L’appel des éco-charlatans et la promotion du capitalisme vert

Publié le par Socialisme libertaire

Ecologie libertaire

Le 31 janvier 2017, le journal Le Monde, le principal quotidien français, appartenant au trio capitaliste Bergé-Niel-Pigasse, relayait « l’appel du monde de demain ». Un appel rédigé par les principales éco-célébrités françaises, à la mode dans les cercles bourgeois de la capitale, car politiquement correctes et ne menaçant pas le moins du monde l’ordre établi (Nicolas Hulot, Pierre Rabhi, Cyril Dion, Tryo, Zaz, Marion Cotillard, Matthieu Chedid, Alain Souchon, etc.). Examinons-le.

Pas la peine de revenir sur le premier paragraphe, qui est de loin le plus honnête. La situation écologique relève effectivement de la catastrophe. En cours.

Le deuxième paragraphe présente brièvement, et de manière subreptice, un des points les plus importants de l’appel, en à peine quelques mots : leur soutien au déploiement des énergies dites « renouvelables ». La production d’énergie étant le socle sur lequel repose la société dont ils font la promotion, et le socle sur lequel nos sociétés industrielles reposent. Mais le développement massif de centrales solaires, de parcs éoliens, de centrales à biomasse, de barrages hydroélectriques, afin de « produire de l’énergie renouvelable en abondance » est une nuisance de plus pour les « animaux sauvages », « les forêts », et les « milliers d’espèces » dont ils s’inquiètent dans le premier paragraphe.

Bien évidemment, les énergies sales (par opposition aux soi-disant énergies « propres ») que sont les combustibles fossiles et le nucléaire sont autant de catastrophes écologiques. Cependant, les énergies soi-disant « renouvelables » en étant dépendantes, et ce pour encore un certain temps, et ne les remplaçant pas, mais s’y ajoutant, nous ne faisons ici que souligner l’absurdité qui consiste à les présenter comme une solution. Parce qu’en fin de compte, ce qui peut être observé par tout un chacun à l’aide d’une connexion internet et d’un moteur de recherche, ou simplement en observant ce qui se passe dehors, c’est qu’après des années de développement des énergies renouvelables (les premières installations de centrales solaires industrielles datent des années 1970) rien n’a changé. Que celles-ci ne viennent pas du tout remplacer le pétrole, le charbon et le nucléaire, qui continuent à se développer. (Pour une critique plus détaillée de ces nouvelles illusions vertes, suivez ce lien.)

Contrairement à la confusion volontaire ou involontaire des auteurs de « l’appel du monde de demain », qui nient ouvertement la réalité de la lutte des classes, les activistes en première ligne des conflits écologiques comprennent les enjeux de l’époque et le fonctionnement de l’échiquier politico-économique. Ils comprennent que nos sociétés industrielles sont fragmentées en différentes classes aux intérêts contradictoires. Ils comprennent qu’il est absurde et dangereux de faire croire au peuple qu’il lutte main dans la main avec ses dirigeants, avec les élites qui le gouvernent, et qui l’exploitent. Ce travers est un premier indice de ce que nous avons affaire à des idéologues du capitalisme vert.

Voici l’agriculture « écologique » / « symbiotique » promue par Isabelle Delannoy, « spécialiste du développement durable » et amie de Cyril Dion, avec qui elle écrit actuellement un livre sur « l’économie symbiotique ». Cette plantation est certifiée bio™. Donc, c’est bon pour la planète, n’est-ce pas ? Et n’est-ce pas merveilleux ? Quelle superbe communauté biotique…

Voici l’agriculture « écologique » / « symbiotique » promue par Isabelle Delannoy, « spécialiste du développement durable » et amie de Cyril Dion, avec qui elle écrit actuellement un livre sur « l’économie symbiotique ». Cette plantation est certifiée bio™. Donc, c’est bon pour la planète, n’est-ce pas ? Et n’est-ce pas merveilleux ? Quelle superbe communauté biotique…

Les vrais héros du mouvement écologiste, dont on parle peu, parce que les médias de masse les ignorent volontiers, ceux qui risquent gros, en perturbant l’activité des corporations multinationales qui détruisent la planète et asservissent les êtres humains, et qui, par-là même, les désignent et les exposent à juste titre pour les ennemis qu’elles sont, ont un autre appel à diffuser. Contrairement aux auteurs de « l’appel du monde de demain », ils ne s’expriment pas depuis le piédestal du privilège et de la célébrité. Ils nous disent que les actions directes orientées contre les pratiques nuisibles pour le monde naturel, comme le sabotage ou l’arrêt de pipelines, comme les occupations, les blocages et les grèves, font partie de nos dernières et de nos meilleures armes.

