★ L’anarchie est la plus haute expression de l’ordre

Publié le par Socialisme libertaire

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"Au temps d'harmonie : l'âge d'or n'est pas dans le passé, il est dans l'avenir " de Paul Signac (1893-95).

 

« L’anarchie, ce n’est pas le désordre ; bien au contraire. 

Le mot ANARCHIE vient du grec et est composé de la particule exclusive a et arche, commandement, pouvoir, autorité. Étymologiquement, le mot ANARCHIE, qui devrait être écrit anarchie, signifie l’état d’un peuple, ou plus exactement, d’un environnement social sans gouvernement.

En tant qu’idéal social et en tant que réalisation effective, ANARQUÍA signifie un mode de vie dans lequel l’individu, libre de toute contrainte légale et collective qui a une force publique à son service, n’aura pas d’autres obligations que celles imposées par sa propre conscience. Il aura donc la faculté de se livrer aux inspirations réflexives de son initiative personnelle. Vous aurez le droit d’essayer toutes les expériences qui vous semblent souhaitables ou fructueuses ; il acceptera librement tous les contrats qui le lient à ses pairs, toujours temporaires et révocables ; et ne pas vouloir faire souffrir l’autorité de quelqu’un d’autre, qui qu’il soit. Ainsi, souverain propriétaire de lui-même, de la direction qu’il donne à sa vie, de l’usage qu’il fait de ses facultés, de ses connaissances, de son activité productive, de ses relations sympathiques…

Ce mode de vie implique un régime social d’où toutes les idées de salaires et de salariés, de capitalistes et de prolétaires, de maîtres et de domestiques, de dirigeants et de gouvernés, sont bannies, en fait et en droit.

Il est expliqué que, ainsi défini, le mot ANARCHIE a, au fil du temps, été insidieusement dévié de sa signification exacte ; qu’il a été pris dans le sens de « désordre », et que dans la plupart des dictionnaires et encyclopédies, seul ce sens est mentionné ; le désordre et ses synonymes : chaos, désordre, confusion, etc.

À l’exception des anarchistes, tous les philosophes, moralistes et sociologues, y compris les théoriciens de la démocratie et les doctrinaires du socialisme, affirment que sans gouvernement, sans législation, sans force répressive garantissant le respect de la loi et punissant toute infraction à celle-ci, il y a, il ne peut y avoir que désordre et criminalité.

Maintenant bien. Ne sont-ils pas conscients, moralistes et philosophes, hommes d’État et sociologues, de l’affreux désordre qui règne partout, malgré l’autorité qui régit et la loi qui réprime ? Ces gens sont-ils dans un sens critique et dans un esprit d’observation qu’ils ne remarquent pas que plus la réglementation augmente, plus les mailles de la législation se resserrent et le champ de la répression s’élargit, plus le degré d’immoralité est grand ? Laissant la place aux crimes, à la manipulation, et aux pires pratiques.

Il est impossible pour ces théoriciens de l’ « Ordre » et ces professeurs de « Moralité » de confondre sérieusement et honnêtement ce qu’ils appellent « l’Ordre » avec les atrocités, les horreurs et les monstruosités dont le spectacle scandaleux met l’observation quotidienne sous nos yeux.

Et, s’il y a des degrés dans l’impossible, encore plus est l’impossibilité que ces sages « médecins » recourent à la vertu de l’Autorité et à la force de la Loi pour atténuer et faire disparaître a fortiori toutes ces infamies.

Une telle affirmation serait une pure folie.

La loi n’a qu’un seul objectif : justifier d’abord puis sanctionner toutes les usurpations et iniquités sur lesquelles repose ce que les bénéficiaires de ces iniquités et usurpations appellent « ordre social ». Les détenteurs de richesses ont cristallisé dans la loi la légitimité originelle de sa forme ; les détenteurs du pouvoir ont élevé à la catégorie des principes immuables et sacrés le respect dû aux foules privilégiées, à la Puissance et à la majesté avec lesquelles ils sont auréolés. Il est possible d’examiner en profondeur tous les monuments de l’hypocrisie et de la violence que sont les Codes, tous les Codes : aucune disposition ne sera trouvée en faveur de ces deux faits de nature historique et circonstancielle qu’elle est destinée à transformer en faits, d’ordre naturel et fatal.

Autorité. Je cède aux hypocrites officiels et aux professionnels du charlatanisme bourgeois tout ce qui se réfère à la « morale » dans la législation, puisque ce n’est pas, et ce ne peut pas être, dans un état social fondé sur l’autorité et la propriété, plus que l’humble serviteur et le complice éhonté des premiers et des seconds.

Concernant le mot ANARCHIE, pris dans le sens du chaos, nous trouvons commode de transcrire ces magnifiques mots de Kropotkine :

  « Dans quel ordre est-il ? Est-ce de l’harmonie avec laquelle nous, anarchistes, rêvons ? De l’harmonie qui s’établira librement dans les relations humaines lorsque l’humanité cessera d’être divisée en deux classes, dont l’une est sacrifiée au profit de l’autre ? De l’harmonie qui naîtra spontanément de la solidarité des intérêts, quand tous les hommes forment une seule famille, quand chacun travaille pour le bien-être de tous et tous pour le bien-être de chacun ? Bien sûr que non ! Ceux qui accusent l’ANARCHIE d’être la négation de l’Ordre ne parlent pas de cette harmonie du futur ; ils parlent de l’ordre tel qu’il est conçu dans notre société actuelle. Voyons donc ce que cet « Ordre » est que l’ANARCHIE veut détruire. »

