★ Ni dieu ni maître, ni tribun, ni prophète !
★ Ni dieu ni maître, ni tribun, ni prophète !
« Le droit clérical, si quelque chose a été appris du roman « 1984 » d’Orwel, est d’utiliser un double langage selon ce qui leur convient. La même chose est bonne si elle leur profite ou mauvaise si elle leur fait du mal. Cette paléolangue vient de loin, ironiquement qualifiée par Orwell de néo-langue, car déjà à la Renaissance le même jésuite défendait la « raison d’État » lorsque l’État était catholique et le « droit de rébellion » contre l’État, lorsque l’État ne le faisait pas. Il était catholique. Prenez la peine de lire les livres du jésuite Molina « De rege ac regis institutione » ou encore du jésuite Suárez, « De legibus ac deo législatore » ou « Defensor fidei » , écrits contre Jacobo I Stuardo.
Et on pourrait citer de nombreux livres religieux, anciens et récents, comme les encycliques des papes, en particulier celle que Léon XIII a adressée aux catholiques français, « Au milieu de demandes », 1892 ou celles du Père Gago, en 1932, ou du canon de Salamanque, Aniceto de Castro dans son livre « Le droit à la rébellion » justifiant le droit de rébellion contre la République. Ces arguments ont été utilisés pour légitimer la rébellion franquiste. Cette doctrine est recueillie, aujourd’hui, dans les encycliques de Jean-Paul II.
Eh bien, dans tous ces cas, ils confondent arbitrairement ce que les procureurs appellent « les limites de la liberté » avec les limites de la liberté. L’exercice des libertés peut-il avoir des limites, au-delà des dictatures militaires, théocratiques et fascistes ou totalitaires ? Parce qu’il est évident que dans ces systèmes politiques la liberté, les libertés sont limitées, simplement parce qu’elles n’existent pas. La liberté se limite à l’obéissance au pouvoir. Que son nom soit Franco ou son nom soit Dieu ou Allah.
La liberté est conçue comme un devoir catégorique ou impératif et non comme un droit. Un droit que seuls les individus ont et exercent pour ce qu’ils ne peuvent avoir, ni exercer, ni institutions ni religions. Ce n’est pas par hasard que seules les personnes dogmatiques, de droite et religieuses, dont les textes doctrinaux condamnent les libertés depuis des siècles, sont celles qui invoquent les limites de la liberté pour imposer leur vérité dogmatique.
La vérité est que, pendant des siècles et des siècles, il n’y a eu ni liberté religieuse ni liberté d’expression. Pendant des siècles et des siècles, l’Église et l’Islam ont condamné, persécuté et brûlé, et accusé d’un crime de blasphème contre leur dieu, d’un acte de rébellion contre la Vérité, d’une insoumission au dogme, à des milliers de personnes qui voulaient être Moralement libre. Pendant des siècles, la Croix et le Croissant ont imposé et continuent d’imposer, protégés par des dictatures, leur seule liberté : la soumission à leur Puissance.
Suite à la Déclaration universelle des droits de l’homme, le pape Pie VI dans sa lettre au cardinal Rochefoucauld et aux évêques de l’Assemblée nationale, le 10 mars 1791, dans son texte « Quod aliquantum, Sur la liberté », écrit :
« Malgré les principes généralement reconnus par l’Église, l’Assemblée nationale a attribué un pouvoir spirituel, ayant adopté tant de nouveaux règlements contraires aux dogmes et à la discipline. Mais ce comportement ne surprendra pas ceux qui constatent que l’effet forcé de la constitution décrétée par l’Assemblée est de détruire la religion catholique et avec elle l’obéissance due aux rois. C’est de ce point de vue qu’il est établi, en tant que droit de l’homme dans la société, cette liberté absolue qui garantit non seulement le droit de ne pas être dérangé par ses opinions religieuses, mais aussi le droit de penser, de dire, d’écrire, et même faire tout ce que l’imagination la plus immorale peut suggérer en toute impunité dans la religion ; droit monstrueux qui semble malgré tout plaire à l’assemblée d’égalité et de liberté naturelle pour tous les hommes. Mais est-ce qu’il pourrait y avoir quelque chose de plus insensé que d’établir parmi les hommes cette égalité et cette liberté débridées qui semblent étouffer la raison, qui est le cadeau le plus précieux que la nature ait fait à l’homme, et le seul qui la distingue des animaux ? »
Et, maintenant, ceux qui ont condamné et condamnent les libertés, la liberté religieuse contre la liberté d’expression parce qu’elle a dépassé les « limites » de la liberté, de leur liberté, catholique ou musulmane, invoquent la liberté religieuse contre les libertés et contre la liberté d’expression lorsqu’elle dépasse les limites de la liberté ou ce qui est la même lorsque, lorsqu’elle n’est soumise à aucune dictature morale. Le blasphème est un crime religieux qui ne serait admissible que chez les personnes qui acceptent une certaine croyance et s’y soumettent. Ce ne peut jamais être un crime politique. Parce que la liberté d’expression ne peut jamais être un crime car c’est un droit individuel. C’est un droit illimité. Limité uniquement par des dictatures ou des lois dogmatiques.
