★ Déraisons d’État
Les amitiés singulières...
Manu « Droit dans ses bottes » Valls sur RMC :
"Il faut arrêter les hypocrisies, nous avons une relation stratégique avec l’Arabie Saoudite. Il faut l’assumer. Est-ce que pour autant nous partageons la nature du régime, son action ? Non, bien évidemment". "C’est une tradition que d’honorer des dirigeants. Sinon nous ne discutons avec personne, nous n’avons aucune relation".
Mardi 15 mars, le Premier ministre français tente ainsi de justifier la remise de la légion d’honneur au prince héritier d’un pays où règnent l’obscurantisme et la peine de mort (153 en 2015, 47 le seul 2 janvier 2016, et le compteur continue à tourner).
Dans sa justification, le chef du gouvernement rappelle que la France avait également accueilli fin janvier Hassan Rohani président de la République islamique d’Iran, pays où règnent l’obscurantisme et la peine de mort (966 en 2015).
Il aurait également pu rappeler, 2007, la tente de Mouammar Kadhafi dans les jardins d’un grand hôtel parisien. Kadhafi, président de la Grande Jamahiriya arabe libyenne populaire et socialiste, un pays où règnent l’obscurantisme, la peine de mort (« seulement » 9 exécutions recensées cette année 2007) et la répression de tout opposant.
A propos de la Libye, à noter l’entreprise Amesys, filiale du groupe français Bull qui a favorisé la répression de l’opposition en fournissant au colonel Kadhafi un système d’interception des communications baptisé Eagle capable d’espionner les communications par e-mail, par téléphonie en ligne (style Skype) ou par chat (style MSN).
Valls aurait pu également rappeler Mohammed Hosni Moubarak reçu à l’Elysée le 9 février 2009.Hosni Moubarak, président de la République arabe d’Égypte, pays où règnent la répression de toute opposition et la peine de mort (au moins 5 en 2 009). Mohammed Hosni Moubarak qui s’illustrera ensuite par sa répression de la révolution égyptienne, 864 civils tués.
Valls aurait pu également citer tous les coups de pouce de l’État français au président Zine el-Abidine Ben Ali. Bref rappel : Un jeune vendeur ambulant de fruits et légumes se fait confisquer toute sa marchandise par la police tunisienne. Le 17 décembre 2 010, il s’immole par le feu et commence alors la « révolution des dignités » jusqu’au départ du président dictateur le 14 janvier 2 011 vers la Tunisie.
Ce même 14 janvier, plusieurs tonnes (excusez du peu) de matériel destiné au maintien de l’ordre - grenades lacrymogènes, des lanceurs, des gilets pare-balles, des boucliers et autres – commandé par l’État tunisien était bloqué par les douanes à Roissy. Matériel de la société Sofexi (société fournisseur de l’État tunisien depuis 2 008). Michèle Alliot-Marie – ministre des affreuses affaires étrangères et François Fillon – Premier ministre - ont assuré que le gouvernement Français ignorait que la Tunisie était livrée en gaz lacrymogène par une entreprise française entre les mois de décembre et janvier…
« Sofexi a reçu des autorités françaises tous les agréments nécessaires à l’exportation de grenades lacrymogènes commandées entre décembre et janvier par le ministère tunisien de l’Intérieur.
Nous avions tous les agréments des ministères concernés. » Dixit les marchands de souffrance.
Selon le journal Le Monde, 4 livraisons de matériel de maintien de l’ordre auraient été acceptées par le gouvernement au courant du mois de décembre.
Le chargement bloqué à Roissy le 14 janvier avait reçu une autorisation d’exportation (un formulaire AEPE, autorisation d’exportation de poudres et explosifs) délivrée par les ministères de l’Intérieur, des Finances et de la Défense…
Valls n’aurait pas oublié de rappeler l’intervention de la même Michèle Alliot-Marie, le mardi 12 janvier, à l’Assemblée nationale, pour proposer le savoir-faire français à la police tunisienne pour "régler les situations sécuritaires" ?
Alors Valls aurait surement fait le lien avec le rôle joué par l’État français en Amérique du Sud auprès des différentes dictatures et ce dès la fin de la Guerre d’Algérie, il fallait bien recycler les fachos de l’OAS, mais plus sérieusement de 1973 jusqu’à 1984. Stages de lutte antisubversive au cours desquels sont diffusés des films sur la guerre d’Algérie. « Uniquement les scènes de torture », dira l’un des militaires stagiaires. Combien d’opposants torturés avec le label « Made in France » ?
Bref, le quotidien d’un État quel qu’il soit.
« [… ]L’État après tout c’est virtuel. C’est comme le Bon Dieu et ses saints. Ça n’a pas d’existence réelle. Ça sort de nos esprits malsains Mais ça commande à la Justice, ça fait la loi et la police, ça joue avec le nucléaire, ça décide si on fait la guerre avec l’argent des citoyens. […]» François Béranger.
Il va de soi, mais c’est encore mieux en le disant que cette focalisation sur le rôle occulte de l’État français ne tient qu’au fait qu’il est plus facile de voir la poutre dans l’œil de l’État de notre propre lieu de résidence que celle dans l’œil des autres États.
Un État ne peut survivre qu’en s’alliant avec les autres États, même les pires, quand se pointe la colère du peuple.
Aussi, foin des relents émanant d’États qu’on souhaiterait infréquentables, la solidarité entre « ces gouvernements de peuples vivant sous la domination d’un prince ou en république.» (Définition du mot «État» de la première édition du dictionnaire de l’Académie française de 1696) perdurera pour maintenir cette domination. Et puis si cela permet également de vendre des armes, c’est tout bénef… Raisons d’État obligent.
« […] Désespéré, je m’asphyxie Dans l’État, dans l’État de merde. » François Béranger
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- SOURCE : Le Monde Libertaire - 16 mars 2016