Extrême-gauche/Extrême-droite. Inventaire de la confusion : Thèmes propices à la confusion

Publié le par Socialisme libertaire

Extrême-gauche/Extrême-droite. Inventaire de la confusion : Thèmes propices à la confusion

Antisionisme : Comme l’explique N. Lebourg (op. cit.), l’antisionisme a « permis de réhabiliter l’antisémitisme » ; en effet, il brouille « les cartes idéologiques, parce qu’il jouit du soutien d’une partie des gauches ». Et l’URSS a joué un rôle décisif dans cette évolution néfaste. « En 1948, des dizaines de milliers de juifs sont arrêtés en URSS car ils sont accusés d’être des “cosmopolites” mondialistes et antinationaux. » Plusieurs procès à tonalité antisémite se déroulent contre des dirigeants ou des cadres staliniens dans les démocraties populaires (Pologne, Tchécoslovaquie) à la même époque, ainsi qu’en URSS un peu plus tard (le procès des « blouses blanches » juste avant la mort de Staline).

« Lors du procès Eichmann (1960-1961), la presse soviétique amalgame Israël et le IIIe Reich, accuse les Israéliens de s’être alliés à la RFA afin de provoquer la Troisième Guerre mondiale. En 1963, la publication soviétique Le Judaïsme sans fard représente des soldats de Tsahal affublés du faciès des caricatures antisémites, mais portant croix gammées et casques à pointe. L’URSS consacre le maximum de sa production propagandiste, au-delà même de ce qui est consacré aux “déviances” marxistes-léninistes, à la dénonciation du “sionisme” : entre 1967 et 1978, 180 ouvrages antisémites-antisionistes sont publiés dont environ une cinquantaine de thèses universitaires, ainsi que plusieurs milliers d’articles dans la presse officielle. »

« En juillet-août 1967, les grands journaux soviétiques de province publient un texte qui voit dans le sionisme “un vaste réseau d’organisations ayant un centre commun, un programme commun, et un budget bien plus important que celui de la mafia, qui agit dans les coulisses de la scène internationale”. »

« En 1969, Prudence : Sionisme, fantasmant sur l’alliance entre sionistes et nazis, et sur l’équivalence doctrinale entre sionisme et nazisme, est tiré à 500 000 exemplaires. Cette pente dialectique mène l’URSS à être, à la fin des années 1970, le premier éditeur mondial d’écrits sur les complots des “sages de Sion”. »

En 1977, le rapport Emilanov dénonce les complots ourdis par le Bnai Brith, inaugurant une longue série de fantasmes colportés à droite comme à gauche sur cette organisation juive de type maçonnique. « Ce document établit la liste des supposés juifs et francs-maçons membres du gouvernement de Jimmy Carter, puis argue que Carter aurait été élu » par le Bnai Brith. L’URSS doit donc se défendre contre celui-ci en créant « un large front mondial et antisémite et anti-maçonnique sur le modèle des fronts antifascistes ». Il prédit « l’inévitable génocide » qui « attend tous les goyim, car la menace d’une domination mondialiste du sionisme fixée pour l’an 2000 pèse sur tous les goyim de la terre ».

L’antisémitisme stalinien n’est pas une spécificité soviétique. En effet, Benoît Frachon, dirigeant de la CGT et du PCF, n’hésite pas à déclarer, à la tribune du congrès de la CGT en 1967 : « Les correspondants de guerre nous ont présenté avec force détails, comme une grande manifestation de la foi, une cérémonie au mur des Lamentations (…). La présence de certains personnages de la haute finance lui conférait un autre sens que celui de ferveur religieuse (…). Le spectacle faisait penser que, comme dans Faust, c’était Satan qui conduisait le bal. Il n’y manquait même pas le veau d’or, toujours debout, qui (contemplait à ses pieds), dans le sang et dans la fange, les résultats de ses machinations diaboliques. En effet, les informations nous indiquaient qu’avaient assisté à ces saturnales deux représentants d’une tribu cosmopolite de banquiers bien connus : Alain et Edmond de Rothschild. À leurs pieds, des morts encore saignants. »

