Histoire politique du courant des Conseils Ouvriers en Allemagne
PRÉCURSEURS DES CONSEILS
Les Conseils Ouvriers avaient eu pourtant leurs antécédents. Déjà pendant la guerre cette manière spontanée de lutter était en germe dans les usines. Comme on le sait existent dans les syndicats allemands des "hommes de confiance" chargés de menues fonctions, et assurant un lien entre les syndiqués et leur direction. Les "hommes de confiance" faisaient connaître à la direction des Syndicats les divers griefs des ouvriers. Ces griefs, durant la guerre, étaient nombreux (les principaux portaient sur l’intensification du travail et 11 augmentation des prix). Mais comme les Syndicats avaient fait front unique avec le gouvernement impérial pour gagner la guerre, les "hommes de confiance" frappaient à la mauvaise porte. Un ouvrier "fâcheux" ne tardait jamais à être appelé aux armées, et vis-à-vis de la direction syndicale, il apparut vite meilleur de n’avoir aucun grief.
Les "hommes de confiance" cessèrent de conseiller la direction de leurs Syndicats, mais délibérèrent secrètement dans les usines et devinrent ce qu’on peut considérer comme des pôles d’attraction pour les aspirations de tous les travailleurs. En 1917, brusquement, un flot de grèves sauvages déferla sur le pays. En apparence, ces mouvements "spontanés" n’étaient virtuellement pas organisés : mais ils étaient précédés de discussions et d’accords communs entre usines, au cours desquelles les "hommes de confiance" avaient servi de lien.
Dans de tels mouvements les conceptions particulières des ouvriers, social-démocrate, anarchiste, libérale, religieuse, etc... devaient s’effacer devant la nécessité du moment. La masse en tant que classe était obligée d’agir sous sa propre direction, sur la base organisationnelle de l’usine, rejetant toutes les organisations de différentes "couleurs".
Dans les centres industriels importants les Conseils Ouvriers prenaient le pouvoir à Berlin, à Hambourg, dans la Rhur et le centre de l’Allemagne, en Saxe. Quel usage ont-ils fait de ce pouvoir ?
FACILITE DE LA VICTOIRE
Les résultats étaient pauvres. Les masses n’avaient pas une conscience suffisante des relations sociales. La cause de cette carence était à chercher dans la facilité avec laquelle se formèrent les Conseils Ouvriers. L’ancien régime n’était pas supprimé par une lutte sévère, mais l’appareil de l’État avait perdu toute autorité et s’écroulait de lui-même faute d’appui. La victoire était trop facile, ce n’était virtuellement pas une victoire, mais plutôt la situation faite au mouvement par le manque de résistance adverse La paix, vœu de toute la population, suivait immédiatement la "révolution".
Importante différence d’avec la Révolution Russe de 1917. En Russie, la 1ère Révolution, en mars, balayait le régime tzariste, mais la guerre continuait et le gouvernement Kérensky ne voulait pas d’une paix séparée. La question restait brûlante dans son indécision ; la révolution trouvait souvent dans ces obstacles des condition déterminantes pour son développement. Tandis qu’avec l’effondrement de l’empire allemand l’aspiration première de la population, c’est à dire la paix, était comblée. L’Allemagne, transformée en République, serait rebâtie sur des assises nouvelles. Lesquelles ?
Avant la guerre, il n’était pas question de divergence sur ce point parmi les travailleurs. La politique ouvrière, en pratique comme en théorie, était faîte par le parti social-démocrate et les syndicats, reconnus et approuvés par la majorité des travailleurs. Pour les tenants de ce mouvement socialiste, épanoui dans la lutte pour la démocratie parlementaire et les réformes sociales, l’État démocratique bourgeois devait être le levier du Socialisme. Il suffisait, pour les ouvriers, d’assurer une majorité socialiste dans le Parlement, et les ministres socialistes prendraient soin de nationaliser la vie économique pas à pas, pour réaliser ainsi le Socialisme.
Il y avait aussi, à la vérité, un courant révolutionnaire, dont par exemple K. Liebknecht et R. Luxemburg étaient des représentants connus, mais qui ne développèrent jamais des conceptions propres destinées à combattre l’idée d’un Socialisme d’État. On comprend par là qu’ils n’aient plus été qu’une "opposition" au sein de la social-démocratie même.
NOUVELLES CONCEPTIONS
Pourtant de nouvelles conceptions virent le jour pendant les grands mouvements de masses de 1918-1923.
Elles n’étaient pas le fait d’une "avant-garde", mais bien celui des masses elles-mêmes. Sur le terrain pratique, l’activité indépendante des ouvriers et des soldats avait reçu sa forme organisationnelle : ces nouveaux organes agissaient dans un sens de classe. Et parce qu’il y a une liaison étroite entre les formes de la lutte de classe et les conceptions de l’avenir, il va sans dire que çà et là les vieilles conceptions commençaient de s’ébranler. De même que les ouvriers dirigeaient leur propre lutte, dans l’appareil du Parti ou du Syndicat, de même en ce qui concerne la vie sociale, l’idée prenait corps selon laquelle les masses devaient y exercer une influence directe par le moyen des Conseils. Cela devait être une "dictature du prolétariat" exécutée non par un parti mais par l’unité de toute la population travailleuse. Il est certain qu’une telle organisation sociale ne devait pas être démocratique dans le sens bourgeois du mot, puisque la partie de la population qui ne participait pas de la nouvelle organisation de la vie sociale n’aurait pas voix dans les discussions ni dans les décisions.
