★ Islam et athées

Publié le par Socialisme libertaire

IslamLe Monde Libertaire - 3 décembre 2009.

L’athéisme et la religion ne font pas bon ménage, c’est bien connu. Mais quand cette religion est l’islam, c’est encore plus compliqué, voire dangereux. Cependant, des athées en terre musulmane, il y en a et même il y en a eu depuis les origines. Méconnus en Occident, ostracisés, quand ils ne sont pas physiquement menacés ou éliminés dans le monde islamique, des individus nés et élevés dans un contexte musulman sont plus nombreux qu’on le pense à rejeter toute forme de pratique et de pensée religieuse et à devenir athées, avec toutes les difficultés que cela représente : risque pour l’intégrité physique, rejet, mise à l’écart, interdiction de parole, nombreux sont les exemples de personnes persécutées, assassinées ou forcées à l’exil parce qu’elles avaient osé mettre en doute les fondements de l’islam et exercer leur libre pensée.

En Europe, en France, des personnes nées et élevées dans un environnement musulman se réclament de l’athéisme. Des hommes et des femmes de toutes origines et de tous milieux qui entendent exercer leur libre opinion. C’est pour en débattre qu’une réunion sur le thème de l’athéisme et l’islam s’est tenue samedi 21 novembre, à la Bibliothèque la Rue, qui à cette occasion a fait salle comble. Animée par Amar, Jean Manuel et Mohamed, la discussion a porté sur la situation passée et présente de l’athéisme dans le monde musulman, avec le rappel de quelques grands noms de cette libre-pensée comme le poète syrien du XIe siècle al Maari ou le philosophe libre penseur du IXe siècle al Rawandi, mais aussi d’auteurs contemporains (Janabi, al Azm, Qusaymi…). La situation politique et sociale actuelle des pays du Maghreb où la fièvre intégriste s’est manifestée avec plus ou moins grande violence ces dernières années a aussi été évoquée. Les animateurs de ce débat ont commencé, il y a près de deux ans, la collecte de témoignages d’athées ex-musulmans, afin d’éditer un recueil : ce débat a permis de toucher un public plus large et d’enrichir ces témoignages, il a montré l’intérêt que ces personnes trouvent à se réunir, débattre et échanger leur point de vue, afin de ne pas se sentir isolées.

La principale revendication, est la liberté de conscience : que la non-croyance soit admise et ne soit plus considérée comme un crime. Et que cesse l’amalgame : arabe = musulman. Parmi l’assistance se trouvait une jeune marocaine, cofondatrice du Mouvement alternatif pour les libertés individuelles au Maroc : avec quelques autres militants, elles ont appelé, via le site Facebook, à la tenue d’un pique-nique public pendant le jeûne du Ramadan en septembre dernier. Avant même de mettre leur projet à exécution, ces militants (deux femmes et quatre hommes) ont été cueillis par la police. Mais leur geste, revendiqué et public a connu une très grande publicité, au Maroc et au-delà dans le monde arabe : la campagne de presse dirigée contre ce mouvement et ses buts les ont paradoxalement fait connaître, leur apportant des soutiens et leur donnant accès aux médias internationaux. Ce geste, en apparence anecdotique, en s’attaquant à l’un des piliers de la religion musulmane, a mis à jour la peur et la panique des autorités musulmanes : tant qu’on reste hors des regards, à l’abri de son domicile, on peut enfreindre les interdits, mais le faire au vu et au su de tout le monde est insupportable et mettrait en danger tout l’édifice.

Les athées ex-musulmans doivent se faire connaître et entendre, non seulement de leurs ex-coreligionnaires, mais aussi de ceux qui, ici, gardent une vision paternaliste ou condescendante des Arabes et autres immigrés issus du monde musulmans. Rappelons enfin que l’athéisme, à nos yeux, est indissociable du projet d’émancipation sociale et individuelle !
 

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