★ RECYCLAGE DES DÉCHETS POLITIQUES
Un excellent article du site Les Naufrageurs, la "voix d’un antifascisme autonome d’inspiration libertaire" :
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RECYCLAGE DES DÉCHETS POLITIQUES.
Un complot vieux comme le capitalisme
" Depuis le début des années 2000 le conspirationnisme a opéré, au même titre que l’obscurantisme religieux (auquel il est de toute manière bien souvent lié), un retour en force pour le moins impressionnant. Sur le plan international, des individus comme Thierry Meyssan ont une grande part de responsabilité dans cette résurgence qui est aujourd’hui devenue ce que l’on pourrait qualifier de « phénomène de société ». Cependant les recettes et les ingrédients qui composent la mixture indigeste que ces marchands de complots veulent nous vendre n’ont rien de bien nouveau…
Depuis le XVIIIe siècle, les théories du complot ont envahi l’imaginaire de la droite réactionnaire et, plus généralement, des « penseurs » contre-révolutionnaires. Elles apparaissent d’ailleurs en même temps que ces derniers. Contemporaines également de l’avènement de la société capitaliste et de la révolution française, elles sont l’une des formes par lesquelles certains vont affirmer leur refus de ces deux phénomènes. Elles leur sont donc intimement liées. Elles trouveront ensuite un terrain d’expression dans la théorisation de l’antisémitisme moderne à la fin du XIXe siècle et feront le lit du fascisme au XXe.
DES THÉORIES VIEILLES COMME LE CAPITALISME
Le conspirationnisme voit le jour après la Révolution Française dans les milieux religieux et/ou contre révolutionnaires. L’exemple le plus illustre de ces théories étant celui de l’abbé Augustin Barruel et de ses « Mémoires pour servir à l’histoire du Jacobinisme » qui accuse les « Illuminés de Bavière » (les fameux Illuminatis) d’être à l’origine de la Révolution Française. Même si l’on peut faire remonter aussi loin dans le temps ces fantasmes, on peut considérer que l’origine du conspirationnisme caractéristique de l’extrême-droite radicale – telle qu’on le connaît – se situe au XIXe siècle.
L’émergence de la société capitaliste et ses conséquences désastreuses ont, dès l’origine, engendré des phénomènes divers chez ceux qui l’on subit. Parmi ceux-ci, celui que Marx appelait le « fétichisme de la marchandise« . Le besoin chez le sujet de cristalliser ces angoisses sur quelque chose de matériellement concret. La tentative de réification par l’individu aliéné du produit de son travail devenu abstraction. Chez de nombreux théoriciens c’est la finance qui va jouer ce rôle de fétiche. Robert Kurz et d’autres auteurs marxistes actuels comme Moishe Postone remarquent à raison que: « Le XIXe siècle a connu une critique du capitalisme spécifiquement petite-bourgeoise qui entendait expliquer la crise et la pauvreté par les seules exigences du capital porteur d’intérêts ou capital financier. ».
Les tenants de cet anticapitalisme tronqué ne vont naturellement pas se contenter de se focaliser sur l’aspect spéculateur et financier du capitalisme, ils vont chercher à projeter la source de leurs angoisses sur des groupes d’individus. En identifiant le pouvoir de l’argent et la dimension abstraite du capitalisme, ils espèrent tout simplement identifier le capitalisme lui-même. N’en pouvant plus de se convulser face à cette nouvelle réalité leur esprit cherche à incarner matériellement le pouvoir exercé par la valeur abstraite. Naturellement ce n’est pas le capitalisme dans son ensemble et sa complexité qui est alors combattu, les manifestations concrètes de ce dernier n’étant pas perçues comme nocives en tant que telles. C’est ainsi par exemple que Proudhon se vautrait allègrement dans la dénonciation du « joug de l’intérêt » et l’antisémitisme.
Au XIXe siècle c’est surtout en Allemagne que l’on va réellement assister à la naissance de ce qui va devenir quelques décennies plus tard le romantisme politique, et en son sein à un courant très conservateur. Les romantiques s’opposaient à la modernité qu’ils voyaient comme l’une des sources de la décadence de la société. Si le romantisme allemand va se construire en opposition à l’Aufklärung, il faut noter que la voie lui a été ouverte dès le XVIIIe siècle par des auteurs comme Goethe. Le discours romantique – qui va être particulièrement influent – est très marqué par l’unilatéralisme de sa critique de la société capitaliste « décadente » et des élites qu’elle rend responsables du sort de la société.
