★ Qu'est ce que l'anarchisme ?

Publié le par Socialisme libertaire

Anarchisme anarchie libertaire

 

Sommaire 
  •  - Qu'est-ce que "Anarchie" signifie ?
  •  - Qu'est-ce que "Anarchisme" signifie ?
  •  - Pourquoi l'Anarchisme est appelé aussi socialisme libertaire ?
  •  - Les Anarchistes sont-ils socialistes ?
  •  - D'où vient l'anarchisme ?
  •  - Sources

L'anarchisme est une théorie politique qui a pour but de créer l'anarchie,c'est-à-dire l' "absence de maître, de souverain" [Qu'est-ce que la propriété ? de Pierre-Joseph Proudhon, p. 171]. En d'autres mots, l'anarchisme est une théorie politique qui à pour but de créer une société dans laquelle les individus participent librement et à égalité. L'anarchisme considère donc le contrôle hiérarchisé sous toutes ses formes - que ce soit par l'État ou par un capitaliste - comme non nécessaire et nocif aux individus et à leur individualité.

Ce que L. Susan Brown écrit :

« Tandis que la vision populaire de l'anarchisme est celle d'un mouvement violent, anti-État, l'anarchisme est une tradition bien plus subtile et nuancée qu'une simple opposition au pouvoir gouvernemental. Les anarchistes s'opposent à l'idée que le pouvoir et la domination sont nécessaires, et prônent à la place plus de solidarité, et une forme anti-hiérarchique des organisations sociales, politiques, et économiques. » ["The Politics of Individualism", p.106]

Cependant, "anarchisme" et "anarchie" sont sans aucun doute les idées les plus mal représentées des théories politiques. Généralement, ces mots sont utilisés dans le sens de "chaos" ou de "désordre", et donc, logiquement de par ces a priori, les anarchistes désirent le chaos social et un retour aux "lois de la jungle".

Cette diffamation a un parallèle historique. Par exemple, dans les pays qui considéraient que le gouvernement était nécessairement une seule et unique personne (les monarchies), les mots "république" ou "démocratie" ont été utilisés précisément, comme pour "anarchie", comme synonymes de désordre et de confusion. Ceux qui ont un intérêt capital à préserver leur statut voudront évidemment montrer que l'opposition au système actuel ne peut pas fonctionner en pratique, et qu'une nouvelle forme de société peut uniquement mener au chaos. Ou, comme Errico Malatesta l'a exprimé :

« Puisqu'on croyait que le gouvernement était nécessaire et que sans gouvernement il ne pouvait y avoir que désordre et confusion, il était donc naturel et logique que le mot anarchie, qui signifie absence de gouvernement, apparaisse comme étant un synonyme d'absence d'ordre. » ["L'anarchie" de Errico Malatesta, édition Lux, p.18]

Les anarchistes veulent changer ce sens commun donné au mot "anarchie", pour que le peuple puisse voir que le gouvernement et les autres relations sociales hiérarchisées sont toutes nuisibles et inutiles :

« Changez l'opinion, persuadez le peuple que non seulement le gouvernement n'est pas nécessaire mais qu'il est extrêmement nuisible et, dès lors, le mot anarchie, précisément parce qu'il signifie absence de gouvernement signifiera pour tous: ordre naturel, harmonie des besoins et des intérêts de tous, liberté totale dans la solidarité totale. » [Malatesta, Op. cité, p.19]

Cette FAQ est partie des idées reçues par l'accusation de destruction dont font l'objet l'anarchisme et la signification de l'anarchie. Mais ce n'est pas tout. Autant nous combattons ces déformations produites par le "sens populaire" de l'idée d'"anarchie", nous nous devons de combattre les déformations dont l'anarchisme et les anarchistes ont été sujets durant des années par nos ennemis politiques et sociaux. Comme Bartolomeo Vanzetti l'a écrit, les anarchistes sont « les radicaux parmi les radicaux - les chats noirs, les cauchemars de beaucoup, de tous les dévots, exploitants, charlatans, tricheurs et oppresseurs. Par conséquent, nous sommes également les plus calomniés, les plus mal représentés, les plus mal compris, et les plus persécutés de tous. » [Nicola Sacco et Bartolomeo Vanzetti, The Letters of Sacco and Vanzetti, p.274]

Vanzetti savait de quoi il parlait. Lui et son camarade Nicola Sacco ont été emprisonnés par les États-Unis d'Amérique pour un crime qu'ils n'avaient pas commis et furent électrocutés, en 1927, pour avoir été des anarchistes étrangers. Donc nous passerons du temps dans cette FAQ à corriger les calomnies et les déformations dont les anarchistes ont été l'objet de la part des médias capitalistes, des politiciens, des idéologues et des patrons (sans compter les déformations de la part de nos propres compagnons radicaux d'autrefois, comme les libéraux et les marxistes). Si tout se passe correctement, une fois fini, vous devriez comprendre pourquoi ceux au pouvoir ont passé tant de temps à attaquer l'anarchisme - c'est la seule idée qui peut assurer une liberté effective pour tous et mettre un terme à tous les systèmes basés sur le pouvoir d'une minorité sur une majorité.

 - Qu'est-ce que "Anarchie" signifie ?

L'anarchie (du grec an-, préfixe privatif : absence de, et de archos, racine : autorité, ou «ce qui est premier») désigne la situation d'une société où il n'existe ni autorité, ni pouvoir coercitif, ni domination, ni hiérarchie quelconque entre les hommes. L’anarchie peut aussi être expliquée étymologiquement comme le refus de tout principe premier, de toute cause première, et comme une revendication de la multiplicité face à l’unicité. Ou, comme Pierre Kropotkine le disait : « Anarchie vient du mot grec signifiant "le contraire de l'autorité" ». [Anarchisme, p.284]

Alors que l'on pense souvent que les mots grecs anarchos et anarchia signifient "absence de gouvernement", la signification stricte de l'anarchisme n'est pas simplement "pas de gouvernement". "An-archie" signifie "sans dirigeant", ou plus généralement, "sans autorité", et c'est dans ce sens que les anarchistes ont toujours utilisé ce mot. Par exemple, Kropotkine affirmait que l'anarchisme « attaque non seulement le capital, mais aussi les principales sources de pouvoir du capitalisme : la loi, l'autorité, et l'État ». [Ouvrage cité, p.150] Pour les anarchistes, l'anarchie ne signifie pas « nécessairement l'absence d'ordre, comme on le suppose généralement, mais l'absence de règles ». [Benjamin Tucker, Instead of a Book, p.13]. David Weick l'a très bien résumé :