Nous disions que les vieilles conceptions commençaient à s’ébranlé. Mais il devint vite évident que les traditions parlementaires et syndicales étaient trop enracinées dans les masses pour être extirpées à bref délai. La bourgeoisie, le parti social-démocrate et les syndicats appelèrent très habilement à ces traditions pour faire du tort à la nouvelle conception d’organisation indépendante. Le parti social-démocrate, en particulier, se félicitait en paroles de cette nouvelle façon que les masses avaient eue de s’imposer dans la vie sociale. Il allait jusqu’à exiger que cette forme de pouvoir directe soit approuvée et conservée par une loi qui serait votée à bref délai dans un nouveau parlement. Mais en même temps qu’il leur témoignait de "l’amour", l’ancien mouvement ouvrier reprochait aux Conseils un manque total des usages démocratiques, tout en les excusant partiellement par leur formation spontanée. C’est à dire qu’il leur reprochait le fait que les organisations de l’ancien mouvement ouvrier comme telles n’y étaient pas représentées. Ces organisations considéraient comme une exigence de la démocratie ouvrière que tous les courants du mouvement ouvrier eussent leurs députés dans les Conseils proportionnellement à leur importance respective.
LE PIÈGE TENDU
La majorité des travailleurs était incapable de réfuter cet argument. Dans ces conditions les Conseils se composaient de représentants du parti social-démocrate, des syndicats, des social-démocrates de gauche, des communistes, des coopératives de consommation ainsi que des délégués d’usines. Il est évident que de tels Conseils n’étaient plus les organes des équipes d’usines réunies, mais une formation issue de l’ancien mouvement ouvrier œuvrant à la réinstauration du capitalisme sur la base du Capitalisme d’État démocratique.
C’était la ruine de la force ouvrière. Les dirigeants des Conseils ne recevaient plus leurs directives de la masse, mais de leurs différentes organisations. Ils adjuraient les travailleurs d’assurer "l’ordre", et proclamaient que "dans le désordre pas de socialisme". Dans de telles conditions, les Conseils perdirent rapidement toute signification réelle pour la classe ouvrière, les institutions législatives bourgeoises fonctionnèrent en se passant de l’avis des Conseils : là était précisément le but de l'ancien mouvement ouvrier.
Malgré cette "révolution échouée, on ne peut dire que la victoire des pouvoirs conservateurs ait été simple. Cette nouvelle orientation des esprits était tout de même assez accusée pour que des centaines de milliers d’ouvriers luttent avec acharnement afin de garder aux Conseils leur caractère de nouvelles unités de classe. Il fallut cinq ans de gros efforts, et le massacre de 35.000 ouvriers révolutionnaires, pour que le mouvement des Conseils fut définitivement battu par le front unique de la ,bourgeoisie, l’ancien mouvement ouvrier et les gardes blanches des hobereaux prussiens.
COURANTS POLITIQUES
Dans cette mêlée se heurtaient en général du côté ouvrier 4 courants politiques :
I- Les Sociaux-Démocrates voulaient nationaliser les grandes industries pas à pas et par voies parlementaires. et tendaient à ne conserver que les syndicats comme intermédiaires entre les travailleurs et le capital d’État.
2- Le courant Communiste, s’inspirant plus ou moins de l’exemple russe exigeait une expropriation directe des capitaux par les masses. Il était selon lui du devoir des ouvriers révolutionnaires de "conquérir" les syndicats et les rendre révolutionnaires.
3- Le courant Anarcho-Syndicaliste s’opposait à la conquête du pouvoir politique et tout État. Élargissement des syndicats, jusqu’à telle ampleur qu’ils soient capables de reprendre à leur compte la vie économique : tel était l’essentiel de leur pensée. En 1920, le syndicaliste révolutionnaire connu R.Rocker écrivait dans sa "Déclaration des principes du Syndicalisme-révolutionnaire" que les syndicats ne sont pas à considérer comme des produits passagers du capitalisme, mais comme les germes d’une organisation socialiste ultérieure. Il sembla d’abord, en 1919, que la chance de ce mouvement fut venue. Dès l’écroulement de l’Empire, des masses révolutionnaires affluaient dans ces syndicats. Pour l’année 1920, on comptait 200 à 300 000 adhérents.
4- Toutefois, les syndicalistes-révolutionnaires virent avec étonnement le mouvement syndical tomber en décomposition en 1920. Des masses d’adhérents quittaient les syndicats pour une autre forme d’organisation, mieux adaptée aux conditions de lutte : l’organisation révolutionnaire d’usine. Chaque usine avait sa propre organisation, agissant indépendamment des autres et qui même tout d’abord n’était pas reliée aux autres. Chaque usine faisait figure de "République indépendante" repliée sur elle-même.
