★ PHILOSOHIE DE L'ANARCHIE

Publié le par Socialisme libertaire

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★ André Veidaux : Philosophie de l’Anarchie (1893)  
 

« Sans avoir l’intention maligne d’hypothétiser à nouveau une cosmogonie, quant à l’origine relative de la vie organisée sur terre, il n’est peut-être pas indifférent de dire, en cette occurrence surtout, que dans la Nature, toute chose procède du simple au composé, du particulier au général, comme de la cellule au corps. Cette méthode naturelle d’ascension organisatrice, c’est la synthèse. L’exception, la décomposition, la mort, manifestations inverses du travail progressif et actionnel de l’évolution, relèvent de la manière analytique, du tout à l’élément, comme du corps à la cellule.

Ce lieu-commun liquidé, nous dirons encore que l’atome se meut librement dans sa sphère équilibrée par la gravitation de l’atomisme ambiant. Le témoignage de la Nature est irrécusable. Minéralité, végétalité, animalité, présentent dans leurs manifestations intimes le spectacle de l’harmonie dans l’autonomie : « La centralisation existe-t-elle réellement chez les êtres pluricellulaires ? Leurs cellules sont-elles divisées en cellules dominatrices et en cellules obéissantes, en maîtres ou en sujets ? Tous les faits que nous connaissons répondent négativement avec la plus grande netteté. Je n’insisterai pas sur l’autonomie réelle dont jouit manifestement chacune des cellules de tout organisme pluricellulaire, car s’il est vrai que toutes dépendent les unes des autres, il est vrai aussi qu’aucune ne commande aux autres, et que les organismes pluricellulaires même les plus élevés, ne sont, en aucune façon, comparables à une monarchie, ni à tout autre gouvernement autoritaire et centralisé. Autonomie et Solidarité, ces deux mots résument les conditions d’existence des cellules de tout organisme pluricellulaire ; Autonomie et Solidarité, telle serait la base d’une société qui aurait été construite sur le modèle des êtres vivants. » (1) Cela est tellement évident que, en dépit des compressions sociales, des erreurs physiologiques, l’homme, apportant en naissant son bagage d’individualisme, poursuit, combativement, toute sa carrière, la réalisation intégrale de sa personnalité.

D’autre part, le complet épanouissement d’un organisme réside en la satisfaction de ses besoins. De sorte que tel cloporte se trouvera plus en état de bonheur parfait qui aura satisfait ses très-inférieurs besoins que tel homme-dieu qui n'aura pas consommé ses supérieurs désirs. Sa perfection n’apparaît donc plus que comme un rapport constant dans l’exercice des facultés. Cependant, chez quelque espèce que ce soit, le mutuellisme vient aplanir les difficultés de l’existence. Cet appui mutuel ou cette communauté de solidarités n’existe qu’en vertu d’un contrat fatal où la liberté d’un seul est fonction de la liberté de tous et vice-versa, c’est-à-dire que la démonstration pleine de l’harmonie éclate violemment, non dans l’Égalité : concept abstrus, mais dans l’Équivalence, condition immanente de l’équilibre des fonctions chez l’individu, des individus dans le groupe, des groupes dans la collectivité et des mouvements ethnologiques dans l’Humanité.

La lutte pour l’existence est réelle, mais chez des espèces antagoniques. La sélection s’opère et doit s’opérer, mais naturellement, de par le manque des capacités de résistance aux éléments de désorganisation vitale. L’appui mutuel en est le correctif, en même temps qu’il est l’arme nécessaire contre le refoulement de l’instinct atavique de bestialité. Enfin ces diverses manières du développement individuel, supposent l’état de communisme, ainsi que toutes les observations, les critiques biologiques, l’ont démontré.

Si donc cet anarchisme initial et universel a été trahi, il a fallu qu’il le fût par des causes sévères, par la maîtrise de quelque despote immonde, par la folie de possession de quelque sadique imposteur, ou par la lâcheté et l’ignorance infuse en le cerveau rudimentaire de nos ancêtres ?

