A propos d'une mode, le complotisme
Un très bon article de Dominique Vidal du Monde Diplomatique qui dénonce l'imposture du "complotisme", même si nous ne sommes pas obligatoirement d'accord sur toutes les analyses.
À la question Qui gouverne le monde ?, il y a deux types de réponses, celles, rationnelles, proposées par cette édition de L’état du monde ; et celles, irrationnelles, suggérées par les « complotistes » de tout poil, qui incriminent les Juifs, les Illuminati, voire les reptiliens.
Plus d’un siècle après la publication du Protocole des Sages de Sion (1), ce programme juif de domination du monde rédigé par le faussaire antisémite russe Matveï Golovinski pour le compte de l’Okrana, la police politique tsariste, on aurait tort de prendre ces visions à la légère, car elles connaissent une vogue sans précédent, dont témoignent plusieurs enquêtes d’opinion et qui leur confère un pouvoir croissant.
Des enquêtes d'opinion
Selon un sondage Ipsos (2) réalisé en mai 2014, un Français sur cinq croit que les Illuminati (voir plus bas), cette secte bavaroise disparue en 1789 qui a inspiré le Da Vinci Code de Dan Brown, existent encore et président aux destinées du monde . « Peu de spécialistes pensent que le phénomène Illuminati avait pris une telle ampleur, estime un quotidien (3).
La Miviludes, mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires, estimait ainsi récemment qu’un “mouvement de fond” était en train d’émerger, mais sans pouvoir le quantifier . »
Plus concret, un sondage Ifop (4), publié le 25 janvier 2015, interroge nos compatriotes sur les attentats du 11 septembre 2001 et de janvier 2015. Concernant les premiers, seuls 56 % des personnes interrogées déclarent qu’il est certain que « ces attentats ont été planifiés et réalisés par l’organisation terroriste Al-Qaida » ; 21 % pensent que « des zones d’ombre subsistent et que ce n’est pas vraiment certain que ces attentats aient été planifiés et réalisés uniquement par Al-Qaida » ; 4 % adhérent pleinement à l’idée d’« une manipulation du gouvernement et des services secrets américains » ; et 19 % ne se prononcent pas.
Le scepticisme, estime l’Ifop, est nettement moins répandu concernant les attentats de janvier 2015 à Paris. 70 % des sondés jugent qu’il « est certain que ces attentats ont été planifiés et réalisés par des terroristes islamistes », soit un score supérieur de 14 points ; 16 % estiment que « des zones d’ombre subsistent et que ce n’est pas vraiment certain que ces attentats ont été planifiés et réalisés uniquement par des terroristes islamistes » ; 2 % qu’« il s’agit d’une manipulation et d’un complot organisé par le gouvernement et les services secrets français » ; et 12 % ne se prononcent pas.
L’Ifop note que les mêmes clivages s’expriment pour les attentats de Paris qu’à propos du 11-Septembre.
Les jeunes de moins de 35 ans (61 %), les milieux populaires (65 %) et les moins diplômés (68 %) sont les catégories qui partagent le moins l’idée que les attentats de Paris ont été planifiés et réalisés par des terroristes islamistes, alors que cette certitude est nettement plus répandue parmi les seniors (78 %), les cadres supérieurs (79 %) et les titulaires d’un diplôme supérieur à Bac+2 (83 %).
Mais « on voit que même dans ces milieux les plus informés, la remise en cause de la lecture fournie par les médias et les pouvoirs publics n’est pas résiduelle et concerne une minorité significative », souligne l’Ifop.
Quant à la dimension antisémite du complotisme, elle ressort d’une autre enquête de l’Ifop menée en novembre 2014 pour le compte de la Fondation pour l’innovation politique (Fondapol) (5) sur la persistance des préjugés antisémites dans l’opinion publique française : 16 % des Français pensent qu’« il existe un complot sioniste à l’échelle mondiale » ; et 25 % estiment que « le sionisme est une organisation internationale qui vise à influencer le monde et la société au profit des Juifs ».
Autant il serait dangereux de prendre les indications de ces sondages au pied de la lettre, car les formulations de leurs questions sont souvent ambiguës, autant ils indiquent utilement des tendances et des ordres de grandeur.*
L’imagination des « conspirationnistes » ne s’arrête pas là. Dans l’éditorial du numéro de la revue Agone consacré à ce thème Miguel Checa établit un « top ten » des complots :
« 1) l’alunissage n’a été en réalité qu’une mise en scène télévisée de la NASA ;
2) le gouvernement des États-Unis était derrière les attaques du 11-Septembre ;
3) la princesse Diana a été assassinée ;
4) les Juifs contrôlent Wall Street et Hollywood ;
5) la scientologie domine Hollywood ;
6) Paul McCartney est mort ;
7) le sida a été créé par l’homme ;
8) le poulet frit est cause de stérilité parmi les Noirs ;
9) une race extraterrestre de lézards domine notre planète ;
10) les Illuminati dominent le monde. »
Comment expliquer le succès redoublé de toutes ces théories ?
