FN et Daech, les deux faces d'une même guerre de religion
Le FN en appelle à Charles Martel et refuse aux musulmans la possibilité d'être des Français comme les autres. De quoi attiser dans l'Hexagone les germes de la guerre civile dont rêve Daech. Pervers et périlleux jeu de miroir.
Les périodes de tension politique ont ceci d'utile qu'elles révèlent les tempéraments. Et dévoilent la vraie nature des engagements des uns et des autres. Il y a peu encore, certains observateurs mal renseignés dissertaient volontiers sur un hypothétique "recentrage" du Front national. Marine Le Pen, qui a le sens de la communication, avait rebaptisé cette stratégie "dédiabolisation", d'autres évoquaient une "normalisation" et l'entourloupe a, hélas, trompé de longue date nombre de gogos.
L'approche des élections régionales et le fumet de victoire possible qui enivre peu à peu les esprits des dirigeants frontistes a le mérite de confirmer ce dont les plus lucides n'ont jamais douté : l'extrême droite n'a pas changé. Viscéralement hostile aux valeurs d'universalité prônée par la République, elle piétine le triptyque liberté-égalité-fraternité et enterre l'idéal de laïcité, garant du vivre-ensemble, pour prôner un projet de société d'affrontements communautaires qui confine à la guerre civile. Plus précisément, le tour que prend la campagne du Front national dévoile son véritable dessein : déclencher une guerre de religion dans l'Hexagone.
Trier les "bons Français"
La preuve, entre autres, par Marion Maréchal-Le Pen, députée du Vaucluse et tête de liste frontiste en région Paca, et son ami Robert Ménard, maire d'extrême droite de Béziers. La première a doctement expliqué lors d'un meeting, mardi soir à Toulon, que les musulmans ne pouvaient être Français
"qu'à condition seulement de se plier aux mœurs et au mode de vie que l'influence grecque, romaine et seize siècles de chrétienté ont façonné".
Absurde, le raisonnement est significatif de l'objectif poursuivi par l'extrême droite : séparer le bon grain de l'ivraie, trier les "bons Français" pour écarter les "mauvais", bref, catégoriser la population et hiérarchiser entre ceux qui sont de "vrais Français", et les autres, ceux qui ne seront jamais à ses yeux que des "Français de papier".
En République, il n'est qu'une référence pour établir qui est français et qui ne l'est pas : le Droit. Seuls les textes de loi adoptés démocratiquement définissent la nationalité des individus. Être Français, pleinement Français, c'est jouir d'un certain nombre de droits et se plier à certains devoirs définis par la loi, et rien d'autre. Tout Français, quelles que soient ses origines ou ses convictions, est libre de vivre comme il l'entend dès lors qu'il ne contrevient pas à la loi. Aucun autre critère, et certainement pas l'obligation d'adopter tel ou tel mode de vie ou de se plier à telle ou telle coutume, ne saurait y être ajoutée.
Le kebab plutôt que l'exil fiscal
Le week-end dernier, Marine Le Pen assénait, elle, carrément que pour être français, il fallait
"parler français, manger français, vivre français".
Mesure-t-on assez le caractère surréaliste, et dangereux, d'un tel propos ? Dois-je redouter d'être déchu de ma nationalité si je cède à la tentation du couscous ? Suis-je un mauvais Français si je craque devant un kebab ? "Êtes-vous plus français que lui ?", demandait une célèbre affiche de propagande de Vichy sur un portrait du maréchal Pétain. L'extrême droite perpétue cette immuable tradition.
Et pourtant, le soldat français de culture musulmane qui combat sous le drapeau tricolore n'est-il pas un bien meilleur patriote que le dirigeant politique, d'origine bretonne, qui pratique l'exil fiscal et possède des comptes cachés en Suisse ?
Marc Bloch indignement récupéré
A l'appui de sa démonstration, Marion Maréchal-Le Pen a ajouté mardi soir :
"Qui n'a pas vibré au sacre de Reims et à la fête de le Fédération n'est pas vraiment Français"
Ce faisant la petite fille de Jean-Marie Le Pen perpétuait une autre tradition de l'extrême droite, celle qui consiste à souiller le devoir de mémoire, en l'occurrence celle de l'historien et résistant juif assassiné par les nazis Marc Bloch.
L'auteur de "l’Étrange Défaite" avait en effet écrit :
"Il est deux catégories de Français qui comprendront jamais l'histoire de France : ceux qui refusent de vibrer au souvenir du sacre de Reims ; ceux qui lisent sans émotion le récit de la fête de la Fédération"
Les héritiers de Marc Bloch se sont déjà plusieurs fois émus de la récupération indigne de l'extrême droite qui détourne une citation tronquée.
En effet, Marc Bloch ne cherche pas dans son livre à faire l'éloge des racines chrétiennes de la France, comme le montre d'ailleurs la seule évocation de la Fête de la fédération de 1790, mais à insister sur l'importance des rassemblements collectifs qui ont scandé son histoire. C'est ce qu'illustre la façon dont se termine ce passage de l'ouvrage, que le Front national se garde bien de citer :
"Dans le Front populaire -le vrai, celui des foules, non des politiciens-, il revivait quelque chose de l'atmosphère du champ de Mars, au grand soleil du 14-juillet 1790."
Rassembler tous les Français d'où qu'ils viennent autour d'un projet fraternel et d'un avenir commun, c'est précisément l'inverse de l'objectif recherché par le Front national.
Charles Martel sabre au clair
Mardi soir, précédant Marion Maréchal-Le Pen à la tribune du meeting de Toulon, le maire de Béziers Robert Ménard avait affirmé vouloir "retrouver notre France, celle de Louis XIV, de Napoléon, et de… Charles Martel !" En érigeant haut et fort en modèle le guerrier franc qui repoussa les armées musulmanes à Poitiers en 732, Ménard illustre à merveille le vrai projet du Front national. Le parti d'extrême droite n'a d'autre ambition que d'attiser les germes d'une guerre civile dans l'Hexagone. Un dessein qui apparaît en tous points comme le miroir de celui de… Daech.
Ecoutons Marine Le Pen en meeting mercredi soir à Nîmes : "Si nous échouons, le totalitarisme islamiste prendra le pouvoir dans notre pays, la charia remplacera notre Constitution, l'islam radical se substituera à nos lois et la burqa sera imposée à toutes les femmes", a-t-elle asséné.
C'est bien une guerre de religion que décrit la leader d'extrême droite, un affrontement dont ne peut sortir vainqueur, selon elle, que Daech ou le Front national. Bien sûr, le FN est un parti légal qui respecte les règles de la démocratie en concourant aux élections pendant que les terroristes sèment la barbarie dans les rues de Paris.
Il n'empêche que lorsque le parti lepéniste dénie aux musulmans la possibilité de devenir pleinement Français, et des Français pleinement comme les autres, pour les enfermer dans une identité exclusivement religieuse, il produit de la chair à canon qui alimentera demain les colonnes de Daech. Pour séduire, l'organisation terroriste n'a de cesse de répéter aux jeunes, notamment de culture musulmane, que les sociétés occidentales ne veulent pas d'eux. Le Front national, ses diatribes racistes et ses vitupérations xénophobes, sert, avec zèle, d'agent recruteur aux djihadistes. Raison pour laquelle, tout à son ambition de déstabiliser la démocratie en France, Daech vote Front national. Qui le lui rend bien.
Renaud Dély
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