Comité Action Palestine : une asso pro-Hamas aux relents antisémites

Publié le par Socialisme libertaire

Anarchistes contre le mur
Anarchistes contre le mur

Difficile de se positionner sur le conflit israélo-palestinien ces derniers temps, hein ? Comme dans beaucoup d’autres domaines aujourd’hui, le manichéisme semble de mise et la nuance n’est pas bienvenue. Et s’il est plus que justifié de dénoncer l’hypocrisie du gouvernement français (je me permets d’ailleurs de rappeler que son positionnement est uniquement motivé par ses propres intérêts ; souvenez-vous : nous sommes dans un système capitaliste), il est bon de savoir aussi critiquer son propre camp. Dans le cas présent donc, ceux qui dénoncent la politique colonialiste et meurtrière d’Israël et soutiennent les palestiniens, mais tombent dans le schéma réducteur de la Palestine incarnant le Bien et Israël le Mal. Qui plus est, il est également bon de se rendre compte que les soutiens aux palestiniens ne sont pas tous très fréquentables.

Le monde ne se réduit pas à Bien contre Mal.

En tant qu’anarchiste j’ai bien du mal à faire entendre que moi (comme beaucoup d’autres, anarchistes ou non d’ailleurs) la Palestine, je m’en fous. Comme je me fous d’Israël, de l’Ukraine, de la Russie ou de la France. Comme je me fous de la notion d’état ou de nation. Je fais avec et ce sont pour moi des choses à détruire, dans leur ensemble et sans distinction.

Ce qui m’importe, celles et ceux qui ont mon soutien – qui est ce qu’il est – ce sont, dans ce cas précis, les palestiniens ; notamment ceux que l’on n’entend pas et dont on ne relaie pas la parole, ceux qui sont pris entre deux feux, les bombes d’Israël et les menaces du Hamas, et qui veulent simplement vivre.

Et si l’on s’oppose à une vision nationaliste du monde, il faut également éviter de tomber dans la vision simpliste d’une opposition bien contre mal, point de vue et conception religieuses du monde.

Ce sont pourtant et malheureusement, les deux seuls angles choisis par la majorité des partis politiques et des associations pro-palestiniennes pour dénoncer la politique colonialiste d’Israël. A savoir réclamer que la Palestine dispose à nouveau d’un véritable Etat indépendant (en n’abordant jamais la liberté éventuelle qu’ont ou qu’auront les dits palestiniens au sein de cet état, sachant que le Hamas c’est pas vraiment une colo des Francas) et dénoncer Israël comme étant le mal incarné à une échelle, non pas nationale (on lit d’ailleurs souvent « entité sioniste » en lieu et place d’Etat d’Israël), mais mondiale. Oui, comme sur ces vieilles affiches gerbantes des années 40…

Cette vision simpliste de la situation est, et on l’a vu partout en France, plus que propice à l’immixtion de discours dégueulasses. Car simplifier autant les choses et laisser s’exprimer, même si elle est minoritaire, la parole antisémite a permis à certains individus de glisser facilement de l’anti-sionisme vers l’antisémitisme, et d’une guerre territoriale et nationaliste vers une guerre de religions.

C’est cet axe qu’a choisi l’association bordelaise Comité Action Palestine qui, sous couvert de soutien à la Palestine et de défense de la liberté d’expression (cette dernière étant généralement brandie par les orgas et groupes d’extrême-droite et/ou conspis pour justifier les saloperies qu’ils relaient), n’a apparemment d’autre but que de diffuser la parole antisémite et la propagande islamique intégriste.

Entre intégrisme islamique…

Sur ce second point, son argument est qu’outre « se faire l’écho sur Bordeaux des choix politiques de la résistance », « seuls les Palestiniens décideront de ce qu’ils veulent faire de leur État lorsqu’ils seront libres. Tenir un autre discours, c’est parler à la place des Palestiniens, c’est ne pas respecter leur lutte de libération. » (extraits du texte de la prise de parole du Comité Action Palestine au rassemblement de soutien à la résistance du peuple palestinien du 30 juillet à Bordeaux) Dit comme ça, ça a l’air chouette, ça me parle même à fond ! Mais le problème surgit quand on regarde qui sont « les Palestiniens » pour cette association.

