★ JE SUIS SURVIVANTE
"Je suis survivante", un poème de
Victoria Aldunate Morales,
féministe et libertaire.
" Je suis indienne, bâtarde et folle
Je suis noire, gitane, juive et Palestinienne
Péruvienne, Bolivienne et migrante
Je suis métisse, latine et blanche.
Je suis survivante.
Je suis pauvre, banlieusarde, travailleuse
chômeuse, itinérante et exploitée.
Je suis pute, je vends des fleurs la nuit,
je fais la manche et je chante dans des micros.
Je couds pour les autres, je lave pour les autres, je nettoie pour les autres
mais je suis authentique et rebelle.
Je suis survivante.
Je suis fillette, jeune, adolescente et vieille.
J’ai été nonne pour ne pas me marier
J’ai été épouse pour échapper au joug paternel
J’ai abandonné un homme pour ne pas être esclave
Je suis survivante.
Je suis squatteuse, activiste, anarchiste, penseuse, écrivaine...
et d’autres fois, je joue les innocentes...
Je suis thérapeute, communicante, monitrice, autodidacte
Je suis écologiste, pacifiste, animaliste, végétarienne et végane
Et d’autres fois, je me bats bec et ongles
Parce que je suis survivante.
Je suis lesbienne, catin, amante d’un homme ou de plusieurs
J’aime, je désire, je désespère...
Je m’habille moulant, courte la jupe, décolleté ouvert...
Ou je ne montre rien
Non parce que Non
Et Non parce que Non c’est Non !
Couverte
pour qu’on ne me voie pas
pour qu’on ne me harcèle pas
pour qu’on ne me vende ni on m’achète
pour qu’on ne voie pas qui je suis réellement
Même si je suis qui je suis
et celle que je veux être, je suis.
Je suis vivante et je l’admets
Je suis survivante.
Je n’ai jamais porté de blanc.
ça ne me va pas, ce n’est pas ma couleur
elle me rend invisible, m’absorbe, me dévore
Je n’ai jamais mis de talons hauts
je tombe, ils me ralentissent, ils m’handicapent, ils m’idiotisent
Je suis défectueuse, je ne me marie pas, je ne m’embarque pas, je ne me soumets pas
Je suis mère, seule et sexuelle.
J’ai avorté parce que j’ai voulu
J’ai accouché parce qu’on m’a obligée
J’ai accouché de mon plein gré
J’ai accouché et j’ai appris à aimer
Je vis seule, je n’ai que moi-même, je me suffis et je ne suis pas de trop
Je suis survivante.
J’aime la terre, la lune, les bêtes et les déesses
Je suis sorcière, divine, urbaine, paysanne, hippie et siphonée
Je suis rockeuse, romantique, folklorique, populaire
Je suis rouge, noire, rouge et noire, et surtout bleue.
J’ai été battue, torturée, abusée et violée
J’ai été prisonnière politique, inculpée ordinaire et femme maudite
Je suis survivante.
Je suis poursuivie, culpabilisée, jugée,
condamnée, moquée et calomniée
J’ai été brûlée, haïe, crainte et surveillée
J’ai été ignorée, niée, omise
et éliminée de l’Histoire, de la Science et de la Philosophie.
Mais je suis survivante.
J’ai été trafiquée, déformée, oubliée, effacée
On a coopté mes mots et mes symboles
On a confondu mes idées
On a expertisé mes pensées
On a psychologisé mes propositions
On a vidé mes slogans
On a profité de mes luttes
Mais, que vous le vouliez ou non, je suis féministe, radicale et autonome
parce que je suis survivante. "
Traduit de l’espagnol (Chili) par Janela.
Victoria Aldunate Morales (1961). Écrivaine, thérapeute et communicante d’origine chilienne. Elle est féministe et libertaire. Elle fait partie des Assemblées du Féminisme Communautaire de Bolivie, de Mémoire Féministe du Chili et de la COOAMS, Coordination des Organisations Autonomes Mapuches de Wallmapu. Elle est l’auteur du roman La Chica corazón de ruedas (2008), des contes Maliciosas, Marimachas, Militantes, Maracas y Malditas (2009) et de l’essai politique coécrit avec Julieta Paredes Construyendo Movimiento (2010).