★ Le Fédéralisme libertaire
LE FÉDÉRALISME-LIBERTAIRE, texte publié le 2 septembre 1946.
Rapport de Pierre Besnard.
Introduction
Le présent rapport a été établi à la demande du mouvement A.P.E.L. et adopté par la Commission chargée d’étudier les problèmes économiques et sociaux. Le rapporteur a tenu compte des objections, des propositions et des suggestions formulées par les camarades faisant partie de cette Commission.
Aujourd’hui, le mouvement A.P.E.L. a disparu et l’unité de tous les libertaires est réalisée, mais l’utilité de ce rapport demeure entière. C’est pourquoi, il fut unanimement décidé de le faire paraître en brochure pour éclairer tous les camarades et les faire bénéficier du travail accompli par la Commission d’études du mouvement A.P.E.L.
Nous pensons également que ce document sera d’une incontestable utilité pour tous ceux qui s’intéressent aux problèmes économiques et sociaux, en dehors de nos milieux spécifiques, et que les arguments développés dans ce rapport sont de nature à les éclairer sur ces problèmes ardus, à les leur faire découvrir, à les comprendre et à leur donner l’idée de joindre leurs efforts aux nôtres pour la réalisation d’un ordre social supérieur et plus juste.
La Commission.
Précisions historiques
Le Fédéralisme est l’un des deux systèmes sociaux possibles et connus à ce jour ; l’autre est le Centralisme. L’opposition entre le Fédéralisme et le Centralisme est fondamentale, totale, irréductible et irrémédiable. Aucun compromis n’est possible entre eux. Si on emploie l’un, on va vers un but désigné d’avance ; si on applique l’autre, on est sûr d’arriver au but diamétralement opposé.
Pour la clarté de cet exposé et des débats qu’il ne manquera sans doute pas de susciter, il me paraît nécessaire d’apporter ici quelques précisions historiques indispensables à ma démonstration. Ces précisions sont les suivantes .
1° Beaucoup s’imaginent, de la meilleure foi du monde, que le Centralisme a toujours existé ;
2°’ Un certain nombre d’autres - ou les mêmes - croient, avec une égale bonne foi, que le Fédéralisme n’a jamais fonctionné nulle part ;
Tous sont dans l’erreur et voici pourquoi :
L’un et l’autre ont, au contraire, existé, mais ils n’ont jamais coexisté dans un même pays. On peut ajouter aussi que là où il existait le fédéralisme, c’était le progrès et la vie ; que là où existait le centralisme, c’était la paralysie rapide et la mort qui s’ensuivait. Et, chaque fois, pour imposer leur volonté, les puissants du moment ont employé le centralisme pour abattre le Fédéralisme, faire stagner le progrès, engendrer la paralysie sur laquelle ils édifiaient leur dictature, et la mort en était la conséquence pour les peuples. Il convient donc de donner ici des renseignements qui éclaireront ce problème et permettront de faire le point de la question.
C’est en plein -moyen-âge, l’âge noir, comme se sont plu à l’appeler certains historiens, plus empressés de plaire à leurs maîtres que de dire la vérité, que le fédéralisme est né, à Florence, sur les bords de l’Arno.
En l’An mil, la croyance en la fin de ce monde était générale. Les hommes de cette époque avaient abandonné toute activité : les paysans ne cultivaient plus leurs champs et se nourrissaient de racines, les commerçants avaient fermé leurs boutiques où il n’y avait d’ailleurs plus rien ; les intellectuels eux-mêmes avaient quitté leurs études. La misère était générale et effroyable.
Cependant l’An mil passa et la fin du monde ne se produisit pas. La vie reprit son cours et elle a de telles exigences qu’il fallut bien que l’activité des hommes se manifestent à nouveau. Elle mit pourtant plus de soixante années avant de retrouver son caractère normal, et c’est à Florence, en 1063, que cette vie nouvelle fit son éclosion.
Pourquoi ce fut-il à Florence et non ailleurs ? Parce que c’est là que s’étaient réfugiés les rares foyers intellectuels qui subsistaient encore, principalement dans les monastères où Charlemagne avait plus spécialement créé ses centres de culture.
Grâce à l’historien anglais Staley, on peut dire aujourd’hui que Florence fut non seulement le point de départ -’d’une civilisation nouvelle, mais encore le lieu de naissance - du fédéralisme, sous sa forme syndicale et coopérative, qu’il s’agit précisément de réaliser pleinement maintenant, si on veut que le monde échappe au chaos et à la barbarie.
La Commune-République de Florence, fut, en effet, une commune syndicale, par excellence et coopérative de fait. Son rayonnement fut énorme et Florence devint le phare qui éclaira l’Europe de 1063 à 1536. Elle atteignit son apogée de 1250 à 1350 ; puis elle déclina peu à peu, sous l’action conjuguée de ses clercs, de ses “ grandi “ , de ses banquiers, de ses conspirateurs alliés, comme toujours, à leurs pareils du dehors. Il devait appartenir à Alexandre de Médicis et à Machiavel de s’unir pour la faire disparaître, en 1536, après que la découverte de l’Amérique eût, en partie, détourné d’elle l’attention des peuples du vieux continent qui, pourtant, lui devaient -toute institution, culture, arts et sciences.
Cependant le retentissement et les conséquences de l’expérience poursuivie pendant quatre cent soixante-dix-neuf ans par la Commune-République de Florence furent` énormes et, malgré la conspiration du silence, sont parvenus jusqu’à nous. -
C’est de Florence que sont parties successivement la Renaissance italienne, la Renaissance française, la Réforme, la Révolution française - dont les Encyclopédistes furent les initiateurs - et elle devint, Par la suite, la mère de toutes les révolutions du XIX et XX siècle, en Europe et ailleurs.
Son prestige fut si grand qu’il subsiste encore de nos jours. C’est ainsi qu’en 1940, le président Roosevelt ayant entendu parler de la vie syndicale et coopérative, du régime communaliste et fédéraliste de Florence, envoya, pour se renseigner sur place, à la source et à la lueur des documents de l’époque, un ambassadeur extraordinaire, M. Myron Taylor, pour étudier cette vie si curieuse à tant de titres. Cet ambassadeur se fixa à Florence et dépouilla les archives syndicales de la Commune-République. Il ne tarda pas à confirmer tout ce que Staley avait écrit à ce sujet. Il s’y trouve encore, si je ne m’abuse et il continue ses études, qui le passionnent d’ailleurs, comme j’ai eu l’occasion de l’apprendre par l’un de mes amis anglais, ancien haut fonctionnaire de la Société des Nations et homme d’expérience.
De son côté, l’Église romaine s’est intéressée d’une façon toute particulière à la vie de Florence su moyen-âge. Elle essaye aujourd’hui d’utiliser cette expérience, pour tenter d’en faire surgir, après modifications conformes à se doctrine toujours en mouvement, une conception sociale en harmonie avec son évolution.
Telles sont les références historiques du fédéralisme. Elles sont généralement ignorées en France, où les historiens qui se sont penchés sur le moyen-age l’ont sciemment défiguré. à partir de la prise de Rome, par les Barbares, en 450. Pourtant cette époque fut, à bien des égards, l’une des plus belles de l’histoire humaine. A peine d’un de ses historiens, Augustin Thierry en parle-t-il en homme probe, mais les contempteurs du moyen-âge, qui restent encore très nombreux parce que non-éclairés, ont su rendre l’œuvre de cet auteur introuvable en notre pays.
Heureusement due d’autres historiens honnêtes, appartenant à d’autres pays et plus particulièrement à l’Angleterre, ont soulevé le voile et restitué su moyen-âge son vrai visage, qui est non pas noir, mais resplendissant de lumière et de vérité. Pour sa part, Staley, écrivain bourgeois s’il en fut, mais honnête homme avant tout, a largement contribué à faire surgir cette vérité par son Histoire de la République de Florence, qui nous éclaire parfaitement.
Machiavel a eu beau écrire, lui aussi. une Histoiré de Florence pour justifier son crime contre le fédéralisme, il n’abuse personne parmi ceux qui sont renseignés, pas plus d’ailleurs que son pâle émule, Benito Mussolini, qui prétendait appuyer soen régime fasciste sur l’expérience florentine. Ces deux forbans sont. jugés et disqualifiés par l’histoire lointaine ou proche.
Mais qui sait tout cela ? Personne ou presque. Il faut donc le dire, le vulgariser, le crier, sur les toits au besoin.
En vérité, c’est la création de l’unité territoriale - par la force - des deux plus grands pays européens la France et l’Angleterre, unifiés par Louis XIV et Cromwell au xvii siécle, qui mit filn définitivement au fédéralisme réel sur le vieux continent.
C’est donc en France et en Angleterre que prit naissance presque simultanément, le centralisme moderne, le seul qui nous intéresse en ce moment. il se manifesta sous sa forme politique et étatiste d’abord ; puis il devint économique, impérialisme et colonialiste, industrialiste. financier et, en définitive... gangstériste. On sait le reste. Nous avons actuellement sous les yeux la preuve irréfutable de tous ses méfaits.
