★ AU PAYS DU SOPHISME DÉCONCERTANT

Publié le par Socialisme libertaire

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« Jadis, c’est-à-dire hier encore, les révolutionnaires, et parmi eux les anarchistes, se réclamaient du rationalisme. Il s’agissait là d’adjoindre à leur combat contre l’exploitation et l’oppression, celui contre les obscurantismes religieux, politiques, sociétal… qui forgent les chaînes de l’aliénation. Oh, bien sûr, le rationalisme fit parfois montre d’une certaine psycho-rigidité et de certains excès. Mais de là, comme c’est devenu une tendance lourde actuellement, à chausser les bottes de sept lieux de l’irrationnel et de son faux nez sophiste, c’est assurément jeter le bébé avec l’eau du bain !

De quelques sophismes emblématiques 

C’est bien connu, le fainéant n’aime pas travailler. Or le chômeur, par définition, ne travaille pas. Donc, le chômeur est un fainéant. Et peu importe qu’on puisse être fainéant pour certaines choses et non fainéant pour d’autres et que la plupart des chômeurs, s’ils ne travaillent pas, s’épuisent à chercher un travail de plus en plus rare. L’irrationnel à la mode café du commerce reste imperméable à toute rationalité. C’est ainsi et il suffit de traverser la rue et de tendre l’oreille pour s’en persuader. De prime abord on peut essayer de se rassurer en estimant que ce genre de sophisme n’est l’apanage que de gens incultes. C’est bien sûr souvent le cas, mais… Mais, ici, là et ailleurs, et même dans nos rangs, il est de plus en plus de gens a priori non incultes qui surfent sur le sophisme et l’amalgame.
Le sophisme consiste en un raisonnement faux malgré une apparence de vérité. L’amalgame, quant à lui, relève d’une méthode englobant artificiellement, en exploitant un point commun, diverses attitudes politiques. Dans ce cadre là, Hitler étant végétarien, tous les végétariens ou presque ne peuvent être que des nazis. L’extrême-droite d’hier se targuant d’écologie au sens d’un retour à la nature tatoué à la loi de la jungle, tous les écologistes ou presque ne peuvent qu’être d’extrême-droite. L’extinction de masse des dinosaures et des ¾ des espèces vivantes de l’époque ayant eu lieu sans que l’homme y soit pour quelque chose, l’extinction présente (de 1970 à nos jours) des ¾ des vertébrés et autres petites bestioles est peut-être due à d’autres causes que l’activité humaine de ce dernier siècle et il faut, par conséquent, la faire bénéficier de la présomption d’innocence. Les Amish étant réfractaires depuis des siècles à la plupart des « progrès » techniques, tous ceux qui, aujourd’hui, osent simplement s’interroger sur le bien fondé de ce soi-disant progrès technique que serait la 5 G, ne peuvent être que des adeptes du retour à la bougie. Proudhon, le « père » de l’anarchisme, étant un phallocrate et un homophobe notoire, tous les anarchistes ou presque ne peuvent être que…

Ni rire ni pleurer, mais, comprendre 

Devant ce tissu d’imbécillités sophistes dont les climato-sceptiques sont le dernier avatar, rire ou pleurer est de peu d’intérêt. Et d’autant moins d’intérêt que ce virus est en train de virer pandémie un peu partout dans le monde.
Aussi il convient de ne jamais baisser la garde et de dénoncer sans relâche la fausseté, l’ineptie et la perversité du pseudo-raisonnement sophiste. Car oui, même si Hitler était effectivement végétarien, cela ne prouve en rien que le végétarisme porte le nazisme en lui comme la nuée, l’orage. Car, oui, même si l’extrême-droite d’hier se targuait d’un retour à la nature made in Loi de la jungle, si une frange des écologistes (les politicards) œuvrent pour un capitalisme vert et si une autre frange a des tendances mystiques, ça ne prouve en rien que tous les écologistes soient de cet acabit ni que sur la base de ce sophisme, on puisse mettre en doute ou nier des faits comme le réchauffement climatique, la fonte des pôles, l’absurdité d’une croissance sans fin dans un monde fini, les pollutions de toutes sortes, le pillage des bien communs, l’épuisement des sols et des ressources fossiles et animales, l’industrialisation outrancière… et la responsabilité évidente de l’activité humaine d’hier et d’aujourd’hui dans le désastre écologique du moment.
De même, il convient également, et dans le même temps, d’analyser pourquoi le sophisme, qui a toujours existé et qui existera toujours, a pris une telle ampleur, y compris parmi nous.
L’érosion de la conscience de classe et, plus généralement de toute conscience collective, via une montée indéniable des individualismes de toutes sortes ; la vérole des réseaux sociaux et le règne du plaisir immédiat ; la croissance exponentielle des inégalités et du déclassement des non premiers de cordée ; la morgue et le mépris de ceux d’en haut par rapport à ceux d’en bas ; la conjugaison d’innombrables révoltes légitimes au seul temps de l’émiettement des jacqueries ; l’abrutissement des masses par les médias, la pub, la surconsommation de l’inutile… qui les réduisent à n’être que des estomacs (de plus en plus vides) sur pattes et de simples parts de cerveau disponible…, expliquent sans aucun doute cela. Comme explique cela, notre impuissance à produire et à populariser un rêve social, écologique, sociétal… crédible et désirable.
Je vous laisse réfléchir là-dessus ! »
 

Jean-Marc Raynaud 
 

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