La guerre des Six Jours en 1967 marque un tournant. C’est à partir de cette date que l’extrême gauche abandonne progressivement toute référence au prolétariat israélien, et qu’une partie de l’extrême droite décide de mettre la pédale douce sur son antisémitisme quasi génétique et de faire l’éloge de la Résistance palestinienne. Comme l’expliqua le fasciste Franco Freda en 1972, emprisonné pour les attentats de la Piazza Fontana, « J’ai été un des premiers, et des peu nombreux, en Italie, en 1963, à travers une brochure à condamner (…) la politique de rapine, d’assassinats, de massacres (en un mot : de génocide) menée par le colonialisme juif dans la Palestine occupée ».

Une autre partie de l’extrême droite est carrément devenue « sioniste » et s’est alliée avec l’extrême droite israélienne contre les « Arabes », la haine de ceux-ci l’emportant sur leur ancienne haine contre les Juifs. Ils font néanmoins un bon calcul antisémite, car en voulant que les Juifs aillent tous vivre en Israël, ils s’en débarrassent à bon compte sans se déclarer en faveur du nettoyage ethnique (ce que les nazis appelaient « Judenfrei » – littéralement « libéré des Juifs »). Pour cette extrême droite, être prosioniste et antisémite à la fois n’est pas contradictoire car « les Juifs en Israël sont les défenseurs de la race, de la terre, représentent le “vrai socialisme” et sont les défenseurs de l’Occident ». Telle fut par exemple la position défendue par le fasciste Xavier Vallat, en 1967, pendant la guerre des Six Jours.

Dans les milieux néofascistes, les calculs géopolitiques oscillent sans cesse entre les partisans d’une Europe « régénérée » mais alliée aux États-Unis et ceux qui souhaitent une Europe « Judenrein » (littéralement, « nettoyée des Juifs ») alliée à la Russie et aux pays dits « islamiques ». C’est ainsi qu’Alain de Benoist (GRECE) écrivit en 1970 : « Le juif est spontanément porté à fomenter et à soutenir toute idée libérale, démocratique et internationaliste tout simplement parce qu’aucun peuple n’a plus que le juif, en raison de sa condition, à gagner au triomphe d’idéologies de ce genre et à l’élimination de tout ordre hiérarchique, autoritaire, national et traditionnel. » De Benoist a changé plusieurs fois de position sur les Juifs, aussi ne sert-il à rien de pointer vers les convergences temporaires entre « sionistes » et fascistes antisémites pour décrédibiliser le « sionisme », car les « penseurs » de l’extrême droite sont de vraies girouettes sur la « question juive », surtout dans leurs propos publics.


Désioniser Israël : cette expression de certains antisionistes de gauche en rappelle d’autres, aussi douteuses :

– la « dénazification de l’Allemagne » (processus qui n’a d’ailleurs jamais été mené à son terme, et sous-entendait que tous les Allemands avaient été nazis, ce qui était faux) ;

– la « décommunisation de la Pologne » après la disparition du régime stalinien (qui n’a pas abouti à un bilan sérieux du stalinisme, et a seulement servi à privatiser toute l’économie et inoculer aux Polonais une propagande national-catholique favorable à la dictature du marché)

– ou la volonté de « désenjuiver la France » (expression courante à l’extrême droite).

Cette idée que tout un peuple serait fanatisé par une idéologie ou une religion et qu’il aurait donc besoin d’un lavage de cerveaux gomme les antagonismes politiques et sociaux qui existent toujours, même sous les pires dictatures. Elle n’est qu’une expression extrême du nationalisme des prétendants aux postes d’éradicateurs ou de purificateurs ethniques. Si l’on veut vraiment en finir avec le nationalisme israélien, qu’il soit de gauche ou de droite, sioniste ou pas, il faut aussi critiquer les nationalismes arabes, car il n’y a pas de bon nationalisme ou de nationalisme progressif. L’union des prolétaires ne peut se faire que contre tous les nationalismes, quelles que soient leurs origines.