Aujourd'hui, il est devenu le centralisme oligarchique, dont les trusts, les cartels sont les agents et la haute banque le cerveau malfaisant. C’est lui qui nous a valu toutes les grandes guerres, toutes les expéditions coloniales, tous les conflits sociaux depuis son lointain avènement. Et ce n’est pas fini, si nous ne parvenons pas à mettre fin à ses exploite.
Incapacité du centralisme
Présentement, le centralisme est incapable, par sa structure et la contradiction de ses faux intérêts, de résoudre aucun des grands problèmes Qui se posent sur tous les terrains et, plus spécialement, sur le plan économique, administratif et social, devant les hommes de notre époque, depuis 1913, pour ne pas remonter aux calendes.
Il faut, en effet, considérer qu’aux problèmes qui se posaient déjà en 1913, avant la première guerre mondiale, sont venus s’ajouter ceux que l’entre-deux-guerres nous a légués et enfin tous ceux, innombrables et pressants, qui sont ou seront les conséquences de la guerre qui s’achève et peut d’ailleurs nous réserver des surprises très désagréables, si on en juge par ce qui se passe en ce moment.
Sur le plan économique et financier. - A aucun moment, le centralisme n’a été capable de résoudre les difficultés qui se sont révélées. Par ses méthodes empiriques, son défaut d’organisation réelle, il n’a réussi qu’à engendrer une succession de crises industrielles, de faillites commerciales qu’on renonçait à chiffrer en 1938, de krachs de plus en plus retentissants,. comme celui de New York en 1929, dont l’aboutissement ne pouvait être que la guerre.
Sur le plan politique. - Il a essayé, par une tactique qu’il croyait habile, de ne pas payer le prix de ses erreurs et de ses fautes, en tentant d’instituer, partout où il le pouvait : en Italie, en Autriche, en Allemagne, en Argentine, dans les pays balkaniques, etc., des régime totalitaires, expression ultime de sa doctrine, si tant est qu'il en ait est une. Là aussi son échec fut complet et il ne subsiste plus que des vestiges du fascisme, un peu partout encore, même dans les pays dotés d’une Constitution soi-disant fédérale, comme les États-Unis et la Suisse, par exemple. On peut dire qu’il a tout rongé et détruit, là où il s’est produit. Et pour des siècles, peut-être.
Sur le plan social. - Il a engendré le “ mal du siècle : le chômage, pour l’appeler par son nom, comme dit notre bon La Fontaine ; ce chômage frappait avant la guerre, partiellement ou totalement, 100 millions de familles, soit environ 100 millions d’individus, c’est-à-dire plus d’un sur six des habitants de la planète.
Toutes les méthodes centralistes : la rationalisation, la normalisation, la standardisation qui, intelligemment appliquées dans un autre cadre et sous un autre système, auraient pu donner des résultats profitables à l’homme, n’aboutirent qu’à créer un état de crise générale et permanent, une sous-consommation qu’on s’efforçait de faire passer pour une crise de surproduction, la fermeture des grands marchés mondiaux et, partant, la paralysie chaque jour plus grande de l’activité de l’économie mondiale qui ne fonctionnait plus qu’à l’extrême ralenti, à la veille de la guerre. C’est de cet état de choses qu’est sortie la guerre.
Tel est grosso modo, succinctement dressé, le bilan du centralisme oligarchique que nous sommes en train d’analyser. Et, d’ors et déjà, on peut craindre que ce soit pire demain,
si nous le laissons faire encore pendant un certain temps, car la guerre rode de nouveau et peut éclater d’un moment à l’autre.
A nos yeux et à ceux de toutes les personnes de bonne foi renseignées, de tous ceux dont le bon sens naturel n’est pas obnubilé par un intérêt sordide et malfaisant, le centralisme est condamné comme système social.
Il est grandement temps de lui substituer : le fédéralisme qui lui, au moins, garantit la paix entre les nations et les hommes et une organisation rationnelle des rapports humains et collectifs, selon les exigences d’une saine justice sociale, sur le triple plan administratif, économique et social.
Le Fédéralisme
Sa définition. - Ses principe
Le fédéralisme est d’origine populaire et de la meilleure essence démocratique, à l’inverse du centralisme qui est régalien, par tradition originelle, et dictatorial dam son comportement.
Le fédéralisme part de l’homme pour, en définitive, retourner à l’homme, après avoir accompli un cycle complet. Au contraire, le centralisme va du nombre à l’unité par un seul courant qui part du sommet pour arriver à la base.
Le fédéralisme fonctionne donc de bas en haut, tandis que le centralisme fonctionne de haut en bas, sans consultation préalable.
Le fédéralisme établit l’intérêt général par voie de consultation d’échelon en échelon, le centralisme l’impose sans le déterminer, ni le discuter.
Le fédéralisme est un système souple, cohérent, dont tous les rouages sont identiques et ne différent entre eux que par l’étendue des attributions. Le. centralisme est un système raide, dont la cohésion - quand elle se produit - est imposée par la force. Ses rouages sont toujours dépendants du sommet et n’ont aucune élasticité ; ils ne peuvent“ donc se conjuguer, ni répondre à une action limitée et indépendante. Il est forcément dictatorial, par essence et définition.
De la base au faite, soit directement, soit indirectement, soit par l’homme ou les institutions que se donne celui-ci le fédéralisme repose exclusivement sur l’individu, considéré à la fois comme unité sociale ou unité de production et de consommation.
Dans le fédéralisme, l’homme est un être pensant ; dans le centralisme, il n’est qu’un numéro matricule, un automate, un “ robot ” qui obéit aux ordres du haut.
Dans le système fédéraliste, quand l’homme transmet ou délègue tout ou partie de ses droits à des mandataires, individuels ou collectifs, ce n’est qu’après discussion et
accord précis, sous contrôle permanent et sévère. Il peut, à tout moment, révoquer son mandataire et le remplacer.
Dans le centralisme, il n’a aucun pouvoir à transmettre, Car il n’en a pas. Si on lui désigne des représentants, il est obligé de des conserver, quelque désir qu’il puisse avoir d’en changer.
En un mot, dans le fédéralisme, l’homme est tout ; dans le centralisme il n’est rien. .
Il en va de même en ce qui concerne les collectivités restreintes ou intermédiaires.
En régime fédéraliste, ces collectivités, qu’elles soient sociales ou de travail, confient la défense de leurs intérêts, des principes qui les animent, des tactiques qu’elles désirent
employer, à des mandataires, mais après discussion et décision prise librement.
En régime centraliste, elles n’ont mot à dire et doivent s’incliner purement et simplement. C’est le centre qui décide pour elles.
Dans le fédéralisme, les mandataires sont aussi libres que les mandants. Ils peuvent accepter ou refuser le mandat qu’on veut leur confier ; mais s’ils l’acceptent, ils doivent le remplir strictement et rendre compte de celui-ci à ceux qui les out mandatés. Ces derniers ont tout droit de dire si oui ou non le mandat a été respecté, d’approuver ou de désavouer le mandataire.
Rien de pareil n’existe dans le centralisme. On se contente, quand ça ne gêne personne, ni surtout l’organisme supérieur, de dire ce qui a été fait sans se soucier d’un désaveu possible.
Ses buts.
Les buts du fédéralisme tendent vers la solidarisation d’intérêts exprimés et, préalablement défendus par les intéressés : individus ou collectivité.,
Le but essentiel est l’institution d’une communauté libre, dans toute la mesure du possible. Il le recherche dans un compromis entre la liberté de chacun et la liberté de tous, dans l’exercice de cette liberté individuelle et la nécessité de la fonction syndicale, administrative et sociale, suivant le cas. Il vise à l’établir par le garantisme que donne cette fonction exercée, comme il est indiqué plus haut, et à lui donner force et vie par le Contrat fédéral, qui en est la forme juridique.
Ce contrat social, comme l’a dit Proudhon, vise à “ abandonner un peu pour recevoir plus ” ou, comme l’a précisé Chaudey, “ à donner peu pour recevoir davantage ”.
En un mot, en régime fédéraliste, la liberté et les droits de chacun sont consacrés par la liberté et les droits de tous. Le fédéralisme est un mouvement naturel. “ On ne comprendrait pas, a dit Proudhon, que le fédéralisme ne se fasse pas tout seul et qu’il faille un catalyseur quelconque pour le réaliser. ” Par le fédéralisme, on va aussi facilement de la base au sommet que du sommet à la base, parce que ce système est composé d’organismes toujours semblables et, par conséquent, homogènes.
On peut aller aussi facilement de l’homme à la collectivité la plus étendue, que de celle-ci à l’homme, parce que tout, dans ce système, se lie parfaitement, s’enchaîne
et se tient, que les buts particuliers et généraux sont identiques et ne se différencient que par l’expression de leur grandeur.
Le fédéralisme est donc un tout, mais:un tout dans lequel trouvent place les particularités de tous et de chacun.
