★ 20 août 1899 : manifestation anarchiste contre l’antisémitisme

Publié le par Socialisme libertaire

Juif antisémitisme anarchisme histoire Dreyfus
Couverture du "Le Petit Journal" relatant l'émeute et le passage à tabac du commissaire de police.

 

Le dimanche 20 août 1899, à Paris, une manifestation libertaire en faveur de Dreyfus tourne à l’affrontement avec les antisémites et la police.
Les manifestants, refoulés, pillent l’église St-Joseph. 
Un commissaire de police est gravement blessé après avoir voulu s’emparer d’un drapeau rouge. 



1899 : pic de tension de l’affaire Dreyfus.  
 

Rappel des épisodes précédents de l’affaire 
L’accusation de trahison portée en 1894 contre le capitaine Alfred Dreyfus, d’origine alsacienne et de confession juive, a déchiré la société française au moins jusqu’en 1906 et l’arrêt de la Cour de cassation qui l’innocente et le réhabilite.
L’affaire ne rencontrait qu’un écho limité jusqu’en 1898 où Émile Zola publie son célèbre plaidoyer dreyfusard J’accuse ! Des émeutes antisémites éclatent dans plus de vingt villes françaises. L’affaire Dreyfus atteint ainsi son paroxysme en 1899, les tensions croissent, et les deux camps semblent prêts à en découdre.

Le 23 février, Paul Déroulède, chef de la « Ligue des patriotes », antidreyfusard, tente un coup d’État. Pierre Waldeck-Rousseau, alors président du Conseil, engage des poursuites contre les dirigeants des ligues nationalistes, accusés de complot contre la sûreté de l’État. Le 12 août 1899, les autorités font ainsi arrêter Paul Déroulède, les dirigeants de la « Ligue des patriotes », ainsi que les chefs des « Jeunesses royalistes », mais, refusant d’obtempérer au mandat d’amener lancé contre lui, Jules Guérin, parvient à se retrancher au siège du « Grand Occident de France » (nommé ainsi par obsession d’un « complot judéo-maçonnique »).

L’appel à manifester dans « Le Journal du Peuple » 

★ 20 août 1899 : manifestation anarchiste contre l’antisémitisme

« Le Journal du Peuple », quotidien anarchiste d’informations de quatre pages [1] publié par Sébastien Faure [2], multiplie alors les articles dreyfusards.

Le 20 août 1899, le journal convie ainsi tous les libertaires à se rassembler sur la place du Château-d’Eau (actuellement place de la République) « en faveur de la vérité, du bien-être et de l’émancipation sociale ». Il s’agit en l’occurrence de défendre la vérité dans le cadre de l’affaire Dreyfus, et de s’en prendre directement aux antisémites et en particulier aux partisans de Jules Guérin qui est retranché avec 12 hommes dans un immeuble proche de la place, au 51 rue de Chabrol à Paris (connu par dérision sous le nom de « Fort Chabrol »). Cet immeuble est le siège du « Grand Occident de France » (scission de la « Ligue Antisémite Française » d’Edouard Drumont [3]) et de « L’Antijuif » (hebdomadaire antidreyfusard qui a pu vendre jusqu’à 120 000 exemplaires par semaine) que Jules Guérin dirige. Le 20 août risque donc d’être un grand affrontement entre dreyfusards et antidreyfusards.

Affrontements et pillage de l’église Saint-Joseph 
Le préfet Lépine, mobilisant de nombreuses forces de police, tente alors de bloquer la manifestation dreyfusarde, sans toutefois pouvoir empêcher tous les affrontements.
Les manifestants dreyfusards cherchent à remonter le boulevard Magenta vers la rue de Chabrol, mais sont refoulés vers Goncourt, où ils cherchent alors une autre cible. Cet épisode est relativement peu documenté. On en trouve une version directe chez Joseph Reinach :              

" Le dimanche 20 août, cinquième jour du siège [de fort Chabrol], les libertaires convoquèrent leurs amis à manifester place de la République « en faveur de la Vérité ».
Il y eut là deux troupes en face, les anarchistes et les antisémites, se menaçant, poussant des cris également ignobles : « A bas la calotte ! » et « Mort aux juifs ! ».
La police les empêcha tout juste d’en venir aux mains, arrêta Sébastien Faure et plusieurs de ses compagnons, mais arriva trop tard à l’église Saint-Joseph, envahie par une bande de jeunes malandrins qui brisèrent les autels et les vitraux, fracturèrent les troncs, entassèrent les bancs et les chaises au milieu de la nef, et en firent un feu.
" [4]

