★ Vulgarisation : la propriété privée

Publié le par Socialisme libertaire

★ Vulgarisation : la propriété privée
Tentative de Vulgarisation de l'Anarchisme est une série d'essai visant à expliquer les bases de ce courant politique et philosophique et les rendre accessible en élaborant de courts textes sur différents sujets groupés en thèmes. L'ensemble des textes peuvent être retrouvés au moyen du libellé "vulgarisation" et des noms des thèmes abordés. 

*** Rappel: Ces essais visant à dresser un tableau large et accessible, leur contenu n'engage en rien le Collectif Emma Goldman ni ses positions ni ses membres. ***

Le thème de la lutte économique s'ouvre aujourd'hui avec une explication du phénomène de la propriété privée. Pour mettre fin aux inégalités sociales, il est nécessaire de passer par l'abolition de cette dernière. Mais pour l'abolir, il faut d'abord comprendre comment elle fonctionne.

Définir la propriété privée :

La propriété privée est un rapport dans lequel une minorité peut forcer, sous prétexte d’une légitimité fictive, une majorité à travailler pour elle. Elle repose sur trois droits légaux nommés « Usus », « Fructus », et « Abusus ».

De plus, elle s’applique sur des formes différentes de commodités matérielles : Les biens meubles, qui sont de simples outils et objets pouvant être utilisés dans la vie de tous les jours, et les fonds, qui sont les moyens de productions, comme une usine, un champ ou n’importe quelle structure permettant d’y créer de nouvelles productions.


USUS est le droit d'usage, plus particulièrement l'usage exclusif. Par cette facette de la propriété, une personne peut détenir l’exclusivité d’usage de biens qui lui sont chers et d’avoir en tout temps accès à une résidence (dont elle détient le droit exclusif d’habitation) où se situent ses dits effets personnels. C'est par cette facette que Pierre-Joseph Proudhon, un précurseur de l’anarchisme, dit "La propriété c'est la liberté" après avoir dit que c'est d'abord le vol.
FRUCTUS est le droit de faire fructifier. La seule façon pour tout fond de créer de la nouvelle valeur est par le temps de travail investit sur ce fond. Il est possible pour une personne de détenir le fruit de son propre travail, mais appliquer le droit de fructus à un fond permet à tout individu de s’accaparer le fruit du travail des autres sous le seul prétexte de sa propriété. Les légumes qui ont poussé dans un champ, les outils sortis d’un atelier, toutes ces choses sont, sous la propriété privée, les possessions du propriétaire du fond, qui peut de ce fait voler tout travail effectué par ses esclaves/serfs/employés. Le dit propriétaire peut même forcer par cette méthode des personnes à lui payer un loyer pour des habitations dont il ne fait même pas usage. C’est pour cette facette que Proudhon, déclarait ensuite : « La propriété c’est le vol! ».

ABUSUS, enfin, est le droit de détruire, transformer, léguer/céder/vendre.
Un testament est de l'abusus des propriétés après la mort du propriétaire. Mais aussi, racheter une entreprise et fermer ses succursales c'est de l'abusus qui rend un fond possédé complètement inculte et empêche les gens qui y travaillaient de gagner leur subsistance par leur renvoi ou par le lock-out. Par cette facette, il peut être osé dire plus loin que Proudhon, et affirmer que c’est du meurtre, puisqu’elle met à la rue des centaines de personnes

Enfin, la propriété privée ne se défend que par l’absolutisme. Elle est inculquée comme raison et droit fondamental alors qu’il s’agit d’une violence à détruire. Les clergés la défendent, les lois la légitiment et la culture l’élève au rang de droit humain incontesté. Pourtant, la propriété privée est impossible à étendre à tous les humains, rendant cette position des droits humains contradictoire, puisque la propriété privée repose sur la restriction à l’accès aux fonds permettant la production de nos moyens de subsistance, et a une tendance inhérente à sa concentration. De toutes les époques, les propriétaires plus riches ont toujours évincé hors de compétition leurs adversaires de sur le marché de distribution, rachetant leurs usines ou leurs entreprises jusqu’à atteindre une concentration des richesses aux mains de quelques uns.