Il s’applique à toutes les collectivités, quelle qu’en soit l’ampleur, avec la certitude de pouvoir les satisfaire toutes. Il tend à libérer l’homme de toutes les servitudes qui pèsent sur lui, à donner aux institutions un tel caractère que le développement naturel de l’homme sur tous les plans ne soit entravé par rien, à faire de lui le commencement et la fin de tout, à proclamer sa valeur universelle, à faire de lui aussi la commune mesure de toutes les actions, à ramener tout à lui pour son bien-être et son bonheur.
Il serait souhaitable qu’il adoptât une mystique : la mystique de l’homme, et que, dans sa phase de propagande, il proclamât que l’homme est supérieur à toutes les entités artificielles, au nom desquelles on le dépouille, l’enchaîne et le brime. Il serait grand temps qu’on proclamât ses droits, après l’avoir chargé toujours de devoirs sans droits. Enfin, il serait bon d’opposer cette mystique, qui engendre l’idéal et détermine la vocation au bien, aux mystiques centralistes et totalitaires, qui ont réduit l’homme à un pion qu’on pousse sur l’échiquier au gré des désirs, des fantaisies au des expériences qu’on fait sur lui, sans lui demander son consentement.
Et comme la théorie n’est que l’expression d’une pratique, il sera nécessaire, par conséquent, que la propagande devienne la réalité et que l’action matérialise concrètement celle-ci.
Son fonctionnement.
Le fédéralisme fonctionne à l’aide de deux courants. Le premier va à la base au faite ; le second, du faite à la base, le tout sans arrêt. Le premier courant comporte la discussion et la décision. Le second, l’action seulement.
.
Là discussion a pour but d’éliminer ce que peuvent avoir d’excessif les intérêts particuliers et de faire surgir l’intérêt général au premier degré dans la cellule de base. De proche en proche, de rouage en rouage, d’échelon en échelon, jusqu’au sommet, l’intérêt particulier est décanté et purifié et donne naissance, en définitive, à un véritable intérêt général, qui devient celui de la collectivité tout entière. Il en est de même pour l’établissement et la détermination des principes et des tactiques.
C’est ainsi que se crée, en partant de la base pour arriver au sommet, une succession d’organismes de délibération, dans le sens le plus large du mot, qui expriment expressément la pensée exacte, l’intérêt commun ou la tactique appropriée : dans tous les cas, qu’il s’agisse d’une localité, d’une région, d’un pays, ou de l’univers lui-même [si, ?], par un accord fécond, les peuples peuvent parvenir à constituer un ordre fédéraliste international, à l’aide d’une Société des Peuples.
J’insiste sur ce point, parce que des disciples de Proudhon - qui osent se dire les seuls et les vrais continuateurs de sa pensée exacte - prétendent qu’un ordre social fédéraliste européen est impossible autrement que par le canal des fédérations régionales continentales. A mon avis, depuis la mort de Proudhon, en 1863, le temps a marché non à petits pas, mais à larges foulées de plus en plus précipitées. Même s’il a vu juste, pour son époque, Proudhon ne pouvait deviner ni l’avenir, ni ses exigences. Tout, su plus, pouvait-il pressentir celles-ci et celui-là.
C’est donc moins dans sa lettre que dans son esprit, qu’il faut essayer de comprendre ce qu’il a voulu dire et le mieux consiste, sans doute, à développer sa pensée profonde en ligne droite, sans rechercher les chemins ombreux et confortables qui souvent conduisent à l’inverse du but. Je précise à ce sujet, parce que Charles-Brun et Hennessy avaient voulu voir, dans la réalisation de certains trusts - 29 exactement - une matérialisation du fédéralisme.
Après cette digression, que je ne crois pas totalement inutile, revenons-en maintenant au fonctionnement des deux courante ascendant et descendant, dont je parlais il y a un instant, et en particulier le courant descendant, puisque nous venons de voir comment se comporte le courant ascendant. . .
Le mouvement ascendant nous a conduits de la base au faite. Il appartient au mouvement descendant .de nous ramener du faite à la base pour que nous puissions accomplir un cycle complet : boucler la boucle. Voici comment : le mouvement ascendant a permis de définir l’intérêt général, les principes et les tactiques. Le mouvement descendant doit nous permettre de les matérialiser, pour l’action à tous les degrés et sur tous les plans, en toute chose. Comment y parviendra-t-il ? En dégageant de la synthèse établit au sommet une formule générale valant pour l’ensemble de l’organisation, quelle qu’elle soit, quels qu’en soient le but et les caractéristiques de celui-ci.
Comme cette action est pratiquement impossible par le seul jeu des rouages de l’organisation et que ce sont les hommes qui auront charge de matérialiser l’action décidée,il faudra nécessairement en revenir à eux, en définitive, selon un processus que je vais indiquer immédiatement. Voici comment on procédera pour obtenir ce concours indispensable :
L’organisme du sommet désignera, selon les décisions du Congrès, souverain en la matière, puisqu’il est l’émanation de toutes les parties de la masse populaire, la formule générale d’action et la transmettra à l’échelon immédiatement au dessous : la Région.
Celle-ci l’appliquera sur son plan particulier, en tenant compte, à la fois, et de la formule générale elle-même et des nécessites spéciales de sa propre région. De là, sortira donc une formule souple et complète qui tiendra compte des intérêts généraux et régionaux.
La Région agira de même avec les localités qui la composent et donnera à celles-ci la formule d’action régionale, à laquelle viendront s’adjoindre les propres nécessités de la localité, qui peuvent varier à l’infini.
Et, à leur tour, les localités au les syndicats, selon le cas, donneront force et vie, par l’action de leurs membres, individus, producteurs et consommateurs, à une formule d’action locale, dont tous les participants auront eu connaissance au préalable, puisqu’ils en auront délibéré, et auront pour devoir d’en assurer le succès.
C’est ainsi que, partis du sommet, nous serons revenus à la base, à l’homme, cariatide du système et base essentielle du fédéralisme. Par le jeu de ce système social complet, nous aurons ainsi bouclé la boucle et accompli le cycle nécessaire au fonctionnement du fédéralisme.
A ce sujet, je tiens d attirer très fortement l’attention des partisans et des défenseurs du fédéralisme sur les points suivants : pour remplir toutes ses tâches, le fédéralisme exige de tous, individus et groupements, que chacun remplisse très scrupuleusement le travail qui lui incombe. Si l’un d’eux, n’importe lequel, ne le faisait pas, c’est le voisin.ou l’échelon supérieur qui devrait suppléer à sa carence ou à son indolence.
Qu’adviendrait-il alors ? Ceci :
1° L’atrophie de l’organisme défaillant, puis la préalable et la mort, si cette situation persistait ;
2° L’hypertrophie de l’individu ou de l’organisme voisin ou supérieur de remplacement qui accomplirait, en plus de sa tâche, celle de l’organisme inférieur ou du voisin paresseux. Au bout d’un certain temps, il serait, lui aussi, frappé de paralysie, en raison du cumul des besognes qu’il accomplirait.
On voit donc, dans un système fédéraliste, tout l’intérêt qu’il y a à ce que chacun accomplisse le travail qui est le sien. Et cela intégralement et toujours, sans le concours de personne d’autre, ni d’aucune organisation supérieure.
Il convient encore d’ajouter ceci : le fait, pour un organisme supérieur, d’accomplir les tâches qui ressortissent à un organisme inférieur a pour conséquence de placer celui-ci en état de dépendance vis-à-vis de celui-là. Il crée, par la force des choses, une sorte de hiérarchie et un état éminemment propice à la naissance d’une dictature de fait, qui ne demander qu’à s’accroître, si cette situation persiste et, surtout, se développe.
Ceci crée de proche en proche un terrain fertile pour le développement d’un système centraliste, qui ferait passer de vie à trépas l’organisation fédéraliste si on n’y prenait garde. Il faut donc à tout prix, si on veut vraiment éviter une telle chose, qui marquerait un retour en arrière absolument funeste, que tous et chacun remplissent absolument les tâches qui leur sont dévolues ; qu’ils appliquent intégralement les décisions à l’élaboration desquelles ils auront participé et qu’ils auront reconnues nécessaires pour le bien commun.
La loi de la majorité
Toutes les assemblées, tous les groupements délibèrent selon une certaine loi qui a pris le nom de loi de la majorité. Cette dernière est beaucoup critiquée et elle est certes, critiquable. Mais est-il possible de sen passer, de lui substituer un autre mode de
délibération ? C’est le problème à résoudre et ce n’est pas facile.
On peut, évidemment, dire que la loi du nombre n’est pas toujours l’expression, même mathématique, d’une majorité certaine, compte tenu des abstentions ou de ceux qui sont éloignés du scrutin pour des motifs divers. C’est exact, mais on tire souvent cette conclusion erronée que, la majorité qui est exprimée n’est en réalité qu'une minorité et ceci est moins exact. Rien ne prouve en effet, que les abstentionnistes ou les non participants eussent abondé dans le sens de la minorité. Il faut donc s’en tenir aux faits eux-mêmes. C’est le plus juste et le plus sage.