« L'anarchisme peut être compris comme l'idée politique et sociale qui exprime la négation de tout pouvoir, souveraineté, domination, et division hiérarchique, et la volonté de les dissoudre [...] L'anarchisme est toutefois plus que l'anti-étatisme [...] [même si] le gouvernement [l'État] [..] est, raisonnablement, le point central de la critique anarchiste ». [Reinventing Anarchy, p.139]

Pour ces raisons, plutôt que d'être purement anti-gouvernement ou anti-État, l'anarchisme est principalement un mouvement contre la hiérarchie. Pourquoi ? Parce que la hiérarchie est la structure organisationnelle qui comporte l'autorité. Comme l'État est la plus haute forme de hiérarchie, les anarchistes sont, par définition, anti-État ; mais ce n'est pas une définition suffisante de l'anarchisme. Cela signifie que les vrais anarchistes sont opposés à toute forme d'organisation hiérarchique, pas seulement l'État. Comme l'a dit Brian Morris :

« Le terme anarchie vient du grec, et signifie essentiellement 'pas de dirigeant'. Les anarchistes sont les personnes qui rejettent toute forme de gouvernement ou d'autorité coercitive, toute forme de hiérarchie et de domination. Ils sont donc opposés à ce que l'anarchiste mexicain Flores Magon appelait la 'trinité sombre' - État, capital et Église. Les anarchistes sont ceux qui s'opposent autant au capitalisme et à l'État qu'à toutes les formes d'autorité religieuse. Mais les anarchistes cherchent aussi à établir ou à provoquer, par divers moyens, les conditions de l'anarchie, c'est-à-dire une société décentralisée, sans institutions coercitives, une société organisée à travers une fédération d'associations volontaires ». ["Anthropology and Anarchism", pp.35-41, Anarchy: A Journal of Desire Armed, n°45, p.38]

 

La référence à la "hiérarchie" dans ce contexte est un développement assez récent - les anarchistes "classiques", comme Proudhon, Bakounine et Kropotkine utilisaient ce mot, mais rarement (ils préféraient généralement "autorité", qui était utilisé à la place d'"autoritaire"). Cependant, il ressort clairement de leurs écrits que c'était une philosophie contre la hiérarchie, contre toute inégalité de pouvoir ou de privilèges entre les individus. Bakounine parlait en ce sens lorsqu'il attaquait l'autorité "officielle" mais défendait l'"influence naturelle", et lorsqu'il disait :

« Vous voulez qu'il devienne impossible à quiconque d'oppresser son compagnon ? Alors assurez-vous que personne ne puisse avoir de pouvoir ». [The Political Philosophy of Bakunin, p.271]

Comme Jeff Draughn le note, « alors qu'il a toujours été une part latente du "projet révolutionnaire", le concept d'anti-hiérarchie n'a émergé que récemment pour un examen plus minutieux. Néanmoins, sa racine apparaît clairement dans les origines grecques du mot "anarchie" ». [Between Anarchism and Libertarianism: Defining a New Movement]

Nous soulignons que cette opposition à la hiérarchie n'est, pour les anarchistes, aucunement limitée à l'État ou au gouvernement. Cela inclut toutes les relations autoritaires de type économiques ou sociales, mais aussi celles politiques, en particulier celles associées à la propriété capitaliste et au travail salarié. On peut le voir dans l'argument de Proudhon, à savoir que « le Capital [..] dans la sphère politique est analogue au gouvernement [..] L'idée économique du capitalisme, les politiques des gouvernements ou des autorités, et les idées théologiques de l'Église sont trois idées identiques, liées en différents points. Attaquer l'une d'entre elles revient à les attaquer toutes [..] Ce que le capital est au travail, l'État l'est à la liberté, l'Église à l'esprit. Cette trinité d'absolutisme est aussi funeste en pratique qu'elle l'est comme philosophie. La signification la plus concrète de l'oppression des individus serait d'emprisonner simultanément leur corps, leur volonté, et leur raison ». [cité par Max Nettlau, dans A Short History of Anarchism, pp.43-44] Ainsi nous trouvons chez Emma Goldman l'opposition au capitalisme comme le fait « qu'un homme [ou une femme] doit vendre son travail » et donc, « que son inclinaison et son jugement sont subordonnés à la volonté de son maître ». [Red Emma Speaks, p.50] Quarante ans après que Bakounine ait fait la même remarque quand il soutenait que dans le système actuel « le travailleur vendait sa personne et sa liberté pour un temps donné » aux capitalistes en échange d'un salaire. [Op. Cit., p.187]

Ainsi donc "anarchie" signifie plus que simplement "absence de gouvernement", cela signifie l'opposition à toutes les formes d'organisations autoritaires et à la hiérarchie. Comme Kropotkine le disait : « les origines de la conception anarchiste de la société [...] [résident dans] la critique [...] des organisations hiérarchiques et des conceptions autoritaires de la société ; et [...] l'analyse des tendances que l'on retrouve dans les mouvements humanistes ». [Op. Cit., p.158] Pour Malatesta, l'anarchisme « est né d'une révolte morale contre les injustices sociales » et du fait que les « causes spécifiques des maux de la société » peuvent être trouvées dans « la propriété capitaliste et dans l'État ». Quand l'opprimé « a cherché à anéantir l'État et la propriété - alors l'anarchisme était né ». [Errico Malatesta: His Life and Ideas, p.19]

Donc toute tentative d'affirmer que le mot anarchie est purement anti-État est une déformation du mot et de la façon dont le mouvement anarchiste l'a utilisé. Comme Brian Morris le soutenait, « quand on examine les écrits des anarchistes classiques [..] ainsi que les figures du mouvement anarchiste [..] il est clairement évident qu'il n'a jamais eu cette version limitée [d'être simplement contre l'État]. Il a toujours combattu toute forme d'autorité et d'exploitation, et a aussi été une critique du capitalisme et de la religion comme il l'a été pour l'État ». [Op. Cit., p.40]

Et, pour énoncer ce qui semble évident, l'anarchie ne signifie en rien le chaos, non plus que les anarchistes souhaitent le chaos et le désordre. À la place, nous souhaitons créer une société basée sur la liberté individuelle et la coopération volontaire. En d'autres mots, l'ordre de bas en haut, pas le désordre imposé de haut en bas par l'autorité. Une telle société serait une vraie anarchie, une société sans dirigeants.