Donc il faudrait aussi « défranciser » les Français, « délibaniser » les Libanais, « désiniser » les Chinois, ou « désaméricaniser » les Américains. Aucune raison de se limiter au nationalisme « sioniste » (israélien), qui n’est certainement pas le pire nationalisme raciste, comme le prétendent les antisionistes. Ni bien sûr le nationalisme le plus « moral », comme le prétendent les patriotes israéliens et leurs amis.


Dresde (bombardements de) : crimes commis par l’aviation alliée, qui déversa 7 000 tonnes de bombes incendiaires sur Dresde les 13 et 14 janvier 1945. Ces bombardements détruisirent la moitié des habitations et un quart des installations industrielles de la ville et firent au moins 35 000 victimes. Ces bombardements ont été utilisés à la fois par les négationnistes venus de l’ultragauche, par Jacques Vergès (avocat de Klaus Barbie) et par l’extrême droite pour minimiser les crimes du nazisme.


Écologie: thématique récupérée par le GRECE puis, plus récemment, par les Identitaires et le Front National. On ne s’étonnera pas que d’anciens Verts comme Jean Robin ou Jean Brière soient passés à l’extrême droite. De plus, les Verts, en France comme en Allemagne, ont été victimes d’infiltrations systématiques par des militants fascistes ou fascisants. La combinaison des deux phénomènes (ambiguïtés politiques de l’écologie, « ni de droite ni de gauche (49) », qui rappelle le slogan inventé par Doriot – « Ni droite ni gauche, en avant ! » –, et infiltrations par l’extrême droite) aboutit à accroître encore la confusion.

« Contrairement au libéralisme qui s’appuie sur un corpus scientifique obsolète, l’écologie cherche à établir des lois pour l’organisation des sociétés humaines en s’inspirant et en s’instruisant de l’observation scrupuleuse des lois de la biosphère. L’écologie comme mouvement culturel, consiste en une valorisation a priori de la diversité organisée du vivant (la biocomplexité), cette diversité menacée des espèces, des paysages et des cultures qui font la beauté et la richesse du monde que nous aimons. L’écologie ne consiste pas en une simple succession de revendications à caractère environnemental ou en on ne sait quel projet d’unification planétaire sous les auspices d’une spiritualité de pacotille. Elle est un mouvement de décolonisation intégral qui se propose de mettre fin à la colonisation multiforme (économique, culturelle et technologique) du monde par la civilisation industrielle et l’idéologie libérale pour que reprenne la poursuite de la différenciation et du perfectionnement de la vie sous toutes ses formes. »

Condamnation du libéralisme, référence à la décolonisation du monde, condamnation de la civilisation industrielle, cela sonne radical, écolo, altermondialiste.

Or, l’auteur de ces lignes est Laurent Ozon, néo-païen responsable de la revue Le Recours aux forêts. Selon ses dires, il aurait même participé aux discussions entre Europe Écologie et Les Verts de mars 2009 à février 2010 ! Cet ami d’Antoine Waechter et d’Edward Goldsmith a été propulsé au Bureau politique du FN pour y être le Monsieur Écologie, jusqu’à sa démission, sept mois plus tard, en août 2011.

D’ailleurs, le FN a un programme écolo en … béton : « le Front national propose des solutions concrètes et applicables dans un cadre national :

— La mise en place d’une protection de nos marchés contre la concurrence de produits fabriqués dans des conditions qui ne peuvent satisfaire à nos exigences écologiques.

— La protection des agriculteurs contre les centrales d’achat de la grande distribution.