On ajoute aussi souvent que les majorités ont toujours tort et les minorités toujours raison et ceci n’est pas l’expression certaine de la vérité.
En réalité, les majorités et les minorités n’ont jamais totalement raison ni complètement tort et c’est cette constatation qui devrait les inciter, par voie d’ententes loyales,
à rechercher l’unanimité, dans une vérité relative aussi exacte que possible.
Il en serait souvent ainsi, si la passion qui fait commettre tant d’erreurs ne s’en mêlait et ne creusait un fossé entre les deux, alors qu’un simple sillon les sépare en bien des cas.
Mais la passion existe presque toujours et crée des situations qui ne permettent plus à la majorité et à la minorité de s’entendre et de collaborer loyalement.
La sagesse commande donc de faire appel à un arbitre, c’est-à-dire à la loi de la majorité, qui départage numériquement et la majorité et la minorité, puisqu’il faut agir
et réaliser par l’adoption d’une solution, bonne ou mauvaise.
Que la majorité se compose de l’unanimité moins un ou de la moitié plus un, il n’y a là qu’une question de degré et non de nature, qui ne saurait l’altérer, dans son principe et son application.
Pratiquement, l’importance de la majorité ne peut conseiller à celle-ci qu’une prudence plus ou moins grande dire ses actes, selon cette importance.
En ce qui concerne les minorités, il convient d’ailleurs de discerner. Il y a, presque toujours, deux, sortes de minorités : une minorité d’avant-garde et une minorité d’arrière garde ; une minorité qui regarde vers l’avenir et une autre qui porte les yeux seulement vers un passé révolu.
La minorité d’avant-garde peut être sûre de son destin : elle deviendra un jour majorité, et de ce fait, donnera normalement naissance à une nouvelle minorité qui, à son tour, deviendra elle-même majorité. Ainsi se perpétue dans le temps et s’achemine normalement vers le but tout mouvement ou tout groupement libre et indépendant. Il en est de même de toute société en constante évolution naturelle.
Il en va autrement avec uns minorité d’arrière-garde, tournée exclusivement vers le passé, qui reste partisan de ce qu’il faut détruire et remplacer. Une telle minorité est pesante, paralysante même. Elle oblige la majorité à ralentir exagérément sa marche vers des solutions qui s’imposent ; elle la freine même complètement parfois et c’est désastreux. Cependant, elle a une certaine utilité : celle de faire réfléchir davantage la majorité, avant que celle-ci fasse choix de sa route, de son action et de ses moyens de réalisation.
Mats on ne rallie jamais complètement, ni souvent partiellement, une minorité de cette nature et il arrive un moment où il faut carrément passer outre à son opposition.
Comment faire, si on ne fait pas intervenir la loi du nombre, qui ne crée pas la vérité, mais vient opportunément à son secours ?
La pire des choses qui puisse se produire, c’est la conjugaison des efforts de deux minorités de sens contraire, pour faire échec à une majorité, car elles n’ont et ne peuvent avoir rien d’autre de commun qu’un désir malsain d`opposition. Dans ce cas encore, seule la loi de la majorité peut permettre de sortir de cette situation, inextricable par ailleurs.
Je crains que les divers situations que je viens d’exposer ne se produisent encore longtemps et que, partant, les hommes demeurent incapables de délibérer sous le signe de la compréhension, de la sagesse et de la bonne foi, qui engendrent la tolérance et devraient guider les individus vers des solutions rationnelles aussi justes que possible. C’est donc dire qu’en dehors de la loi de la majorité, je ne vois rien qui soit de nature à résoudre un problème qui ne peut trouver sa solution dans l’unanimité.
Maintenant, deux questions se posent : comment la minorité doit-elle se comporter à l’égard de la majorité ? Quels sont les devoirs et les droits de chacune d’elles ?
A mon avis, l’opposition de la minorité doit être loyale, critique, mais constructive. Dans le cas contraire : elle ne peut être que stérile et néfaste. Ses droits, elle les tiendra de l’exécution de ses devoirs. ils seront en rapport direct avec l’accomplissement de ces derniers, il faut donc essayer de fixer ses devoirs qui détermineront ses droits.
A mon opinion, si une discussion claire, loyale, honnête, a précédé la décision prise à la majorité la minorité doit s’incliner de bonne grâce et prêter son concours à la majorité pour l’exécution de l’action décidée.
Celle ci conduite à son terme, et une nouvelle assemblée ayant décidé de délibérer sur la même question ou sur toute autre, la minorité, ayant accompli son devoir, conserve l’intégralité de son droit à faire triompher sa conception et, forte de son action, peut essayer de faire évoluer le mouvement ou le groupement vers la fin qu’elle se propose d’atteindre ; qu’elle atteindra certainement, si cette action es déroule toujours loyalement dans le même sens, dans la clarté et la logique.
Une minorité hargneuse, critiquant pour critiquer, boudant de surcroît à la besogne nécessaire pour assurer le salut de tous, est d’avance condamnée à disparaître, sans laisser d’autres traces que celtes de ses dégâts.
Telle est, sommairement exposée, ma conception de la loi de la majorité, des droits et des devoirs d’une minorité et de la conduite d’une majorité.
Les rouages nationaux et fonctionnels du fédéralisme
Les rouages du système fédéraliste doivent être de nature à lui permettre d’œuvrer sur les trois plans suivants : économique, administratif et social.
Pour des raisons qui nous sont inspirées par la nécessité de mettre les valeurs en place et de préférer la réalité constante aux constructions qui en découlent, nous pensons que le plan économique est l’essentiel, parce qu’il représente cette réalité de façon concrète et indiscutable.
Nous pensons qu’il est normal qu’un pays ait l’administration et le social de son économie, mais que la réciproque n’est pas exacte. L’économique est l’expression de besoins réels, de possibilités de vie existantes. L’administration n’est que la conséquence de tout cela et le social est l’expression de l’économique et de l’administratif, exactement traduits dans les faits. Ceci ne veut nullement dire que les facteurs de vie sont classés selon une certaine hiérarchie subordonnant celui-ci à celui-là et comportant une autre discipline que celle qui est imposée à tous par les nécessités. Mais cela a pour but de mettre chaque chose à sa place, à sa vraie place, et de permettre de raisonner concrètement sur les problèmes que chaque ordre doit résoudre et nous avec lui.
Sous le bénéfice de ces observations, il est certain qu’il est indispensable d’organiser chacun des trois ordres séparément d’abord, puis de les faire communiquer entre eux par des liens parallèles qui en assureront la cohésion dans le travail. Cette communication devra elle-même être établie, de la base au faite du système fédéraliste et avoir liait sur les trois plans suivants : localité, région et nation.
Nous écartons en effet, volontairement de nous préoccupations le plan départemental parce qu’il ne correspond à rien, à aucune réalité ni d’aujourd’hui, ni d’hier, ni de demain. Voici pourquoi : lorsque la Constituante jugea bon. en 1790, de former les départements, puis les arrondissements et les cantons, elle n’eut en vue que d’instituer une série d’entités parcellaires, expression réduites de l’État et de placer à la tête un représentant de celui-ci : préfet, sous-préfet ou délégué cantonal ; lequel avait charge de représenter partout, en toutes circonstances, le pouvoir central et d’assurer l’exécution des volontés de celui-ci. Ceci ne nous intéresse en rien et nous le négligeons, parce que la chose n’a aucune importance pratique.
Plan local
En premier lieu, il s’agit donc d’organiser la localité sur le plan économique, sous la forme de syndicats, de coopératives, pour assurer les besoins de la consommation, la répartition, l’échange, la distribution et l’exportation.
Les syndicats grouperont les producteurs, sur la base industrielle, la seule qui corresponde aujourd’hui aux nécessités modernes.
Les coopératives de consommation rassembleront les usagers des produits, objets et services collectifs, par catégorie.
Les groupements de consommateurs auront pour tâche de renseigner les syndicats de producteurs par des statistiques précises qui permettront de chiffrer les besoins et d’en indiquer le lieu, dans toute leur diversité et leur étendue. Ils seront les agents de renseignements de l’économie.
Connaissant aussi exactement que possible les besoins à satisfaire, les syndicats ordonneront leur production dans le sens convenable à leur satisfaction. Ils seront les ordonnateurs de l’économie.
La diversité de ces besoins, leur importance exigeront que les efforts des syndicats soient coordonnés, afin de pouvoir assurer au mieux les tâches de régulation, de répartition, de distribution et d’échanges. Cela incombera au Conseil économique local qui sera le coordinateur de l’économie, sur son plan.
Nous aurons donc, à l’échelle locale, sur le plan économique :
1) Les organismes de base (syndicats et coopératives de consommation) ;
2) L’Union locale des syndicats, organisme de coordination des activités productrices ;
3) Le Conseil économique local, appareil de coordination générale de la production et de la consommation, au sein duquel seront représentés tous les intérêts en cause.