Tandis que nous discutons de ce à quoi pourrait ressembler l'anarchie, Noam Chomsky résume les aspects essentiels quand il indique que dans une société vraiment libre, « toute interaction entre les êtres humains sur un plan non personnel - c'est-à-dire sous une forme institutionnelle d'un type quelconque - en communauté, ou sur le lieu de travail, dans la famille, dans la société au sens large, quoique cela puisse être, doit être sous le contrôle direct de ses participants. Cela implique donc des conseils ouvriers dans l'industrie, la Démocratie directe en communautés, l'interaction entre ces communautés, la libre association dans de plus grands groupes, jusqu'à l'organisation d'une société internationale ». [Anarchism Interview] La société ne devra plus être divisée hiérarchiquement entre patrons et ouvriers, gouvernants et gouvernés. Une société anarchiste serait plutôt basée sur la libre association dans des organisations participatives et fonctionnerait de bas en haut. Les anarchistes, il faut le noter, essayent aujourd'hui le plus possible de créer cette société grâce à leurs organisations, leurs luttes et leurs activités.

 - Qu'est-ce que "Anarchisme" signifie ?

Pour reprendre Pierre Kropotkine, l'Anarchisme est "le système non-gouvernemental du socialisme."[Anarchism, p.46] En d'autres termes, "l'abolition de l'exploitation et de l'oppression de l'homme par l'homme, c'est-à-dire l'abolition de la propriété privée [i.e. le capitalisme] et du gouvernement." [Errico Malatesta, Vers l'Anarchie, p.75]

L'anarchisme, donc, est une théorie politique dont le but est de créer une société sans hiérarchie politique, économique, ou sociale. Les anarchistes affirment que l'anarchie, l'absence de dirigeants, est une forme de système social viable et qui permet de maximiser la liberté individuelle et l'égalité sociale. Ou, dans le dicton célèbre de Bakounine :

« Nous somme convaincus que la liberté sans le Socialisme méne au privilège et à l'injuste, et que le Socialisme sans la liberté mène à l'esclavage et à la brutalité. [The Political Philosophy of Bakunin, p.269]

L'histoire de la société humaine va dans ce sens. La liberté sans égalité n'est que la liberté des puissants, et l'égalité sans liberté est impossible et une justification de l'esclavage.

Alors qu'il y a différents types d'anarchisme (de l'anarchisme individualiste à l'anarcho-communisme), il y a toujours eu des positions communes au coeur de chacun d'entre eux - l'opposition au gouvernement et au capitalisme. Dans les termes de l'anarchiste individualiste Benjamin Tucker, l'anarchisme insiste « sur l'abolition de l'État et l'abolition de l'usure ; sur l'absence du gouvernement de l'homme par l'homme, et sur l'absence de l'exploitation de l'homme par l'homme. » [cité par Eunice Schuster, Native American Anarchism, p.140]. Tous les anarchistes voient le profit, les intérêts et la rente comme de l'usure (c'est-à-dire comme de l'exploitation) et s'opposent donc à eux et aux conditions qui permettent leur existence, tout comme ils s'opposent au gouvernement et à l'État.

Plus généralement, comme le disait L. Susan Brown, le "lien unificateur" de l'anarchisme « est la condamnation universelle de la hiérarchie et de la domination, et la volonté de se battre pour la liberté des individus humains.» [The Politics of Individualism, p.108]. Pour les anarchistes, une personne ne peut être libre si elle est soumise à l'État et à l'autorité capitaliste. Ce que Voltairine de Cleyre résumait ainsi :

« L'anarchisme [..] enseigne la possibilité d'une société dans laquelle les besoins vitaux pourraient être pleinement comblés pour tous, et dans laquelle les opportunités d'aboutissement du développement du corps et de l'esprit serait l'héritage de tous [...] [Il] enseigne que l'injuste organisation actuelle de la production et de la distribution des richesses doit finalement être entièrement détruite, et remplacée par un système qui assure à tous la liberté de travailler sans être sous la coupe d'un maître à qui il [ou elle] devrait rendre le fruit de son travail, ce qui garantira sa liberté d'accès aux ressources et aux moyens de production [...] De la soumission aveugle, il fait le mécontentement; de l'inconsciemment inassouvi, il fait le consciemment inassouvi [...] L'anarchisme a pour but de faire prendre conscience de l'oppression, de créer le désir d'une société meilleure, et de montrer la nécessité d'une guerre incessante contre le capitalisme et l'État. » [Anarchy! An Anthology of Emma Goldman's Mother Earth, pp. 23-24]

Ainsi donc, l'anarchisme est une théorie politique qui préconise la création de l'anarchie, une société basée sur la maxime : "pas de dirigeant". Pour accomplir ceci, « [en] commun avec tous les socialistes, les anarchistes sont convaincus que la propriété privée des terres, du capital, et des machines a fait son temps; que c'est condamné à disparaître: et que tout ce que requiert la production doit, et deviendra la propriété commune de la société, et sera gérée en commun par les producteurs de richesses. Et [...] ils soutiennent que l'idée d'une organisation politique de la société est une condition pour que les fonctions du gouvernement soient réduites au maximum [...] [et] que le but final d'une société est de réduire les fonctions du gouvernement à néant - c'est à dire, une société sans gouvernement, l'an-archie. » [Pierre Kropotkine, Op. Cit., p.46]

Donc l'anarchisme est à la fois positif et négatif. Il analyse et critique la société actuelle, tandis que dans le même temps il offre la vision d'une nouvelle société potentielle - une société qui subvient à certains besoins humains que la société actuelle nie. Ces besoins, les plus basiques, sont la liberté, l'égalité et la solidarité.

L'anarchisme allie une analyse critique et l'espoir, puisque, comme Bakounine le notait (dans sa période pré-anarchiste), « l'envie pressente de destruction est une envie créatrice. ». On ne peut construire une meilleure société sans comprendre ce qui ne va pas dans la société présente.

Cependant, il faut souligner que l'anarchisme est plus qu'une simple analyse ou que la vision d'une société meilleure. Il est aussi enraciné dans les luttes, luttes des opprimés pour retrouver leur liberté. En d'autres termes, il propose un moyen de réaliser un nouveau système basé sur les besoins des gens, et non sur le pouvoir, et qui place la planète avant le profit. Pour reprendre l'anarchiste écossais Stuart Christie :