Bien que des organismes d’usines fussent une acquisition du mouvement de masses, il faut tout de même remarquer qu’ils n’étaient que le fruit d’une révolution échouée ou au moins une révolution stagnante. Il s’avéra vite impossible aux ouvriers de conquérir le pouvoir économique et politique par le moyen des Conseils, et qu’il y aurait tout d’abord à soutenir une lutte difficile contre les forces qui s’opposaient aux Conseils. Ainsi les ouvriers révolutionnaires commençaient à rassembler leurs forces dans toutes les usines pour maintenir un pouvoir direct sur la vie sociale. Par leur propagande, ils éveillaient les ouvriers, les persuadaient de quitter les syndicats et d’adhérer à l’organisation révolutionnaire d’usine, pour diriger eux-mêmes leur propre lutte, et conquérir le pouvoir économique et politique sur toute la société.
En apparence la classe ouvrière faisait un grand pas en arrière sur le terrain du pouvoir organisé. Tandis qu’auparavant le pouvoir des ouvriers était concentré dans quelques puissantes organisations centrales, maintenant il se désagrégeait en centaines de petites organisations, groupant quelques centaines ou quelques milliers d’adhérents, selon l’importance de l’usine. Mais en réalité il apparaissait que cette forme était la seule où put se déployer un véritable pouvoir ouvrier, de sorte que ces organisations étaient la terreur de la bourgeoisie, de la social-démocratie et des syndicats.
CONSOLIDATION DES ORGANISATIONS D’USINE
Cependant cette séparation de toutes ces organisations d’usine n’était pas une question de principe ; ces organisations étaient nées isolément. On tenta de les rassembler dans une organisation générale afin d’opposer un front serré à la bourgeoisie et à ses acolytes. L’initiative partit de Hambourg, et en avril. 1920, le premier rassemblement pour toute l’Allemagne eut lieu secrètement à Hanovre. Il y avait des délégués de Hambourg, Brême, Bremerhafen, Hanovre, Berlin, l’Allemagne centrale, la Silésie et la Rhur. Malheureusement, la police de la "République la plus démocratique du monde" flairait ce Congrès et le dispersa. Elle venait tout de même trop tard, car l’organisation générale était déjà fondée, et les plus importants de ses principes provisoires concernant l’organisation, l’action et la politique, étaient arrêtés.
Cette union se nommait A.A.U.D (Allgemeine Arbeiter Union Deutschlands) ou Union Générale des Travailleurs d’Allemagne.
Les principes prévoyaient la lutte contre les syndicats et les Conseils d’usine légaux et le refus du parlementarisme.
L’indépendance et la mobilité de chacune des organisations participantes étaient assurées au maximum.
Dès ce moment, il apparut impossible de rassembler toutes les organisations d’usine existantes. Certaines préféraient I’isolement, de autres se liaient aux syndicats révolutionnaires et d’autres à l’internationale Syndicale Rouge (Moscou). Au total la nouvelle forme d’organisation comptait environ un demi-million d’adhérents. Tout d’abord l’A.A.U.D ne rassembla que 80 000 travailleurs (avril 1920). Sa croissance fut rapide, et à la fin de 1920 ce nombre passa à 300.000. Mais dès décembre 1920, des divergences politiques provoquèrent une grande scission au sein de l’organisation et la moitié des adhérents la quittait pour former une autre organisation l’A.A.U.D.E ( Nous reviendrons sur ces divergences dans la suite de notre exposé). Après cette rupture l'A.A.U.D. ne compta plus que 200 000 adhérents au moment de son 4ème Congrès de juin 21.
LE PARTI COMMUNISTE ALLEMAND (K.P.D.)
Avant d’examiner les diverses scissions dans le mouvement des organisations d’ usines, il est nécessaire de parler du nouveau Parti Communiste (K.P.D.) fondé en novembre 18, C’ est à dire sitôt après l’effondrement de 1er Empire. Pendant la guerre, le parti social-démocrate resta fidèle à la bourgeoisie allemande, à l’exception de quelques uns de ses membres, comme Luxemburg et Liebknecht. Ces derniers s’opposaient à la guerre et faisaient propagande pour une insurrection socialiste contre les massacreurs. Naturellement il s’agissait d’une opposition illégale, animant quelques groupes, dont le ’"Spartacusbund", les "Internationalistes" de Dresden et les "Radicaux de Gauche"’ de Hambourg, pour citer les plus connus. Ces groupes, de l’école social-démocrate, s’unifièrent en novembre 1918 en K.P.D. s’orientant sur la Révolution Russe. Ce parti devint Immédiatement lieu de rassemblement pour nombre d’ouvriers révolutionnaires, qui exigeaient "Tout le pouvoir pour les Conseils Ouvriers"
Il est important de remarquer que les fondateurs du K.P.D., vieux militants de l’école social-démocrate, constituaient par "droit de naissance" les cadres du parti. Mais les masses d’ouvriers qui y affluèrent, et que préoccupaient en pratique de nouvelles formes de lutte, se laissèrent influencer par mainte perception désuète. Car le nom d’organisation d’usine" n’est qu’un mot, et peut se prononcer sans réflexion. De plus ce mot est trompeur, dans la mesure ou il incline à penser qu’il ne s’agit que d’un problème uniquement organisationnel. En réalité, Il s’agit d’’un ensemble tout différent de conceptions sociales. Le mot "organisation d’usine" renferme une révolution dans les conceptions de :
- l’unité de la classe ouvrière
- la tactique de lutte
- la relation des masses et sa direction
- la dictature du prolétariat
- la relation de l’État et de la Société
- le communisme en tant que système économico-politique.