Naturellement, tous ces rouages fonctionneront selon les principes du fédéralisme.
Sur le plan administratif, toujours à l’échelle locale, nous aurons la Commune, cellule de base de la vie administrative, dont l’étendue sera déterminée par le rayonnement de l’Union locale des syndicats. C’est à la Commune et à l’Union locale des syndicats qu’il appartiendra, chacune sur son plan, d’assurer la vie de la localité et de donner naissance à son ordre social et à ses institutions pour l’assurer pleinement.
De même que l’Union locale sera administrée par une commission administrative, choisie par les intéressés et un bureau issu de celle-ci, la Commune sera gérée par un Conseil communal et un bureau choisi de la même façon. Bien entendu, Commission administrative et Conseil communal, et bureaux des deux assemblées seront sous le contrôle permanent de ceux qui les auront nommés et révocable par eux à merci.
Enfin, en raison des interférences, des chevauchements inévitables qui se produiront , que les problèmes provoqueront eux-mêmes, d’un plan à l’autre, il est nécessaire d’instituer un rouage coordinateur à l’échelle locale, qui aplanira les difficultés qui surgiront dans la pratique. Ce rouage devra être composé en nombre égal de représentants des producteurs, des consommateurs et de la Commune, pour résoudre tous les problèmes qui leur seront communs et exigeant une solution d’intérêt général.
Sur le plan social, il sera nécessaire d’instituer tous les services relatifs a la vie sociale. Ceux-ci nous paraissent être les suivants, sous la forme d’offices spécialisés : habitation, éducation et loisirs, assistance sociale et hygiène, santé, urbanisme et travaux publics, statistiques générales, voies et moyens de communication, sécurité, relations extérieures ; d’autres encore seront sans doute indispensables. Ce sont les nécessités qui les révéleront.
Naturellement, tous les rouages de la localité sont des rouages de base, au premier échelon. Ils devront trouver leur extension sur le plan régional d’abord, sur le plan national ensuite, mais tous fonctionneront de la même façon, selon les mêmes principes et pour les mêmes buts.
Plan régional
Par extension naturelle des organismes de base, nous aurons sur le plan régional, les rouages suivants :
1) L’Union régionale des syndicats, qui. Groupera tous les syndicats industriels, rassemblés préalablement au sein des unions locales ;
2) La Fédération régionale des consommateurs ;- qui groupera les consommateurs réunis au préalable au sein des sections locales de consommateurs ;
3) La. Fédération régionale des communes, dont la région sera le premier lien fédéral.
L’Union régionale des syndicats, la Fédération régionale des Communes et la Fédération régionale des consommateurs délibéreront séparément pour résoudre leurs propres affaires.. Elles se réuniront ensemble, au sein d’un conseil des travailleurs, formé de leurs délégués en nombre égal, pour apporter des solutions aux problèmes qui leur sont communs. Ce Conseil sera présidé à tour de rôle par les secrétaires généraux.
Les rouages techniques régionaux seront les suivants :
a) Le Conseil régional économique, composé des représentants des fédérations industrielles existant dans la région des délégués des unions locales, des mandataires de la Fédération régionale des consommateurs. Il sera présidé par les secrétaires généraux des trois organismes .à tour de rôle.
b) La Fédération des syndicats industriels, qui groupera les syndicats industriels, sur le plan technique. Elle sera représentée au Conseil régional économique.
c) La Fédération des offices sociaux, qui sera composée des offices sociaux locaux, qui enverront leurs représentants à la Fédération régionale.
Plan national
Nous aurons par extension du plan régional, les rouages suivants, sur le plan national :
1) La Confédération générale du travail, qui rassemble dans son sein tous les syndicats, préalablement fédérés, au sein des unions locales, des unions régionales et des fédérations industrielles ;
2) La Confédération nationale des consommateurs qui réunira tous les consommateurs, groupés dans les sections locales et les fédérations régionales de consommateurs ;
3) La Confédération des communes, qui réunira les communes groupées préalablement dans les fédérations régionales de communes.
Ces trois organismes nationaux délibèrent séparément pour régler les questions qui sont de leur ressort, exclusif. Ils se réunissent ensemble pour résoudre les problèmes qui leur sont communs.
Leurs Congrès communs, qui réunit les représentants de leurs Comités nationaux respectifs, en nombre égal, désigne dans son sein le grand conseil des travailleurs, expression suprême du fédéralisme, et organe de remplacement de l’État. Naturellement, tous les rouages précités ont une commission administrative et un bureau qui sont leur sont leur émanation directe.
Sur le plan technique
a) Le Conseil économique national, composé des représentants des fédérations nationales d’industrie, des délégués du Conseil national des consommateurs, des mandataires des unions régionales et de la CGT. Le Conseil national est présidé à tour de rôle, par les secrétaires généraux des trois confédérations.
b) Les fédérations nationales d’industrie, qui réuniront sur leur plan, les syndicats industriels groupés au préalable, dans leurs unions locales, leurs unions régionales et leurs fédérations régionales.
Sur le plan social : la Fédération des offices spécialisés des régions, déjà. fédérés par le canal des unions régionales. Ils se réuniront tous les ans en Congrès national, pour mettre au point toutes les questions qui sont de leur ressort. Ils pourront au besoin, constituer autant de commissions qu’il y aura de catégories d’offices et la Fédération nationale sera représentée à la Fédération internationale des services sociaux.
Plan international
On se rend compte aisément que rien n’est plus facile de prolonger sur le plan international tous les organismes nationaux que je viens de décrire succinctement.
On trouvera donc sur ce plan, des organismes suivants :
1) La société des peuples qui réunira tous les pays fédérés, sans aucune distinction de race, de couleur ou d’évolution. Elle fonctionnera selon la plus stricte égalité sociale. Il faut en définir le statut.
2) L’association internationale des travailleurs qui groupera les centrales syndicales nationales ;
3) L’internationale des consommateurs, qui rassemblera toutes les centrales nationales de consommateurs ;
4) L’internationale des communes, qui réunira toutes les centrales nationales de communes ;
Plan technique : a) Le Conseil international économique, régulateur de l’économie mondiale.
Cet organisme est le véritable organisateur de toute l’économie mondiale. Il doit être pourvu de son statut et celui-ci doit fixer son but, ses attributions, son fonctionnement.
b) Le Conseil administratif international, qui aura pour mission d’harmoniser les structures des membres de la Société des peuples, avec le consentement de ceux-ci, afin de faire de la Société des peuples un organisme solide et homogène.
Le Conseil social international
Ce Conseil sera composé des fédérations nationales, qui grouperont les offices spécialisés de chaque pays. Il pourra se fragmenter en autant de commissions que les circonstances l’exigeront et se réunir ensuite, en séance plénière, Pour mise au point des questions.
Tels sont les rouages locaux, régionaux, nationaux et internationaux qui paraissent nécessaires pour assurer le fonctionnement d’un système fédéraliste, à l’échelle nationale et mondiale.
Les problèmes essentiels
Pour être complet, ce rapport devrait traiter de tous les problèmes essentiels qui sont -de caractère social. C’est impossible dans le cadre d’un document de cette nature, où ne peuvent trouver place que des questions d’ordre absolument général. Des brochures viendront, sans doute, compléter le contenu de ce rapport.
Néanmoins ? il y a lieu, à mon avis, d’examiner tout de même ici les problèmes suivants : la production (abondance et pénurie), la sécurité, la monnaie, la construction
et l’aménagement d’installations reconnues d’utilité collective. Les une et les autres ont fait l’objet de controverses passionnées, trop passionnées pour qu’on puisse en tirer un enseignement valable, positif et pratique à la fois.
Aussi, convient-t-il de rechercher la conclusion dont il s’agit dans le silence relatif d’une équipe comme la nôtre et dans le calme que procure un travail ordonné, guidé par le . seul souci du bien commun.
La production (abondance et pénurie).
En raison des difficultés nées de la guerre et de celles qui existaient déjà auparavant, nous sommes portés à croître qu’il est impossible d’accéder à l’abondance. C’est une erreur d’optique naturelle. Cependant, tout prouve, au contraire, que cette abondance ne tardera guère à se produire et se transformera même, dans un temps relativement court, en surabondance tant agricole qu’industrielle. Pour atteindre ce but, il suffirait de faire sortir des dossiers, où on les a reléguées, les inventions et les applications techniques de celle-ci, que le capitalisme veut ignorer, pour ne point compromettre son profit, ni son équilibre, ni bouleverser le cadastre des fortunes.
On pourrait, demain si on le voulait, se passer : complètement de charbon, si on utilisait la formule du pétrole synthétique que les capitalistes ne veulent pas mettre au jour, et si on généralisait la méthode du chauffage urbain et rural, par la vapeur des usines, qu’on laisse se perdre dans l’atmosphère. Les exemples de ce genre abondent dans tous les domaines et on pourrait en citer à l’infini (sans compter l’énergie atomique).