La permanence de l’Anarchisme résulte d’un contrat implicite que l’on peut formuler : Fais aux autres ce que tu voudrais que l’on te fît. Or, quand l’homme apparut sur terre, il eut à vaincre ses devanciers animaux, mieux armés que lui pour la lutte, et la nature elle-même. Alors certains individus, plus osés, plus rusés ou plus forts, exploitèrent le sentiment pacifique des timides et des faibles. Ils gardèrent leurs privilèges d’autorité, origine de la prêtraille et de la soldatesque. Les uns dominèrent par la terreur de superstition et de déification des phénomènes physiques dont ils s’arrogeaient le ministère ; les autres par la terreur de l’action brutale dont leurs acolytes, les prêtres, avaient sanctifié les exploits. De sorte que les inconscients ayant eu la pusillanimité de consentir leur joug, eux, plus puissants que leurs despotes, la chose se perpétua longtemps, longtemps. Et lorsque leurs descendants eurent la pensée de rompre leurs chaînes, ils se découvrirent si veules, si dégradés, par l’atavisme du servage qu’ils retombèrent dans la prostration de leur résignation. Aussi l’histoire des peuples, histoire de la marche de l’homme à la reconquête de ses droits périmés, est un stupéfiant martyrologe. Ceci tuera cela, et, en effet, les brigands qui mirent l’Humanité en coupe réglée ne surent comment s’ingénier à entretenir les collisions de peuples à peuples et d’individus à individus.

Le premier qui commit : « Ceci est à moi » fit d’abord acte d’autorité, mais, comme l’a écrit J.-J. Rousseau, il fonda la propriété civile. Ce ne dut être que bien plus tard, en vertu du laisser-faire acclimaté, que les lots s’arrondirent et prêtèrent à l’accaparement des territoires. L’esclavage, résultat de la spoliation et de la guerre indiqua la direction à donner pour l’utilisation de ces grands domaines. Bientôt le serf fut attaché à la glèbe. Et le sens de Propriété, infirmant celui d’Autorité, s’hypertrophia, comme une pieuvre étendit ses tentacules de tous les côtés de l’horizon social et créa des obligations tenaces chez l’individu libre encore, dans la famille, la patrie, la religion, la valeur d’échange, la justice et la morale. L’organisation aranéenne des tyrannies autoritaire et propriétaire imposa sa Loi et l’univers offrit le spectacle d’une extravagante hiérarchie où un Dieu protéiforme, en haut de l’échelle, présidait à la marche du Grand Tout, et où ses augures, gouvernants, prêtres, soldats, patrons, pères du famille, riches marchands et gendarmes, fourbes et coquins, s’exerçaient en l’abrutissement et dans la misère des foules.

Après des milliers de révoltes et de révolutions, écoles d’éducation des déshérités, un enseignement majeur en a jailli. Une conflagration universelle est là, prête à éclater qui, irrésistible, exerce sa pression menaçante contre les parois qui la compriment encore, et qui va pulvériser à jamais la société goujate de la dégénérescence humaine pour pratiquer sur son Néant fabuleux la culture incessamment perfectible de l’Anarchisme définitif.

Des milliers de témoins viendraient protester de leur passion pour la Liberté, et non à la façon hypocrite des jacobins de 89 : l’homme naît libre ! Plaute (pour puiser un allié dans la vieille Rome de l’Empire) s’écrie, dans l’Aululaire : « La Nature n’enfante que des hommes libres, et tous les hommes, en naissant, portent au cœur l’amour de la liberté. Pas d’injustice plus odieuse que la servitude, pas de calamité plus détestable.... Quand Jupiter en courroux veut se venger d’un mortel, il le précipite dans l’esclavage ». Aussi, si le Troglodyte des cavernes ressuscitait il serait amèrement ahuri de l’utilisation des conquêtes du bien-être, depuis les cent mille ans de sa disparition. Sa désillusion ne serait pas moins poignante à la constatation des mœurs actuelles. Certainement il serait irrité de cette remarque que, plus l’on travaille, plus l’on est misérable, que plus le niveau des besoins s’élève, plus celui des satisfactions s’abaisse, enfin que la misère et la richesse se développent parallèlement, avec des tendances à s’exagérer et à se polariser vers les extrêmes ! Sa microcéphalie lui dicterait l’impérieuse urgence d’une révolution, aux fins de rétablir la norme harmonique. Et cette révolution lui paraîtrait devoir être anarchiste, sous menace d’avorter.