En Allemagne, deux phénomènes vont conforter les romantiques allemands dans leurs orientations. Sous la restauration, la répression et la censure vont frapper les intellectuels qui avaient pourtant mené le combat nationaliste contre l’hégémonie française, la philosophie des Lumières et son équivalent allemand. En jouant ce rôle ils avaient pourtant permis, à leur échelle, la dite restauration. L’autre phénomène est la quasi-absence factuelle de changements (excepté sur le plan économique) des classes dominantes et de la société allemande dans son ensemble après la révolution de 1848. Cette absence de changements couplée à l’urbanisation et l’industrialisation croissantes qui les révulsent, vont pousser plus encore les générations de romantiques et leurs disciples dans leur fuite vers la réaction communautaire et un certain retrait dans une dimension antimatérialiste et religieuse. Les romantiques vont désormais rejeter de la même manière viscérale, les élites définitivement conçues comme « décadentes » et les mouvements progressistes de l’époque. Un grand nombre d’entre eux sombrerons plus tard dans l’antisémitisme.
Parmi les thèmes du romantisme en général se trouve l’évocation récurrente et mélancolique du « mal du siècle », dénonçant les Lumière et le matérialisme et amenant progressivement à une vision et une compréhension organiciste de la société ainsi qu’une interprétation spirituelle des processus qui la traversent. Ce faisant les romantiques vont aller en développant un état que l’on pourrait situer entre mélancolie nostalgique et révolte conservatrice ainsi qu’un Kulturpessimismus. C’est ce qui va amener la droite réactionnaire à voir dans ce mouvement l’occasion de tenter un rapprochement avec les milieux contestataires qu’elle n’aura alors de cesse de courtiser, souvent avec succès. Réciproquement les conceptions des romantiques et leur anticapitalisme tronqué ont profondément marqué la droite.
À la fin du XIXe siècle, les conceptions décadentistes du romantisme vont rapidement prendre une dimension raciste violemment antisémite chez les Völkischer puis au sein des mouvements contre-culturels de la Lebensreform. Cet antisémitisme allemand va perdurer et culminer sous la République de Weimar dans certaines composantes de la révolution conservatrice puis avec l’avènement du national-socialisme et du Troisième Reich. Ces mêmes conceptions et l’omniprésence des concepts romantiques vont favoriser dans une certaine mesure le conspirationnisme d’extrême-droite.
En France la droite contre-révolutionnaire et réactionnaire n’est pas en reste. Si l’influence du romantisme est moins présente, les théories du complot maçonnique héritées des lendemains de la révolution de 1789 se sont bien intégrées à l’imaginaire collectif. L’antisémitisme quant à lui est omniprésent et prend systématiquement des dimensions conspirationnistes. Deux personnages se distinguent à l’époque dans le rôle de promoteurs des théories conspirationnistes.
Le nouvel élan des préceptes anti-maçonniques et des spéculations qui les accompagnent doit beaucoup à Léo Taxil, un personnage haut en couleurs. D’abord excommunié pour avoir écrit le pamphlet anticlérical « À bas la calotte! », il sévit ensuite sous le pseudonyme de Dr Bataille. Alors revenu dans le giron de l’Église Catholique après avoir renié ses opinions antérieures, Taxil va être l’un des principaux avatars du conspirationnisme anti-maçonnique dont il est toujours une référence. Tentant avec force et persuasion d’établir et d’imposer aux yeux du monde que la franc-maçonnerie était un culte satanique secret, il mena toute sa vie un activisme forcené allant jusqu’à créer de toute pièce de faux témoignages.
L’un des antisémites français les plus notoires va être le nationaliste anti-dreyfusard Édouard Drumont, fondateur de la Ligue Nationale Antisémitique de France et du journal « La libre parole ». Il est d’ailleurs l’un de ceux, au sein du mouvement contre Dreyfus, qui populariseront l’usage de l’expression « philosémitisme ». Ce terme fera dès lors partie intégrante de l’attirail sémantique des antisémites. Son emploi qui a depuis été plusieurs fois dépoussiéré est encore courant parmi les militants d’extrême-droite (6). Il a généralement pour vocation à la fois de légitimer l’antisémitisme et de discréditer, aux yeux des personnes sensibles à ces discours, des individus non-juifs mais considérés comme des traîtres à la solde de ces derniers.