Les indices de production prouvent d’ailleurs que celle-ci peut atteindre des sommets insoupçonnables. En prenant, par exemple, l’indice de la production avant 1775 et en l’indiquant par le chiffre 1, on constate que la seule invention de la machine à vapeur, par James Watt, a fait monter cet indice de 1 à 2 ; de 1775 à 1914, cet indice a atteint le chiffre 8, par suite du développement industriel et des applications de la technique ; pendant la guerre de 1914-1918, cet indice a largement évolué et, en 1935, se chiffrait à 38. Qui peut dire, aujourd’hui, où il est arrivé. On me dirait qu’il atteint le chiffre 100, par rapport à celui de 1773, que je n’en serais pas surpris. ’
Bien avant la guerre, il existait aux États-Unis des usines de fabrication de lampes électriques capables de fournir de quoi éclairer le monde entier “ a giorno ” ; des fabriques de chaussures qui étaient capable de chausser tous les habitants de la terre. Et il en était ainsi dans tout le domaine industriel, où les possibilités de production sont absolument infinies.
J’avoue volontiers que, sur le plan agricole, cette cadence de production n’atteint pas le même rythme et que la progression est plus lente. Mais pourquoi cela ? Parce que l’adaptation du progrès mécanique est limitée par le capital à investir, en raison du système social lui-même ; parce que les engrais ne sont que peu utilisés ; parce que de vastes espaces sont laissés en friche ou mal cultivés par des moyens archaïques ; parce que des parties de continent, comme en Afrique, ne sont pas fertilisées alors qu’elles pourraient l’être. Pourquoi, par exemple, y a-t-il des pays où la densité de la population est quasi nulle, alors que d’autres, en apparence surpeuplée, permettent à leurs habitants de vivre ? Pourquoi des sols réputés ingrats produisent-ils plus que d’autre réputés fertiles ?
Je reste persuadé qu’une production bien plus considérable que celle qui est actuellement enregistrée peut être obtenue à demeure par l'utilisation d’un outillage perfectionné, par la sélection des terres et des cultures appropriées, par l’engraissement des terres par des engrais adéquats.
Quant au problème démographique lui-même, disons qu’un pays comme le Brésil peut nourrir 900 millions d’habitant, alors qu’il n ’en a que quarante-cinq. C’est aussi vrai pour la Russie, l’Australie, le Canada et quantité d’autres. Je pourrais citer de nombreux exemples qui prouveraient facilement la valeur de la thèse que je soutiens ici.
Par son organisation, le fédéralisme peut faire cesser l’état pénurique actuel et engendrer l’abondance et la surabondance, lorsque les ruines seront relevées, l’économie remise en bon ordre, pour la satisfaction des besoins et même du superflu et des caprices.
En ce qui concerne l’organisation de la production, il est hors de doute qu’elle devra être dirigée par des personnes compétentes. Le directeur d’une grande entreprise devra être soigneusement choisi, sur le plan technique, par le Conseil économique régional ou national, selon l’importance de l’entreprise. Il sera responsable uniquement devant l’organisme qui l’aura choisi et duquel il recevra des instructions, pour la bonne marche de l’entreprise qu’il dirigera. Il en sera de même pour le directeur de gestion. Les chefs d’ateliers ou de chantiers pourront être désignés par les ouvriers, selon leurs capacités reconnues et mises à l’épreuve des faits. Ils seront responsables, eux aussi, devant ceux qui les auront désignés et, en cas de conflit avec la direction technique ou de gestion, devant le Conseil économique régional.
Les conseils d’usines et d’ateliers fonctionneront à l’intérieur des entreprises, pour assurer le contrôle de la production et de la gestion. Ils seront les agents des syndicats industriels desquels ils ressortiront. Ils pourront même formuler des propositions visant au remplacement du directeur technique ou de gestion aux divers Conseils économiques par le canal de leurs syndicats.
Installation reconnues d’utilité publique
Il va sans dire que tout aménagement de cet ordre, .étudié à l’échelon national, ne devra être entrepris qu’après consultation des intéressés, c’est-à-dire des régions, des localités et hameaux, le cas :échéant.
Ceux qui établiront le projet devront se rendre sur place pour en démontrer aux intéressés directs ’utilité et le bien-être qui en découlera pour tous. Ils devront s’efforcer de les convaincre de la nécessité, de l’indispensabilité même, de la construction envisagée. Ils les assureront que tout est prévu pour leur installation, aussi près que possible du lieu envisagé et aux frais de la collectivité. Si, par impossible, les intéressés ne comprenaient pas la nécessité de la chose à faire, il s’efforceront de trouver un autre lieu, mais s’il était avéré que ce fût impossible, ils passeront outre, au nom de l'intérêt collectif, tout en observant la même attitude vis-à-vis d’eux, en ce qui concerne l’évacuation des lieux et l’installation nouvelle !
Tel pourrait être le cas pour l’installation d’une centrale électrique, d’un barrage, d’une gare de triage, etc.
La sécurité
La sécurité d’un pays vivant en régime fédéraliste non généralisé doit être assurée, de façon permanente et efficace. Elle ne peut l’être que si elle est -vraiment l’œuvre de tous.
Comme il est certain que le fédéralisme ne sera institué qu’à la faveur d’une révolution victorieuse , - qu’on voudrait générale et universelle, simultanée et synchronisée dans tous les pays - faisant table rase du passé, c’est dans la défense de la révolution que nous devons rechercher les principes de la sécurité.
De toute évidence, le problème essentiel à résoudre est le suivant : Comment assurer une sécurité permanente, sans le concours d’une armée permanente ?
Pour résoudre correctement ce problème, il faut le décomposer et le ramener successivement sur les plans d’organisation du fédéralisme, c’est-à-dire sur le plans local, régional et national et charger l’organisme agissant sur chacun de ces plans, le Conseil des travailleurs, d’assurer cette sécurité.
De cette façon, à un péril local correspondra une force locale ; à un danger régional, on fera face par une force régionale et on opposera une force nationale à un péril du même ordre. Il pourra d’ailleurs en être de même sur le plan international.
La force qui assurera la sécurité permanente sera composée de travailleurs qui seront susceptibles de quitter l’outil pour prendre le fusil et d’abandonner le fusil pour reprendre l’outil, lorsque le péril sera conjuré, vaincu et que la vie reprendra son cours normal. Elle sera dotée de techniciens éprouvés capables d’encadrer ceux qui seront appelés à assurer la sécurité.
C’est la seule façon de pourvoir à la sécurité de manière permanente, partout à la fois, sans le concours d’une armée permanente, qui, du fait de sa seule existence, serait un péril pour le fédéralisme lui-même.
Il faut d’ailleurs espérer que la constitution d’une Société des peuples, qui supprimera elle-même les armées permanentes et substituera l’arbitrage des conflits à la force, viendra grandement aider a d’application d’un système de sécurité qui ne s’appliquera qu’à l’intérieur, où il prendra plus le caractère d’un service de veille ou d’alerte, en cas de danger ou d’accident, que celui d’un organisme de défense.
La monnaie.
Ce problème est l’un de ceux qui sont le plus discutés. Dans nos milieux - et même ailleurs- beaucoup de gens sont partisans d’enlever à l’argent son privilège exorbitant, qui en fait le véritable dictateur de l’économie, le maître la politique, le despote social.
Les plus modérés veulent rendre la monnaie à son rôle exact : celui d’instrument d’échange. Ils désirent également que la monnaie soit la servante de l’économie, parce qu’elle
s’incorpore au système économique lui-même, mais n’en constitue par, et loin de là, la pièce maîtresse ; qu’elle n’est qu’une conséquence, Une résultante et non une cause.
D’autres et quelquefois les mêmes sont actuellement partisans de la. création d’une monnaie internationale, dont la valeur serait partout et toujours constante. C’est un progrès sur l’état actuel, mais un progrès insuffisant pour détruire les privilèges de l’argent. Cependant, il faut reconnaître que cette solution donnerait aux échanges et aux contrats qui en font l’objet, une stabilité qui leur fait actuellement défaut.
Enfin, d’autres encore, sont partisans en ce moment même, de la création d’une monnaie intérieure à chaque pays, qui échapperait par conséquent, aux manœuvres spéculatives. Cette monnaie serait gagée par la capacité de travail et de production du pays, ainsi que par ses richesses du sol et du sous-sol.
Cette garantie serait infiniment supérieure à celle que représente actuellement la confiance des banques à l’égard de l’État, confiance conditionnelle s’il en fût.
Mais tout cela n’est, évidemment, que palliatifs et n’apporte pas de solution pratique au problème de la monnaie en régime fédéraliste.
Pour parvenir à cette solution, je crois qu’une question se pose immédiatement, celle-ci : est-il indispensable qu’intérieurement un pays vivant en régime ;fédéraliste ait une monnaie ? A cette question, je réponds : non, parce que j’ai vu, de mes propres yeux, vivre sans monnaie, pendant plus d’une année toute une province espagnole, l’Aragon, en pleine révolution.