« L'anarchisme est un mouvement pour la liberté humaine. Il est pragmatique, démocratique et égalitaire [...] L'anarchisme a commencé - et continue - un combat direct par les sous-privilégiés contre leur oppression et leur exploitation. Il s'oppose aussi bien à l'émergence insidieuse d'un pouvoir étatique qu'à la pernicieuse éthique de l'individualisme possessif, qui, ensemble ou séparément, ne servent au bout du compte que les intérêts de quelques uns aux dépends du reste. »
« L'anarchisme est autant une théorie qu'une pratique de vie. Philosophiquement, il a pour but un accord maximal entre l'individu, la société, et la nature. Pratiquement, il nous sert à organiser et à vivre nos vies de façon à rendre les politiciens, les gouvernements, les États et leurs fonctionnaires superflus. Dans une société anarchiste, le respect mutuel de la souveraineté individuelle devra être organisé par des relations non coercitives dans lesquelles se définiront naturellement des communautés, où les moyens de production et de distribution seront mis en commun ».
« Les anarchistes ne sont pas des rêveurs obsédés par des principes abstraits et des constructions théoriques [...] Les anarchistes sont tout à fait conscients qu'une société parfaite ne peut pas se faire en un jour. En effet, la lutte dure pour toujours ! Cependant, c'est une vision qui fournit l'épée pour lutter contre les choses telles qu'elles sont, et pour les choses telles qu'elles pourraient être. »
« En fin de compte, seule la lutte détermine le résultat, et le chemin vers une communauté plus significative doit commencer avec la volonté de résister à toute forme d'injustice. Plus généralement, cela signifie combattre toute exploitation et refuser la légitimité de toute autorité coercitive. Si les anarchistes ont un article de foi inébranlable, c'est le fait qu'une fois que l'habitude de toujours à s'en remettre aux politiciens ou aux idéologues est perdue, et que celle de résistance à la domination est acquise, alors les gens ordinaires ont la capacité d'organiser chaque aspect de leur vie dans leur propre intérêt, n'importe où et n'importe quand, librement et justement. »
« Les anarchistes ne restent pas les bras croisés lors des luttes populaires, non plus qu'ils essayent de les dominer. Ils cherchent à contribuer pratiquement dès qu'ils peuvent, et aussi à aider le plus possible le développement individuel et la solidarité de groupe. Il est possible de reconnaître les idées anarchistes concernant les relations volontaires, la participation égalitaire dans le processus de décision, l'aide mutuelle et une critique relative à toutes les formes de dominations dans les mouvements philosophiques, sociaux et révolutionnaires, partout et de tout temps. » [My Granny made me an Anarchist, pp. 162-3]

L'anarchisme est simplement l'expression théorique de notre capacité d'organisation et à faire fonctionner une société sans patrons ni politiciens. Il permet à la classe ouvrière et aux autres personnes opprimées de devenir conscientes de notre puissance en tant que classe, de défendre nos intérêts immédiats, et de se battre pour révolutionner la société dans son ensemble. C'est uniquement en faisant cela que nous pourrons créer une société faite pour que l'être humain puisse y vivre.

Ce n'est pas une philosophie abstraite. Les idées anarchistes sont mises en pratique tous les jours. Partout où les gens opprimés se lèvent pour leurs droits, agissent pour défendre leur liberté, pratiquent la solidarité et la coopération, se battent contre l'oppression, s'organisent sans meneurs ni chefs, l'esprit de l'anarchisme vit. Les anarchistes cherchent simplement à renforcer ces tendances libertaires et à les mener à leur pleine réalisation.

 - Pourquoi l'Anarchisme est appelé aussi socialisme libertaire ?

Certains anarchistes, en voyant la nature négative accordée à la définition de l'"anarchisme", ont utilisé un autre terme pour souligner l'aspect positif et constructif inhérent à leurs idées. Les termes les plus communément utilisés sont "socialisme libre", "communisme libre", "socialisme libertaire", et "communisme libertaire". Pour les anarchistes, le socialisme libertaire, le communisme libertaire, et l'anarchisme sont quasiment interchangeable. Pour reprendre Vanzetti :

« Après tout, nous sommes autant socialistes que les sociaux-démocrates, que les socialistes, que les communistes, et les I.W.W. sont tous socialistes. La différence - fondamentale - entre nous et les autres c'est qu'ils sont autoritaires, là où nous sommes libertaires; ils croient en leur propre État ou gouvernement ; nous ne croyons en aucun État ou gouvernement ». [Nicola Sacco et Bartolomeo Vanzetti, The Letters of Sacco and Vanzetti, p.274]

Mais est-ce vrai ? En cherchant la définition dans l'"American Heritage Dictionnary", nous trouvons :

 Libertaire : quelqu'un qui croit en la liberté d'action et de pensée; quelqu'un qui croit en la libre volonté.
 Socialisme : système social dans lequel les producteurs possèdent le pouvoir politique et les moyens de production et de distribution des biens.

En prenant ces deux définitions et en les mixant, on obtient :

 Socialisme libertaire : système social qui croit en la liberté d'action et de pensée et en la volonté libre, dans lequel les producteurs possèdent le pouvoir politique et les moyens de production et de distribution des biens.

(Nous devons néanmoins ajouter que nos commentaires habituels sur le manque de sophistication des dictionnaires tiennent toujours. Nous utilisons seulement ces définitions pour montrer que "libertaire" n'implique ni capitalisme de "libre marché", ni socialisme d'État. D'autres dictionnaires, évidemment, auront des définitions différentes - particulièrement pour le socialisme. Ceux qui veulent débattre des définitions données dans les dictionnaires sont libres de poursuivre ce loisir sans fin et sans aucune utilité politique, mais nous ne le ferons pas.)

Historiquement, marxistes et anarchistes ont pu être allié dans la lutte contre le capitalisme (par exemple au sein de l'Association Internationale des Travailleurs (AIT), ainsi que lors de la révolution russe et de la révolution espagnole), ce qui explique que ces deux mouvements ai été qualifié de socialisme, l'un socialisme autoritaire (le marxisme) et l'autre socialisme libertaire (l'anarchisme).

Mais De nombreuses personnes se réclamant de Marx, tel Lénine, ont dévoyé le socialisme, trahi les idées de Marx et du socialisme en général.

Seul le système social-libertaire de propriété peut maximiser la liberté. Il n'est pas besoin de dire, que la propriété d'État, telle quelle fut notamment mise en application en URSS - ce qui est communément appelé "socialisme" - n'est, pour les anarchistes, pas du tout du socialisme. En fait, le "socialisme" d'État est juste une forme de capitalisme, qui n'a rien a voir avec le socialisme. Comme le notait Rudolf Rocker, pour les anarchistes, le socialisme « n'est pas une simple question de ventre plein, mais une question de la culture qui devrait inclure le sens de la personnalité et de la libre initiative de l'individu ; sans liberté, cela conduira seulement a un État capitaliste morne, qui sacrifiera toute pensée et sentiment individuel pour un intérêt collectif factice ». [cité par Colin Ward, "Introduction", Rudolf Rocker, The London Years, p.1]

De même, l'usage du mot socialisme par les sociaux-démocrates est inacceptable pour les anarchistes. En effet, les sociaux-démocrates acceptent pleinement le marché capitaliste (qui dépossède le travailleur de son travail) et le système électoral représentatif (qui usurpe le pouvoir politique au peuple).