Pour bien illustrer les mécanismes d'injustice causés par la propriété privée, et démontrer son caractère non seulement inutile mais également nuisible, ils convient de regarder un peu l'histoire sous l'angle de des différentes manifestations de la propriété et de ses impacts.

Histoire de la Propriété Privée

Lorsqu’il est question de transformation de société, de promouvoir l’égalité et la liberté, les réfractaires font souvent appel à une supposée « Nature Humaine », selon laquelle la propriété privée était une fatalité que toutes les sociétés humaines avaient connue. Pourtant, de nombreux modes de production, c’est-à-dire l’organisation sociale visant à produire ce dont on a besoin, ont existé, avec ou sans propriété privée.

En effet, dans plusieurs sociétés nomades, semi-nomades et même quelques fois plutôt sédentarisées, on ne considérait de propriété que son lit dans la maison de son clan et ce qu’on mettait comme possessions sur notre lit ou portées sur soi. Les terres appartenaient à la communauté. Bien que d’autres méthodes ont existé, la propriété privée s’est quant à elle manifestée de façons différentes à travers l’histoire :

Chez les sociétés antiques, la propriété reposait sur bien des choses. Les terres, les entreprises, mais surtout, sur les autres. C’était l’esclavage. Les esclaves d’une famille de citoyens étaient considérés comme une propriété au même titre que les champs,

Au moyen âge, l’une des méthodes principales de propriété était la propriété terrienne et le servage. La noblesse possédait les terres, et les serfs y étaient attachés et ne pouvaient en déménager, la cultivant et vivant de sa culture. Le noble demandait une partie du travail des serfs sous forme « d’impôt », puisque la terre était sa possession.

Sous le modèle capitaliste, la classe laborieuse vit sous le salariat. La classe possédante, la bourgeoisie, détient les capitaux investis et de ce fait toute action économique doit passer par leur initiative puisqu’ils se sont accaparés la possession légale des industries, malgré que ces dernières aient été crées par les travailleurs et travailleuses. Les prolétaires sont « libres » politiquement, mais la valeur de leur travail est tout de même volée par les propriétaires.

Quelque soit sa manifestation, la propriété privée a toujours eu tendance à se concentrer entre les mains de quelques uns. Dès l’Antiquité, les plus riches possédaient des terres et des esclaves en grand nombre. Leurs productions étouffaient le marché des plus petits producteurs qui devaient d’abord s’endetter, puis vendre leurs terres, puis tomber en esclavage pour dette faute de revenus. À la suite des crises Athéniennes du VIe siècle avant notre ère, un processus de démocratisation et de réformes abolit l’esclavage pour dette, mais ne rendit jamais les terres des petits producteurs qui durent vendre leur force de travail. À Rome, au Ier siècle avant notre ère, les Sénateurs s’accaparèrent les terres publiques (Ager Publicus), et créèrent de grands domaines agricoles et d’élevages. Les petits propriétaires durent vendre et quitter la campagne. Le Général Marius créa avec ces nouveaux prolétaires une armée de métier qui mena à la création de l’Empire. Mais la crise revient toujours de façon cyclique. À la fin de l’Empire, une cinquantaine de familles sénatoriales possédaient la totalité des terres agricoles et le prix du blé était horriblement élevé, provoquant un effondrement économique. Plus près de nous, au XVIIIe siècle eu lieu en Angleterre la Crise des Enclosures, ou d’anciennes terres communales furent achetées et clôturées de force par les propriétaires capitalistes. Les gens furent obligés de quitter les campagnes pour chercher du travail dans les villes, pendant l’industrialisation de ces dernières. Aujourd’hui, nous faisons face à ce même genre de crise de concentration de la propriété qui pourrait nous plonger dans la dictature ou mener à l’effondrement de toute société possible.