En outre, voici pourquoi : d’une manière plus générale, la monnaie n’est que l’expression du salaire et celle du pouvoir d’achat. Ce signe exprime, l’une après l’autre, ces deux choses et on peut dire qu’après ce double usage, elle devient sans valeur.
Si. comme je le crois fermement, la Révolution a pour but de faire disparaître le salariat et le patronat, elle fera disparaître également la nécessité du pouvoir d’achat et, de ce double fait, la monnaie deviendra sans utilité.
Et puis le régime fédéraliste, qui postule la paix, fera sortir de celle-ci l’abondance et même la surabondance. -Il permettra l’échange marchandise, sans avoir recours à la monnaie. Et puis pour satisfaire les besoins collectifs et individuels ne pratiquerons-nous pas la distribution, dans le cadre d’une économie dont celle-ci sera la base ? Nous n’aurons donc pas besoin de monnaie :
Personnellement, je divise les individus en trois grands groupes, à savoir
1) Ceux qui sont trop jeunes pour produire, mais sur qui repose la vie de demain ;
2) Ceux qui, en état et en âge de travailler, travaillent effectivement. Ce sont ceux-là qui assurent la vie actuelle.
3) Ceux qui, ayant accompli leur tâche sociale, ne peuvent plus produire soit en raison de leur âge, de leur fatigue ou de leurs infirmités ou état de santé, et ont droit au repos, à la retraite sociale.
Les premiers, les producteurs en puissance, seront incontestablement à, la charge de la collectivité ; qu’ils vivent en famille ou dans des institutions. Ils seront des assurés sociaux, à part entière, auxquels la société ouvrira un crédit qu’ils rembourseront quand ils seront en âge de produire pour le compte de cette société.
La société a le même devoir à l’égard de ceux qui auront accompli leur tâche et auront le droit de jouir d’un repos bien gagné. Il en sera de même pour les accidentés, les malades, les déficients de toutes sortes,
Ces deux catégories recevront donc une carte d’assistance sociale qui leur donnera droit de satisfaire tous leurs besoins, quels qu’ils soient.
Les individus appartenant à la seconde catégorie, les travailleurs en exercice, ceux qui auront entre 38 et 54 ans et seront valides, recevront une carte de travail qui leur permettra également le droit de se procurer tout ce qui sera nécessaire à leurs besoins. Chacun fera connaître ses préférences et c’est dans la diversité même qu’on trouvera la possibilité de les satisfaire.
Qu’on ne vienne pas surtout nous sortir des arguments subalternes, comme celui-ci : je veux avoir quatre autos ; ou bien celui-là : je veux avoir 4 pianos. Comment les aurai-le ? On sait bien que cela n’a aucune valeur.
Et puis, il faut tout de même espérer que l’homme, en régime fédéraliste, sera assez évolué, assez conscient, pour ne demander que ce lui sera nécessaire et qu’il saura se contenter d ’un objet quand il n’aura pas besoin de deux ou de quatre.
Tout la reste n’est qu’inventions de rhéteurs ou création d’esprit de fantaisistes, dont nous n’avons pas à tenir compte. En général, les uns et les autres accumulent les impossibilités et les difficultés pour justifier leur paresse et l’état actuel dans lequel un assez grand nombre d’entre eux se trouvent à l’aise.
En tout cas, je crois que la solution ci-dessus est la seule qui soit capable à la fois de nous débarrasser de l’argent, des tares et des crimes qu’il engendre, et de résoudre le problème de la monnaie une fois pour toutes.
Tous les autres systèmes : bons à terme, monnaie fondante, etc., nous ramèneraient, d’une façon ou d’une autre, à une exploitation même limitée de l’homme et nous ne le voulons pas.
Dans la Période transitoire et d’adaptation, on pourrait envisager la suppression de l’héritage, même en ligne directe, pour éviter l’appropriation, et la création d’une monnaie-travail, dont la valeur libératoire n’excéderait pas un an, pour empêcher l’accumulation et ses méfaits.
Les modes de rétribution
Actuellement, il existe une hiérarchie qui s’applique aux individus pris et considérés en tant que tels : hiérarchie arbitraire, basée sur la formation, l’origine sociale, la fonction et l’intérêt que peut présenter l’exercice de celle-ci. Naturellement, cette hiérarchie des individus a pour conséquence une autre hiérarchie : celle des salaires et rétributions. Elles sont toutes les deux profondément injustes, car elles ne tiennent aucunement compte de la valeur personnelle de l’homme, ni professionnellement, ni socialement. Le nombre de gens intelligents commandés par des imbéciles ou des incapables le prouve avec évidence. En outre, elles ne sont que la conséquence de l’économie du profit.
Dans un régime fédéraliste, on ne peut admettre que l’égalité de toutes les fonctions sociales, parce qu’elles sont toutes d une égale utilité, après éviction des travaux inutiles ou nuisibles et le reclassement de ceux qui les exécutent.
Donc, pas de hiérarchie de fonctions et pas de hiérarchie de salaires, mais égalité dans les deux cas.
Le balayeur est aussi utile que l’ingénieur et une société composée exclusivement d’ingénieurs périrait dans la crasse. Qu’il faille et des ingénieurs et des balayeurs, c’est incontestable, mais il ne doit pas en découler que les premiers sont hiérarchiquement supérieurs aux seconds.
L’ingénieur a, pour lui, la chance d’avoir eu der facultés qui lui ont permis de s’instruire, d’exercer un métier attrayant par le travail et la propriété, de surcroit, le balayeur a le désavantage de ne pas posséder des facultés suffisantes pour étudier et doit se contenter d’un métier ne demandant aucune connaissance spéciale, est entendu, mais aussi utile que celui de l’ingénieur, de plus malsain et malpropre et ceci mérite considération.
En conséquence je les place sur le même plan socialement parlant, avec le regret que l’ingénieur ne soit pas appelé à remplir, de temps en temps, la besogne du balayeur, ce qui lui en ferait apprécier à la fois le véritable caractère et l’incontestable utilité. Cela l’aiderait certainement à comprendre la nécessité de l’égalité sociale.
Les responsabilités qui découlent de l’exercice d’une fonction de direction sont compensées par la joie des initiatives qu’elles procurent, par le désir de faire chaque jour mieux que la veille et d’être le premier auteur du bien public. A défaut d’ambition ou de vanité, cette satisfaction en vaut bien d’autres. Et puis, nul n’est forcé — et rien ne saurait l’y contraindre — d’accepter une fonction de cet ordre, s’il se sent incapable de se hausser aux responsabilités dont il s’agit sans recevoir pour cela une rétribution, des privilèges ou une considération particulière. Ce qu’il refusera, d’autres plus compréhensifs, plus humains, trouvant leur récompense dans l’effort accompli, ne manqueront par de le faire. Le moins qui puisse lui arriver, c’est d’avoir honte de sa conduite.
Du contrôle de l’activité des cadres et techniciens de la force de sécurité
La rétribution effective, dans la période finale, n’existera pas plus pour les techniciens de la force de sécurité que pour les autres travailleurs. J’ai d’ailleurs la conviction que, lorsque nous en serons là, il n’y aura plus de force de cet ordre et, partant, plus de techniciens de celle-ci.
Dans la période transitoire, ils seront rétribués comme tous les autres travailleurs, en monnaie-travail qui n’aura cours qu’un an. Leur astreinte au travail social sera la même pour le temps et la rétribution.
Les hommes et les techniciens de la force de sécurité seront, comme tous les autres, organisés en syndicats locaux. Ces syndicats locaux adhéreront aux Unions locales et régionales et appartiendront à la C.G.T. comme les autres. Leur activité sera contrôlée, sur les divers plans, par les rouages locaux, régionaux et nationaux correspondants.
Les échanges internationaux
J’ai dit que les échanges extérieurs seraient assurés par un organisme : l’Office des échanges extérieurs. A mon avis, il y a lieu de chercher à faire le plus possible ces échanges sur la base du « clearing-marchandises », avec règlement de comme tous les ans, à fin d’année. Pour l’estimation des marchandises on peut, sans danger, conserver la base-or. On pourra facilement établir le prix de l'une d’elles, sans que l’or entre en ligne de compte pour un paiement quelconque. Néanmoins, en cas de fédéralisme incomplètement généralisé, il se peut que des pays, dont on aura besoin des marchandises, exigent le paiement en or de leurs fournitures. Dans ce cas, on accédera à leur désir, mais, on exigera la réciprocité. C’est pour cette raison que l’Office des échanges extérieurs gardera par devers lui le stock d’or, de bijoux, de devises étrangères, détenu par les particuliers, qui seront expropriés par la Révolution qui instituera le fédéralisme.