À la suite du maccarthysme, les sociaux-démocrates et marxistes américains n'ont plus osé s'appeler "socialist" et on prit l'appellation "liberal". De ce fait, les ultra-libéraux américains favorables à une pleine liberté social (avortement, drogues, etc) mais aussi et surtout une pleine liberté du marché ont récupéré l'appellation libertarian (synonyme de libertaire en anglais, mais en fait ultra-libéral) et fondé le Libertarian Party (Parti Libertaire). De plus, certains d'entre eux se définissent comme "anarcho-capitaliste", expression n'ayant aucun sens étant donné la définition historique de l'anarchisme mais qui traduit dans leur esprit leur désir de supprimer l'État pour permettre le plein développement des forces capitalistes. Résultat : de nombreux américains considèrent maintenant que le "socialisme libertaire" (libertarian socialism) est une contradiction des termes. Bien que ce soit les libertarians/libertariens américains qui ont détourné le mot libertaire/libertarian de son sens original, on accuse aujourd'hui les anarchistes de l'employer !

Cette critique est absolument sans fondement. En effet, les anarchistes ont utilisé le terme "libertaire" pour se décrire, eux et leurs idées, depuis les années 1850. D'après l'historien anarchiste Max Nettlau, le révolutionnaire anarchiste Joseph Déjacque publiait Le Libertaire, Journal du Mouvement Social à New York entre 1858 et 1861, tandis que le terme "communisme libertaire" date de novembre 1880, lorsqu'un congrès anarchiste français l'a adopté. [Max Nettlau, A Short History of Anarchism, p.75 et p.145] L'utilisation du terme "libertaire" par les anarchistes devint plus populaire à partir des années 1890 après qu'il fut utilisé pour essayer de contourner les lois anti-anarchistes et afin d'éviter l'association négative du mot "anarchie" dans l'esprit populaire (Sébastien Faure et Louise Michel publiaient le journal Le Libertaire en France en 1895, par exemple). Depuis lors, particulièrement en dehors de l'Amérique, il a toujours été associé aux idées et mouvements anarchistes. Pour prendre un exemple plus récent, aux USA, les anarchistes organisaient "La ligue libertaire" en juillet 1954, qui avait des principes anarcho-syndicalistes et dura jusqu'en 1965.

Le "Libertarian Party", basé aux USA, n'existe quant à lui que depuis le début des années 1970, bien après la première utilisation 100 ans auparavant par les anarchistes pour décrire leurs idées politiques (et 90 ans après que l'expression "communisme libertaire" fut adoptée pour la première fois). C'est ce parti "libertarien", et non les anarchistes, qui a "volé" le mot. Le "capitalisme libertaire" (libertarianisme) (proné par le Libertarian Party) est une contradiction des termes.

Aux États-Unis, comme l'a noté Murray Bookchin, « le terme "libertaire" lui-même, sans aucun doute, lève un problème, notamment l'identification apparente d'une idéologie anti-autoritaire avec un mouvement désordonné pour le "pur capitalisme" et le "libre marché". Ce mouvement n'a jamais créé le mot : il se l'est approprié du mouvement anarchiste du [XIXè] siècle. Et il devrait revenir à ces anti-autoritaires [...] qui essayent de parler des gens dominés comme un tout, et pas pour des personnes égoïstes qui confondent liberté avec entreprenariat et profit ». Ces anarchistes en Amérique devraient "rétablir en pratique une tradition qui a été dénaturée par" le droit de libre marché [The Modern Crisis, pp.154-5]. Ainsi, nous continuons d'appeler nos idées socialisme libertaire et refusons avec force l'usage détourné des termes socialisme et libertaire.

 - Les Anarchistes sont-ils socialistes ?

Oui. Toutes les branches de l'anarchisme sont opposées au capitalisme, parce que le capitalisme est basé sur l'oppression et l'exploitation. Les anarchistes rejettent la "notion que les hommes ne peuvent pas travailler ensemble sans qu'il y ait un chef qui prenne un pourcentage de leur produit" et pensent que dans une société anarchiste "les vrais travailleurs se géreront eux-mêmes, décideront de quand, où et comment les choses devraient être faites." Par là même, les travailleurs seront libérés "du terrible esclavage du capitalisme." [Voltairine de Cleyre, "Anarchism", Exquisite Rebel, p.75 and p.79]

(Nous devons souligner ici que les anarchistes sont opposés à toutes formes économiques basées sur la domination et l'exploitation, y compris le féodalisme, le "socialisme" à la sauce Soviet - mieux nommé "capitalisme d'État" -, esclavage etc. Nous nous concentrons sur le capitalisme, parce que c'est ce qui domine le monde actuellement).

Les individualistes comme Benjamin Tucker avec des anarchistes sociaux comme Proudhon et Bakounine se disaient "socialistes". Ils le faisaient, parce que, comme le disait Kropotkine dans son essai classique "Modern Science and Anarchism", "[aussi] longtemps que le Socialisme était compris dans son sens global, générique, et vrai - comme un effort pour abolir l'exploitation du travail par le capital - les Anarchistes marchaient main dans la main avec les Socialistes de ce temps." [Evolution and Environment, p.81] Ou, selon les termes de Tucker, "la revendication de fond du socialisme [est] que le travail doit être en possession de son propriétaire", une revendication sur laquelle "les deux écoles du Socialisme à travers [...] le socialisme d'état et l'anarchisme" sont d'accord. [The Anarchist Reader, p.144] De là, le mot "socialiste" était originellement défini pour inclure "tout ceux qui croyaient dans le droit individuel de posséder ce qu'il ou elle produisait" [Lance Klafta "Ayn Rand and the Perversion of Libertarianism", in Anarchy : A journal of Desire Armed, no. 34] Cette opposition à l'exploitation (ou usure) est partagée par tous les vrais anarchistes et les place sous la bannière socialiste.

Pour la plupart des socialistes, "la seule garantie de ne pas se faire voler le fruit de son travail est de posséder son instrument de travail." [Pierre Kropotkine, The Conquest of Bread, p.145] Pour ces raisons Proudhon, par exemple, supportait les coopératives de travailleur, où "chaque employé dans l'association [...] possède une partie indivisible de la propriété de la compagnie" parce que par "la participation dans les pertes et les gains [...] la force collective cesse de devenir une source de profit pour un petit nombre de managers : cela devient la propriété de tous les travailleurs." [The General Idea of the Revolution, p.222 et 223]

Ainsi, en plus du désir d'abolir l'exploitation du travail par le capital, les vrais socialistes veulent une société dans laquelle les producteurs possèdent et contrôlent les moyens de production (en incluant, il faut le souligner, lieu de travail qui fournissent des services). Les moyens par lesquels les producteurs feront cela sont un sujet de discussion dans les cercles anarchistes et socialistes, mais c'est un désir commun. Les anarchistes préfèrent le contrôle direct par les travailleurs et la propriété par des associations de travailleurs ou par la commune.