Beaucoup de billets du site sont consacrés au Jihad Islamique Palestinien, organisation nationaliste islamiste qui, outre lutter pour l’indépendance de la Palestine et la mise en place d’une république islamique, a également pour but la destruction de l’Etat d’Israël. Fondée au début des années 70 par les Frères Musulmans, l’organisation est proche du Hamas et du Hezbollah dont elle s’inspire en partie, et a aussi parmi ses références les plus connues l’ayatollah Khomeiny.

Une grande place est aussi accordée au Hamas, plus connu bien que plus récent (fin des années 80) et également issu des Frères Musulmans. Il veut lui aussi la destruction d’Israël et l’instauration d’un Etat islamique en Palestine. Et l’on peut retrouver dans sa charte des passages clairement antisémites qui reprennent également la théorie du complot sioniste. Ce « lobby » serait, selon cette même charte, derrière la Révolution française… Y est aussi fait référence au faux document Les Protocoles des Sages de Sion. Sans parler de la femme, considérée comme « usine à hommes », c’est à dire pourvoyeuse de chair à canon. Cette charte est lisible dans son intégralité et dans une traduction effectuée par l’historien et chercheur Jean-François Legrain.

Et ce ne sont pas, en regard, les deux-trois billets du porte-parole de l’Eglise orthodoxe ou du Front Populaire de Libération de la Palestine (organisation marxiste-léniniste nationaliste, qui croit en la lutte des classes, et donc aussi dans les prolétaires israéliens) qui peuvent atténuer le parti-pris du Comité Action Palestine. Bien essayé, mais non.

…et antisémitisme complotiste.

Outre cette vision très particulière de la « résistance » palestinienne, le CAP a choisi de relayer des « soutiens » à la Palestine tout aussi particuliers (c’est à dire s’inscrivant dans cette même ligne antisémite), en la personne de Dieudonné d’une part, et de Jean Bricmont d’autre part.

Dieudonné n’a malheureusement plus besoin d’être présenté. Antisémite notoire qui a réussi à faire passer son business et sa soif d’argent pour un pseudo-engagement politique. Si le CAP a défendu le personnage lors de l’interdiction de son spectacle « Le mur » ce n’est pas par hasard, ni par bonté d’âme. Défendre l’immonde Dieudonné revenait pour le CAP à se défendre lui-même puisqu’il diffuse, comme le « comique provocateur », la théorie du « complot sioniste ». Voici pour exemple un extrait tiré d’un de leurs communiqués, publié sur leur site, sur cette « affaire » :

Une juridiction suprême a vassalisé toutes les institutions françaises. Elle n’a aucune légalité ni même aucune existence incarnée dans un organe d’Etat. Mais elle est présente dans des institutions, dans des associations et sa force de frappe réside surtout dans son influence médiatique. Elle est difficilement identifiable comme entité organisée et reconnue, et pourtant elle juge, délibère et sanctionne quiconque ose la moindre critique à l’endroit du projet de liquidation du peuple palestinien. Elle réduit au silence ou à la mort sociale toute personne qui exprime une opinion hérétique. Partout elle a placé ses juges, ses censeurs et sa police de la pensée. Elle a placé une armée de valets dans toutes les positions stratégiques au sein des institutions. Son arme absolue: le chantage à l’antisémitisme. Cette juridiction suprême est le sionisme.

