★ Voltairine de Cleyre

Publié le par Socialisme libertaire

(Voltairine de Cleyre) la femme anarchiste la plus douée et la plus brillante que l’Amérique ait jamais produite.

Emma Goldman

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Voltairine de Cleyre (1866 – 1912)

 

« Née de Harriet Elizabeth Billings, américaine et de Hector De Claire, né à Lille et immigré aux États-Unis, ou comme elle le dit « d’un communiste français et d’une puritaine américaine » (1). L’expérience du couvent la rend athée. « Le vieil esprit ancestral de rébellion s’est réveillé dès mes quatorze ans lorsque j’étais écolière au Convent of Our Lady de Lake Huron, à Sarnis, Ontario.  Finalement, j’ai lutté à ma manière et j’étais une athée lorsque j’ai quitté l’institution, trois ans plus tard, bien que je n’ai jamais lu un livre ou entendu une voix pour m’aider dans ma solitude. » (2)

Elle raconte avoir été socialiste pendant six semaines, avant que de devenir anarchiste grâce dit-elle au journal « Liberty de Benjamin Tucker, l’avocat de l’Anarchisme Individualiste, qui m’a finalement convaincu que ‘la Liberté n’est pas la Fille mais la Mère de l’Ordre’. Et bien que je ne partage plus l’évangile économique particulière prônée par Tucker, la doctrine anarchiste en elle-même, telle qu’il la concevait, n’a fait que s’élargir, s’approfondir et se renforcer avec les années. » (3)

Souvent qualifiée d’anarchiste « individualiste », par opposition supposée à l’anarchiste communiste, elle écrit « Ma conviction personnelle est que les deux formes de société , ainsi que de nombreuses variantes, seraient expérimentées, en l’absence de gouvernement, dans différents lieux selon les instincts et les conditions matérielles des habitants, mais que ces deux objections fondées devraient être laissées au choix. Seules la liberté et l’expérimentation sont en mesure de déterminer les meilleures formes de la société. Par conséquent, je ne me qualifie plus autrement que comme « anarchiste » tout simplement. (4)

Elle collabore à différents journaux et revues anarchistes dont Liberty, de Tucker et Mother Earth. Elle partage avec Emma Goldman la même approche sur le droit des femmes en général, et la même aversion pour l’institution du mariage en particulier. Les deux femmes s’estiment même si il existe des points de désaccord entre elles (5) « Emma Goldman est mon amie et ma camarade, et sur tous les grands principes, nos idées sont proches » écrit-elle dans un article intitulé « On liberty » (6). Elle prend également la défense d'Emma Goldman lorsqu’elle est condamnée à un an de prison pour « incitation à l’émeute » dans un texte intitulé En défense de Emma Goldman et du droit à l’expropriation (7).

En 1911, elle s’intéresse à la révolution mexicaine et particulièrement à l’action de Ricardo Flores Magón. Elle collabore à son journal, Regeneración, donne des conférences, écrit des articles dans différents journaux, et collecte des fonds pour aider la révolution.

Après la mort de Voltairine de Cleyre, le numéro de juillet 1912 de Mother Earth lui est consacré. Y figure entre autres hommages, celui d'Alexandre Berkman ci-dessous. » 

Notes : 

1. "An Interview with Voltairine de Cleyre", The Sun, 4 mars 1894. 

2. "La Fabrication d’une Anarchiste". 

3. Ibid. 

4. Ibid. Voir aussi "Les faits sont les vrais maîtres". 

5. Voir, par exemple, "Une réponse"  Mother Earth. Vol 5, n°10, décembre 1910. 

6.  "On liberty" Mother Earth Vol. 4, n°5 (Juillet 1909). 

7.  "In Defense of Emma Goldmann and the Right of Expropriation", 16 décembre 1893. 
 

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« Voltairine est morte de façon si inattendue que j’ai encore du mal aujourd’hui à réaliser qu’elle n’est plus. Nous avons été des correspondants si constants et intimes au cours des six dernières années – presque jusqu’à ses derniers jours – que je ne peux toujours pas me libérer du sentiment bizarre que je peux recevoir une lettre d’elle à tout moment.