Si les anarchistes dreyfusards finissent par s’en prendre à cet édifice catholique, ce n’est certainement pas un hasard : en effet, si l’Eglise ne se positionne pas directement, ou très peu, sa presse (notamment le quotidien « La Croix » [5] et l’hebdomadaire « Le Pèlerin ») prennent très nettement position de manière antisémite, contre Dreyfus.
Ce discours ne peut être dissocié de l’interprétation catholique traditionnelle du nouveau testament selon une ligne clairement antisémite (le catéchisme officiel enseigne alors que les juifs sont les assassins de Jésus). Or, l’influence du catholicisme sur les mentalités est encore très forte : c’est la première religion reconnue par l’État [6], et dans tous les tribunaux, hôpitaux ou écoles de France, on trouve au mur un crucifix.
Ainsi l’église est envahie et saccagée : la lutte anarchiste contre l’antisémitisme n’est aucunement un compromis avec les forces religieuses, il s’agit bien d’une lutte contre la xénophobie à la manière de la critique libertaire de l’islamophobie actuellement.

De fait, les combats font rage lors du pillage de l’église Saint-Joseph. Au cours de la journée, 137 policiers sont blessés, dont un commissaire, gravement atteint après avoir tenté de saisir un drapeau rouge. Les affrontements se poursuivent jusque dans la soirée. On déplore également de nombreuses arrestations, près de 200, dont celle de Sébastien Faure.

 

Brève histoire de l’antisémitisme français
du XIXe à nos jours. 

 

Les conséquences de l’affaire Dreyfus 
L’affaire Dreyfus divise profondément la société française.
Elle est un symbole à la fois de l’iniquité au nom de la raison d’État, et des tendances antisémites qui traversent tout le corps social. L’honneur de l’armée et de la "patrie" prime sur l’injustice commise contre un petit capitaine juif. De la raison d’État au racisme d’État, il n’y a qu’un pas.

Préexistant à l’affaire Dreyfus, l’antisémitisme s’était déjà exprimé lors des affaires du boulangisme et du canal de Panama. Mais l’affaire Dreyfus répand la haine raciale dans toutes les couches de la société, mouvement qui débute certes avec le succès de La France juive d’Édouard Drumont en 1886, mais qui est ensuite énormément amplifié par les divers épisodes judiciaires et les campagnes de presse pendant près de quinze ans. Lié au nationalisme et au racialisme, l’antisémitisme devient alors un des thèmes majeurs de l’extrême-droite.

L’antisémitisme de droite est un antisémitisme d’origine religieuse très ancienne (thème du peuple déicide développé dans les publications catholiques, et particulièrement La Croix), activé par un nationalisme français revanchard à la suite de la guerre franco-prussienne de 1870-71. À cet antijudaïsme traditionnel se juxtapose un antisémitisme moderne, lié aux thèses racialistes affirmant la supériorité de la « race blanche », qui serait fondée par la science (anthropométrie, craniométrie, etc.). Les thèmes du « Juif errant » et du « cosmopolite sans racine » s’y mêlent aussi.
S’il concerne majoritairement la droite et l’extrême-droite, l’antisémitisme n’épargne pas entièrement la gauche (par exemple Blanqui, Jaurès, Proudhon...). En retour, les manifestations d’antisémitisme lors de l’affaire Dreyfus ont également un impact international sur le mouvement sioniste au travers d’un de ses pères fondateurs : Théodore Herzl [7].

Regain d’antisémitisme lors de la crise des années 1930 
L’antisémitisme, un temps apaisé par l’Union sacrée lors de la première guerre mondiale, ressurgit lors des années 1930, stimulé par la crise économique, le chômage, l’afflux des Juifs allemands fuyant le nazisme et l’accession au pouvoir du Front populaire, dirigé par Léon Blum.

Il devient une valeur étendard de l’extrême-droite, portée par de nombreuses publications antisémites [8].

En 1937, Céline publie Bagatelles pour un massacre, tandis que Georges Montandon, un ethnologue tenant des thèses racialistes, signe en 1939, dans "La Contre-Révolution", un article intitulé « La Solution ethno-raciale du problème juif ». L’admiration envers Hitler n’est pas cependant pas unanime dans les rangs de l’extrême-droite antisémite, la germanophobie et le nationalisme induisant, chez certains, le rejet du nazisme.