Face à ces problèmes, les ouvriers en lutte sentaient le besoin de nombreux renouvellements idéologiques. En effet ces problèmes se posaient conséquement à leur lutte pratique, la nécessité se faisant jour d’un renouvellement du prolétariat d’usine, renouvellement dont 11 idée sembla suspecte aux vieux militants des cadres syndicalistes et parlementaristes grisonnants. Il va sans dire, d’ ailleurs, que ces renouvellements n’apparurent pas subitement comme objectifs d’un système déjà achevé, ces idées naissantes côtoyaient ou se mêlaient à des acquis du vieux monde idéologique. Ainsi les travailleurs du K.P.D. ne s’ opposaient pas de façon massive et déterminée aux l’internationalistes" de la direction, mais ils étaient faibles et divisés sur bien des questions.
LE PARLEMENTARISME
Dès la fondation du K.P.D, l’ensemble des conceptions que nous comprenons sous l’ex pression d’organisation d’usine" y devint le sujet de discorde. Le gouvernement provisoire, dirigé par le social-démocrate Ebert avait annoncé des élections pour une Constituante. Le jeune K.P.D. devait-il participer à ces élections en les combattant ? Cette question provoqua des heurts violents. La grande majorité des ouvriers exigeaient qu’on se dresse contre les élections, au contraire de la direction du Parti, Luxemburg et Liebknecht compris, qui avait décidé d’y participer. Les discussions virent la défaite de la direction. Il faut dire qu’à l’époque le KPD était un parti antiparlementaire. Cet antiparlementarisme s’appuyait sur une conviction, que la Constituante n’avait d'autre sens que de consolider, en lui donnant une assise "légale", le pouvoir de la bourgeoisie. Mais la situation donnait à réfléchir Conseils d’usine et Conseils d’Ouvriers généraux surgissaient de toutes parts dans les régions industrielles, et l’élément prolétarien du K.P.D. tenait à montrer la différence de la démocratie parlementaire et la démocratie ouvrière par le mot d’ordre "Tout le pouvoir aux Conseils Ouvriers".
Mais la direction du KPD voyait dans cet antiparlementarisme non un renouvellement, mais une régression vers les conceptions syndicalistes et anarchistes telles qu’elles se firent jour au début du capitalisme industriel. En réalité l’antiparlementarisme du nouveau courant n’avait rien à faire avec le "syndicalisme-révolutionnaire" et l’anarchisme" et représentait même virtuellement sa contradiction. Tandis que l’anti-parlementarisme des libertaires s’appuyait sur le refus du pouvoir politique, et en particulier de la dictature du prolétariat, le nouveau courant considérait l’anti-parlementarisme comme une condition nécessaire à la prise du pouvoir politique dans la société. Comme tel il s’agissait d’un anti-parlementarisme "marxiste".
LES SYNDICATS
La direction du KPD naturellement, avait aussi, quant au problème des syndicats, une façon de voir différente de celle du courant "organisation d’usine", et cela donna lieu à des discussions, peu de temps après. Nous savons que les propagandistes des Conseils mettaient en avant le mot d’ordre "Quittez les syndicats- Adhérez aux Organisations d’usine- Formez des Conseils Ouvriers"
Mais la direction du KPD proclamait "Adhérez aux syndicats". Elle ne croyait pas, il est vrai, "conquérir" les Centrales des syndicats, mais elle croyait possible de "conquérir" la direction dans quelques branches locales. Cette tactique ayant abouti, ces branches devaient alors se détacher de la Centrale des Syndicats, et se réunir en Centrale Syndicale Révolutionnaire.
Là encore la direction du KPD essuya une défaite. La plupart des membres se retirèrent hostiles cette tactique syndicale qui était en contradiction avec le mot d’ordre "Tout le pouvoir aux Conseils Ouvriers !"
LE CONGRES DE HEIDELBERG
Mais la direction, soutenue par la Russie, avait décidé de maintenir ses conceptions, fut-ce au prix de l’exclusion de la plupart des adhérents. Cette opération se fit en 1919 au congrès de Heidelberg, de malheureuse et suspecte mémoire. Cet exposé n’a guère de raisons pour retracer les machinations organisationnelles qui rendirent possible "démocratiquement" l’exclusion de 50% des adhérents. Du point de vue des roublards politiques, ce fut sans doute un travail intelligent : pour nous, cette procédure a été la plus basse manœuvre du vieux parti social-démocrate allemande Seul le
résultat nous intéresse : ce fut l’exclusion des révolutionnaires qui permit au KPD de mener sa politique réformiste russe, parlementariste et syndicale, et par la suite, de st unir avec les social-démocrates de gauche, les soi-disants "Indépendants"
LE K.A.P.D.