L’introduction quelques années plus tard d’un nouvel élément dans l’imaginaire antisémite va donner du grain à moudre aux conspirationnistes jusqu’à aujourd’hui. Il s’agit du célèbre faux élaboré au début du XXe siècle, le « Protocole des sages de Sion ». Crée par un agent de la police secrète russe, il s’agit d’un plagiat du « Dialogue aux enfers entre Machiavel et Montesquieu » de Maurice Joly. Le document qui prétend révéler un « Programme juif de conquête du monde » élaboré lors d’un congrès sioniste à Bâle.
ANTISÉMITISME MODERNE VS ANTIJUDAISME TRADITIONNEL
C’est à cette époque que l’on assiste à la naissance de ce que Moishe Postone appelle l’antisémitisme moderne quasi-systématiquement associé à l’anti-maçonnisme et à son volet conspirationniste. Cet antisémitisme moderne rompt avec l’anti-judaïsme traditionnel. Il s’agit d’une conception dans laquelle le juif n’est en réalité qu’une abstraction du capitalisme.
Nous avions déjà rappelé quelques bases sur le mode de pensée de ces individus. Les conspirationnistes en général (quel que soit le bord politique dont ils se réclament) ont un raisonnement panglossien basé sur des analogies fumeuses, la généralisation et l’essentialisme. C’est-à-dire qui consiste à désigner des similitudes entre des situations ou des connivences entre des acteurs, présentées comme troublantes là où dans les faits, il n’en existe pas. Et ce parce que l’on a décidé d’aborder des démonstrations de manière à les faire correspondre à certaines représentations plus qu’à d’autres. La généralisation de leur théorie couplée à un raisonnement essentialiste raciste leur permet de créer puis de désigner le « responsable » et permet le dénigrement potentiel « par association » de tout ce avec quoi il est possible d’établir un lien quelconque même imaginaire.
Ce même schéma va s’appliquer aux théories antisémites sous la plume d’individus tels qu’Édouard Drumont. L’antisémitisme qui n’a plus rien de religieux recouvre dès lors des aspects économiques, sociaux, culturels et idéologiques. Il naît de la prégnance de la Weltanschauung romantique et d’une forme d’anticapitalisme tronqué. Ainsi, c’est un militant allemand initialement démocrate, influencé par le romantisme politique, Wilhelm Marr qui va inventer le concept « antisemitisch », et sera le fondateur de la « Antisemitenliga ». C’est également lui qui, le premier, assimilera les juifs à la fois au capitalisme et au communisme.
Par ailleurs, sur le caractère particulier que revêt l’antisémitisme dans le contexte capitaliste qui dépasse la conception classique du « bouc émissaire » sus-évoqué, nous conseillons vivement entre autre la lecture de Moishe Postone :
« L’antisémitisme moderne, qu’il ne faut pas confondre avec le préjugé anti‑juifs courant, est une idéologie, une forme de pensée, qui a fait son apparition en Europe à la fin du XIXe siècle. Son apparition suppose l’existence séculaire de formes d’antisémitisme antérieures qui ont toujours fait partie de la civilisation chrétienne occidentale. Toutes les formes de l’antisémitisme ont en commun l’idée d’un pouvoir attribué aux juifs : le pouvoir de tuer Dieu, de déchaîner la peste ou, plus récemment, d’engendrer le capitalisme et le socialisme. La pensée antisémite est une pensée fortement manichéenne dans laquelle les juifs jouent le rôle des enfants des ténèbres.
(…)
« Le pouvoir attribué aux juifs par l’antisémitisme n’est pas seulement conçu comme plus grand mais aussi comme réel et non comme potentiel. Cette différence qualitative est exprimée par l’antisémitisme moderne en termes de mystérieuse présence insaisissable, abstraite et universelle. Ce pouvoir n’apparaît pas en tant que tel mais cherche un support concret — politique, social ou culturel — à travers lequel il puisse fonctionner. Étant donné que ce pouvoir n’est pas fixé concrètement, qu’il n’est pas » enraciné « , il est ressenti comme immensément grand et difficilement contrôlable. Il est censé se tenir derrière les apparences sans leur être identique. Sa source est donc cachée, conspiratrice. Les juifs sont synonymes d’une insaisissable conspiration internationale, démesurément puissante.
(…)
Quand on considère les caractéristiques spécifiques du pouvoir que l’antisémitisme moderne attribue aux juifs — abstraction, insaisissabilité, universalité et mobilité —, on remarque qu’il s’agit là des caractéristiques d’une des dimensions des formes sociales que Marx a analysées : la valeur. De plus, cette dimension — tout comme le pouvoir attribué aux juifs — n’apparaît pas en tant que telle mais prend la forme d’un support matériel : la marchandise.