De plus, les anarchistes rejettent aussi le capitalisme puisqu'il est aussi autoritaire qu'exploiteur. Dans un système capitaliste, les ouvriers ne contrôlent ni leur place dans le processus de production ni le produit de leur travail. Un telle situation n'est pas basée sur une liberté équivalente pour tous, et ne peut qu'être exploitante, c'est pourquoi les anarchistes s'y opposent. Cette vision est mieux explicitée dans le travail de Proudhon (qui a inspiré Tucker et Bakounine) où il montre que l'anarchisme verrait "L'exploitation capitaliste et propriétaire partout arrêtée [et] le salariat aboli" pour qu"où le travailleur (...) sera simplement le salarié du propriétaire-capitaliste-entrepreneur ; ou bien auquel il participera (...) Dans le premier cas le travailleur est subalternisé, exploité ; sa condition perpétuelle est l'obéissance (...) Dans le second cas, il reprend sa dignité d'homme et de citoyen (...) il fait partie de l'organisation de production, dont il n'était auparavant que l'esclave (...) nous n'avons point à hésiter, car nous n'avons pas le choix. (...) il y a nécessité de former entre les travailleurs de cette industrie une ASSOCIATION, puisque sans cela ils resteraient les uns par rapport aux autres subalternes et supérieurs, et qu'il y aurait ainsi, du fait de l'industrie, deux castes, celle des maîtres et celle des salariés : chose qui répugne dans une société libre et démocratique" [Op. Cit., p. 233 and pp. 215-216]

C'est pour cela que tous les anarchistes sont anti-capitalistes ("Si le travail possédait toute la richesse qu'il a produit, il n'y aurait pas de capitalisme" [Alexandre Berkman, What is Anarchism?, p. 44]). Benjamin Tucker, par exemple - l'anarchiste le plus influencé par le libéralisme (nous y reviendrons plus tard) - appelait ses idées "Anarcho-socialisme" et dénonçait le capitalisme comme un système basé sur "l'usure, la réception des intérêts, la rente et le profit." Tucker pensait que dans une société anarchiste, non-capitaliste, et de libre marché, les capitalistes deviendraient redondants et que l'exploitation du travail par le capital cesserait, puisque "le travail [...] assurera des salaires naturels, l'ensemble de son produit." [The Individualist Anarchists, p.82 et p.85] Une telle économie serait basée sur la banque mutuelle et le libre échange des produits entre les coopératives, les artisans et les paysans. Pour Tucker, et d'autre anarchistes individualistes, le capitalisme n'est pas un vrai marché libre, puisque des lois diverses et variées et des monopoles assurent aux capitalistes un avantage sur la classe ouvrière, donc leur exploitation future via le profit, les intérêts et les prêts. Même Max Stirner, l'ultra-égoïste, n'avait rien d'autre que du mépris pour la société capitaliste et ses divers "fantômes", ce qui pour lui signifie que les idées sont considérées comme sacrées ou religieuses, telles que la propriété privée, la concurrence, la division du travail, et ainsi de suite.

Ainsi les anarchistes se considèrent comme socialistes, mais des socialistes d'une certaine sorte - des socialistes libertaires. Ainsi que l'anarchiste individualiste Joseph A. Labadie le disait (faisant écho à Tucker et Bakounine) :

« On dit que l'anarchisme n'est pas le socialisme. C'est une erreur. L'anarchisme est du socialisme volontaire. Il y a deux sortes de socialisme, archiste et anarchiste, autoritaire et libertaire, étatique et libre. En fait, toutes les propositions d'amélioration sociale reviennent soit à augmenter soit à diminuer les pouvoirs des volontés et forces extérieures [qui s'exercent] sur l'individu. Lorsqu'elles les augmentent elles sont archistes ; Lorsqu'elles les baissent elles sont anarchistes. » [Anarchism: What It Is and What It Is Not]

Labadie a noté à plusieurs occasions que "tous les anarchistes sont socialistes, mais que tous les socialistes ne sont pas anarchistes." Par conséquent, l'observation de Daniel Guérin selon lequel "l'anarchisme est réellement un synonyme de socialisme. L'anarchiste est avant tout un socialiste dont le but est d'abolir l'exploitation de l'homme par l'homme" trouve un écho dans toute l'histoire du mouvement anarchiste, qu'elle soit sociale ou individualiste. [Anarchism, p. 12] En effet, Adolph Fischer (le Martyr de Haymarket) utilisait aussi exactement les mêmes mots que Labadie pour exprimer le même fait -- "tout anarchiste est socialiste, mais tout socialiste n'est pas nécessairement un anarchiste" -- Tout en reconnaissant que le mouvement était "divisé en deux factions, les communistes anarchistes et Proudhon ou la classe moyenne anarchiste."[The Autobiographies of the Haymarket Martyrs, p. 81]

Alors, que les socialistes et individualistes anarchistes sont en désaccord sur de nombreuses questions - par exemple, si un marché libre véritable, c'est-à-dire non capitaliste, serait le meilleur moyen de maximiser la liberté - ils conviennent que le capitalisme doit être combattu en tant qu'exploitation et oppression, et qu'une société anarchiste doit, par définition, être fondée sur l'association, et non sur le travail salarié. Seuls les travailleurs associés "diminueront les pouvoirs des volontés et des forces extérieures sur l'individu" durant les heures de travail, et par exemple, l'auto-gestion du travail, par les travailleurs eux mêmes, est le coeur idéal du socialisme réel. Cette perspective peut être vue quand Joseph Labadie notait que le syndicat était "L'exemplarité dans le gain en liberté par association" et que "Sans cette association, le travailleur est beaucoup plus esclave de son employeur qu'il n'est avec [le syndicat]". [Different Phases of the Labour Question]

Cependant, les significations des mots changent avec le temps. Aujourd'hui, le "socialisme" fait presque toujours référence au socialisme d'état, un système auxquels tous les anarchistes se sont opposés comme un déni à la liberté et aux véritables idéaux socialistes. Tous les anarchistes seraient d'accord avec la déclaration de Noam Chomsky sur cette question :

« Si la gauche est comprise en incluant le "Bolchevisme", alors je me dissocie totalement de la gauche. Lénine fut l'un des plus grands ennemis du socialisme. » [Marxism, Anarchism, and Alternative Futures, p. 779]

L'Anarchisme s'est développé en constante opposition aux idées du Marxisme, de la social democratie et du Léninisme. Longtemps avant que Lénine accède au pouvoir, Michel Bakounine avertissait les partisans de Marx contre la "Bureaucratie rouge" qui instituerait "Le pire de tous les gouvernements despotiques" si les idées d'État socialiste de Marx étaient mises en œuvre. En effet, les œuvres de Stirner, Proudhon et tout particulièrement Bakounine prédisent l'horreur de l'état-socialiste avec une grande exactitude. En outre, les anarchistes ont été parmi les premiers et les plus critiques et en opposition au régime bolchévique en Russie.