On entend rarement leurs noms, citons Ken Ward aux Etats-Unis, qui risque 30 ans de prison pour avoir fermé une valve d’un pipeline pétrolier, à l’instar d’Emily Johnston, et qui a récemment déclaré qu’il « ne restait plus que l’action radicale pour défendre la planète » ; Jean Léger, au Canada, qui fermé une valve et s’est cadenassé au pipeline 9B d’Enbridge, et des milliers d’autres, au Canada et aux États-Unis, en Amérique centrale, en Amérique latine, en Europe, en Afrique, en Asie, et ailleurs. Comme ces villageois en Thaïlande qui sont parvenus, à coup d’occupations et de blocages, à faire annuler la construction de centrales à charbon et de voies ferrées qui menaçait de détruire l’environnement. Leurs noms importent finalement peu, eux se fichent de la starification et de la culture de la célébrité. Ils militent en défense de la planète et sont en première ligne de l’action directe écologique, une méthode de lutte risquée mais efficace. Ces actions directes (violentes ou non-violentes) sont en effet les outils les plus effectifs pour s’opposer à l’industrialisme imposé par les corporations multinationales. En France, les différentes ZAD en sont un bon exemple.

Bien sûr, celles-ci n’excluent pas les manifestations, les recours en justice, les pétitions ou même le vote. Elles n’excluent pas non plus, les actions communautaires locales, l’éducation populaire, et ainsi de suite. Elles s’y ajoutent. Étant donné la gravité et l’urgence de la situation, nous avons besoin de tout ce qui va dans la bonne direction.

Tandis que l’appel des éco-capitalistes a pour effet de désamorcer les luttes sociales. En insinuant que nous avons tous ou devrions avoir les mêmes intérêts, il est toxique. Bien sûr, techniquement, les êtres humains devraient se regrouper derrière l’intérêt commun de la préservation de la planète. Mais dans les faits, ce n’est pas le cas. Les classes dirigeantes sont imperméables à ces bons sentiments et elles continuent aujourd’hui plus que jamais à exploiter les êtres vivants et le monde naturel. Dissoudre ces réalités dans un discours mielleux qui n’incite absolument pas à entreprendre quoi que ce soit à leur encontre — qui ne soit autorisé ou encouragé par les institutions officielles de pouvoir — revient à se ranger du côté du pouvoir.

Même Fabrice Nicolino, qui défend pourtant régulièrement ses amis Colibris, Cyril Dion, Pierre Rabhi, etc., le reconnaissait dans son livre « Qui a tué l’écologie ? », publié en 2011, sachant que ses considérations se basaient sur l’état des choses d’alors, et que depuis, tout a empiré :

« Sauver la planète, cela va bien si l’on mène le combat depuis les confortables arènes parisiennes. Mais affronter le système industriel, mené par une oligarchie plus insolente de ses privilèges qu’aucune autre du passé, c’est une autre affaire. Il faudrait nommer l’adversaire, qui est souvent un ennemi. Rappeler cette évidence que la société mondiale est stratifiée en classes sociales aux intérêts évidemment contradictoires. Assumer la perspective de l’affrontement. Admettre qu’aucun changement radical n’a jamais réussi par la discussion et la persuasion. Reconnaître la nécessité de combats immédiats et sans retenue. Par exemple, et pour ne prendre que notre petit pays, empêcher à toute force la construction de l’aéroport nantais de Notre-Dame-des-Landes, pourchasser sans relâche les promoteurs criminels des dits biocarburants, dénoncer dès maintenant la perspective d’une exploitation massive des gaz de schistes, qui sera probablement la grande bataille des prochaines années.

[…] Il faudrait enfin savoir ce que nous sommes prêts à risquer personnellement pour enrayer la machine infernale. Et poser sans frémir la question du danger, de la prison, du sacrifice. Car nous en sommes là, n’en déplaise aux Bisounours qui voudraient tellement que tout le monde s’embrasse à la manière de Folleville.