En pratique, les antisémites considéraient non seulement qu’il était désormais devenu indispensable de fermer les frontières mais ils pensaient également qu’il fallait refouler les Juifs. Ils prônaient des mesures légales et un statut juridique. Ils voulaient dissocier une nationalité juive de la nationalité française. Il y a une grande hostilité envers les mariages mixtes, mais aucune mesure légale ne fut jamais prise. Des groupes de théoriciens antisémites demandaient aussi la confiscation des biens des juifs. Enfin, certains antisémites voulaient interdire le travail aux juifs, ou limiter les activités exercées par les juifs dans la presse, la banque, l’industrie du commerce, les professions libérales, la culture et le spectacle. Avant Pétain, quelques lois furent promulguées en réponse à des manifestations venant notamment du milieu de la médecine ou des avocats [9].

L’antisémitisme d’État 
L’État français dirigé par Philippe Pétain va hisser l’antisémitisme au rang d’idéologie officielle avec les lois sur le statut des Juifs, la création du Commissariat général aux questions juives, les arrestations et l’internement des juifs dans les camps (de concentration, d’internement ou de transit, selon le vocabulaire de l’époque), la saisie des biens juifs et "l’aryanisation", la déportation vers l’Allemagne.
Le gouvernement de Vichy va mener une politique de restriction des droits des juifs dès son installation, sans que les Allemands n’aient exprimé la moindre demande. Dès juillet 1940, le ministre de la justice Alibert, crée une commission de révision des naturalisations, qui retire la nationalité à 15 000 personnes dont 6 000 juifs. [10]
En octobre 1940, le conseil des ministres promulguera le premier statut des Juifs : les citoyens juifs français sont exclus de la fonction publique, de l’armée, de l’enseignement, de la presse, de la radio et du cinéma. Le deuxième statut des juifs, de juin 1941, allonge la liste des professions d’où sont exclus les Juifs et établit un numerus clausus limitant la proportion de Juifs à 3 % dans l’Université et 2 % dans les professions libérales. Enfin, en juillet 1941, les Juifs doivent céder leurs droits sur les entreprises à des "Aryens". Un Commissariat général aux questions juives, créé en mars 1941, sous la direction de Xavier Vallat, veille à l’application de la législation antijuive.
À partir du 4 octobre 1940, les préfets peuvent interner les étrangers "de race juive" dans des camps spéciaux ou les assigner à résidence. En février 1941, 40 000 Juifs étrangers croupissent ainsi dans une série de camps : Les Milles, Gurs, Rivesaltes… À partir de 1942, la collaboration entre les polices allemandes et françaises est renforcée par ce qu’on appelle les accords Bousquet-Oberg, du nom du chef de la police française et du représentant en France de la police allemande : les Allemands peuvent ainsi compter sur la police française pour rafler les juifs étrangers. La déportation des juifs prend une grande ampleur à partir de la Rafle du Vel’ d’hiv, les 16 et 17 juillet 1942. Entre le printemps 1942 et la Libération de 1944, 76 000 Juifs seront déportés vers les camps d’extermination. Si le régime de Vichy est le sommet du racisme d’État, sa chute n’en marque pas la fin, faute de remise en question réelle et profonde des pratiques policières et administratives.

 

Conclusion : anarchistes contre
l’antisémitisme aujourd’hui. 

 

Au sortir de la guerre, le problème de l’antisémitisme est refoulé plutôt que réellement résolu, surgissant ça et là à travers des actes et déclarations fracassantes [11] qui font figure de lapsus ou d’actes manqués.
De fait, l’antisémitisme n’a jamais disparu en France, en particulier dans les milieux d’extrême-droite. Il semble aujourd’hui se recomposer, appelant à nouveau une ferme réaction des libertaires [12] .
L’expression « nouvel antisémitisme » (qui renvoie à la récupération de l’antisionisme et des luttes palestiniennes par les antisémites) ne peut toutefois être reprise telle quelle, en raison de son utilisation par des courants réactionnaires, sionistes ou islamophobes. De fait, il n’y pas grand sens à opposer ou hiérarchiser islamophobie et antisémitisme : les catégories et pratiques racistes doivent être combattues ensemble. Le problème pour les libertaires concerne plutôt l’attitude à adopter face à un racisme qui se restructure en visant des minorités religieuses.

Il n’est pas facile de rester ferme dans les principes (la critique des religions) et en même temps suffisamment souple dans la pratique. L’enjeu est d’être clair sur des objectifs concrets, et d’analyser les situations politiques en termes de rapports de force locaux.
Dans un pays où l’islam ou le judaïsme est la religion d’État, il peut y avoir un sens anti-autoritaire à les combattre. En France, attaquer des minorités religieuses déjà victimes de racisme conduit à renforcer des ennemis qui sont indéniablement aujourd’hui plus puissants et plus dangereux.
Dans un contexte actuel où les hommes d’État jouent aux apprentis sorciers en soufflant sur les braises des tendances antisémites et islamophobes de la société française, ce détour par l’histoire de l’affaire Dreyfus et des événements du dimanche 20 août 1899 peut nous aider à affronter cette question toujours vive : comment parvenir à ne pas crier avec les loups contre les minorités religieuses, sans faire de compromis avec une quelconque vision théologique du monde ?