— Promouvoir un engagement de la recherche sur un dépassement du nucléaire grâce à un effort sans précédent en faveur des énergies alternatives et empêcher la privatisation complète de la filière nucléaire.

— Mettre en place un contrôle sur la qualité et la non-toxicité de nos achats par une meilleure traçabilité.

— Instaurer un contrôle sur les agissements des apprentis-sorciers de l’industrie agro-alimentaire qui, pour gagner toujours plus, ont transformé nos vaches et nos moutons en cannibales.

— Préserver notre environnement national qui fait partie du patrimoine de la patrie et qui est aujourd’hui victime de cette mondialisation polluante. »

Quant aux fascistes de Terre et Peuple ils affirment : « L’économie organique protégera l’Europe. Travail, écologie, solidarité identitaire, protectionnisme adapté. »

Le Bloc Identitaire n’est pas en reste puisqu’il appelle à signer une pétition contre la privatisation de l’eau à Marseille pour soutenir « ceux qui demandent que l’eau soit considérée comme un droit humain ». Les nouvelles « chemises brunes » sont toutes devenues vertes !


Génocide : terme abondamment utilisé à l’extrême droite (l’avortement serait un génocide des bébés européens en faveur des musulmans immigrés) et par l’extrême gauche (y compris à propos du nettoyage ethnique que mène l’État d’Israël depuis sa création). On remarquera que le génocide rwandais (dont le déclenchement était prévisible et aurait pu être arrêté par les troupes françaises présentes sur place) et les crimes commis par l’armée française en Afrique, depuis la fin de la guerre d’Algérie suscitent beaucoup moins d’indignations à l’extrême gauche en France que les exactions ou les crimes de l’armée israélienne.


Hollywood : cible de l’extrême droite, notamment américaine, pour laquelle l’industrie du cinéma américain, aux mains des Juifs, détruirait l’identité des peuples blancs. Pour l’extrême gauche, le cinéma hollywoodien détruit les cinémas nationaux et nivelle les cultures pour abrutir les masses.


Identités et Politiques identitaires : la ou plutôt les politiques de l’identité (identity politics) sont nées au sein de la gauche américaine à la fin des années 60 et ont mis un certain temps avant de pénétrer le champ intellectuel français et l’extrême gauche. Ces conceptions sont aujourd’hui très influentes dans les mouvements altermondialistes et néotrotskystes, ce qui fait parfaitement le jeu des Identitaires fascisants, de la Nouvelle Droite, et bien sûr des partisans de l’identité nationale, des souverainistes de toute tendance, des régionalistes, etc. Les politiques identitaires anglo-saxonnes reposaient sur l’idée que les minorités sexuelles, raciales, religieuses, etc., devaient prendre confiance en elles-mêmes et ne pas hésiter à acquérir une influence sociale, à faire du lobbying, à réclamer une place au nom du droit à la différence, etc. À gauche, elles ont bien sûr prétendu détrôner l’horrible marxisme « ouvriériste-économiste-hégélien ». À droite, elles ont rajeuni les vieilles idées sur la Tradition, les patries charnelles, les liens du sang, la pureté raciale, les liens privilégiés avec la terre d’origine, le terroir, et autres hochets réactionnaires et fascisants – en bref, identitaires.


Immigration : cible favorite de l’extrême droite depuis les années 1970. Quand l’extrême droite (le très fascisant GRECE) fait un effort de pédagogie (traduire : dissimule ses pulsions racistes) elle dénonce les immigrés comme « les premières victimes » d’une « déportation massive », d’un « nouvel esclavage » utilisé par le « libéralisme négrier ». Et elle va même jusqu’à affirmer que « la société multiraciale est le terreau du racisme » et provoque « des haines minables et des xénophobies imbéciles qui empêchent l’Europe et l’Afrique d’être alliées contre les deux blocs ».