Au lieu de quoi la grandiose perspective de remettre le monde sur ses pieds se limite à trier ses ordures et éteindre la lumière derrière soi. Les plus courageux iront jusqu’à envoyer un message électronique de protestation et faire du vélo trois fois par semaine, se nourrissant bien entendu de produits bio. J’ai l’air de me moquer, mais pas de ceux qui croient agir pour le bien public. J’attaque en fait cette immense coalition du « développement durable » qui a intérêt à faire croire à des fadaises. Car ce ne sont que de terribles illusions. Il est grave, il est même criminel d’entraîner des millions de citoyens inquiets dans des voies sans issue.

Non, il n’est pas vrai qu’acheter des lampes à basse consommation changera quoi que ce soit à l’état écologique du monde. La machine broie et digère tous ces gestes hélas dérisoires, et continue sa route. Pis, cela donne bonne conscience. Les plus roublards, comme au temps des indulgences catholiques, voyagent en avion d’un bout à l’autre de la terre autant qu’ils le souhaitent, mais compensent leur émission de carbone en payant trois francs six sous censés servir à planter quelques arbres ailleurs, loin des yeux. On ne fait pas de barrage contre l’océan Pacifique, non plus qu’on ne videra jamais la mer avec une cuiller à café. Les dimensions du drame exigent de tout autres mesures. Et il y a pire que de ne rien faire, qui est de faire semblant. Qui est de s’estimer quitte, d’atteindre à la bonne conscience, et de croire qu’on est sur la bonne voie, alors qu’on avance en aveugle vers le mur du fond de l’impasse. […] »

Tout au long de l’appel, ses auteurs exposent une analyse erronée, ou plutôt une absence d’analyse, du constat qu’ils dénoncent. L’idéologie qui est à l’origine des dégâts écologiques et sociaux énoncés n’est pas remise en question, elle est perpétuée. Ainsi les auteurs continuent à promouvoir grosso modo une société industrielle (même s’ils la fantasment basée sur des industries « vertes »), où avoir un « emploi » demeure primordial, et ainsi de suite.

Une autre vision du monde écologique pour lequel Isabelle Delannoy milite. Elle parle de cette forme d’agriculture (industrielle) urbaine comme d’une merveilleuse symbiose réussie entre l’être humain et la « nature », et présente cette « ferme » comme un modèle à reproduire…

Une autre vision du monde écologique pour lequel Isabelle Delannoy milite. Elle parle de cette forme d’agriculture (industrielle) urbaine comme d’une merveilleuse symbiose réussie entre l’être humain et la « nature », et présente cette « ferme » comme un modèle à reproduire…

Le langage utilisé est également assez révélateur. Les termes utilisés correspondent à un langage corporatiste, qui plaît aux économistes et aux capitalistes (verts ou pas), aux puissants et aux riches : investissement, entreprendre, développement, élus, entrepreneurs, salariés, fonctionnaires, projets, transition, ressources. Une novlangue dont Franck Lepage, pour prendre un exemple actuel, propose une excellente critique.

Ainsi, l’appel prétend se soucier des animaux non-humains et du monde naturel, mais encourage le développement des nouvelles industries vertes, qui sont autant de nouvelles nuisances pour la santé des écosystèmes dont elles requièrent la destruction (en raison des extractions liées aux matières premières nécessaires à leur fabrication, et à leur fonctionnement / maintenance / remplacement, comme en raison de leurs implantations sur site). Ces industries vertes qui servent à maintenir un certain niveau de confort pour les humains uniquement. Et plus largement à perpétuer la société industrielle dans son ensemble, et son développement, ce qui implique la continuation du saccage écologique.

On peut y lire les conseils les plus creux et les plus éculés, dans le condensé de niaiseries du dernier paragraphe (réfléchir, limiter son impact écologique individuel, soutenir des candidats politiques, voter, manifester et rêver).

