★ Le sans-parti
★ Le sans-parti,
Par C. Paris (Décembre 1937)
« J’suis du parti des sans-parti,
De ceux que l’on embrigad’ pas,
Et j’ s’rais vraiment mal assorti
Avec les bonz’ qui tomb’ au gras.
Partout, je suis un trouble-fêle,
Un contrariant, un discuteur,
D’ ceux qu’on appell’ un’ mauvais’ tête,
Remplie de haine et de rancœur.
Je suis l’enn’mi d’ tout’ dictature,
D’où qu’ell’ vienne et quel nom qu’ell’ porte :
J’voudrais les voir en pourriture
Sous l’ardent souffle de révolte.
Je suis le paria, l’ miséreux,
Le hors-la-loi, le réprouvé,
Le révolté, le ventre-creux,
L’insoumis de partout traqué.
Je veux bien accepter l’entente
Entre copains d’ mêm’ acabit,
Mais sans chefs qui, dans leur farniente,
Trahiss’ leurs troupeaux sans répit ;
Pas d’ pontif’s pourris d’ sinécures
Rapportant profits et honneurs,
Ronds d’ cuir à l’affût d’aventures ,
Où l’ populo porte ses sueurs.
Je hais la band’ de parasites, ,
Politiciens et massacreurs,
Marchands d’ discours et d’eau bénite
Qui s’engraissent de nos douleurs.
J’admir’ les vaillants précurseurs
Faisant trembler la bourgeoisie,
Luttant seuls, ignorant la peur,
En vrais héros fuyant la vie.
J’ai hont’, parfois, d’ mon impuissance
A transformer la société :
Alors s’avive ma souffrance,
Voyant du peuple la lâcheté.
Je suis seul au milieu d’ la foule,
Perdu dans des rêv’ ries sans fin,
Insensible au flot qui s’écoule
Vers le terrible lendemain.
J’étais aux côtés de qui souffre,
Luttant contre un maître cruel ;
Défendant ceux que l’on repousse
Du grand banquet universel.
Semant au cœur du réfractaire
Voulant vivre libre, sans lois,
La haine ardente et salutaire
Qui détruit les dieux et les rois.
Vieilli maint’nant, perdant l’espoir
D’un’ société sans dieu ni maître,
Je pars, ayant fait mon devoir,
Et je n’ai plus qu’à disparaître… »
C. Paris
[Extrait de Terre Libre n°41, 3 décembre 1937.]