Quelque temps après, les exclus formèrent un nouveau parti nommé KAPD (Kommunistiche Arbeiter Partei Deutschlands) avec comme mots d’ordre : "Quittez les syndicats Tout le pouvoir aux Conseils". Et il était en relation étroite avec l’A.A.U.D. Dans les mouvements de masses qui eurent lieu les années suivantes le K.A.P.D. fut une force qui compta. On redoutait autant sa volonté et sa pratique d’actions directes et violentes que sa critique des partis et des syndicats et de la politique étrangère rus se. Le journal du K.A.P.D. appartenait à la meilleure littérature marxiste à cette époque de décadence du mouvement ouvrier marxiste, et ceci bien qu’il s’embarrassa de vieilles traditions.
LE K.A.P.D. ET LA DISCORDE AU SEIN DE l’A.A.U.D.
Quittons maintenant les partis et revenons au mouvement des "organisations d’usine". Ce jeune mouvement indiquait que d’importants changements Idéologiques s’étaient produits dans la conscience du monde ouvrier. Mais ces transformations avaient eu des résultats variés, et différents courants de pensée apparaissaient distinctement au sein de l’A.A.U.D. Tout le monde s’accordait sur les points suivants :
- la nouvelle organisation devait croitre jusqu’à compter quelques millions d’adhérents.
la structure devait être conçue de façon à éviter l’apparition possible d’une nouvelle "clique de dirigeants",
- Cette organisation (AAUD) devait réaliser la dictature du prolétariat.
Mais deux points provoquaient des antinomies insurmontables :
- la nécessité d’un parti politique aux cotés de l’AAUD
- la gestion de la vie économique et sociale.
Au début, l’AAUD.n’ayant aucun rapport avec le K.P.D., ces divergences n’avaient pas de portée pratique. Mais dès la fondation du KAPD. le problème devint urgent.
L’AAUD. coopéra très étroitement avec le KAPD., et ceci contre la volonté de la moitié de ses adhérents. Les adversaires du KAPD. dénoncèrent la formation d’une nouvelle clique de dirigeants" et en décembre ’1920, ils quittèrent l'AAUD. pour constituer une organisation indépendante de tout parti politique, l’AAUDE (Einheîte-organisation : organisation unitaire) ce qui signifiait qu’on était contre la séparation d’une partie du prolétariat dans une organisation spéciale, dans un parti politique.
On peut mesurer l’envergure de la nouvelle organisation au nombre de ses adhérents, et à ses publications. Elle comptait 212 000 membres en 1922, et se déclarait déjà capable de gérer 6% des usines. Elle publiait alors :
"Die Einheitsfront" à Berlin
"Der Weltkampf" en Saxe
"Der Unionist" à Hambourg
"Die Revolutiont" en Saxe orientale
"Die Aktion" à Berlin.
"Die Aktion", important hebdomadaire dirigé par M.Pfemfert, défendait les points de vue de l’AAUDE., bien qu’étant indépendant de l’organisation.
LES ARGUMENTS
Quels étaient les arguments des deux courants en présence ? Ceux de l’AAUD. sont mis bien en évidence dans trois brochures de H.Gorter :
"Organisation des Klassenkamps"
"Lettre ouverte au camarade Lénine"
"Allgemeine Arbeiter Union"
Dans la "Lettre Ouverte" il déclare : "Parce que la Révolution s’avère difficile dans l’Europe de l’ouest, et par conséquent très lente, une longue période de transition se prépare, dans laquelle les syndicats n’auront plus d’utilité et les Conseils n’existeront pas encore. Durant cette période de transition, il y aura lieu de lutter contre les syndicats, de les changer, de les remplacer par de meilleures organisations. Ne craignez rien nous avons tout le temps voulu"
"Une fois de plus, cela n’arrivera pas parce que nous autres de la gauche le voulons, mais parce que la Révolution exige cette nouvelle organisation. Sans elle la R évolution ne peut triompher-"
Et dans "Organisation des Klassenkamps" nous lisons ceci :
"Une organisation groupant des millions et des millions de communistes conscients est nécessaire. Sans elle, nous ne pourrons vaincre."
Donc cette organisation destinée compter "des millions et des millions" de membres devait se construire tout en luttant. Et une fois parvenue à embrasser la plus grande partie des ouvriers, elle serait l’organe de la dictature du prolétariat. Cette dictature soutenue par une telle majorité aurait un véritable caractère de classe.