Le plus grotesque, c’est que cet appel (et c’est la raison pour laquelle il est relayé par des grands médias capitalistes), qui commence par un constat à peu près lucide de la catastrophe écologique en cours, qu’il affirme ensuite vouloir résoudre, ne présente strictement aucune analyse de ce qui pose problème, de ce qui fait que nous en sommes rendus au point de catastrophe écologique mondial qu’ils reconnaissent pourtant. Par souci d’éviter tout ce qui pourrait sembler négatif, ils font l’impasse sur la critique. On n’y trouve aucune mention des coercitions et des exploitations qui sont à l’origine de tous nos problèmes. Aucune mention non plus, ni aucune critique, de l’impératif de croissance, qui garantit à lui seul le caractère complètement insoutenable de la société industrielle. Il s’agit littéralement d’un raisonnement insensé. Si l’on considère la Terre comme un organisme vivant, et les pollutions écologiques comme les symptômes d’une maladie qui l’affecte, alors la raison devrait nous amener à établir un diagnostic, afin d’en déterminer l’origine. Une fois le diagnostic posé, et les problèmes identifiés, il serait alors possible de supprimer les causes de la maladie, comme l’aurait conseillé Hippocrate : « Si quelqu’un désire la santé, il faut d’abord lui demander s’il est prêt à supprimer les causes de sa maladie. Alors seulement il est possible de l’éliminer ».

Cette phrase d’Hippocrate est cruciale pour le raisonnement qu’elle expose. Le remède consiste à supprimer les causes de la maladie, et non à investir dans le problème, ni à tenter de l’aménager de diverses manières. La médecine que nous proposent les auteurs de l’appel n’est rien d’autre que du charlatanisme. Sans mentionner aucun renoncement à aucune pratique, à aucune industrie, ils prétendent que nous pouvons « Nettoyer les océans, replanter les forêts, produire une nourriture saine pour tous, en régénérant les sols et les écosystèmes ». Eh bien non. Nous ne pouvons pas. Pas tant qu’un semblant de société industrielle perdure. Nous ne réparerons rien tant qu’existe la société de production d’objets superflus en tous genres, électro-métallo-plastiques, qui transforme la planète en une décharge géante. Et étant donné qu’elle en est encore en plein étalement et en pleine croissance, le début des réparations n’est pas pour « demain ».

Il s’agit de la principale incohérence des Colibris et de la raison pour laquelle leur discours correspond à celui du capitalisme vert. Bien qu’ils reconnaissent les innombrables dommages et destructions écologiques que la société industrielle inflige à la planète au sens large, ils ne s’intéressent pas aux causes. Ils ne cherchent pas à connaître les éléments, les pratiques, ou les activités qui génèrent ces dommages en premier lieu. Il s’ensuit qu’ils ne cherchent pas non plus à y mettre fin. Et pourtant, la première chose à faire, lorsqu’on réalise que certaines pratiques nuisent à la planète, c’est de les arrêter. La première chose à faire est de « supprimer les causes de la maladie ». Mais critiquer n’est pas perçu comme positif, lutter contre n’est pas perçu comme positif, supprimer n’est pas perçu comme positif, le renoncement n’est pas perçu comme positif, et puisque le positivisme est leur fonds de commerce (cf. Kaizen, le magazine 100% positif), ils font l’impasse sur la première médecine. D’ailleurs Hippocrate, s’il avait été de notre temps, aurait été jugé trop « négatif » et mis au ban du débat social grand public. On lui aurait demandé de reformuler son discours, et quelque génie du marketing lui aurait sûrement proposé quelque chose comme : « Si quelqu’un désire la santé, il n’a pas à supprimer les causes de sa maladie, il lui faut d’abord investir dans les remèdes que lui proposent ceux qui le rendent malade ». C’est ainsi que les Colibris se contentent de faire la promotion des concepts du développement, de l’investissement, ou de l’innovation. Ils ne s’opposent pas aux différentes industries et corporations responsables de la destruction en cours du paysage écologique planétaire.

Au final, cet appel est une aubaine pour les industriels, qui doivent se réjouir à la vue de ces éco-célébrités servant la soupe aux citoyens anxieux de l’état actuel du monde, et de son futur. Nos éco-stars encouragent ainsi une des industries qui croît le plus, et l’encouragent encore à croitre pour les décennies à venir, l’industrie des « renouvelables », dans laquelle les plus gros groupes et corporations transnationales investissent depuis longtemps, de Vinci Energies (qui finance des centrales solaires en France, en Afrique et ailleurs) à Berkshire Hathaway (qui finance des centrales solaires un peu partout dans le monde), Total (et sa filiale Sunpower) et bien d’autres. Une aubaine parce qu’il n’évoque aucun renoncement, parce qu’il ne s’attaque pas au principe le plus nocif de la culture dominante, qui est son impératif de croissance, son caractère expansionniste, et parce qu’il prône au contraire de nouveaux développements. Cet appel correspond à un gentil manifeste du capitalisme vert.