On remarquera que certains fascistes sont à la fois opposés à l’immigration et favorables à l’islamisme. C’est ainsi que Christian Bouchet, girouette maintenant au FN, écrivit : « Je crains de voir poindre derrière l’anti-islamisme d’une partie de l’extrême droite française un retour de son vieux fond prosioniste. » En effet, hors de France, « les islamistes représentent une force multiforme qui peut, dans certains pays et dans certaines circonstances, être une alliée contre l’impérialisme américano-sioniste (…). Dire qu’il y a un danger islamique est une mauvaise approche, car cela signifierait que le problème de l’immigration n’est pas racial mais religieux (…). Un Bosniaque ou un Kosovar musulman mais de souche européenne sont chez eux en Europe. » Comme le signale J.-P. Gautier (op. cit.) c’est aussi la position d’Yves Beck, ex-responsable de Troisième Voie et actuellement chargé de la communication du maire d’Orange, Jacques Bompard.

Mais l’extrême droite n’est pas la seule à s’opposer à l’immigration. La gauche socialiste et communiste a pris aussi les travailleurs étrangers pour cibles à plusieurs reprises, ce qu’on a tendance à oublier depuis que ces politiciens se sont refaits une virginité dans le cadre du Réseau éducation sans frontières, RESF.

C’est ainsi qu’en 1983, à Marseille, le Parti socialiste édita une affiche : « La droite, 30 ans d’immigration sauvage. Avec la gauche des contrôles vigilants dont on commence à mesurer les effets. »

Et le PCF ne fut pas en reste dans ces années-là. Georges Marchais écrivit en effet dans L’Humanité du 6 janvier 1981 : « En raison de la présence en France de près de quatre millions et demi de travailleurs immigrés et de membres de leurs familles, la poursuite de l’immigration pose aujourd’hui de graves problèmes. Il faut les regarder en face et prendre rapidement les mesures indispensables. La cote d’alerte est atteinte. (…) C’est pourquoi nous disons : il faut arrêter l’immigration, sous peine de jeter de nouveaux travailleurs au chômage. Je précise bien : il faut stopper l’immigration officielle et clandestine. Il faut résoudre l’important problème posé dans la vie locale française par l’immigration. Se trouvent entassés dans ce qu’il faut bien appeler des ghettos, des travailleurs et des familles aux traditions, aux langues, aux façons de vivre différentes. Cela crée des tensions, et parfois des heurts entre immigrés des divers pays. Cela rend difficiles leurs relations avec les Français. Les HLM font cruellement défaut et de nombreuses familles françaises ne peuvent y accéder. Les charges d’aide sociale nécessaires pour les familles immigrées plongées dans la misère deviennent insupportables pour les budgets des communes. »

Le PCF publia un tract intitulé « L’immigration un vrai problème », tract distribué à un million d’exemplaires et dont Alain Soral rappelle encore le contenu près de trente ans après.

Lors de son retour au pouvoir, la gauche continua sa politique de « contrôle de l’immigration ». Edith Cresson décida d’expulser les « sans-papiers » dans des charters ; le 8 juillet, la Premier ministre déclara : « les charters, ce sont des gens qui partent en vacances avec des prix inférieurs. Là, ce sera totalement gratuit et ce ne sera pas pour des vacances ». Et elle approuva les lois Chevènement, ainsi que la création des Centres de rétention administrative en avril 1984 sous le gouvernement du Premier ministre socialiste Pierre Mauroy.


Islamophobie : thème mis en avant par les 57 États de l’Organisation de la conférence islamique, par la Commission des droits de l’homme de l’ONU mais aussi par de nombreux gauchistes, voire libertaires, qui confondent racisme anti-Arabes, critique virulente de l’islam et blasphème. Ce terme insinue qu’on ne peut s’opposer à l’islam qu’à partir de la peur, sentiment irrationnel et donc discrédité dès le départ. Ce qui revient à conclure qu’aucune opposition valable ne peut exister face à cette religion. On sait moins que le groupe fasciste Nouvelle Résistance publia un tract au titre évocateur « Le tchador j’adore » et affichait fréquemment dans sa presse le slogan « Halte au racisme antimusulman ! ».