Elle a été parmi nous depuis trop peu de temps pour que nous puissions apprécier pleinement son caractère exceptionnel, son esprit brillant et son activité révolutionnaire. Nous avons besoin de plus de recul pour estimer correctement l’influence qu’elle a exercé sur ses camarades et le mouvement. .

Mais je sais cela : Voltairine était une martyre, aussi authentiquement que quiconque qui a été crucifié par un monde stupide et mesquin.

Certains meurent pour leurs idées ; moins nombreux sont ceux qui vivent pour elles. Et je suis absolument sûr qu’il est beaucoup plus difficile et que cela demande plus de force de caractère de vivre en accord avec ses idées que de mourir pour elles . Tels sont les plus grands martyrs et Voltairine était l’une d’entre eux.

La plupart d’entre nous, même révolutionnaires et anarchistes, rentrons souvent dans le moule, trichons un peu ici, faisons quelques compromis là, et, trop souvent, nous persuadons que la fin justifie les moyens. Mais seuls les moyens en accord avec la fin justifient celle-ci ; et alors, ils font partie de la fin elle-même. Sinon, les moyens nous dominent peu à peu et dominent finalement la fin.

Nous savons tous cela ; cela fait partie de l’histoire et des expériences personnelles. Mais si peu d’entre nous sommes prêts à l’admettre, même dans la solitude de nos cœurs ; si peu d’entre nous avons le courage et l’honnêteté de remettre en cause leurs activités et leur façon de vivre et de s’interroger , Mes moyens justifient-ils mes idées ? Sont-ils en accord avec elles ? Sont-ils compatibles ?

Voltairine avait ce courage et cette honnêteté. Sa vie entière a été motivée par un dévouement inébranlable à la cause qu’elle avait fait sienne, en n’entrant dans aucun moule, en ne faisant aucune compromission avec elle-même. C’était un être humain : elle avait ses défauts et ses échecs, ses jours sombres de doutes et de désespoir. Mais, à cause de cela, elle a dominé un géant parce que — aussi humaine était-elle — elle n’en a pas moins été victorieuse. Dans son humanité, elle était trop forte pour être le jouet des Circonstances, ce maître « inflexible » de tout les esprits faibles. Elle n’ a pas été soumise par L’Idée Dominante du Siècle ni par le pouvoir de son entourage immédiat (1). Car les personnes réellement fortes, si elle ne peuvent pas changer leur environnement, ne laisse pas leur environnement les changer.

Alors Voltairine de Cleyre a suivi sa voie, presque seule, souvent remplie d’amertume devant l’apathie, la corruption et l’absence de vision, parmi ses amis même, mais devenant plus forte et décidée dans son isolement. Car elle était une de ces rares personnes dont le dévouement total à l’idéal imprègne chaque acte et moment de sa vie, qui donnent de la force et encouragent ses amis et camarades dans la cause pour un anarchisme sans compromis.

Sa vie a été un combat contre toutes les impostures, un défi à toutes les hypocrisie et une inspiration pour la révolte sociale.

Je suis fier d’avoir été appelé ton ami et camarade, Voltairine ! Je ne pleure pas ta mort — ton pauvre corps est délivré de la souffrance et ton esprit a vaincu ! Tu es une de celle qui, selon tes propres mots « se tiennent à la parole qu’ils se sont donnée à eux-mêmes, — qui s’y tiennent non seulement quand c’est facile, mais aussi quand c’est difficile, — quand l’ouragan gronde, que le ciel est zébré de lignes blanches et de traits de feu, que les yeux sont aveuglés et les oreilles assourdies par la guerre des forces en conflit, — qui s’y tiennent quand le ciel est gris et que rien n’interrompt sa désespérante monotonie. » (2)

Comme toi, Voltairine, que les Circonstances ne peuvent briser. Ils font et défont les Circonstances car en eux, est « le feu immortel de la Volonté Individuelle, laquelle est le salut de l’Avenir ». (3) » 

Alexandre Berkman

[ Traduction R&B

NdT : 

1. Référence à l’essai "L’Idée Dominante". 
2. Citation de "L’Idée Dominante". 
3. Ibid. 
 

★ Hommage de Alexandre Berkman publié dans Mother Earth Vol.7, n°5, juillet 1912.

★ Hommage de Alexandre Berkman publié dans Mother Earth Vol.7, n°5, juillet 1912.

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G
Je découvre.merci
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