Jusqu’aux deux dernières phrases, on croirait le résumé d’un épisode d’X-files…

Jean Bricmont, moins connu, est un essayiste belge qui aime à utiliser ce tour de passe-passe intellectuel dont sont friands les confusionnistes et qui consiste à affirmer que c’est l’antifascisme qui crée le fascisme, l’antiracisme le racisme et, donc, le juif qui crée l’antisémitisme. Bricmont, sorte de sous-Michel Collon, est souvent « classé » à gauche. Mais quand Bricmont sort la carte de la « liberté d’expression », c’est toujours pour défendre des antisémites ou négationnistes comme Dieudonné bien sûr, mais aussi Robert Faurisson ou Vincent Reynouard ; étonnant, non ? D’ailleurs, toujours selon Bricmont « il faut combattre avant tout le discours de culpabilisation (sur l’holocauste) et libérer la parole non juive (sur la Palestine), c’est-à-dire soutenir tous les hommes politiques, tous les intellectuels et tous les journalistes que l’on fait taire au nom de la « lutte contre l’antisémitisme », lorsqu’ils disent quelque chose de critique sur Israël » (dans un entretien publié le 4 mai 2008 sur le site conspirationniste Le Grand Soir). En dénonçant « l’extraordinaire influence sur notre vie politique des réseaux pro-israéliens » (extrait d’un billet, toujours sur Le Grand Soir, dans lequel Bricmont tente de se défendre suite à l’article de Réflexes sur le procès Dieudonné) Bricmont mets les deux pieds dans le complotisme antisémite remis au goût du jour par le négationniste – qui se dit de gauche – Paul-Eric Blanrue qui, dans son livre Sarkozy, Israël et les juifs, parle de « réseaux pro-israéliens » pour moderniser et rendre plus acceptable ce que les complotistes et antisémites appelaient jusqu’ici le « lobby juif ».

De l’importance de bien se renseigner avant de répondre présent à une mobilisation.

Soutenir la résistance, fût-elle armée, est une chose (que, dans l’absolu, je peux également défendre) ; la réduire aux seules organisations religieuses extrémistes me semble par contre assez problématique. Même remarque dans le choix des occidentaux que relaie le CAP et qui ne font qu’étaler leur antisémitisme en guise de soutien. Ces deux axes choisis par le CAP pour « soutenir » les palestiniens sont très clairs et révélateurs sur le positionnement de cette association qui, en soutenant une religion contre une autre, se situe plus dans le domaine religieux que politique. Il est certes difficile de ne pas prendre en compte la dimension religieuse dans les conflits et révoltes arabes, mais de là à soutenir le Hamas…

A chacune et chacun de voir maintenant si, en répondant aux appels et en se joignant aux rassemblements organisés par le Comité Action Palestine, elle ou il est d’accord pour apporter sa voix à une lutte pour l’instauration d’un Etat palestinien islamique intégriste et nationaliste et contre, non pas le nationalisme israélien, mais un « lobby juif mondial » imaginaire. Et à chacune et chacun de voir si elle ou il se sent à l’aise aux côtés de soraliens, comme me l’a rapporté un manifestant bordelais qui s’était retrouvé dans le « mauvais » rassemblement à Bordeaux à la mi-juillet.

Il est tout à fait possible de soutenir les palestiniens et de dénoncer la politique d’Israël sans pour autant cautionner le Hamas et l’antisémitisme. N’y a-t-il vraiment pas d’autre alternative que de devoir choisir entre un régime colonialiste meurtrier et un régime religieux totalitaire qui s’avérerait tout aussi meurtrier une fois en place ? Le Hamas est tout aussi dégueulasse que le Tsahal, la seule différence est l’arsenal militaire quasi-inexistant pour le premier. Mais en quoi cela devrait-il pour autant le rendre plus sympathique aux yeux des militants quand on sait que son seul but n’est pas la libération d’un peuple mais la volonté de prendre le pouvoir pour asservir celui-ci ?

Pour finir, un petit détail « rigolo ». Cette association semble gérée (ou co-gérée) par un chargé de mission de la Direction régionale de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale Aquitaine, chargé de la Lutte contre les discriminations. Oui, oui.

Le Comité Action Palestine n’est qu’un exemple local d’association trompeuse qui diffuse de la merde sous couvert de soutien au peuple palestinien, mais ce type d’organisations – comme celle dont le nom commence par Euro et finit par Palestine – pullulent partout en France. Soyez vigilants.

Alors le CAP, après des soraliens dans vos rassemblements, bientôt des quenelles dans vos rangs comme vos « grands frères » d’Europalestine ? (photo prise en 2012 à Gaza où des membres d’Europalestine étaient allés soutenir le Hamas) - Site Bordeaux  Bordel

Alors le CAP, après des soraliens dans vos rassemblements, bientôt des quenelles dans vos rangs comme vos « grands frères » d’Europalestine ? (photo prise en 2012 à Gaza où des membres d’Europalestine étaient allés soutenir le Hamas) - Site Bordeaux Bordel

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