Sources utilisées et compléments :

- En ligne :
Ephéméride Anarchiste, Wikipédia, le site L’affaire Dreyfus.

- Livres :
Pierre Birnbaum, L’Affaire Dreyfus, la République en péril, Paris, Gallimard, collection « Découvertes »,‎ 1994 (en particulier pp. 66-67 : Fort Chabrol) ;
Pierre Birnbaum (ouvrage collectif), La France de l’affaire Dreyfus, Paris, Gallimard,‎ 1994 ;
Vivien Bouley, Les anarchistes contre la République (1880-1914), Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2008 (en particulier pp. 327-353 sur les tensions internes au mouvement lors de l’affaire) ; 
Jean-Denis Bredin, L’Affaire, Paris,‎ Fayard, 1993 (première parution en 1981) ;
Éric Cahm, L’Affaire Dreyfus, Paris, Le Livre de poche, collection « références », 1994 ;
Francis Démier, La France du XIXe siècle, Paris, Seuil, collection « Points Histoire »,‎ 2000 ;
Vincent Duclert, L’Affaire Dreyfus, Paris, La Découverte,‎ 2006 (première parution en 1994) ;
Pierre Miquel, L’Affaire Dreyfus, Paris, PUF, collection « Que sais-je ? »,‎ 2003 (première parution en 1961) ;
Joseph Reinach, Histoire de l’affaire Dreyfus, Paris, Robert Laffont, 2006 (première parution en 1908).
 

Notes : 

[1] La dernière page du « Journal du Peuple », consacré au mouvement ouvrier et au luttes sociales est réalisée par Fernand Pelloutier, militant syndicaliste révolutionnaire et fondateur de la Fédération des Bourses du Travail

[2] Anarchiste, il fait partie des prévenus lors du Procès des trente. En 1895, il fonde avec Louise Michel : « Le Libertaire ». Il crée en 1899, « Le Journal du Peuple » qui est un symbole du développement de médias spécifiques destinés à être la caisse de résonnance des luttes, et en l’occurrence, à permettre la coordination d’un camp dreyfusiste jusqu’alors relativement dispersé. Il est également connu pour avoir fondé plus tard, en 1904, près de Rambouillet, une école libertaire : « La Ruche ».

[3] Le créateur de la Ligue nationale antisémitique de France, Édouard Drumont (1844-1917) est un journaliste, écrivain, polémiste et homme politique français, fondateur du journal « La Libre Parole », antidreyfusard et nationaliste. Il est notamment l’auteur du pamphlet antisémite La France juive, succès de librairie du XIXe siècle, réédité en 2012 par Alain Soral : de fait cet ouvrage est l’une des premières offensives confusionnistes qui s’efforcent de récupérer l’anticapitalisme dans des termes repris à la rhétorique chrétienne contre les juifs usuriers, ainsi qu’aux théories racistes modernes.

[4] Voir Joseph Reinach, Histoire de l’affaire Dreyfus, Paris, Robert-Laffont, 2006 (première parution en 1908)

[5] Ce titre phare de la presse religieuse, qui tire encore aujourd’hui à près de 100.000 exemplaires, n’hésite pas, dans un éditorial du 30 août 1890, à se revendiquer comme « le journal catholique le plus anti-juif de France ».

[6] Reconnaissance officielle dans le cadre du Concordat mise en place par Napoléon et Talleyrand avec le pape Pie VII, qui perdure encore aujourd’hui en Alsace.

[7] Le journaliste austro-hongrois Théodore Herzl ressort profondément marqué de l’affaire Dreyfus dont il suit les débuts comme correspondant de la Neue freie Presse de Vienne. Il assiste à la dégradation d’Alfred Dreyfus en 1895. Devant la vague d’antisémitisme qui l’accompagne, Herzl considère que « si la France — bastion de l’émancipation, du progrès et du socialisme universaliste — [peut] se laisser emporter dans un maelström d’antisémitisme et laisser la foule parisienne scander « À mort les Juifs ! », où ces derniers peuvent-ils encore être en sécurité — si ce n’est dans leur propre pays ? L’assimilation ne résoudra pas le problème parce que le monde des gentils ne le permettra pas, comme l’affaire Dreyfus l’a si clairement démontré ». Le choc est d’autant plus fort qu’ayant vécu toute sa jeunesse en Autriche, pays antisémite, Herzl a choisi d’aller vivre en France pour l’image humaniste dont elle se prévaut à l’abri des excès extrémistes. Il organise dès 1897, le 1er congrès sioniste à Bâle et est considéré comme l’« inventeur du sionisme en tant que véritable mouvement politique ».