Toutefois dans l’AAUD. et le KAPD., on pensait que les organisations d’usine avaient avant tout autre but celui de la lutte pratique, de la grève et de l’insurrection, et malheureusement la force des travailleurs résidait beaucoup plus dans leur volonté révolutionnaire que dans leur connaissance de la vie sociale. Un travail d’enseignement soutenu était nécessaire. Gorter déclare dans l’Organisation de la lutte des classes" :
"La plupart des prolétaires sont dans l’ignorance. Ils ont de faibles notions d’économie et de politique, ne savent pas grand chose des événements nationaux et Internationaux, de leur connexion et de leur influence sur la révolution. Ils agissent quand ils ne devraient pas, n’agissent pas quand ils devraient. Ils se tromperont très souvent".
C’est pourquoi ce courant estimait nécessaire que le révolutionnaire conscient s’organisait de deux côtés la fois : dans le parti politique KAPD et dans l’organisation d’usine AAUD.Voici comment Gorter essayait de donner une idée de ce parti :
"On pourrait dire : il est le cerveau du prolétariat, son œil, son pilote. Mais ce n’est pas tout à fait exact, car de cette façon le parti ne serait qu’une partie d’un tout. Il ne l’est pas et ne veut pas l’être. En Europe occidentale et en Amérique du Nord, il veut imbiber le prolétariat, le pénétrer comme un levain, Il tend à être le prolétariat lui-même, à être la totalité. Il veut devenir l’unité par sa jonction avec les organisations d’usines et le prolétariat- (Organisation, p.16)
On voit que les deux organismes se conjugueraient pour réaliser la Révolution. Après la victoire ces 2 organismes devraient exercer de concert la dictature du prolétariat, se partageant le pouvoir à égalité.
"Il est évident que l’organisation d’usine ne peut triompher d’elle-même. Le parti à lui seul ne le peut pas non plus. Mais les deux ensemble le peuvent. Les organisations d’usine et le parti, c’est le prolétariat... Le parti détiendra-t-il la plus grande part du pouvoir, ou bien les organisations d’usine seront-elles devenues si solides que la suprématie leur revienne ? Nous ne le savons pas. Cela dépend du cours de la Révolution." (Organisat. p98)
LES ARGUMENTS DE L’A.A.U.D.E.
Selon les adversaires du parti politique séparé des organisations d’usine, le AAUDE voulait bâtir une grande organisation pour la lutte pratique directe et pour la gestion future de la vie économique. Le caractère en serait économico-politique. A cet égard, cette conception différait du vieux "syndicalisme-révolutionnaire" qui s’affirmait hostile au pouvoir politique et à la dictature du prolétariat. Pourquoi une organisation politique séparée Il est vrai que le prolétariat est faible et ignorant, et qu’un enseignement continu est nécessaire.
Mais cela n’est-il pas possible dans les organisations d’usine puisque la liberté de parole y est assurée. L’opinion que le parti est le "cerveau" ou le "pilote du prolétariat nous amène à envisager la mise en tutelle du prolétariat, à provoquer une dictature sur le prolétariat par une nouvelle clique de dirigeants. C’lest pourquoi le parti séparé est plus un frein qu’un stimulant pour le développement de la classe ouvrière. Quand le prolétariat est trop faible ou trop aveugle lors d’une résolution à prendre pour la lutte, ces défauts ne seront pas supprimés par une décision de parti. Personne ne peut reprendre la tache du prolétariat, et il doit lui-même surmonter ses propres défauts. La double organisation est une conception désuète héritière de la vieille tradition : parti politique et syndicat
QUI AVAIT RAISON ?
Tels étaient donc les deux courants issus du développement de la lutte de classe au sein du mouvement d’organisation d’usine". Qui avait raison ? Se trompait-on des deux côtés ? En d’autres termes, en quoi cette épreuve a-t-elle enrichi notre connaissance de la lutte pour le pouvoir ouvrier ?
LE MÉCOMPTE
Avec 25 ans de recul, nous pouvons voir que l’AAUD et l’AAUDE se sont trompé également. On avait cru que la soudaine croissance des organisations d’usine en 1919 et en 1920 continuerait à peu près à la même cadence au cours de la lutte. On avait cru que les organisations d’usine deviendraient un grand mouvement de masse, groupant des "millions et des millions de communistes conscients", qui contrebalanceraient le pouvoir des syndicats capitalistes. Partant de la supposition juste que le prolétariat ne peut lutter et triompher que comme classe organisée, on croyait que les travailleurs élaboreraient chemin faisant une nouvelle et toujours croissante organisation permanente. C’est à la croissance de l’AAUD. et de l'AAUDE. qu’on pouvait mesurer le développement de la combattivité et de la conscience de classe.