« L’Ordre d’aujourd’hui, ce que l’on entend par « Ordre », c’est que les neuf dixièmes de l’humanité travaillent pour fournir le luxe, les joies et la satisfaction des passions les plus exécrables à une poignée de gens paresseux. L’ordre de privation, pour ces neuf dixièmes, de tout ce qui est une condition nécessaire à une vie hygiénique, à un développement rationnel des qualités intellectuelles. Réduire à neuf dixièmes d’humanité pour vivre un jour, comme des bêtes de somme, sans jamais oser penser aux joies procurées à l’homme par l’étude des sciences, par la création artistique : voilà « l’Ordre » !  »

« L’ordre est misère, la faim est devenue un état normal de la société. C’est le paysan irlandais affamé ; ce sont les Italiens réduits à devoir abandonner leur campagne luxuriante pour parcourir l’Europe à la recherche de tout tunnel à forer, où ils risquent d’être écrasés à mort, après avoir subsisté pendant quelques mois de plus ; c’est la terre prise au paysan pour la consacrer à l’élevage ou à la chasse, qui servira de nourriture aux riches ; c’est la terre laissée inculte avant de la restituer à ceux qui ne demandent que la culture. »

« L’ordre est la femme qui se vend pour subvenir aux besoins de ses enfants ; il est l’enfant réduit à être enfermé dans une usine ou à mourir de faim ; c’est le fantôme du travailleur rebelle aux portes des riches, le fantôme du peuple rebelle aux portes des dirigeants ».

« L’Ordre est une minuscule minorité élevée aux sièges du gouvernement, qui est imposée, pour cette raison, à la majorité, et qui forme leurs enfants à exercer plus tard les mêmes fonctions, afin de maintenir les mêmes privilèges par la ruse, corruption, force et meurtre ».

« L’ordre est une guerre continue d’homme à homme, de bureau en bureau, de classe en classe, de nation en nation ; c’est le canon qui ne cesse de gronder ; c’est la dévastation de la campagne, le sacrifice de générations entières sur les champs de bataille, la destruction en un an des richesses accumulées pendant des siècles de dur labeur. »

« L’ordre est la servitude, la chaîne de pensée, l’avilissement de la race humaine, soumis au fer et au fouet ; c’est la mort subite par le grisou, la mort lente par le naufrage, qui fait que des milliers de mineurs périssent, enterrés et détruits, victimes de la cupidité des patrons chaque année ; c’est la poursuite, la baïonnette prête, de ceux qui osent se plaindre. Voici l’Ordre ! ».

Et pour donner plus de force à sa pensée, Kropotkine continue en ces termes :

« Et le chaos, ce qu’ils appellent habituellement le chaos, est le soulèvement du peuple contre cet ordre ignoble, brisant ses chaînes, détruisant ses obstacles et allant vers un avenir meilleur ; c’est la chose la plus glorieuse que l’humanité ait dans son histoire ; c’est la rébellion de la pensée à la veille des révolutions ; c’est le renversement des hypothèses sanctionnées par l’immobilité des siècles précédents ; c’est l’apparition de tout un flot d’idées nouvelles, d’inventions audacieuses ; c’est la solution aux problèmes de la science ».

« Le chaos est l’abolition de l’esclavage ancien ; c’est l’insurrection des municipalités, l’abolition de la servitude féodale, les tentatives d’abolir la servitude économique ».

« Le chaos est l’insurrection des paysans révoltés contre les prêtres et les seigneurs, brûlant les châteaux pour faire place aux cabines, laissant leurs tanières prendre place au soleil. »

« Le chaos, ce qu’ils appellent le chaos, sont les moments où des générations entières endurent une lutte incessante et se sacrifient pour préparer l’humanité à une meilleure existence, la libérant des servitudes du passé. Ce sont les moments où le génie populaire prend son essor et prend, en quelques années, des pas gigantesques, sans lesquels l’homme resterait à l’état d’esclave antique, de ramper, d’animal avilissant dans la misère ».

« Le chaos est la naissance des plus belles passions et des plus grandes abnégations ; c’est l’épopée de l’amour suprême pour l’humanité ». »

 

PS : si l’ordre, c’est de connaître en France neuf millions de personnes vivant sous le seuil de pauvreté et des centaines de millions de par le monde, alors nous ne sommes pas pour l’ordre. Si l’ordre, ce sont les sans-abris, les enfants qui n’ont pas accès à l’éducation, les personnes qui sont sous-alimentées, alors nous ne sommes pas pour l’ordre. Si l’ordre, c’est de comptabiliser des millions de chômeurs, des millions de gens sans couverture sociale, alors nous ne sommes pas pour l’ordre. Si l’ordre, c’est le fait de risquer sa vie pour la gagner, c’est être soumis à une caste bureaucratique, aux capitalistes, au parti unique, aux chefs, aux actionnaires, aux spéculateurs… alors cet ordre-là, on n’en veut pas ! Si l’ordre, c’est de considérer celui qui n’a pas la même couleur de peau comme un être inférieur, si l’ordre c’est de considérer la femme comme inférieure, nous ne sommes pas pour l’ordre. Les libertaires sont pour l’égalité économique et sociale, pour que tous les êtres dans leur différence aient les mêmes droits. L’harmonie est notre ordre.

Patoche (GLJD)
 

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