(…)
« Les juifs n’étaient pas simplement considérés comme les représentants du capital (dans ce cas, en effet, les attaques antisémites auraient été spécifiées en termes de classe). Ils devinrent les personnifications de la domination internationale, insaisissable, destructrice et immensément puissante du capital. Si certaines formes de mécontentement anticapitaliste se dirigeaient contre la dimension abstraite phénoménale du capital personnifiée dans la figure du Juif, ce n’est pas parce que les juifs étaient consciemment identifiés à la dimension abstraite de la valeur, mais parce que, dans l’opposition de ses dimensions abstraite et concrète, le capitalisme apparaît d’une manière telle qu’il engendre cette identification. C’est pourquoi la révolte « anticapitaliste » a pris la forme d’une révolte contre les juifs. La suppression du capitalisme et de ses effets négatifs fut identifiée à la suppression des juifs »
Moishe Postone « Antisémitisme et National-Socialisme »
Cette approche permet de mettre en valeur la double fonctionnalité remplie par le conspirationnisme depuis ses origines au XVIIIe siècle. Non seulement il sert chez les réactionnaires à expliquer les volontés émancipatrices des classes sociales oppressées (qui ne peuvent qu’être manipulées) et l’évolution d’idées progressistes (qui seraient en réalité décadentes et serviraient des desseins hermétiques) mais surtout il accompagne l’arrivée du capitalisme et permet avant tout d’intégrer conceptuellement celui-ci.
Le fétichisme de la marchandise s’est traduit entre autre chez la droite réactionnaire par le conspirationnisme. Cette dernière, qu’elle accepte ou non la nouvelle organisation de la société, ses rapports socio-économiques et ses antagonismes, se doit pour continuer à présenter l’inégalité comme un phénomène naturel, de proposer une explication même minimale aux ravages du capitalisme.
Le conspirationnisme va permettre à la fois de fournir une telle source de réconfort en même temps qu’une matière propice à la cristallisation de l’angoisse générée par la place qu’occupe dès lors dans l’existence humaine la marchandise comme support de la valeur. On peut considérer le conspirationnisme comme une sorte d’aménagement de la pensée réactionnaire pour y intégrer le capitalisme.
LES THÉORICIENS DU CONSPIRATIONNISME DANS L'ENTRE-DEUX GUERRES
Dans les années 20 les théories conspirationnistes font leur chemin dans la société. L’un des exemples les plus frappants est la diffusion massive du « Protocoles des sages de Sion ». Ce dernier sera diffusé largement lors de l’exode des Russes blancs qui cherchent à cristalliser leur incompréhension face aux événements qui ont mis à bas l’aristocratie russe. Pour eux, la révolution de 1917 est donc l’œuvre des juifs.
Bien qu’il n’y ait jamais deux situations historiques identiques et que, de ce fait, la plupart des rapprochements entre des événements que les siècles séparent soient caduques, une observation est néanmoins possible. Celle de la réaction curieusement similaire de l’aristocratie face à l’épisode révolutionnaire. La nature de la révolution russe diffère sensiblement de celle de 1789, cependant dans les deux cas elle s’oppose à des systèmes absolutistes dominés par une aristocratie contre révolutionnaire. Lorsqu’en 1789 la révolution française abat la monarchie absolue, elle est imputée par les réactionnaires aux Illuminés de Bavière. De la même manière l’aristocratie tsariste va désigner les bolchéviks comme une émanation d’un complot des juifs. Ce fantasme du complot « judéo-bolchevique » va marquer l’extrême-droite en Allemagne et en France. En 1920 (dix-sept ans après leur écriture), les « Protocoles » paraissent dans des traductions allemande et française. Et la publication des preuves de l’imposture dans différents organes de presse (et même chez l’Action Française) environ un an plus tard ne permettent pas d’endiguer la popularisation de cette fable antisémite.
Les délires conspirationnistes loin de perdre de la vitesse vont faire partie intégrante du discours d’une grande partie de l’extrême-droite jusque dans les années 30. Parmi les éléments importants de cette période il faut noter la psychose autour des fameuses « deux cent familles ». Celle-ci deviendra l’un des thèmes de prédilection d’Henry Coston. Ce dernier que nous avons déjà évoqué, était un militant nationaliste et antisémite dans les années 30, période durant laquelle il relancera le journal antisémite La Libre Parole. À cette époque il fut le correspondant du régime nazi et de son organe Weltdienst ainsi que membre du PPF de Doriot. Durant la collaboration il est chargé par Pétain d’enquêter sur les Francs-Maçons et fonde le Centre d’Action et de Documentation ainsi que les Bulletins d’Information Anti-Maçonnique et les Bulletins d’Information sur la Question Juive. On le retrouve aussi en collaborateur de la Waffen-SS avec sa Commission d’Études Judéo-Maçonniques.
