ni des lendemains toujours repoussés, osez vos rêves, comptez sur vous pour pouvoir compter sur les autres, embrassez le présent à bouche que veux-tu…
Votre peur de mourir qui ne vous empêchera pas de mourir devrait logiquement vous conduire à ne pas avoir peur de vivre. Vivre. Pas survivre !
Aux armes (de l’intelligence et du bon sens), citoyens et citoyennes. Aux armes. Aux armes. Aux armes ! »
- SOURCE : Le Monde Libertaire
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