En ce qui concerne les voyages à effectuer à l’étranger, que tout le monde ne sera pas tenté d’entreprendre, il suffira au candidat à ce voyage de se présenter à l’Office des échanges extérieurs, d’administrer la preuve qu’il a accompli son travail social pour le temps de son ab supposée, de déclarer qu’il rentrera après ce voyage ou désire se fixer ailleurs, pour recevoir en or ou en devises la somme nécessaire normalement à son voyage, sans fantaisies exagérées. La sortie des voyageurs sera donc libre ; aussi libre que leur entrée.
Les sanctions sociales
Il est tout à fait évident que le fédéralisme, sera appelé à former une société avec les mêmes éléments qui constituent l’ancien ordre des choses. Il éprouvera des difficultés au départ et pendant un temps assez long, du fait de l’évolution insuffisante de ces éléments.
Il devra donc prévoir, pour rester dans la réalité et faire face à ses tâches, un certain nombre de sanctions destinées, moins à sévir contre les individus, qu’à assurer son propre fonctionnement.
Ces contraintes disparaîtront progressivement, au fur et à mesure que le milieu, qui réagit si fortement sur l’individu, se modifiera. Elles disparaîtront presque complètement, lorsque ce milieu aura réuni les conditions d’une évolution logique et naturelle, capables de modifier profondément les mentalités.
Les sanctions doivent être, à mon avis, de plusieurs ordres : en raison du peu de temps que demandera le travail social et des longs loisirs que donnera son organisation, on doit admettre que le temps de travail social est une obligation ; que ceux qui voudraient s’y soustraire ne bénéficieraient pas de ses bienfaits et se mettraient d’eux-mêmes hors la collectivité. Celle-ci pourrait leur accorder la possibilité de constituer, avec leurs semblables, une association de leur choix et mettrait même à leur disposition tout ce qui serait nécessaire à leur installation, mais, ceci fait, ne s’occuperait plus d’eux, à moins qu’ils ne lui demandassent des services, pour lesquels elle exigerait, par contrat, d’autres services équivalents.
Peu d’individus se placeraient dans ce cas ; et ceux qui seraient tentés de le faire ne tarderaient pas à rentrer dans la norme devant les effets de la loi de l’exemple.
Seuls seraient classés dans cette catégorie les irréductibles, les maniaques et les paresseux. La vie qu’ils mèneraient leur ferait vite retrouver le droit chemin.
Il y aura aussi des individus aux instincts pervers, dangereux ou non. Avec les premiers, qui sont amendables, en peut pratiquer le retrait de la collectivité, pour un temps plus ou moins long et leur inculquer la notion de ce qu’on considère comme juste et de ce qu’on croit injuste ou nuisible ; (on peut former des professeurs de redressement moral). Je serais bien étonné qu’après un certain temps, ils ne demander pas d’eux-mêmes à reprendre leur place dans la collectivité, où on continuera cependant, durant le temps nécessaire, à
surveiller leur comportement, à les rappeler aux conditions et nécessités d’une vie normale.
Pour les déficients mentaux, pour les pervertis desquels il ne faut espérer aucune guérison et qui resteront dangereux toujours, il est préférable de les retirer carrément de la circulation, de les isoler complètement, de les soigner même pendant doute leur existence. Leur petit nombre ne constituera pas une charge bien lourde pour la société, qui en supporte en ce moment de toute sorte et de bien plus pesante.
Telles sont les sanctions que, à mon avis, on peut appliquer aux anormaux, aux pervers, aux paresseux, aux être dangereux.
Moyens d’obliger à respecter les disciplines du travail
Les statistiques générales de la Confédération des consommateurs indiqueront les besoins, en chiffres qui côtoieront la vérité d’assez près, pour que la Confédération générale du travail et ses divers organismes puissent organiser, quantitativement et qualitativement, la production dans toute sa diversité et ses exigences.
C’est donc la Confédération générale du travail qui fixera, d’une manière générale, la durée du temps de travail social : celui que tout homme valide et en âge de travailler devra fournir à la société. Naturellement, les régions et les localités pourront toujours allonger ou raccourcir cette durée, temporairement, sans s’écarter de trop cependant du temps prévu pour faire face aux nécessités qui se révéleront à elles.
Les syndicats, leurs Conseils d’atelier, d’entreprise et leurs Conseils d’usine auront pour devoir de faire respecter ce temps.
Il y aura, sans doute, des paresseux, des tireurs-au-flanc, mais ils seront beaucoup moins nombreux que certains ne le craignent, parce que l’exploitation humaine aura disparu
parce que le travailleur aura le sentiment d’œuvrer à la fois pour ses semblables et pour lui-même ; et ceci sera un mobile qui compensera très largement celui de l’intérêt pécuniaire.
Néanmoins, je veux bien admettra qu’il en restera et qu’il faudra sévir parfois contre eux, pour annihiler les effets d’une contagion possible.
A mon avis, la meilleure méthode à employer dans ce cas consiste en ceci :
1) A admonester le délinquant devant ses camarades assemblés et à lui faire ressortir ce que sa mauvaise conduite a de répréhensible. Si c’est un être à peu prés normal, il y a d’assez fortes chances pour qu’il comprenne et ne recommence pas ;
2) En cas de récidive, à afficher son nom et le motif de cette mesure, en y ajoutant des commentaires appropriés ; à le mettre en quarantaine stricte.
3) A lui signifier que, dorénavant, s’il persiste dans son attitude, il aura à chercher des moyens d’existence là où il produira son effort, en le prévenant qu’il sera exclu de la communauté à la première occasion et, le cas échéant, isolé dans un lieu déterminé.
4) Enfin, s’il persiste dans cette façon de faire, à le retirer de la circulation, à le placer dans une institution qui lui donnera, par la rééducation, la chance de reprendre place dans la communauté et, dans le cas contraire, le placera dans un établissement où, avec ses pareils, il devra bon gré mal gré, travailler ou être reconnu déficient et soigné comme malade. Beaucoup, pour ne dire tous, reculeront devant cette menace.
Ces moyens me paraissent suffisants pour obtenir d’un individu, qu’il se conforme à la loi commune du travail pour tous et exigible de tous.
Pas de travail forcé
Tout ceci ne postule en rien, ni travail forcé, ni une rétribution supérieure pour certains.
Il s’agira, en l’occurrence, d’un travail social unique pour tous par son temps et sa rétribution, estimé utile à la satisfaction des besoins collectifs ; et nul n’aura le droit, à moins d’être un déséquilibré, dont le cas est envisagé dans les sanctions, de se refuser à l’accomplir. Ce travail sera la conséquence de la dictature des nécessités, la seule que nous admettions ici.
On ne saurait parler de droit à la paresse, en ce qui concerne cette obligation, qui doit être égale pour tous. Le rêveur a toute la possibilité de rêver à ces heures de loisirs. Elles seront suffisamment nombreuses pour le satisfaire amplement. Ne parlons pas de restrictions volontaires des besoins, c’est une douce folie, dont les effets ne sont pas sans danger pour les meilleures constitutions. Enfin, celui qui veut absolument être libre six mois par an, le peut aisément. Il lui suffit de s’entendre avec un camarade ayant les mêmes dispositions d’esprit, et d’accomplir pendant six mois sa tâche et la sienne et vice-versa. Il sera ainsi libéré du travail social pendant les six autres mois et fera ce qu’il voudra. Toutes les autres activités, qu’elles qu’elles soient, ne sauraient donner un droit quelconque à leurs auteurs. Néanmoins, il est toujours loisible à un écrivain, à un savant, à un artiste, astreints comme les autres au travail social, de s’entendre avec d’autres individus pour que, momentanément, ils exécutent les tâches qui leur incombent, étant entendu que le temps de leurs études fini, ils rendront ce temps de travail à ceux qui le leur ont prêté.
C’est le seul moyen de réaliser la justice dans la vie de chaque jour et pour tous, sans aucune distinction.
Comment envisager la protection de l’individu dans sa vie, sa liberté, ses intérêts moraux et matériels
Sa vie et sa liberté seront garanties par l’appareil local de sécurité. Il y aura d’autant plus droit qu’il aura accepté de conformer sa vie aux normes reconnues et qu’il aura sacrifié une parcelle de sa liberté individuelle, pour garantir l’existence et l’exercice de cette liberté.
Ses intérêts moraux et matériels seront garantis par son syndicat, sa commune. Il aura droit de les faire valoir, à condition qu’il ait rempli ses obligations sociales et que sa conduite d’homme soit irréprochable.
Bien entendu, dans ce rapport, tout est exposé sommairement. Néanmoins, je crois que les idées générales qui s’en dégagent sont de nature à faire comprendre la question dans son ensemble et suffisantes pour se former un jugement sur lui.
Il sera nécessaire, certainement, de consacrer à chaque problème une brochure où il sera exposé de façon détaillée, mais je juge ce rapport assez étoffé pour entreprendre dès maintenant, une propagande sérieuse en faveur du fédéralisme.
Je ne doute pas un instant qu’il sera facile, pour un propagandiste connaissant son sujet, de démontrer la supériorité du fédéralisme sur le centralisme.
Pierre Besnard
- SOURCE : Fondation Besnard
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