La propriété privée, sous le capitalisme, prend la forme de la plus-value retirée de la production industrielle, de l'extraction des ressources et des emplois visant à augmenter la consommation. Voici donc un bref exposé des mécanismes du capitalisme

La Plus-value et la valeur d’une production

À cause de la propriété privée des moyens de productions, la classe possédante est en mesure de restreindre l’accès des gens à la plupart des commodités. Les prolétaires ne peuvent pas planter librement dans les champs, et ne peuvent pas utiliser les ateliers pour produire ce qu’ils et elles ont besoin.

Ne pouvant pas travailler pour eux/elles-mêmes, les prolétaires doivent vendre leur force de travail à un patron. Ce dernier possède les installations où la production du nécessaire peut s’effectuer. Pour un salaire, fixé à un certain montant par heure, un(e) employé(e) produira donc pour le patron.

Imaginons dix prolétaires qui cuisinent et vendent cent burgers en une heure, qu’illes soient payéEs 10$ par heure chacun(e), mais que chaque burger soit vendu 10$ alors qu’il ne coûte que 5$ à l’entreprise en terme d’ingrédients et d’absorption du coût des machines de la cuisine. La production totale aura coûté 500$ plus le salaire des employéEs, 100$. Si tous les burgers sont vendus, c’est 1000$ qui entrent dans les caisses de l’entreprise. Ce 400$ de profit que fait le patron, c’est la plus-value. En effet, chaque employé a contribué à un revenu total de 1000$, mais ne touche que 10$, soit 1% de la valeur produite au total. De plus, les ingrédients et les machines ont également été recueillis et produites par d’autres prolétaires. Le propriétaire de l’entreprise n’a pas eu à s’en occuper, et bien souvent paie même (mieux) des employés pour la gestion de son entreprise. Un esclave ne s’appartient pas, et 100% de son travail appartient à ses maîtres. Bien que le ou la prolétaire ne soit pas une propriété, 99% de son travail appartient à ses maîtres. Est-il/elle vraiment plus libre? C’est pour cette raison que les socialistes libertaires parlent d’esclavage du salariat.

Aujourd’hui, une grande part des emplois de production industrielle ont été délocalisés dans les pays du Tiers-Monde, où l’impérialisme occidental et le financement de dictatures permet de maintenir la main-d’œuvre docile et peu encline à demander de meilleures conditions d’emploi, ce qui fait de ces derniers des emplois très dangereux et mal payés. Pendant ce temps, en Occident, la classe dominante a réussi à utiliser les volontés de meilleurs salaires et d’accès à l’éducation que les travailleurs et travailleuses demandaient lorsqu’organisé(e)s en syndicats. La classe possédante a ainsi fait de la population occidentale une classe de consommateurs et d’administrateurs, dont les travaux, bien souvent non-productifs, servent tout de même à augmenter la plus-value des entreprises capitalistes et donc ajoute une valeur à la consommation. Ce fut, depuis la deuxième moitié du XXe siècle, la création d’une forme de prolétariat « intellectuel », cohabitant avec les grands secteurs industriels encore présent, mais menaçant toujours les employé(e)s de fermer usine si les employé(e)s n’acceptent pas assez le recul de leurs droits. Si ces usines et ces entreprises, souvent orientées vers l’extraction de ressources naturelles devaient fermer, les travailleurs et travailleuses se retrouveraient sans emploi et ne pourraient plus consommer, ce qui réduirait le pouvoir d’achat de la région, poussant d’autres entreprises incapables d’avoir assez de consommateurs à fermer leurs portes. C’est un cercle vicieux qui ne peut avoir que deux issues : La première, un retour aux conditions horribles d’exploitation du XIXe siècle dans les usines, ou la seconde la prise du pouvoir par les travailleuses et travailleurs dans leur milieu de travail et dans leur milieu de vie. Cette dernière option est non seulement la plus profitable, mais amène également la démocratie dans la gestion de nos vies et donc notre émancipation réelle.

Commenter cet article