1- L’histoire est bel et bien jalonnée de complots
Voilà qui confirme la prémonition du politologue américain Richard Hofstadter, dont le livre "Le Style paranoïaque. Théories du complot et droite radicale en Amérique", publié en 1964, constitue un grand classique. Il écrit : « Le style paranoïaque ne se limite ni à l’expérience américaine ni à la période dont nous sommes les contemporains [les années 1960]. L’idée d’une vaste conspiration fomentée par les jésuites ou les francs-maçons, les capitalistes ou les juifs du monde entier, ou encore les communistes s’est répandue dans de nombreux pays au cours de l’histoire moderne. »
Comment expliquer le succès redoublé de toutes ces théories ? La première raison tient à une évidence très souvent oubliée dans la littérature sur le conspirationnisme : l’histoire est bel et bien jalonnée de complots. Que ceux-ci aient été ourdis par des pouvoirs ou des forces d’opposition et réalisés par des armées ou des services de renseignements, leur point commun réside dans le secret dont ils s’entourent, avec plus ou moins de succès.
Citons pêle-mêle l’assassinat de Jules César (15 mars 44 avant J.-C.), l’incident de Gleiwitz (31 août 1939, prétexte de l’invasion nazie de la Pologne), le coup d’État de la CIA contre le Premier ministre iranien Mohammad Mossadegh (18 août 1953), l’incident du Golfe du Tonkin destroyer US Maddox (2 et 4 août 1964, qui précipita l’intervention américaine au Vietnam), le cambriolage du Watergate (17 juin 1972, qui entraîna la démission de Richard Nixon), le coup d’État du général Augusto Pinochet (11 septembre 1973), le dispositif Gladio de l’OTAN en Europe (années 1950-1980), le scandale de l’Irangate (année 1980), le sabordage par les services secrets français du Rainbow Warrior (10 juillet 1985), nombre de massacres en Algérie (années 1990), les armes de destruction massive irakiennes (2003, prétexte à l’intervention américaine en Irak)…
Si le passé ne manque pas de vrais complots, il en comporte néanmoins autant de faux. Dans cet inventaire à la Prévert figurent, par exemple, la trahison attribuée au capitaine Alfred Dreyfus (1894-1906), celle imputée aux Blouses blanches (janvier-mars 1953), celles des victimes du maccarthysme (années 1950), le procès des « traîtres » de Prague (novembre 1952), la rumeur d’Orléans (1969), la filière bulgare (années 1980), l’« assassinat » de Lady Di (31 août 1997), la « fausse mort » de Mohamed Al-Dura (30 septembre 2000), le tremblement de terre « provoqué » à Haïti (12 janvier 2010), le crash de l’avion du président polonais Lech Kaczinsky (10 avril 2010), celui du P-DG de Total Christophe de Margerie (20 octobre 2014), le cancer « provoqué » du président vénézuélien Hugo Chavez (2013), les printemps arabes « mis en scène » par la CIA (2010-2012)…
2- La complexité du monde dans l’après-guerre froide
La deuxième raison tient à la complexité du monde dans l’après-guerre froide. Du temps de l’affrontement Est-Ouest, les conflits de la planète semblaient simples : il suffisait de décrypter le rôle respectif de l’Union soviétique et des États-Unis, puis celui de leurs alliés, et le tour était joué. Las, ce monde bipolaire a disparu, et l’hégémonie américaine n’est plus incontestée : Barack Obama restera sans doute dans l’histoire comme le président qui en a pris acte et s’est efforcé de désembourber les États-Unis, du retrait d’Irak et d’Afghanistan à l’accord sur le nucléaire iranien. Désormais, la compréhension de chaque affrontement, d’un bout à l’autre de la planète, exige une approche multifactorielle – historique, économique, sociétale, politique, idéologique, religieuse, géopolitique et, bien sûr, militaire. Il en va de même de la complexité des logiques de pouvoir à l’échelle mondiale. Si celles-ci étaient transparentes, compréhensibles et assumées, elles ne donneraient pas prise aux théories du complot.
La réponse complotiste dispense de tels efforts : elle donne à qui la fait sienne l’impression de comprendre simplement, à moindres frais, le cours des événements. Avec, en prime, le frisson que procure la sensation de découvrir les coulisses cachées de l’Histoire.
Défiance généralisée à l’égard de la classe médiatique et politique
3- La défiance généralisée à l’égard de la classe politique et médiatique
Cet apparent raccourci ne fonctionnerait aussi bien sans la troisième raison du succès du conspirationnisme : la défiance généralisée à l’égard de la classe politique et médiatique.
Concernant les institutions politiques, le baromètre du Cevipof (6) avec Opinionway nous offre des points de repère intéressants sur l’opinion française. Le dernier, qui date en janvier 2016 , mesure ainsi le degré de confiance de nos concitoyens, comparé à celui de 2010 : en leur maire 63 % (65 %) ; en leur conseiller général 49 % (54 %) ; en leurs conseillers régionaux 49 % (53 %) ; en leur député 42 % (47 %) ; dans le Premier ministre 33 % (38 %) ; en leurs députés européens 30 % (35 %) ; dans le président de la République 29 % (32 %)...