La culpabilisation finale et la fausse solution qui consiste à inciter les gens à « limiter » leur « impact sur la planète et les êtres humains » est éloquente. Auchan n’a pas à s’inquiéter du développement de son désastre antiécologique qu’est Europacity. Les 90 corporations responsables de la majorité des émissions de gaz à effet de serre sont-elles menacées par cet appel ? Pas le moins du monde. Les riches, dont l’impact écologique est incomparablement supérieur à celui des pauvres, n’ont pas de souci à se faire. Leurs privilèges ne sont pas menacés. Ils peuvent continuer à gâcher l’eau du monde en jouant au golf (on en dénombre plus de 700 en France, qui consomment autant d’eau que des millions d’individus) ; à se pavaner en yacht et à se rendre en jet privé à Dubaï, puis au Rwanda pour y faire du shopping, comme le nouveau gourou officiel de l’écologie, Leonardo DiCaprio (mais tout en prônant la sobriété écologique pour les autres, bien évidemment, et en compensant ses émissions de carbone grâce à des mécanismes financiers qui permettent aux riches de polluer moyennant quelques frais). N’oubliez pas de bien fermer le robinet lorsque vous vous lavez les dents. On compte sur vous. Si vous ne le faites pas, la planète sera détruite. Ce sera de votre faute, et pas de celle de Total, de BP ou d’ExxonMobil, ou de DiCaprio et de ses voyages en jets.

Mais si vous le faites, nous serons tous sauvés. Ou pas :

A l’instar du film « Demain », cet appel sera sûrement très bien relayé, comme tout ce qui alimente la soif anxieuse et grandissante de bonnes nouvelles, de rassurances, d’espoir. Cet espoir qui sert d’anxiolytique de masse, et qui permet de maintenir l’ordre, et la paix, ou plutôt la léthargie sociale, afin que les gens continuent à acheter, à travailler, à croire que nous allons collectivement nous en sortir à l’aide de bouts de ficelles, à croire que les structures sociales qui nous ont menées là où nous en sommes rendus vont également nous en sortir. A croire que les corporations vont, d’une manière ou d’une autre, faire ce pourquoi elles n’ont pas été conçues ; qu’une culture profondément toxique peut, moyennant quelques éco-gestes et autres éco-réformes, se changer en une idylle verdoyante.

Plus nous nous rapprochons de la catastrophe, plus les choses empirent, et plus le langage des rassurances mensongères diffusées par les médias de masse est excentrique. Ils promettent désormais un nouvel âge de « l’abondance », tandis que notre situation collective empire chaque jour qui passe. George Orwell comprenait également ce mécanisme qui permet à nos sociétés de s’enfoncer toujours plus profondément dans le déni lorsqu’il écrivait: « Plus une société s’éloigne de la vérité, plus elle haïra ceux qui disent la vérité ».

Terminons en revenant sur un malentendu important. Il n’y a pas de « guerres de chapelles ». Il y a des partisans du capitalisme vert qui se font passer pour des « écologistes », et il y a l’écologie, celle qui consiste à défendre le monde naturel, les humains et les non-humains, les forêts, les rivières, les fleuves, les prairies, les collines, les montagnes et les îles. Cette écologie ne fait certainement pas partie de l’Église du capitalisme vert. Les nouveaux apôtres de la religion du développement durable participent, en disant cela, à semer une certaine confusion. Clarifions. Un véritable mouvement de défense du vivant doit être anticapitaliste et décroissant. Pour la simple raison que le capitalisme et le principe de croissance sont antiécologiques. Il doit fondamentalement s’opposer à toutes les formes d’exploitations et de coercitions, et par conséquent militer en faveur des low-tech (des basses technologies). Il ne doit pas les ignorer et feindre une union totalement irréelle et contre-productive de toutes et de tous. La pensée magique et la complaisance envers l’ennemi n’ont pas leur place dans un mouvement de résistance sérieux. Le capitalisme vert n’est pas de l’écologie.

Collectif Le Partage

 

L’appel des éco-charlatans et la promotion du capitalisme vert
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U
Très bon article très complet et intéressant.
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S
★ ... un grand merci au "Zanarchiste" ;-)