★ Le communisme libertaire : une introduction

Publié le par Socialisme libertaire

Communisme libertaire


« Introduction 
Lorsque nous parlons de communisme, il faut distinguer deux choses : d’abord une forme d’organisation sociale qui est fondée sur le principe « de chacun selon ses moyens, à chacun selon ses besoins », et ensuite un mouvement réel dans le monde qui nous entoure et qui tend vers la construction d’une telle société. Dans cet article, nous allons aborder les deux sens, en commençant par le dernier, souvent moins bien connu. 

Le mouvement réel 
Dans notre introduction au capitalisme, nous présentons l’économie capitaliste, en essayant de montrer en quoi les besoins du capital – ses besoins en profit et en accumulation – s’opposent à nos intérêts en tant que classe ouvrière.

Les patron-ne-s font pression vers le bas sur les salaires, baissent les pensions, éliminent des postes, augmentent les heures de travail, intensifient le rythme de travail et détruisent l’environnement. Nous essayons d’y résister parce que nous voulons défendre notre qualité de vie contre le capital et les conditions dans lesquelles ce système économique nous oblige à vivre.

Et quand nous faisons justement ça, c'est-à-dire quand nous initions des actions directes et de solidarité pour protéger notre qualité de vie, lorsque, par exemple, nous organisons des grèves ou que nous ralentissons volontairement le rythme de travail, pour protester contre des réductions de salaires ou une augmentation de la charge de travail, nous commençons à jeter les bases d’une société d’un genre nouveau : Une société fondée sur la coopération, la solidarité qui satisfait nos besoins humains – une société communiste.

Le communisme en tant que mouvement est donc la tendance constante de la classe ouvrière à coopérer, s’entraider, à entreprendre l’action directe et à résister dans la société capitaliste.

A certains moments de l’histoire, ce mouvement politique emportait des foules d’ouvrièr-e-s, à travers d’énormes vagues d’agitation sociale et d’activisme sur le lieu de travail. Il y a eu, par exemple, des grèves sauvages post-guerre aux États-Unis, l’automne chaud en Italie en 1969, le mécontentement des britanniques en hiver de l’année 1978 ou la résistance anti-austérité en Grèce depuis 2010.

Des fois ces agitations sociales ont même débouché sur des événements révolutionnaires. Par exemple à Paris en 1871, en Russie en 1917, en Italie en 1919-1920, en Ukraine en 1921, en Espagne en 1936 et en Hongrie en 1956. Ce ne sont là que quelques unes des occasions que la classe ouvrière a saisies pour transformer la société à travers l’action collective et selon ses propres intérêts, plutôt que ceux du patronat.

A chacun selon ses besoins…
Ce monde ne manque pas de responsables ou de groupes politiques qui prétendent avoir la solution toute faite pour créer une société plus juste. Mais le communisme n’est pas quelque chose qui se décrète du haut en bas par des partis ou des individus politiques. Le communisme doit être créé, grâce à une participation massive et grâce à l’expérimentation, par nous, les travailleur-se-s nous-mêmes.

Il est d’ailleurs important de souligner que le « communisme » n’a rien à voir avec l’ancienne URSS ou Cuba et la Corée du Nord comme on les connaît aujourd’hui. Il s’agit là de sociétés essentiellement capitalistes avec un seul capitaliste : l’état. De la même manière, le communisme n’a rien en commun avec la Chine dont le parti qui gouverne le pays et qui s’appelle lui même « communiste » dirige une des nations capitalistes les plus prospères au monde.

Lors des divers événements révolutionnaires à travers l’histoire (dont certains ont déjà été mentionnés), les travailleur-se-s ont essayé la mise en pratique du communisme de différentes manières. Ils-Elles ont développé des principes selon lesquelles une société communiste pourrait s’organiser et ont créé des exemples pratiques de ce qui devient possible lorsque nous agissons ensemble dans notre intérêt de classe.

Une société sans patron-ne-s
Au lieu de laisser la propriété et le contrôle sur les moyens de productions – les terres, les usines, les bureaux etc – aux mains d’individus privés ou de l’état, une société communiste est fondée sur la propriété commune et la gestion collective de ces moyens de production. Et au lieu de produire pour l’échange et le profit, le communisme signifie de produire pour les besoins humains, y compris le besoin d’un environnement sain et sauf.

Déjà aujourd’hui, ce sont nous, les travailleur-se-s, qui produisons tout et qui dispensons tous les services nécessaires pour vivre. Nous construisons les routes, les maisons, nous conduisons les trains, nous prenons soin des malades, nous élevons les enfants, préparons la nourriture, développons de nouveaux produits, cousons les vêtements et enseignons à la génération future.