Est-il acceptable que dans une société régie par des droits et non par des dogmes religieux, elle soit sous l’autorité de ceux qui nient l’exercice des libertés dans leurs propres institutions et leurs propres sujets ? N’est-ce pas une perversion de la loi d’invoquer la liberté d’imposer une dictature morale ? Les juges et les procureurs sont-ils des sujets de Dieu ? Doivent-ils mettre leurs convictions avant de défendre les libertés ? N’est-ce pas une dictature morale ?
Quelles sont les limites de la liberté d’expression. Qui fixe des limites à l’exercice des libertés. Selon quels critères ces limites sont-elles imposées aux droits. Un évêque ne dépasse-t-il pas les limites de la liberté d’expression lorsqu’il proclame que les homosexuels sont malades ? Un aimant ne dépasse-t-il pas les limites de l’expression lorsqu’il proclame que les femmes doivent être battues ? Qu’est-ce que la liberté ? Qui peut fixer des limites à l’exercice des libertés, mais ceux qui sont contre leur exercice.
L’exercice des libertés et de l’expression est combattu avec l’exercice de la liberté d’expression de ceux qui se sentent offensés. L’instrument est une pensée critique soutenue par l’exercice de droits qui garantissent les libertés. Faire de l’exercice, c’est interdire la liberté. Pour cette raison, il y a le paradoxe dialectique, dans le discours des double vérité / double mensonge, que l’espace de la liberté réside de l’autre côté du dogme, de la dictature, une fois les limites de la liberté franchies.
Au-delà des limites de la liberté se trouve la liberté. L’espace infini dans lequel les citoyens ont des droits et les exercent. La liberté est l’espace social et politique infini des droits individuels dans lequel la liberté d’expression est combattue avec plus de liberté d’expression ; dans lequel une idée est combattue avec une autre idée ; dans lequel un argument est combattu avec un autre argument ; dans lequel un sentiment coexiste avec un autre et contre un autre sentiment car il y a autant de sentiments que de citoyens ; où une religion est combattue avec une autre religion, où l’athée s’oppose au croyant, où le musulman s’oppose au catholique, où le scientifique s’oppose au croyant, où la pensée critique s’oppose au dogmatique… et vice versa.
L’espace où la pensée critique contre le dogme garantit la liberté d’expression et le progrès de l’humanité. L’inverse est l’imposition de dogmes sur les bâtons. Autant ils s’appuient sur des lois favorables à la dictature morale. Que peut-il se passer lorsque les tribunaux se comportent comme les tribunaux de la Sainte Inquisition ou du Croissant. Les libertés ont créé cet espace de confrontation dialectique. Seuls les dogmatiques et les autoritaires essaient d’imposer des limites à l’exercice des libertés. Et ces personnages dogmatiques, autoritaires et liberticides sont également présents dans les tribunaux, au service du dogme. De la souveraineté étrangère à la déclaration des droits fondamentaux. Il est logique que seules les personnes dogmatiques, de droite et religieuses, dont les textes doctrinaux condamnent les libertés depuis des siècles, soient celles qui invoquent les limites de la liberté pour imposer leur vérité dogmatique. La liberté est l’espace infini dans lequel s’exercent les droits individuels, toutes les libertés. Et les constitutions le proclament, avant d’être régulées par la pensée réactionnaire.
Ni dieu ni maître, ni tribun, ni prophète ! »
GLJD - 28 janvier 2020
- SOURCE : Groupe Libertaire Jules-Durand