★ L'autogestion et les alternatives

Publié le par Socialisme libertaire

Autogestion Anarchisme

 

Contribution de la Fédération Anarchiste Francophone, 9e congrès de l'IFA, août 2012. 
 

Né dans le sillage des mouvements ouvriers qui se cristallisèrent autour de l'AIT, l'autogestion est un concept qui a disparu des débats et des pratiques révolutionnaires, pour resurgir dans les années 1970 puis, en décembre 2000, lors de la crise argentine, avec le mouvement de récupération des entreprises.  

L'autogestion, aujourd'hui, refleurit à l'occasion d'une profonde crise globale, et s'appuie sur : des mouvements populaires urbains, ouvriers, paysans ; le désengagement néo-libéral des États ; les restrictions dans les politiques sociales et culturelles ; la fermeture massive d'entreprises qui obligent des travailleurs à (re)créer un outil de travail...

Les peuples sont victimes et conscients des dangers du capitalisme et des limites des États, et sont en recherche de nouveaux modèles d'organisation économique, politique et sociale. De nombreuses organisations considèrent l'autogestion comme un moyen de s'émanciper à la fois du capitalisme, et de l'État. L'autogestion est bien vivante, et son recours n'est pas réservé à des noyaux militants et suscitent énormément d'intérêt de la part de l'opinion publique internationale. Elle est même un outil de convergences des luttes, au-delà des critères politiques, culturels, sociaux. En revanche, elle a perdu son sens stratégique qui est d'être un passage obligé vers la construction d'une société débarrassée du capitalisme et de l'État, pour aboutir à une société socialiste autogestionnaire sans propriété privée des moyens de production et de distribution.

Mais l'autogestion libertaire ne consiste pas seulement à recréer les secteurs desquels l'État s'est désengagé – il n'en serait que trop satisfait – mais bien à impulser une reprise en main populaire de tous les aspects de notre économie, particulièrement dans ce qu'il nous reste de service public, tout comme dans les entreprises privées. En bref, la promotion de l'autogestion doit s'accompagner de perspectives de projets révolutionnaires. Sinon, elle risque de se réduire à une catégorie de management d'entreprises, ou à une gestion de la misère des moyens par les plus pauvres d'entre nous.

Tout comme le furent en leur temps, les syndicats, la Banque du peuple, les Bourses du travail, les Université populaires, les écoles alternatives, telles que La Ruche, les expériences alternatives actuelles sont des initiatives de populations qui tentent de répondre à leurs propres besoins, selon le mode d'organisation qu'elles ont elles-mêmes choisi. On peut ainsi citer les AMAP, les squats, les lieux bibliothèques / librairies / écoles / jardins / centre sociaux autogérés, des coopératives, des maisons d'éditions, des radios, des crèches, ...

L'apparition d'expériences alternatives est intéressante pour plusieurs raisons. Tout d'abord elles participent à faire sortir l'engagement politique des cadres traditionnels de mobilisation que sont le syndicat ou la rue lors de rassemblements.
D'autre part ces alternatives sont l'occasion de se confronter au réel, de tenter de mettre en pratique, certes souvent à petite échelle, les valeurs que nous revendiquons. Ainsi elles permettent des expérimentations sociales (mise en pratique directe d'une autogestion libertaire, mise en place de liens horizontaux, questionnement des statuts de producteurs et de consommateurs...) et économiques (contournement des intermédiaires, pratique du prix libre ou création de monnaies alternatives, mutualisation, ...) au travers des formes d'organisation qu'elles privilégient. Bien sûr, sans nier le fait que toutes ces expériences ne vont pas dans ce sens, elles participent à une dynamique collective qui pourrait être rapprochée du gradualisme révolutionnaire promut par Malatesta.

L'autogestion, toute libertaire qu'elle puisse être, ne reste qu'un outil organisationnel, politique. Son utilisation permet de mettre en adéquation la fin et les moyens, concept (en principe !) cher aux anarchistes, mais il ne peut se suffire à lui-même, particulièrement dans le système capitaliste que nous connaissons aujourd'hui. Cette mise en avant de pratiques alternatives ne peut être dissociée d'autres formes de luttes contre le système actuel. Il faudrait construire les bases de la société future tout en détruisant l'actuelle, plutôt qu'attendre que les cendres soient froides avant de rebâtir sur les ruines...

Le fait est que les pratiques autogestionnaires de ces dernières années ne se sont pas développées dans la zone d'influence des anarchistes. Alors que l'autogestion est une caractéristique essentielle du projet et de la philosophie des libertaires. Il y a une urgente nécessité pour les anarchistes de reprendre l'initiative, sous peine d'être dépassés par les partisans du « capitalisme à visage humain », et ceux qui considèrent que l'autogestion n'est qu'un simple contre-pouvoir face à l'État. Encourager de façon ambitieuse la prolifération de telles pratiques, pourrait s'apparenter à une stratégie de « gymnastique révolutionnaire » sur le terrain social et déboucher sur un mouvement plus radical.
Trois démarches s'imposent à nous : poser les conditions d'un large débat contemporain sur l'autogestion anarchiste et faire œuvre de pédagogie en exploitant notre patrimoine propre ; redéfinir les valeurs et les objectifs de la société autogérée anarchiste et des pratiques associées ; et encourager concrètement le passage à l'acte en insistant sur la convergence des pratiques et des objectifs de l'autogestion anarchiste.
 

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