Une panoplie d’exemples nous montrent que les travailleur-se-s peuvent gérer leur lieu de travail de manière efficace, et souvent même plus efficacement qu’une organisation hiérarchique.

Un exemple récent sont les usines qui ont été reprise lors des révoltes en printemps 2001 en Argentine. A ce moment un tiers de l’industrie du pays a été placée sous contrôle des ouvriers et ouvrières. Si nous remontons plus loin dans l’histoire nous pouvons trouver d’autres exemples de gestion collective encore plus larges et importants.

Par exemple, durant la guerre civile espagnole en 1936, la majorité des industries en Espagne révolutionnaire a été reprise et gérée collectivement par les travailleur-se-s. Là ou c’était possible, les travailleur-se-s se sont encore plus rapproché-e-s d’une société communiste, en abolissant l’argent, ou en distribuant gratuitement les biens qui étaient disponibles en abondance.

A Seattle en 1919, dans un contexte de grève générale, la ville a été reprise et gérée par les travailleur-se-s. En Russie en 1917, des travailleur-se-s ont repris des usines, avant que les bolcheviques prennent le contrôle et redonnent l’autorité aux mains de patron-ne-s.

Une société sans salaires
Le communisme signifie aussi une société sans argent dans laquelle notre travail – et ses fruits – ne prend plus la forme de marchandises qui sont vendues et achetées.

Souvent les gens sont préoccupés par la question de savoir si une société communiste peut vraiment produire suffisamment pour tout le monde, sans avoir recours à la menace implicite de sanction, qu’impose le système salarial.

Encore une fois, nous disposons de nombreux exemples qui nous montrent que nous n’avons pas besoin qu’une menace de sanction ou de famine planerait au dessus de nous pour que nous nous engagions dans une activité productive.

Pendant la plus grande partie de l’histoire de l’humanité, ni l’argent, ni le travail salarié n’existaient, et le travail nécessaire était néanmoins fait.

Dans les sociétés de chasseurs-se-s/cueilleur-se-s, par exemple, qui étaient majoritairement pacifiques et égalitaires, il n’y avait pas de différence entre le travail et le jeu.

Même aujourd’hui, une quantité énorme de travail nécessaire est effectuée gratuitement. En France par exemple, malgré de longues heures de travail, notamment les femmes assument la plus grande partie du travail ménager. En plus de ça, au Royaume Uni, près de 10 % des gens réalisent des services de soin non rémunérés et 25 % des adultes en Angleterre s’engagent dans un travail bénévole une fois par mois. La valeur totale du travail non rémunéré est estimé à 11$ billions par an en 2011.

Presque tout type de travail utile imaginable est aussi réalisé par quelqu’un gratuitement, sans prendre la forme d’un « travail » salarié, ce qui montre que les salaires ne sont pas forcément nécessaires. Faire pousser des légumes, s’occuper des enfants, faire de la musique, réparer des voitures, essuyer le sol, discuter avec les gens de leur problème, prendre soin des malades, programmer des ordinateurs, faire des vêtements, créer de nouveaux produits… la liste est sans fin.

Des études ont montré que l’argent n’est pas un moyen de motivation efficace pour inciter à une bonne prestation quand les tâches sont complexes. Les gens qui ont la liberté de décider de ce qu’ils-elles font et comment ils-elles le font, tout en considérant leur travail comme constructif et socialement utiles sont les plus motivées.

Des projets concrets tel que le mouvement du logiciel libre illustrent également comment des organisations non-hiérarchiques, collectives qui poursuivent un but d’utilité sociale peuvent mieux fonctionner que des organisation hiérarchiques à but lucratif et que les personnes n’ont pas besoin d’un salaire pour vouloir produire quelque chose.

Lorsqu’il n’y a pas de but lucratif, tout progrès technique qui rend le travail plus efficace permettrait à toutes et tous de travailler un peu moins et avoir plus de temps libre, au lieu d’amener le management de licencier des gens et d’intensifier la charge de travail pour les travailleur-se-s restant-e-s (comme c’est le cas actuellement). Voici notre introduction au travail pour plus d’informations.

Une société sans État
Dans notre introduction à l’État nous définissons le gouvernement comme « organisation qui est contrôlée par une petite minorité de personnes » qui se caractérise par « sa capacité à prendre des décisions politiques et légales – et à les imposer, violemment si nécessaire”.

Si la distinction entre employeur-se-s et travailleur-se-s n’existe plus, ni celle entre pauvres et riches, une organisation de violence centralisée contrôlée par un petit nombre d’individus, n’a plus lieu d’être, ni sa police qui protège la propriété des riches et impose la pauvreté, le travail salarié et même la famine dans d’autres parties du monde. De la même manière, lorsque la recherche d’accumulation de profits aura disparu, il n’y aura plus besoin d’armées pour conquérir de nouveaux marchés et de nouvelles ressources.