Les progrès de la sociologie sont directement conséquents avec ceux de la science générale. Si la science pure recule les bornes de l’inconnu et poursuit l’erreur jusque dans ses places-fortes, la philosophie rationnelle jette son éclaircie sur le cerveau malléé par les préjugés, les hérésies éducatives et la subition des mœurs artificielles ; son but est la recherche du bonheur dans la relation des causes et des effets, dans l’équilibre unipersonnel des facultés en libre exercice. - La filiation, la coordination, la classification, le déterminisme des progrès laborieux de la science, et l’action réflexe de celle-ci sur la biologie et la sociologie, seraient d’un intérêt supérieur à être développés, mais il ne faut pas abuser de ses forces, non plus que mésuser du peu de place dont on dispose.

Mais l’Histoire authentique fournit une moisson copieuse des noms de ceux qui ont préparé la voie libertaire, par la littérature, par la science, par l’action. Nous ne referons pas le tableau publié il y a deux ans dans La Plume socialiste, cependant qu’il soit une constatation remarquable à noter et sur laquelle nous insistons : il n’est pas un seul écrivain qui n’ait pensé, sciemment ou sous l’élan d’un lyrisme renonciateur d’hypocrisie, dans un sens profondément anarchiste. Cette même Histoire, trop accommodée à des fins honteuses n’est-elle pas le livre d’or de l’Autorité, la Bible des tyrans, et de leurs thuriféraires, comme elle est le nécrologue de la Pensée et de l’Amour ? Lao-tseu se débattant contre le Confucius de la résignation, Çakia-Mouni fuyant les Brahmanes, Socrate buvant la ciguë, Mazdac immolé par les sectateurs de Zoroastre, Jésus crucifié par les Juifs, sempiternels recommencements des légendes de Prométhée et de Caïn ? Encore les anarchistes chrétiens jetés dans l’arène, les Pères honnis par l’Empire, les Anabaptistes exterminés, Thomas Morus livré au bourreau, les Babouvistes sacrifiés, les nègres libertaires « civilisés quand même » par les belluaires, empoisonneurs et syphilitiques de l’Autorité ? Ah ! La voie sanglante fut inouïe de ténèbres ! Mais si Tertullien s’écria : « Sang de martyrs, semence de chrétiens ! » nous pouvons clamer à la gueule de la chiourme pantocratique : « Sang de révoltés, semence de révolutionnaires ! »

Cependant l’idée d’Anarchie, malgré son origine récente, représenta longtemps les aspirations libertaires dont les penseurs et les hommes d’action n’avaient pas encore conçu la théorie substantielle et philosophique. C’était alors le vague désir de s’affranchir des entraves sociales. Le communisme inspirait et exaltait le sentiment de justice fraternelle dans la vie matérielle. L’anarchisme développait ce sentiment dans la vie individuelle. Si l’un était du positivisme économique, l’autre était de la négation politique. Il ressort donc de l’étude physique et historique de l’Évolution que l’Anarchisme est immanent en la Nature, qu’il est une loi naturelle et que, puisqu’on en a révoqué l’harmonique syncrétisme, y revenir est une nécessité.

Nécessité que les socialistes, dans leur démence de tortues ailées, de dissimulés et d’inénarrables histrions, redoutent nécessairement, comme jadis les Troyens, joués « par » le fameux cheval qu’eux-mêmes avaient fait pénétrer dans leur cité !

Le Collectivisme avec obligation autoritaire et contrainte laborative, est un phœnix né des cendres bourgeoises. Il se persuade qu’il est absolu - comme le vide métaphysique. Ici la vie sociale se faisait à coup de décrets de lois ; là, elle florira sous une pluie bienfaisante d’ordres statistiques et dans l’atmosphère hygiénique des services publics, sans compter que l’argent, cette valeur d’échange, sera remplacée par les bons de travail, valeur précieuse pour les futurs biffins de l’inconsistant Quatrième-État... Il faudra encore la permission du contre-maître ou du pion pour aller pisser ?... Voyons, assez de ces mesquins recommencements, assez de plaisanteries de mauvais goût ! Et nous qui avouons que l’Anarchie sociétaire ne sera qu’une étape dans l’évolution ! La fonction créant l’organe, d’après Darwin, nous pensions que chaque ensemble sélectif exigeait un milieu adapté aux nouvelles conditions vitales ? Erreur. Les socialistes, comme le Diafoirus de Molière, ont changé tout cela : le cœur est à droite et la tête en bas.

