★ L’ÉTAT DE L’ÉTAT

Publié le par Socialisme libertaire

Anarchisme Liberté

 

   " Et si l’on veut être tout à fait moderne, si l’on veut englober toutes les déclinaisons politiques actuelles, on se plaira à rassembler les deux termes d’« État » et de « gouvernement » en un seul : la « gouvernementalité », instance anonyme et sans visage. L’État, ce n’est pas le gouvernement − on change de gouvernement quand l’État perdure −, c’est une institution ; une institution qui détient − c’est une réalité sûre − le monopole de la force légitime sur le peuple et sur un territoire déterminé. On notera, de plus, que « la frontière constitue l’un des principaux éléments de définition de l’État », tout en précisant que « l’évolution des flux migratoires fournit de précieux enseignements sur les transformations que pourrait connaître l’État dans un proche avenir ». Cependant, on ne se laissera pas trop abuser par des transformations de l’État que l’on pense percevoir au profit d’instances internationales ou pour de prétendues décentralisations. Il est certain qu’il ne faut pas penser que l’État va abandonner simplement sa souveraineté à des instances supra- ou infraétatiques ; non, il module selon les nécessités différentes manières de gouverner. Et si l’on peut dire que l’État seul détient le droit à la violence, on rappellera que, « au Moyen Âge, l’État royal se fonde sur la loi qui est l’expression de la justice et qui préexiste au pouvoir ». Mais l’invention de l’État dans son instance actuelle, le « stato » de Machiavel, se situe entre le XIVe et le XVe siècle. Si l’État est daté, la notion de domination est, elle, immémoriale. Aussi, « de quoi nous servirait une société sans État si les rapports de domination se maintenaient en son sein » ? « Qu’importe que l’État disparaisse si la domination demeure », car l’État n’est qu’une des formes de la domination sociale. Pour autant, « les anarchistes sont les ennemis de l’État, c’est bien connu », peut-on lire dans le numéro 30 de la revue Réfractions et qui a pour titre « De l’État ». Encore une citation − parmi d’autres qui toutes nous éclairent sur ce monstre froid − extraite de cette revue. « À la théologie politique de l’État moderne s’adjoint […] la théologie économique du marché capitaliste dont la main invisible équivaut à la divine providence. »

Manière de gouverner

   La main invisible, une force plus maligne que divine et que le néolibéralisme donne comme une loi naturelle, loi spontanée de l’économie qu’il faut laisser se déployer et à laquelle il faut se soumettre et qui n’a d’échappée que dans la désobéissance au prétendu ordre des choses, dans la résistance à l’avis d’experts aux savoirs qui sont loin d’être neutres et qui s’appuient maintenant sur les nouvelles technologies de l’information. Néolibéralisme pervers, donc, puisque s’appropriant l’« idée de liberté » et celle d’autonomie des dominés qui vont s’impliquer eux-mêmes dans leur propre exploitation acceptant bon gré mal gré une servitude volontaire − dans des « chaînes de papier » − à la satisfaction des maîtres. Oui, « pour se faire obéir, l’État a recours à des ressources éthiques chez ceux qui lui obéissent ». Coercition invisible, « domination symbolique », « violence symbolique », « le fait que nous soyons préparés à l’obéissance et domestiqués de l’intérieur par l’État ». Oui, « qu’est-ce qui fait qu’on obéit sans avoir le fusil dans le dos » ? Surtout, on cherchera moins des gens qui obéissent que des « individus capables d’esprit d’innovation et d’adaptation ». Telle est la nouvelle « gouvernance ». Ce néolibéralisme annonce-t-il un triomphe de l’économique et de la finance sur le politique, sur l’État, avec pour soubassement une déréglementation des avancées sociales ? Avec un recul important des services publics et des protections individuelles au profit du privé plus rentable ; le service public devant lui aussi générer du profit.

   Ainsi, la main gauche − sociale − de l’État ignorerait sa main droite − répressive et néolibérale. Face au néolibéralisme, l’État a perdu une grande partie de ses pouvoirs comme le contrôle de sa monnaie, quand, en face, on fait de l’argent avec l’argent quand d’autres souhaitent créer des « société sans usines ». Mais il ne suffit pas de gagner de l’argent « pour créer de la valeur », il faut en gagner plus que ce qui est offert sur le marché pour un même niveau de risque. L’État ne serait donc pas stable ; il se transformerait au gré des forces qui l’alimentent souterrainement. Et l’État n’est pas en meilleure santé que quand il est en guerre. L’État fait la guerre et c’est la guerre qui fait l’État. Là encore, c’est une désobéissance généralisée qu’il faut.
Toi qui lis ces lignes, ne t’en contente pas, va à la source ! Tu te demanderas peut-être par quoi on va remplacer cet État aboli et quels seront les moyens d’y parvenir… Certes, la construction de l’État et l’histoire qui se déroule nous ont fermé des futurs possibles ; rouvrir ces possibles présente des difficultés mais ce n’est pas impossible. Il s’agit d’aller de l’avant avec « des programmes de recherche et d’action »… "
 

★ L’ÉTAT DE L’ÉTAT
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