Une lutte acharnée avait lieu en Allemagne, et celle-ci devait aboutir au fascisme en 1933, mais le AAUD, le AAUDE et le KAPD se repliaient de plus en plus sur eux-mêmes malgré la lutte. A la fin il ne restait plus que quelques centaines d’adhérents, vestiges des grandes organisations d’usine d’antan, ce qui signifiait quelque noyaux çà et là sur un total de 20 millions de prolétaires. Les organisations d’usine n’étaient plus des organisations "générales" des travailleurs, mais des noyaux de communistes de Conseils conscients, et de cette façon l'AAUD. et l’AAUDE même revêtaient le caractère d’un parti politique. L’organisation de "millions et de millions" s’était avérée illusoire
LES FONCTIONS
Est-ce spécialement le petit nombre d’adhérents qui transforme les organisations d’usine en un parti politique. Non. C’était un changement de fonction. Quoique les organisations d’usine n’eussent jamais pour tâche de proclamer une grève, de négocier avec les entrepreneurs, de poser des revendications (c’était l’affaire des grévistes), l'AAUD et l’AAUDE étaient des organisations de lutte pratique. Ils excitaient la combattivité des ouvriers, et dans ce sens avaient une tâche de propagande. Mais quand une grève était éclatée, les organisation— d’usine s’occupaient en grande partie de l’organisation de la grève. La presse de 1’organisation était la presse de la grève, les rassemblements de grévistes étaient organisés par elles, les orateurs étaient souvent les propagandistes de l’AAUD. et de l’AAUDE. Mais des pourparlers avec les entrepreneurs revenaient au Comité des grévistes, dans lesquels étaient en général des adhérents de l’AAUD et de l’AAUDE. Dans le Comité, ils ne représentaient pas leur organisation, mais les grévistes qui les avaient élus, et devant qui ils étaient responsables.
Le parti politique KAPD avait une autre fonction. Sa tâche consistait surtout en propagande, en analyse économique et politique. Aux moments d’élection, il faisait une propagande antiparlementaire, et des événements politiques donnaient lieu à des meetings pour dénoncer la politique bourgeoise des différents partis. Et parce que les sociaux-démocrates et les communistes officiels avaient une grande influence en Allemagne, la critique sur le KPD et la Russie prenait une grande place dans l’activité.
CHANGEMENT DE FONCTION
Mais la tache pratique de l’AAUD et de l’AAUDE était accomplie dès la défaite définitive de la classe ouvrière dans l’insurrection de 21 en Allemagne centrale. Cette défaite était aussi celle des organisations qui ne pouvaient guère vivre qu’en tant qu’organes de mouvements indépendants, c’est à dire l’AAUD et l’ AAUDE.
Dans de telles circonstances, le travail des organisations d’usine était réduit à la propagande et l’analyse, comme celui du parti politique. La plupart des adhérents, découragés par l’absence de perspective révolutionnaire, quittait l’organisation, mais les adhérents se réunissaient selon l’arrondissement de leur domicile ainsi qu’il se pratique dans les partis. Il n’y avait plus grande différence entre le KAPD, l’AAUD et l’AAUDE. Ils formaient pratiquement trois partis politiques de même couleur : c’était à déplorer pour l’AAUDE qui estimait le parti politique superflu et fatal.
FUSION
Trois partis politiques de la même couleur, certain deux de trop. Et en décembre 1931, les conclusions tirées de la situation déterminèrent l’AAUD à se détacher du KAPD et à fusionner avec l’AAUDE, ce qui signifiait la mort certaine du KAPD. La nouvelle organisation s’appelait K.A.U.D. (Kommunistiche Arbeiter Union Deutschlands) exprimant ainsi l’idée que la nouvelle organisation n’était pas une organisation "générale" pour tous les travailleurs de volonté révolutionnaire, mais groupait les travailleurs communistes conscients.
LA CLASSE ORGANISÉE
Dans ce nouveau KAUD. s’exprimait a aussi un lent changement dans les principes des organisations. Ce changement avait un sens ; il faut se souvenir de ce que signifie la "classe organisée". L’AAUD et l’AAIJDE avaient cru tout d’abord que c’étaient eux qui . organiseraient la classe ouvrière, que des milliers d’ouvriers adhéreraient à leurs organisations. C’est au fond la même conception que celle des vieux syndicalistes quand tous les ouvriers sont adhérents à leurs syndicats, la classe ouvrière est organisée. Ainsi en allait-il pour l’organisation d’usine. Une vieille tradition s’y perpétuait, celle de la "classe organisée".
Même après 1928 la lutte des classes fut importante, mais les mouvements étaient surtout inspirés et dirigés par le KPD et les "syndicats rouges" de Moscou. Et bien qu’il y eut aussi des grèves indépendantes de leurs organisations, les travailleurs ne voulaient plus lutter à outrance comme dans les années 19/23. La combativité révolutionnaire étant épuisée et on n’avait plus besoin du secours d’organismes tels que l’AAUD et ITAAUDE.
Durant les années où les organisations d’usine perdirent de plus en plus de leur influence sur les grèves et où les syndicats rouges et le KPD trompèrent les ouvriers, l’AAUD et l’AAUDE firent propagande pour que les ouvriers eux-mêmes organisent leur lutte en "Comité d’Action" et en créant un lien entre ces comités. C’est ainsi que les travailleurs purent aussi agir en tant que "classe organisée", bien que ce fut sans adhérer à l’AAUD ni à l’AAUDE. Autrement dit, la lutte de "classe organisée" ne dépendait plus d’une organisation permanente, bâtie avant la lutte. Dans cette nouvelle conception, la "classe organisée, était la classe luttant sous sa propre direction.