Soyons clairs, dénoncer la haine et le racisme contre les Arabes, les discriminations contre les musulmans (50) , est une excellente chose. Mais la dénonciation générale de « l’islamophobie » (nous préférons utiliser les termes plus clairs de racisme anti-Arabes et de discriminations contre les musulmans) ne constitue en aucun cas un solide critère de différenciation avec l’extrême droite raciste, avec les obscurantistes religieux (musulmans ou pas d’ailleurs), avec les partisans de l’islam politique ou les démocrates bourgeois de l’ONU. Il faut en effet dénoncer tous les racismes, y compris l’antisémitisme, et sur des bases de classe, pas simplement humanistes ou humanitaires.

P.S. Les lecteurs qui lisent l’anglais pourront se reporter à l’article d’un universitaire britannique qui s’est penché sur les origines du mot dans le monde anglosaxon (www.insted.co.uk/anti-muslim-racism.pdf). Il ressort de cette étude que Edward Said a utilisé le mot en anglais pour la première fois en 1984.

Un internaute français a effectué le même travail et a trouvé des occurrences de ce mot beaucoup plus anciennes (http://www.vieuxsinge.fr/ article-islamophobie-dans-la-langue-fran-aise-des-1910-64056408.html) qui contredisent les affirmations de Caroline Fourest selon lesquelles ce mot serait une invention des mollahs iraniens à la fin des années 1970. (« Le mot “islamophobie” a une histoire, qu’il vaut mieux connaître avant de l’utiliser à la légère. Il a pour la première fois été utilisé en 1979, par les mollahs iraniens qui souhaitaient faire passer les femmes qui refusaient de porter le voile pour de “mauvaises musulmanes” en les accusant d’être “islamophobes”. Il a été réactivé au lendemain de l’affaire Rushdie, par des associations islamistes londoniennes comme Al Muhajiroun ou la Islamic Human Rights Commission dont les statuts prévoient de “recueillir les informations sur les abus des droits de Dieu” », affirmèrent Fiammetta Venner et Caroline Fourest dans un article paru dans Libération le lundi 17 novembre 2003).

En effet, « Alain Quellien l’utilise dès 1910 dans son ouvrage La politique musulmane dans l’Afrique occidentale française ; on le retrouve quelques fois dans la Revue du monde musulman en 1912 et 1918, la Revue du Mercure de France en 1912, Haut-Sénégal-Niger de Maurice Delafosse en 1912 et dans le Journal of Theological Studies en 1924. L’année suivante (en 1925), Étienne Dinet et Slimane Ben Brahim, employaient ce terme dans leur ouvrage L’Orient vu par L’Occident. »

Mais le fait d’avoir retrouvé des usages bien antérieurs ne nous donne aucune information sur le moment à partir duquel ce concept a connu une diffusion massive dans les médias et chez les gauchistes, et surtout des raisons pour lesquelles ce terme spécifique est employé, car la « haine » (ou phobie) de l’islam ne date pas du XXe siècle.

Ces découvertes sont utiles aux linguistes (comme l’écrit un internaute sur le site http://www.passion-histoire « Plusieurs questions méritent d’être posées et d’obtenir une réponse avant de trépigner : Est ce que dans les deux cas avant et après Khomeiny le terme est utilisé avec le même sens et dans les mêmes situations ? Khomeiny pense-t-il à ces écrits du début des années 20 ? Si oui les pense-t-il de la même façon ? A partir de quand l’utilisation de ce mot se développe-t-elle ? Combien d’occurrences de ce mot avec son acception moderne dans les discours tant en Iran, qu’en Europe sur les 30 dernières années ? »). Si j’en crois les souvenirs d’une camarade iranienne militant dans ce pays à l’époque, le régime n’utilisait pas ce terme dans les années 80. Mais il faudrait mener une enquête minutieuse à ce sujet pour pouvoir trancher.