On ne peut pas évoquer le conspirationnisme des années trente et passer à côté de l’expression « bankster ». Inventée par le fasciste Léon Degrelle, elle est allègrement utilisée ensuite par nombre d’acteurs politiques. Le visage du banquier apatride et corrompu qui complote dans l’ombre contre le « peuple » ou la « nation » reste un classique du discours conspirationniste. Une fois que l’on a fait admettre ce raisonnement à sa cible, la difficulté est moindre pour lui faire accepter que les « banksters », les « 200 familles » ou « l’oligarchie » ont un dénominateur commun. Ce dernier dans un raisonnement idéaliste apparaît comme un mobile. Il suffit dès lors de choisir ce dénominateur parmi les plus vendeurs : judaïsme, franc-maçonnerie, satanisme…
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L’imagination fertile de l’extrême-droite radicale et des mouvements contre-révolutionnaires en général, depuis la révolution française jusqu’à la seconde guerre mondiale, ont été à l’origine de la plupart des dispositifs conceptuels et des représentations sur lesquels reposent les théories conspirationnistes actuelles. Il s’agit avant tout, dans la construction idéologique réactionnaire du XVIIIe siècle d’aménager la réalité – quitte à la déformer – et ce, pour des raisons multiples. Il s’agit à la fois d’intégrer la dimension abstraite des mécanismes du capitalisme perçue comme négative et en même temps d’en épargner une certaine manifestation concrète. En effet le travail, le développement technique ou le capital industriel ne sont amenés à trouver aucune critique dans une telle conception de l’économie.
Le conspirationnisme qui naît suite à la révolution française n’est pas ce à quoi certains le réduisent, un complot contre les travailleurs pour empêcher ceux-ci de faire la révolution. Il tient plus au refus des réactionnaires de renoncer dans leur construction idéologique à un certain nombre de valeurs qui sont fondamentales à leurs yeux. Ainsi le refus de considérer la force exercée par le collectif – ce qui pour eux ne peut se faire qu’au détriment du particulier et de l’individualité – ou de l’idée d’une possible égalité entre les individus – jetant à bas les fondements d’un état de fait qu’ils considèrent comme naturel – trouve son expression dans ces théories. Les bouleversements qui surviennent au cours du XVIIIe et du XIX siècle, qu’il s’agisse du capitalisme industriel ou des aspirations progressistes, nécessitent la production d’un arsenal idéologique. Ce dernier doit avant tout réponde à la nécessité d’un nouveau paradigme « réactionnaire » dont l’agencement permette d’expliquer la barbarie capitaliste et son antipode, l’hypothèse communiste.
L’une des constantes du conspirationnisme va être le caractère particulier qu’elle va donner au capital porteur d’intérêt – autrement dit la finance – érigée en fétiche cristallisant les aspects négatifs du capitalisme. L’organisation de la psychose générale autour des « 200 familles » ou la popularisation du terme « bankster » par les idéologues conspirationnistes du milieu du XXe siècle ont été rendues possibles par près de cent cinquante ans de renforcement chez les réactionnaires et par ceux-ci du fétichisme de la marchandise à travers le complot. Un fétiche que l’antisémitisme moderne va biologiser et faire s’incarner dans le Juifs. Ainsi on retrouve dès lors la « juiverie » et les « philosémites » derrière la finance, la spéculation, la franc-maçonnerie et évidemment le bolchévisme.
Les théories conspirationnistes ont aujourd’hui acquis une telle force au-delà de la pensée réactionnaire qu’elles ne se limitent plus à un concept d’aménagement de celle-ci. Si leurs origines et leur essence gardent une certaine constance, on ne peut plus parler aujourd’hui (si tant est que ce fut le cas) d’un « conspirationnisme » au singulier.
Dans la guerre sociale en cours, il n’est plus possible d’ignorer la place prise par les différentes formes de conspirationnisme. Celles-ci ne sont plus circonscrites à de lointaines sphères ésotériques mais envahissent des régions dialectiques qui les rapprochent dangereusement de celles que nous croyons naïvement occuper. Il devient plus qu’impératif d’identifier et d’inventorier ce qui compose ce déploiement hostile. "
- SOURCE : Le Naufrageur - 25 mars 2015
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