Ce changement de conception avait des conséquences sur maint problème : la dictature du prolétariat par exemple. Parce que la "classe organise’’ était autre chose que l’AAUD-AAUDE, ceux-ci ne pouvaient plus très considérés comme organes de la dictature du prolétariat. Quant au problème posé au début du mouvement par les Conseils Ouvriers, à savoir qui du KAPD ou de l’AAUD aurait la majorité du pouvoir, il n’en était plus question. Aucun des deux n’exercerait la dictature, mais celle-ci serait entre les mains de la classe luttant, qui assumerait toutes les fonctions de la lutte. La tache du nouveau KAUD. se réduisait à une propagande communiste clarifiante, poussant la classe ouvrière à la lutte tout en lui montrant ses forces et ses faiblesses.
LA SOCIÉTÉ COMMUNISTE ET LES ORGANISATIONS D’USINE
Ce changement s’accompagnait aussi d’une révision des conceptions de la société communiste. Nous avons déjà signalé que les masses se sont déjà orientées vers le capitalisme d’État. L’État sera le levier du socialisme par les nationalisations, l’économie dirigée et les réformes sociales, tandis que le parlementarisme et les syndicats seront les moyens de lutte : les ouvriers ne luttant guère comme classe indépendante, et confient la gestion et la direction de la ’Lutte de classes à des chefs parlementaires et syndicalistes. Dans ces conditions, il va sans dire que les ouvriers voient dans le parti et les syndicats des collaborateurs de l’État et que ces organismes auront la direction et la gestion de la société communiste future.
Au début, cette tradition avait passé dans l’AAUD, le KAPD. et l’AAUDE. Tous trois souhaitaient une organisation groupant des "millions et des millions" d’adhérents pour exécuter la dictature du prolétariat politiquement et économiquement. Nous avons déjà vu que l’ AAUD, en 23, se déclarait capable de reprendre la gestion de 6% des usines.
Mais ces conceptions chancelaient. Nous savons que les centaines d’organisations d’usine coordonnées dans l’AAUD et l’AAUDE-, réclamaient le maximum d’indépendance quant aux décisions et faisaient de leur mieux pour éviter la formation d’une "nouvelle clique de dirigeants". Mais serait-il possible de "garder cette indépendance dans la vie sociale communiste" ? La vie économique est profondément spécialisée et toutes les usines sont interdépendantes. Comment serait-il possible de gérer la vie économique si le droit de disposition des moyens de production et la distribution de la richesse sociale ne reposait pas dans quelques nœuds centraux ? L’État en tant que producteur et distributeur serait-il indispensable ?
C’est l’une contradiction entre les vieilles conceptions sur la société communiste et la nouvelle forme de lutte. On redoutait la centralisation économique comme une "bête noire", mais on ne savait comment s’en garder. La discussion portait sur la nécessité plus ou moins grande de fédéralisme ou de centralisme. La tendance au fédéralisme était plus forte dans l’AAUDE. Le KAPD et l’ AAUD tendaient au centralisme. En 1923, le KAPD oublie une brochure intitulée "Das Werden einer neuen Gesellschaft" (Le devenir d’une nouvelle société") d’ou il ressortait que le Communisme devait être centralisé, ’le plus centralisé serait le mieux."
Aussi longtemps qu’on était encore prisonnier de vieilles conceptions de "la classe organisée, cette contradiction ne pouvait être résolue. D’une part, on accommodait de vieilles conceptions du syndicalisme-révolutionnaire, "reprise des usines" par les syndicats. D’autre part, on pensait-comme les Bolchéviks que l’appareil central règle le processus de production et répartit le "revenu national" entre les ouvriers.
Toutefois, une discussion au sujet de la société communiste sur la base du "centralisme ou "fédéraliste" est absolument stérile. Ces problèmes sont des problèmes d’organisation, alors que la société communiste est d’abord un problème économique. Au Capitalisme doit succéder un autre système économique où les moyens de production, les denrées, la force de travail des ouvriers ne revêtent pas la forme de valeur et où l’exploitation de la population au bénéfice d’un groupe de profiteurs n’aura plus lieu. Toute discussion sur "fédéralisme" ou "centralisme" n’ a aucun sens quand on n’a pas d’abord montré la base économique de ce centralisme ou de ce fédéralisme. Donc les formes d’organisation de l’économie ne sont pas arbitraires, mais elles sont déterminées par les principes mêmes de cette économie. C’est pourquoi il est insuffisant de présenter le communisme comme un système négatif, pas d’argent, pas de capital, pas de marche,- mais nous devons le connaître en tant que système positif. Il faut savoir quelles lois économiques succéderont à celles du capitalisme. Et quand nous les aurons trouvées, sans doute que le problème "capitalisme-fédéralisme" apparaîtra comme un faux problème.
H. Canne-Meier
(traduction H.Paulo)
- SOURCE : Plus Loin
★ Les Conseils ouvriers en Bavière - Socialisme libertaire
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