Quoi qu’il en soit, ces remarques montrent que Fourest et Venner n’ont pas vraiment enquêté sur les origines du mot, ni sur son utilisation en persan et qu’il faut donc toujours vérifier ce que ces deux journalistes affirment. Cette précaution élémentaire s’applique d’ailleurs à tous les essayistes, historiens et journalistes, pas uniquement à Fourest et Venner. C’est tout aussi valable pour Chomsky, Gresh, Vidal, etc. !

Mais ces critiques apparemment fondées ne changent rien au sens politique erroné de ce concept et à l’utilisation manipulatrice qui est faite par les États de l’OCI et la Commission des droits de l’homme de l’ONU.

On trouve une discussion sur ce thème ici :

http://blogs.mediapart.fr/blog/elif-kayi/261208/quelques-reflexions-sur-le-concept-d-islamophobie

http://reflets-mag.blogspot.com/2009/01/qui-parle-dislamophobie.html

Certains avancent aussi que la haine de l’islam se serait diffusée en Europe et aux États-Unis à partir de la crise du pétrole de 1973 (donc plusieurs années avant la révolution iranienne), et que les années 1980-1990 auraient vu l’apparition massive d’une propagande contre l’islam pour mieux justifier des interventions occidentales au Proche et au Moyen-Orient en vue de contrôler les régimes locaux et donc les puits de pétrole situés dans cette région.


« Lobby sioniste », ou « lobby pro-israélien » expressions utilisées par les faux-cul antisémites de gauche et les fascistes prudents pour désigner le ZOG (Zionist Occupied Government)


Métissage : l’extrême droite parlementaire ou extra-parlementaire est hostile au métissage (les intellos xénophobes « modérés » comme Finkielkraut parlent d’« hybridation » ou de « brésilianisation du monde » : les termes sont plus chics mais le fond raciste est le même). C’est pourquoi certains spécialistes parlent de « mixophobie ». Du côté de l’extrême gauche et apparentés (par exemple les Indigènes de la République), on peut souligner l’absence de réflexion sur ces questions : en effet, lorsque l’on défend les cultures nationales ou régionales avec des arguments de « gauche », il y a toujours un moment où l’on est obligé de parler de sentiments, de valeurs, de langue, de coutumes, d’attachement au terroir qui seraient spécifiques, uniques, qu’il faudrait préserver, qui donneraient une identité à un « peuple ». Or, il est bien connu que si l’on veut éviter les changements trop importants au sein d’une « culture », il faut éviter les « mélanges », ou alors il faut instaurer des « quotas » de métis. Un seul exemple pour illustrer les pièges identitaires liés au métissage : celui des Indiens d’une tribu américaine qui avaient accueilli des esclaves afro-américains au XIXe siècle et qui, au XXe siècle, se mirent à épurer les rangs de leur petite communauté (1500 membres) pour mieux pouvoir répartir les indemnités, et donc en chasser les métis indiens/afro-américains…


Shoah Business ou Industrie de l’Holocauste : titre d’un mauvais pamphlet d’un antisioniste sincère (Norman Finkelstein, fils de déportés qui refusèrent toute indemnisation de l’Allemagne), qui est utilisé par les fascistes et les négationnistes pour montrer que les Juifs sont des individus seulement intéressés par l’argent et qui utilisent le judéocide pour coloniser et exproprier les Palestiniens. À l’extrême droite, on a inventé l’adjectif « shoatique » ou « siono-shoatique » (d’où des expressions comme propagande, culte, pouvoir, pleurnicheries shoatiques) qui n’a heureusement pas (encore ?) migré à l’extrême gauche.