Néanmoins, étant socialistes, les anarchistes partagent quelques idées avec certains marxistes (Mais aucune avec les léninistes). Autant Bakounine et Tucker ont accepté l'analyse de Marx et la critique du capitalisme, ainsi que sa théorie de la valeur travail. Marx lui-même a été fortement influencé par le livre de Max Stirner "L'unique et sa propriété", qui contient une brillante critique de ce que Marx a appelé le communisme "vulgaire" ainsi que le socialisme d'État. Il y a eu aussi des éléments du mouvement marxiste tenant des vues très similaires à l'anarchisme social (particulièrement la branche anarcho-syndicaliste de l'anarchisme social) -- par exemple, Anton Pannekoek, Rosa Luxembourg, Paul Mattick et d'autres, qui sont très loin de Lénine. Karl Korsch et d'autres ont écrit avec bienveillance sur la révolution anarchiste en Espagne. Il y a beaucoup de continuités de Marx à Lénine, mais il y a aussi des continuités de Marx vers des "marxistes" libertaires(communistes de conseils ???), qui ont été sévèrement critiques à l'égard de Lénine et du bolchévisme et dont les idées se rapprochent du désir de la libre association d'égaux de l'anarchisme.

Donc, l'anarchisme est à la base une forme de socialisme, celui qui est l'opposé de ce qui est habituellement défini comme étant le "socialisme" (e.g., le contrôle et la propriété d'État). Au lieu de la "planification centralisée", dont beaucoup de gens associent le mot "socialisme", les anarchistes prônent la libre association et la coopération entre individus, les communautés et les lieux de travail et ainsi s'opposent au socialisme d'État comme étant une forme de capitalisme d'État dans lequel "tous les hommes [et femmes] seront récepteurs d'un salaire, et l'État l'unique payeur du salaire." [Benjamin Tucker, The Individualist Anarchists, p. 81] Ces anarchistes rejettent le marxisme (Ce que la plupart des gens pensent être le "socialisme") comme juste "l'idée de l'État comme capitaliste, à laquelle les sociaux-démocrates de la grande fraction du Parti socialiste tentent maintenant de réduire le socialisme." [Peter Kropotkin, The Great French Revolution, vol. 1, p. 31].

C'est du fait de ces différences avec les socialistes d'État, et pour réduire la confusion, que beaucoup d'anarchistes s'appellent "anarchistes", comme il est tenu pour acquis que les anarchistes sont socialistes. Toutefois, avec l'avènement de la soi-disant droite «libertaire» (les libertariens) aux États-Unis, certains pro-capitalistes ont pris l'habitude de s'appeler "anarchistes", et c'est pourquoi nous avons travaillé un peu le point ici. Historiquement, et logiquement, l'anarchisme implique l'anti-capitalisme, c'est-à-dire le socialisme, ce qui est quelque chose, que nous tenons à souligner, que tous les anarchistes ont convenu.

 - D'où vient l'anarchisme ?

D'où vient l'anarchisme ? Nous ne pouvons pas faire mieux que de citer La Plate-forme d'organisation des communistes libertaire produites par les participants du mouvement Makhnoviste dans la révolution russe. Ils font remarquer que :

" La lutte des classes créée par l'esclavage des travailleurs et de leurs aspirations à la liberté a donné naissance, au sein de l'oppression, à l'idée de l'anarchisme : l'idée de la négation totale d'un système social fondé sur les principes de classes et de l'État, et son remplacement par une société libre non-étatiste des travailleurs en auto-gestion. (...) Donc, l'anarchisme ne découle pas de la réflexion abstraite d'un intellectuel, ou d'un philosophe, mais de la lutte directe des travailleurs contre le capitalisme, depuis les besoins et les nécessités des travailleurs, de leurs aspirations à la liberté et l'égalité, aspirations qui deviennent particulièrement vives dans la meilleure période héroïque de la vie et de la lutte des masses travailleuses. (...) Les plus connus des penseurs anarchistes, Bakounine, Kropotkine et autres, n'ont pas inventés l'idée de l'anarchisme, mais l'ont découverte dans la masse, et ont tout simplement aidé par la force de leur pensée et de leur connaissance à la préciser et à la propager. " [pp. 15-16]

Comme le mouvement anarchiste en général, les Makhnovistes étaient un mouvement de masse de la classe ouvrière résistant aux forces de l'autorité, à la fois rouge (communistes bolchéviques) et les Blancs (tsaristes / capitalistes), en Ukraine de 1917 à 1921. Comme Peter Marshall le note : " l'anarchisme... a traditionnellement trouvé ces chefs partisans parmi les travailleurs et les paysans." [Demanding the Impossible, p. 652]

L'anarchisme a été créé dans, et par, la lutte des opprimés pour la liberté. Pour Kropotkine, par exemple, "L'anarchisme ... a son origine dans les luttes de tous les jours" et "Le mouvement anarchiste a été renouvelé à chaque fois qu'il a reçu une impression de quelque grande leçon pratique : elle tire son origine de l'apprentissage de la vie elle-même." [Evolution and Environment, p. 58 and p. 57] Pour Proudhon, "la preuve" de ses idées mutualistes provient de "la pratique actuelle, la pratique révolutionnaire" de "ces associations de travailleurs... Qui ont spontanément... étés formés à Paris et à Lyon... [et Montre que] l'organisation du crédit et l'organisation du travail se révèle à une seule et même [organisation]" [No Gods, No Masters, vol. 1, pp. 59-60] En effet, comme l'affirme un historien, il y avait "une étroite analogie entre les associations idéales de Proudhon... Et le programme des Mutualistes de Lyon" et qu'"il existait une convergence remarquable [entre les idées], et il est probable que Proudhon était capable d'articuler son programme de manière plus cohérente, positive en raison de l'exemple des travailleurs de la soie de Lyon. L'idéal socialiste qu'il travaillait était déjà en cours de réalisation, dans une certaine mesure, par ces travailleurs." [K. Steven Vincent, Pierre-Joseph Proudhon and the Rise of French Republican Socialism, p. 164]

