LA GUERRE TOUJOURS, LA GUERRE PARTOUT
> CE TEXTE À ÉTÉ PUBLIÉ DANS LE JOURNAL PAPIER, MAIS ON LUI TROUVAIS BEAUCOUP DE PERTINENCE FACE À LA GUERRE EN UKRAINE ! (Site Ricochets)
" Le 11 novembre s’est tenu à Die, au monument aux morts, un hommage aux victimes des guerres, et en particulier aux mort.e.s aux frontières de l’Europe forteresse. Des noms de disparu.e.s ont été lus et accrochés au monument, des morts inconnu.e.s ont aussi été honorés. On a entendu résonner sur la place des chants antimilitaristes, ainsi que le texte qui suit. "
« Aujourd’hui, 11 novembre.
Nous voulons rendre hommage à celles et ceux que les frontières assassinent.
Nous ne mettons pas en concurrence les mort.e.s et le souvenir que nous leur devons. Mais nous souhaitons faire le lien entre les victimes des guerres d’hier et d’aujourd’hui, d’ici et d’ailleurs.
La guerre n’a pas commencé en 1914, et ne s’est pas achevée en 1918.
Le bain de sang de 14-18 est un épisode de la longue marche de la civilisation.
Au nom de cette civilisation, des continents ont été livrés au pillage, à l’extermination, à l’esclavage. Les corps des femmes ont été soumis, violés, torturés, brûlés.
Les savoirs, l’autonomie et les communautés paysannes ont été sacrifiés sur l’autel du productivisme et de l’industrie. Des millions de personnes ont été envoyés pour s’entre tuer sur les champs de bataille au nom de la patrie, de la nation, de l’empire ou de la foi.
La recherche atomique, l’intelligence artificielle et les canons à neige ont été développés au nom du progrès et de la science.
Au nom de la civilisation, c’est en fait un système qui s’est imposé partout, à toutes et tous, celui de l’argent et du profit, de la prédation et de l’exclusion de la compétition et de la soumission. Nous l’appelons capitalisme.
Pour le Capital, la guerre est à la fois un moyen et une fin. En d’autres termes, la guerre est un business, et le business est une guerre. La guerre est un langage et un mode de gouvernement.
Le capital a étendu progressivement son règne à tous les recoins de cette planète, la transformant en un vaste entrepôt où tout s’achète et tout se vend. L’air, la terre, les plantes, les animaux, les corps, les idées, sont des marchandises.
L’expansion totalitaire et infinie du domaine de la marchandise nous assène dès lors cette vérité vertigineuse : la guerre est contre le vivant, et donc contre l’humanité.
Des territoires toujours plus grands deviennent inhabitables, les ressources se tarissent, et la compétition pour leur contrôle est toujours plus féroce.
Le mirage d’un village planétaire, d’un monde globalisé sans murs ni frontières a désormais fait long feu. De partout ressurgissent miradors, murs, camps, qui se dressent entre les peuples, et face à celles et ceux, toujours plus nombreux, qui choisissent ou subissent l’exil.
Dans le monde d’en haut, la chasse à l’être humain augmente, culminant dans une compétition cynique et abjecte. On l’entend ces jours ci, les migrant.e.s sont désignés non plus comme des victimes, mais comme les armes d’une guerre entre les puissances.
Sous le déguisement du nationalisme fasciste, les temps de l’obscurantisme le plus rétrograde reviennent réclamer attentions et privilèges. Fatigué de gouverner dans l’ombre, le Capital démonte les mensonges de la « citoyenneté » et de « l’égalité » face à la loi et au marché. Le drapeau de « liberté, égalité et fraternité » avec lequel il a revêtu son passage en système dominant dans le monde n’est déjà plus qu’un torchon sale.
Au final le système se dévoile et montre son vrai visage et sa véritable vocation.
« La guerre toujours, la guerre partout », murmure l’emblème du superbe navire qui navigue sur une mer de merde et de sang.
Personne n’est à l’abri. Ni le capitaliste national, qui rêvait des bienfaits que lui offraient l’ouverture des marchés mondiaux, ni la classe moyenne conservatrice, survivant entre le rêve d’être puissante et la réalité d’être troupeau du berger de service. Sans parler de la classe laborieuse de la campagne et de la ville, aux conditions toujours plus difficiles.
Et, pour compléter l’image apocalyptique, des millions de déplacés et de migrants se heurtant aux frontières devenues subitement aussi réelles que les murs qu’à chaque pas, mettent en travers les gouvernements et les criminels.
Dans la géographie mondiale des médias et des réseaux sociaux, les déplacés, fantasmes errants sans nom ni visage, ne sont à peine qu’un numéro statistique qui change de localisation.
A travers cet hommage aux personnes mortes aux frontières, nous voulons, au moins ici et maintenant, les faire ressurgir de l’oubli . Ces morts sont aussi nos morts. Nous n’oublions pas, nous ne pardonnons pas.
Nous envoyons aussi un salut fraternel et sororal à celles et ceux qui sont sur les routes de l’exil, bloqués et persécutés par les politiques anti-migratoires de l’Europe forteresse. Nous appelons à nous solidariser, par tous les moyens possibles. Quiconque doit pouvoir choisir de vivre où il/elle le désire. Accueillons, luttons contre les détentions et les expulsions, ouvrons des brèches et abattons les murs de l’Europe forteresse. Combattons le poison de la xénophobie et du nationalisme.
Et nous envoyons un salut à celles et ceux que le système abandonne, harcèle ou détruit.
Quelle que soit l’époque, qu’elle soit économique ou militaire, que maudite soit la guerre. »