Straight edge : certains courants d’extrême droite s’intéressent aux courants musicaux et mouvements culturels marginaux appréciés par la jeunesse rebelle. C’est ce qui s’est passé avec le straight edge. À ce propos, il est intéressant de citer une interview parue sur le site « La Terre d’abord, pour une écologie radicale et la libération animale ». Réalisée le 19 juillet 2010, elle concerne Gabriel Kuhn, auteur de Sober Living for the Revolution : Hardcore Punk, Straight Edge, and Radical Politics. Ce que l’auteur explique ici à propos du straight edge peut s’appliquer à d’autres styles marginaux par rapport aux « variétés » respectables (pop, disco, rock assagi, etc.).

La Terre d’abord : Ces dernières années, certains mouvements d’extrême droite, en particulier en Russie et en Allemagne, tentent d’intégrer la culture straight edge dans leurs modèles idéologiques. En France ces derniers mois, certains essaient de suivre ce modèle. Que peux-tu nous dire au sujet de cette tendance faisant du straight edge un social-darwinisme ?

Gabriel Kuhn : Dans sa définition de base, le straight edge n’a pas de contenu politique clair – il est seulement indiqué un refus des drogues. Les connotations politiques du straight edge viennent du contexte dans lequel il apparaît et des idées et notions auxquelles c’est relié.

Il est facile pour l’extrême droite de prétendre au straight edge : tout ce qu’il suffit de faire est de transformer le straight edge en idéologie (plutôt qu’en choix personnel). Alors il est possible de prétendre être « meilleur », « plus avancé », ou « supérieur » à d’autres personnes.

C’est le premier pas vers le fascisme. Possiblement, le second pas est de relier ces sentiments à la notion de « santé ».

Si être straight edge peut certainement contribuer à la santé personnelle, une notion politique de « santé » est très dangereuse et a été utilisée par tous les mouvements fascistes – il suffit d’étudier leur langage, les fascistes ont toujours parlé de « maladie », de « plaies », ou bien de « pourriture » en faisant référence aux gens et aux communautés qu’ils voyaient comme inférieurs.

Le troisième moment, le troisième pas – et c’est là qu’on en arrive aux adaptations straight edge de type fasciste et néo-nazi de manière explicite – est quand on relie la notion de « santé » à celle de « race » ou de « nation » qu’il faudrait « défendre », « préserver », ou quoi que ce soit de ce genre.

Peut-être peut-on parler ici d’un danger d’extrême droite en trois niveaux :

1. la satisfaction de soi (« je suis meilleur que toi ») ;

2. le social-darwinisme (« je suis en meilleure santé que toi et je te survivrai ») ;

3. le nationalisme / racisme catégorique (« nous sommes meilleurs que vous et nous devons maintenir notre pureté »).

Je pense que ce que nous avons vu ces dernières années en Russie et en Allemagne – et maintenant apparemment également en France, toutefois je ne sais pas grand-chose à ce sujet – est la troisième étape, qui est articulée de plus en plus clairement. Les deux premiers moments, pour être honnête, hantent le straight edge depuis longtemps. »

Extrait de http://laterredabord.fr/?p=5577

  • Notes :

49. Cela rejoint un des slogans des fascistes de Terre et Peuple : « Gauche, droite. Marxisme et capitalisme divisent. »

50. Commentaire du GARAP : « pas clair et risque de confusion ».

Réponse de "Ni patrie ni frontières" :
Le risque d’être confondu avec la gauche et la droite laïco-xénophobes (cf. notre numéro précédent) dans les pays occidentaux de tradition « chrétienne » est tout aussi grave que celui d’être confondu avec les quelques gauchistes opportunistes et ignorants qui prétendent que l’islam serait la « religion des pauvres », ou même avec les partisans ultraminoritaires de l’islam politique en Occident. La dénonciation des discriminations antireligieuses fait partie de la défense des droits et libertés démocratiques.

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M
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