Il y aura évidemment toujours besoin de protéger la population contre des individus asociaux ou violents. Mais cela pourrait se faire de manière locale et démocratique, par un corps qui fonctionne par mandats et selon le principe de rotation, plutôt que par une police qui n’a de compte à rendre à personne et dont la brutalité et même les meurtres ne sont quasiment jamais punies.

Pour prendre des décisions collectives, nous proposons par opposition à la « démocratie représentative » qui gouverne la plupart des pays, la démocratie directe. La vraie démocratie signifie plus que pouvoir élire pour quelques années une poignée de personnes (souvent riches) pour prendre des décisions politiques à notre place, tandis que d’autres décisions sont prises sans aucun contrôle démocratique dans les conseils d’administration d’entreprises, régie par la « tyrannie du marché ».

Nous pouvons organiser nos luttes par nous même, de façon autonome, en commençant par des groupes de co-travailleur-se-s, qui se réunissent en assemblée sur leur lieu de travail ou dans leur localité ou leur quartier et nous pouvons nous unir et nous coordonner en utilisant les technologies de la communication et des conseils de travailleur-se-s avec des mandats directs et révocables.

Et tout comme nous pouvons organiser nos luttes, nous pouvons aussi organiser notre société nous même, comme la classe ouvrière l’a déjà fait à plusieurs reprises dans l’histoire. Par exemple, pendant l'insurrection de Budapest en 1956, des conseils de travailleur-se-s se sont mis en place chargés de gérer différents aspects sociaux, tout en exigeant un socialisme qui se fonde sur une démocratie populaire. Plus récemment, depuis la révolte en 1994, la région du Chiapas au Mexique est gouvernée indépendamment de l’état par un système de démocratie directe, sans leader, où les mandats de d’agents publics sont limités à deux semaines.

Conclusion
Beaucoup de gens pensent que le communisme est une bonne idée mais que ça ne fonctionne pas dans le réalité. Mais ne faut-il pas commencer par se demander : « et le capitalisme, ça fonctionne ? »

Tandis que des milliards de personnes vivent dans la pauvreté au milieu d’une richesse inimaginable, et que nous fonçons droit dans une catastrophe écologique, nous pensons que la réponse à cette question est un « non » catégorique. Aucun système n’est parfait, mais nous sommes convaincu-e-s qu’il y a suffisamment de preuves qu’une société communiste marcherait beaucoup mieux que notre système capitaliste actuel pour la majorité des personnes – et peut être même pour quelques riches qui sont malheureux-ses, malgré leur fortune.

Une société communiste ne signifie pas qu’il n’y aurait plus de problème. Mais elle permettrait déjà de résoudre quelques enjeux majeurs auxquels nous sommes confronté-e-s aujourd’hui, tel que la pauvreté et la destruction environnementale, ce qui dégagerait des forces pour répondre à d’autres problèmes bien plus intéressants.

Au lieu de devoir travailler, produire et accumuler toujours plus, on pourrait trouver des solutions pour travailler moins, pour rendre le travail que nous devons faire plus agréable, pour trouver plus de joie et de satisfaction dans la vie.

Au lieu de juger de la réussite d’une société en fonction de son PIB, nous pourrions l’évaluer selon le bien être et le bonheur qu’elle procure à ses membres. Au lieu de nous connaître en tant que « collègue », « client-e », « supérieur-e », « concurrent-e », nous pourrions nous rencontrer en tant qu’êtres humains.

Celles et ceux d’entre nous qui écrivent et lisent ces mots ne connaîtrons dans leur vie peut être jamais une société véritablement communiste et libertaire. Malgré tout, le communisme en tant que mouvement réel – c'est-à-dire la lutte quotidienne pour défendre nos intérêts contre ceux du capital – contribue à améliorer nos vies ici et maintenant, et protège la planète pour nous et les générations futures. En fait, c’est le communisme en tant que mouvement réel – les combats de la vie de tous les jours pour défendre nos conditions – qui jette les bases pour une société communiste, libre et égalitaire.

Ce mouvement, que nous appelons communiste libertaire, s’est appelé en d’autres temps et lieux, « communisme anarchiste », ou simplement « socialisme » ou « communisme ». Mais ce qui compte n’est pas le nom ou l’étiquette idéologique mais son existence, non pas en tant qu’idéal futur mais en tant qu’incarnation de nos besoins, de nos désirs de notre esprit de résistance dans nos vies de tous les jours. L’esprit de résistance existe, et il a toujours existé dans toutes les sociétés et sous tous les régimes qui reposent sur l’injustice et l’exploitation ; et avec cet esprit de résistance naît aussi la possibilité d’un monde fondée sur la liberté et l’égalité pour tou-te-s. »
 

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