★ Emma Goldman : Les prisons. Un crime et un échec social

Publié le par Socialisme libertaire

Les prisons existent pour que ceux qui sont dehors croient être libre.

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★ Texte original : Prisons: A Social Crime and Failure. Emma Goldman dans Anarchism and Other Essays - Second Revised Edition. New York & London: Mother Earth Publishing Association, 1911.  
 

« En 1849, Fiodor Dostoïevki à écrit sur les murs de sa cellule l’histoire suivante « Le prêtre et le diable » :

Bonjour petit curé grassouillet !” dit le diable au prêtre. “Qu’est-ce qui t’as fait mentir à tous ces pauvres gens volontairement induits en erreur ? Quelles tortures de l’enfer as-tu dépeint ? Ne sais-tu pas qu’ils sont déjà en train de souffrir des tortures de l’enfer dans leurs vies terrestres ? Ne sais-tu donc pas que toi, l’église et les autorités de l’État, êtes mes représentants sur terre ? C’est vous qui les faites souffrir des maux de l’enfer avec lesquels vous les accablez. Ne le sais-tu pas ? Et bien, viens donc avec moi !

Le diable attrapa alors le curé par le col de la soutane, le leva très haut dans les airs et l’emmena dans une usine, un haut-fourneau. Il y vît les ouvriers courir en tous sens et se hâter, trimant dans la chaleur infernale. Bientôt, l’air brûlant et épais fut bien trop à supporter pour le prêtre. Les larmes aux yeux, il supplia le diable : “Laisses moi partir, laisses-moi quitter cet enfer !

Oh mon bon ami, je dois encore te montrer d’autres endroits”, lui dit le diable et le traîna vers une ferme. Là il vît des ouvriers agricoles battre le grain. La poussière et la chaleur étaient insupportables. Le contremaître tient un knout en main et frappe sans pitié quiconque s’effondre au sol succombant au dur labeur ou à la faim.

Puis le prêtre est emmené dans les huttes où ces mêmes travailleurs vivent avec leurs familles, des trous insalubres, froids, enfumés et puants. Le diable sourit. Il fait dûment remarquer à quel point la pauvreté et la dureté de la vie sont bien chez elles ici.

"Et, n’est-ce pas suffisant ?” demande t’il. Et il semble à cet instant que le diable semble même prendre les hommes en pitié. Le pieux serviteur de dieu peut tout juste le supporter. Les mains levées au ciel il supplie : “Laisses-moi partir d’ici. Oui, oui ! C’est juste ! Ceci est l’enfer sur terre !

“Tu le constates par toi-même et tu leur promets toujours un autre enfer. Tu les tourmentes, tu les tortures à mort mentalement alors qu’ils sont déjà pratiquement mort physiquement ! Allez viens ! Je vais te montrer encore un enfer, un de plus, le pire…

Il l’emmena alors dans une prison et lui montra un de ces donjons, avec son air pestilentiel et ces formes humaines, volées de toute leur santé et énergie, allongées au sol, couvertes de vermine qui dévore leurs pauvres corps nus et émaciés.

Enlève tes habits doux comme la soie” dit alors le diable au prêtre, “met à tes chevilles ces lourdes chaînes comme ceux que portent ces infortunés, allonges-toi sur le sol froid, sale et humide et ensuite parle-leur de l’enfer qui les attend encore !

Non, non” répondit le prêtre, “je ne peux pas penser à quelque chose de plus terrible que cela. Je t’en conjure, laisses-moi partir d’ici !

Oui, ceci est l’enfer. Il ne peut pas y en avoir de pire que celui-ci. Le savais-tu ? Savais-tu que ces hommes et ces femmes que tu terrorises avec l’image de l’enfer dans l’après-vie… Savais-tu qu’ils sont en enfer ici en ce moment avant même qu’ils ne meurent ?

Cela a été écrit il y a cinquante ans dans la sombre Russie, sur le mur d’une des prisons les plus horribles. Néanmoins, qui peut nier que cela s’applique avec une force égale au temps présent, même dans les prisons américaines ? Avec toutes nos réformes tant vantées, nos grands changements sociaux et nos découvertes retentissantes, des êtres humains continuent d’être envoyés dans le pire des enfers où ils sont outragés, avilis et torturés, pour que la société se « protège » des fantômes qu’elle fabrique elle-même.

La prison, une protection sociale ? Quel esprit monstrueux a conçu une telle idée ? Autant dire que la santé peut être protégée par une contagion généralisée.

Après dix huit mois d’horreur dans une prison anglaise, Oscar Wilde a offert au monde son plus grand chef d’œuvre, La Ballade de la geôle de Reading :

Les actes les plus vils, comme les herbes empoisonnées
S’épanouissent bien dans l’air de la prison ;
Seul ce qui est bon dans l’Homme
Dépérit et se dessèche ici.
L’Angoisse blafarde garde la lourde porte
Dont le Gardien est le Désespoir
. »


Traduction R&B
 

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