Ainsi, l'anarchisme vient de la lutte pour la liberté et notre désir de mener une vie pleinement humaine, celle dans laquelle nous avons le temps de vivre, d'aimer et de jouer. Elle n'a pas été créée par un petit nombre de personnes séparées de la vie, dans une tour d'ivoire, la tête baissée sur la société et lui portants des jugements sur la base de leurs conceptions de ce qui est bien et mal. Au contraire, elle est un produit de la lutte de la classe ouvrière et de la résistance à l'autorité, l'oppression et l'exploitation. Comme Albert Meltzer a dit :

« Il n'y a jamais eu de théoriciens anarchistes en tant que tel, même si il a produit un certain nombre de théoriciens qui ont discutés de certains aspects de sa philosophie. L'anarchisme est restée une croyance qui a été élaboré dans l'action plutôt que la mise en pratique d'une idée intellectuelle. Très souvent, un écrivain bourgeois va en longueur et écrit ce qui a déjà été mis en pratique par les travailleurs et les paysans, il [ou elle] est attribuée par les historiens bourgeois comme étant un leader, et par les écrivains bourgeois successifs (en citant les historiens bourgeois) comme étant un cas de plus qui prouve que la classe ouvrière bourgeoise repose sur le leadership. » [Anarchism: Arguments for and against, p. 18]

Aux yeux de Kropotkine, "L'anarchisme a son origine dans la même activité créative et constructive des masses qui a fonctionné dans le passé sur toutes les institutions sociales de l'humanité - et dans les révoltes... Contre les représentants de la force, à l'extérieur de ces institutions sociales, qui avait posé la main sur ces institutions et les ont utilisés pour leur propre avantage." Plus récemment, l'"Anarchie a été apportée par la critique et même de la protestation révolutionnaire qui a donné naissance au socialisme en général." L'anarchisme, à la différence d'autres formes de socialisme, "a levé ses bras sacrilège, non seulement contre le capitalisme, mais aussi contre ces piliers du capitalisme : loi, autorité, et l'Etat." Tous ce que les écrivains anarchistes ont faits "c'est d'établir une expression générale des principes de [l'anarchisme] et les bases théoriques et scientifiques de ses enseignements" tirés de l'expérience de la classe ouvrière en lutte ainsi que l'analyse des tendances et les évolutions de la société en général. [Op. Cit., p. 19 and p. 57]

Toutefois, les tendances anarchistes et les organisations de la société ont existé bien avant que Proudhon se mette à prendre un stylo à papier en 1840 et se déclare anarchiste. Alors que l'anarchisme, en tant que théorie politique, est né avec la montée du capitalisme (l'Anarchisme "est apparu à la fin du XVIIIe siècle... [Et] a abordé le double défi de renverser à la fois le capital et l'Etat." [Peter Marshall , Op. Cit., P. 4]), les écrivains anarchistes ont analysé l'histoire des tendances libertaires. Kropotkine fait valoir, par exemple, que "de tout temps il y a eu des anarchistes et des étatistes." [Op. Cit., P. 16] Dans "L'Entr'aide" (et ailleurs) Kropotkine a analysé les aspects libertaire des sociétés précédentes et a noté que celles ci ont mises en oeuvre avec succès (dans une certaine mesure) une organisation anarchiste ou des aspects de l'anarchisme. Il a reconnu cette tendance par des exemples actuels des idées anarchistes qui précédent la création "officielle" du mouvement anarchiste et fait valoir que :

" De la plus reculée, des cavernes de l'antiquité, les hommes [et les femmes] ont réalisés les maux qui découlent de laisser certains d'entre eux acquérir une autorité personnelle... En conséquence, ils ont développés dans le clan des primitifs, la communauté villageoise, les guildes médiévales... Et enfin dans la ville médiévale libre, des institutions telles qui leur a permis de résister à l'empiètement sur leur vie et de leur fortune de ces deux inconnus qui les ont conquis, et de ceux de leur propre clan qui ont cherchés à établir leur autorité personnelle." [Anarchism, pp. 158-9]

Kropotkine a placé la lutte de la classe ouvrière (de par lequel l'anarchisme moderne pullule) à égalité avec ces anciennes formes d'organisation populaires. Il fait valoir que "les combinaisons du travail... ont été le résultat de la même résistance populaire à la montée en puissance de quelques-uns - les capitalistes dans le cas présent" de même que le clan, la communauté villageoise et ainsi de suite, comme l'ont été "les remarquables Indépendants, librement fédérées dans l'activité des 'Sections' de Paris et toutes les grandes villes et de nombreuses petites "communes", lors de la Révolution française" en 1793. [Op. Cit., p. 159]

Ainsi, alors que l'anarchisme en tant que théorie politique est une expression de la lutte des classes et le travail d'auto-activité contre le capitalisme et l'Etat moderne, les idées de l'anarchisme ont continuellement étés exprimées elles-mêmes dans l'action tout au long de l'existence humaine. Beaucoup de peuples indigènes en Amérique du Nord et ailleurs, par exemple, ont pratiqués l'anarchisme depuis des milliers d'années avant que l'anarchisme comme théorie politique n'existe. De même, les tendances et les organisations anarchistes ont existées dans toutes les grandes révolutions - les meetings des villes de la Nouvelle-Angleterre pendant la Révolution américaine, les 'sections' parisiennes pendant la Révolution française, les conseils de travailleurs et les comités d'usine pendant la révolution russe pour ne citer que quelques exemples (voir Murray Bookchin's The Third Revolution pour plus de détails). Cette situation n'est pas surprenante si l'anarchisme est, comme nous l'affirment, un produit de la résistance à l'autorité toute société avec les autorités provoquera la résistance et la possibilité de générer des tendances anarchistes (et, bien sûr, les sociétés sans aucune autorités ne peuvent pas m'empêcher d'être anarchiste).

En d'autres termes, l'anarchisme est une expression de la lutte contre l'oppression et l'exploitation, une généralisation de l'expérience de travail des personnes et des analyses de ce qui ne va pas avec le système actuel et à l'expression de nos espoirs et nos rêves d'un avenir meilleur. Cette lutte existait avant qu'il ait été appelé "anarchisme", mais le mouvement anarchiste historique (c'est-à-dire des groupes de personnes appelant leurs idées l'anarchisme et visant à une société anarchiste) est essentiellement un produit de la classe ouvrière luttant contre le capitalisme et l'Etat, contre l'oppression et l'exploitation, et pour une société libre d'individus libres et égaux.

Source initiale : infoshop

 

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