[8] « La Revue internationale des sociétés secrètes », dirigée d’abord par Mgr Jouin puis par le chanoine Schaefer, dirigeant de la "Ligue Franc-Catholique", passe de 200 abonnés en 1912 à 2000 en 1932. Le journaliste catholique Léon de Poncins, adepte des théories du complot et collaborateur de nombreux journaux (dont "Le Figaro", dirigé par François Coty, ou "L’Ami du Peuple", sous-titré « Hebdomadaire d’action racique (sic) contre les forces occultes ») y participe, ainsi que l’occultiste Pierre Virion, qui fonde après-guerre une association avec le général Weygand, Ministre de la Défense nationale de Vichy avant de faire appliquer les lois racistes en Afrique du Nord. "Le Grand Occident", animé par les antidreyfusards Lucien Pemjean, Jean Drault et Albert Monniot, tire à 6 000 exemplaires en 1934. "Le Réveil du peuple", organe du "Front Franc" de Jean Boissel, auxquels collaborent Jean Drault et Urbain Gohier, diffuse 3 000 exemplaires en 1939. Disparue en 1924, "La Libre Parole" est à nouveau publiée en 1928-1929, sans réussir à décoller, puis en 1930 par Henry Coston (alias Georges Virebeau), qui la dirige jusqu’à la guerre. Beaucoup d’antisémites célèbres écriront dans ses colonnes, dont Jacques Ploncard, Jean Drault, Henry-Robert Petit, Albert Monniot, Mathieu Degeilh, Louis Tournayre ou Jacques Ditte. Le mensuel éponyme diffuse à 2000 abonnées. D’autres revues sont plus éphémères, telles que "La France Réelle", proche de l’"Action Française" ; « L’Insurgé », pro-fasciste ; ou "L’Ordre National", proche de "La Cagoule", un groupe terroriste anticommuniste et antisémite (financé par le fondateur de L’Oréal, Eugène Schueller).
Au-delà des journaux, cette extrême-droite est organisée en partis et en ligues antiparlementaires. À partir de 1930 celles-ci se multiplient, notamment lors des Cartels de gauche. Fondée pendant l’affaire Dreyfus, l’"Action française" déclare rassembler en 1934 60 000 adhérents. Lors de la victoire du Front populaire, l’extrême droite se livre à un « véritable déferlement de haine » : Maurras dénonce un « cabinet juif », et l’Action française voit dans le "Front populaire" l’œuvre du complot juif.
La "Solidarité Française" est une ligue fasciste dirigée par le commandant Renaud, elle est fondée en 1933, la même année que le "Francisme" dirigé par Marcel Bucard. Ces deux ligues regroupaient chacune 10 000 personnes. Le "Francisme" est devenu antisémite à partir de 1936. Le "Parti populaire français", fondé en 1936, est dirigé par Jacques Doriot. Ce parti compte à son apogée 100 000 adhérents. Certains partis qui n’étaient pas antisémites à l’origine le devinrent dans les années 1930. Ainsi, les "Comités de défense paysanne" d’Henri Dorgères penchèrent vers le fascisme puis l’antisémitisme dès le début des années 1930. Ce parti comptait 150 000 à 200 000 adhérents. D’autres ligues agissaient, elles étaient plus petites mais surtout beaucoup plus violentes. Notamment la "Ligue Franc-Catholique", formée en 1927 et dirigée par le chanoine Schaeffer.

[9] Loi Armbruster du 21 avril 1933, limitant la médecine aux personnes diplômées de nationalité française ; loi concernant les avocats de juillet 1934, limitant la profession à ceux résidant sur le territoire depuis plus de dix ans.

[10] En outre, l’abrogation du décret Crémieux privera 100 000 Juifs d’Algérie de la citoyenneté française.

[11] Ainsi la déclarations négationnistes d’un Jean-Marie Le Pen (selon laquelle les chambres à gaz seraient « un point de détail de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale ») ou d’un Robert Faurisson (un temps soutenu par l’ultragauche bordiguiste, et, au nom d’une conception libérale de la liberté d’expression, par la star libertaire américaine Noam Chomsky).

[12] Voir par exemple le texte du Groupe Regard Noir ou celui rédigé par la CGA.

 

★ 20 août 1899 : manifestation anarchiste contre l’antisémitisme
Commenter cet article