La Béotie (2) fit sans doute à leur intention son discours sur la Servitude volontaire. Quoi ? mais s’ils aiment le bruit de la ferraille de chaînes, libre à eux ; seulement qu’ils n’imposent pas à ceux qui les haïssent cordialement leur coercition ni leur conservatisme ! L’individu, pour ces collectivistes, n’existe pas, bien que selon certains - oh ! très peu, un milliard environ - l’individu soit seul intéressant, d’abord. Ensuite, la question ventrale est tout pour eux. Cela se conçoit, puisqu’ils auront des chefs qui par dévouement penseront, rêveront, aimeront, sentiront l’Art, régneront et respireront les mâles parfums des bois ou s’extasieront devant le kaléidoscope de la nature ! Eh bien, j’ignore si l’on perdrait au change, mais, pour ma part, je m’insurge contre cet esprit liberticide et je proclame fièrement, peut-être naïvement, qu’à choisir entre le bourgeoisisme meurtrier et égoïste qui me vexe, qui m’affame, et la promiscuité animale et fonctionnariste du communisme selon les évangiles de Saint Marx et du Père Guesde, je n’hésite pas. La culture de mon individualisme présente plus de satisfactions, de garanties, dans le premier, que dans la hiérarchie de gribouilles qui, à l’instar de leur prototype, me jettent à l’eau, croyant s’y noyer eux-mêmes ! Et remarquez combien le mot « science » dans leurs plus minces bafouillages, dans leurs plus insignifiantes élucubrations, est ânonné souvent. Ce vocable doit avoir un pouvoir kabbalistique, car leurs postulata, dans leur expression sèche et doctorale, en sont pavés. Ah ! s’ils voulaient condescendre à constater « scientifiquement » que l’Homme est la cellule de l’Humanité, que la méthode « scientifique » consiste à induire de lui, par lui, qu’il est un but et le communisme un moyen, et qu’enfin le dolce far niente est parfois trop agréable et trop hygiénique pour qu’un censeur ne le puisse considérer d’utilité sociale et appréciable en bons de travail !... Bah !   

 
Il n’est point de degré du médiocre au pire.
 

Et Boileau a raison.

Qu’est-ce donc que l’AN-ARCHIE, invariable expression de la loi naturelle en Sociologie ?

C’est la manière d’être d’un communisme où chaque individu, autonome, réalise le minimum d’effort pour la communauté et le maximum d’effet pour son autonomie.

L’aboutissant de l’Anarchisme serait l’Individualisme intensif comme la culture intensive. Mais l’« individualisme » n’est pas étroitement l’« égoïsme » à la façon des bourgeois autoritaires de toute la gamme des rouges. C’est la tendance progressive à devenir intégral, alors que celle du bourgeois consiste dans une exploitation et une jouissance malfaisante de pourceau tyrannique. Le premier est généreux, raffiné ; le second est assassin, grossier.

Le retour au communisme implique la négation de la propriété, le retour à l’anarchisme celle de l’autorité. Cela sous toutes ses formes : religion, patrie, famille juridique, propriété privée, autorité suggestive de renoncement à l’individualisme, etc. Plus de lois, plus d’obligations gouvernementales, plus de politique, plus de hiérarchie sociale. L’organisation, image de la Nature, devient la résultante du système affinitaire, sympathique, des forces individuelles. La Loi Naturelle seule est notre éducatrice, notre tutrice. Le libre jeu des efforts impulsifs et initiateurs a remplacé la contrainte administrative, pesante, irresponsable et arbitraire. L’homme devenu conscient, dépouillé des attributs de sa dégradation morale et de sa sujétion millénaire, ne demande qu’à vivre libre pour aimer et dépenser récréativement sa puissance de travail. Il est le produit de son milieu. Aussi les âmes magnifiques qui dans leur essor aquilin découvriront les premières les Espaces et les Temps d’Anarchie, - purifiant, régénérant, par la Révolution le milieu peuplé du cauchemar bourgeois, - tendront la main aux faibles, aux veules, et l’homme sera meilleur !

La Révolution prochaine, produit de l’évolution moderne, verra dans son sein se développer une évolution efficiente d’éducation anarchique. La période de transformation peut durer dix ans, vingt ans, cinquante ans, D’application immédiate ici, d’influence régressive là. Mais la durée de la guerre sociale peut-être considérablement abrégée de par l’intelligence, le sang-froid et l’initiative déployés. Sans attendre le calme de la tourmente pour organiser la vie selon leur concept, et pour prévenir la menace d’organisation collectiviste, les libertaires devront attirer à eux les indifférents par l’exemple et l’enseignement de la leçon de choses. Les individus devront se grouper par catégories d’affinités, de sympathies, de tempéraments, de buts. Il arrivera ce qui se passe dans une combinaison chimique : les éléments de même nature se rechercheront, se cohésionneront, s’agrégeront dans un corps nouveau. Le champ d’action avec ses moyens étant aussi vaste que celui des aptitudes, nulle crainte d’immobilité, d’embûches insurmontables, de jalousies, de famines ! Tout est à tous ! L’excès actuel du double et du triple des produits agricoles et industriels, en dépit du gaspillage systématique et de l’incohérence directrice, nous est le plus sûr garant du bien-être de demain. Chacun produira selon ses facultés, librement, solidairement, avec les compagnons des divers groupes dans lesquels son énergie se dépensera ; chacun consommera selon ses besoins, librement, rationnellement. Le centre de l’existence matérielle sera transporté au « tas », magasin général, comparable relativement à ces caravansérails qu’on nomme Bon Marché, Louvre, Bazars Marchés, Docks. etc. Les compagnons, volontaires de ce service, tiendront les groupes alimenteurs au courant du mouvement consommateur. La machine, cette concurrente de l’ouvrier, aujourd’hui, sera la chose de tous, demain. Les travaux pénibles, incommodes ou malsains, sous l’effet du minimum d’efforts à dépenser et des besoins impérieux à satisfaire, ne seront plus la question accablante de jadis. Un exercice permanent d’équilibre stable démontrera aux faux scrupuleux ce qu’une vision non-égoïste et non-spéculative de la vie provoque de spontanéité, de vertus sociales chez l’Homme. La société, en un mot, fonctionnera de l’individu aux groupes polymorphes, occasionnels, mobiles, du groupement au faisceau de groupements, homologues et équivalents, fédération ou corporation, et ainsi de suite jusqu’à l’extrême association. Ce sera le libre jeu des individualités, ce sera la variété dans l’unité, car c’est le spectacle public de l’Harmonie naturelle, c’est la Loi de l’Évolution, c’est la condition sine quâ non de l’existence normale des sociétés humaines.

« L’Âge d’or est devant nous, non derrière », s’écriait Bacon ! Voilà, certes, une judicieuse parole, que Proudhon, ni Bakounine, ni tant d’autres, n’ont jamais démentie ni même la science et la philosophie. Et, pour qu’elle devienne enfin la constatation d’un fait accompli, les révolutionnaires anarchistes expriment leurs vœux, les plus intimes mais les plus violents, pour l’extermination définitive de cette bourgeoisie du crime, de l’orgie, du crétinisme et du fiel ineffable contre tout ce qui est Espoir, Beauté, Amour et Justice ! »

André Veideauxin La Plume n° 97 - 1er mai 1893 
 

P. S. - Le lecteur comprendra que nous n’avons pas eu l’intention outrecuidante d’exposer en quelques colonnes le motif intégral d’Anarchie, quand nécessaire serait pour ce, un certain nombre de volumes. Les lignes principales en ont cependant été tracées d’une façon abréviative. Bien des questions importantes n’ont pas été traitées, comme celles du Vote, du Vol, de la Propagande, de la Grève générale, de la Justice attributive et même de l’Organisation productive et consommative sous le fonctionnement des groupes, d’une manière plus développée que je ne l’ai fait plus haut. Mais comment avoir la prescience de ce qui se passera exactement après la Révolution ? Savons-nous aujourd’hui ce que les circonstances nous dicteront demain ? Et cependant cette ignorance nous empêche-t-elle de penser et de vivre ce lendemain ?

Aussi nous renvoyons le lecteur désireux d’approfondir nos idées à la Bibliothèque anarchiste placée à la fin du numéro. La plupart des brochures ne coûtent que 10 cent. et peuvent se procurer à La Révolte, 140, rue Mouffetard.

Enfin nos excellents camarades Octave Mirbeau et E. Malatesta, empêchés par des cas de force majeure. n’ont pu donner à temps leurs études sur :

—  L’Art et la Littérature anarchiste,
—  La Morale anarchiste.

A. V.


NOTES :

1 De Lanessan, Le Transformisme.

2 Hum... La Boétie... Ce n’est pas une faute du scanniste-ocrologiste, c’est dans le texte...
 

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