Plus subjectives, les réponses des sondés sur les « sentiments » qu’ils éprouvent pour la politique ne sont pas moins significatives : elle leur inspire de la méfiance (39 %), du dégoût (33 %), de l’ennui (8 %) et de la peur (2 %), soit 82 % de sentiments négatifs. Le personnel politique leur semble plutôt corrompu (76 %) – contre 22 % qui le jugent plutôt honnête.
S’agissant des médias, nous disposons d’un instrument de mesure sur la très longue durée : le sondage annuel de la Sofrès pour le quotidien La Croix. Le dernier en date remonte à février 2016 : 64 % des sondés, contre 27 % estiment que les journalistes ne sont « pas indépendants des pressions des partis politiques et du pouvoir », et 58 % (contre 28 %) « pas indépendants des pressions de l’argent ». Quant à savoir « si les choses se sont passées comme les médias le racontent » : 31 % disent oui pour Internet (39 % en 2015), 50 % pour la télévision (57 %), 51 % pour le journal (58 %), 55 pour la radio (63 %). « Ces résultats renvoient à une forme de désespérance de la société française, très critique vis-à-vis de ses médias comme vis-à-vis de toute institution », souligne Carine Marcé, directrice associée chez TNS Sofres. Et pour cause, ajoutera-t-on : les pratiques des médias comme celles des politiques – à l’exception près, qui confirme la règle – expliquent largement la désaffection qui les touche.
Ou, pour personnaliser les choses, David Pujadas est un agent plus actif du complotisme que Thierry Meyssan…
4- Le déclin des grandes idéologies et des valeurs dont elles étaient porteuses
Au-delà de la défiance vis-à-vis de la classe médiatique et politique, il y a – quatrième raison – le déclin des grandes idéologies et des valeurs dont elles étaient porteuses. La fin de la guerre froide a brouillé la plupart des étiquettes identitaires (7). Seuls les pôles religieux ont survécu, bien qu’inégalement : si l’islam connaît une forte croissance, le christianisme subit, en Occident, les effets de la sécularisation. Cette perte de repères atteint aussi bien les personnes que les groupes – ou, pour utiliser les catégories d’Émile Durkheim, l’« être individuel » et l’« être social » qui coexistent en nous.
Comme nous l’écrivions ici même , définir une identité individuelle, collective, nationale et a fortiori supranationale relève de la gageure. Non seulement le « désenchantement du monde » décrit par Max Weber concerne le politique après le religieux, mais il menace jusqu’à l’idée même d’utopie. « Si l’effondrement du communisme, observe le sociologue Patrick Michel, vaut disqualification de l’utopie comme noyau dur d’un dispositif de légitimation du politique, cela entraîne du même coup une dis-qualification du futur comme socle d’articulation des registres du temps : se projeter dans l’avenir pour relire le passé et donner sens au présent. »
Et le philosophe Jacques Rancière (8) d’en conclure : « Avant, il existait de “grandes subjectivations collectives” – par exemple le mouvement ouvrier – qui permettaient aux exclus de s’inclure dans un même monde avec ceux-là mêmes qu’ils combattaient. L’offensive dite néolibérale a laminé ces forces et criminalise maintenant la lutte des classes, comme on le voit encore dans le cas de Goodyear. Les exclus sont rejetés vers des subjectivations identitaires de type religieux et vers des formes d’action criminelles et guerrières . »
5- La généralisation d’Internet et des réseaux sociaux
Cinquième raison : la généralisation d’Internet et des réseaux sociaux Car les théories complotistes avaient – et ont – peu accès aux médias traditionnels. En revanche, la révolution numérique a attiré sur elles l’attention d’un beaucoup plus large public.
Il ne se passe pas vingt-quatre heures après un événement majeur sans que ne se répande une rumeur conspirationniste : au lendemain du massacre à Charlie Hebdo, les imaginations s’enflamment sur la différence de couleur d’un rétroviseur de la voiture des terroristes, l’absence de sang sous la tête du policier abattu dans la rue et la carte d’identité oubliée par un des frères Kouachi ; dans la nuit du 13 novembre 2015, on « apprend » que la communauté juive aurait été prévenue, que Le Bataclan aurait été vendu à des non-Juifs et qu’un des kamikazes de Saint-Denis a perdu son passeport – et qu’une même jeune fille éplorée figure sur les images de plusieurs attentats…
La théorie du complot, un vaste fourre-tout attrape-tout…
Si le complotisme représente désormais une mode quasi universelle, encore convient-il de préciser ce qu’on entend par là.
Quelle est la fonction des conspirations ? Elle mélange l’occultation du réel, la diversion, la construction d’ennemis, la création de boucs émissaires, l’incitation à la haine raciale ou religieuse…
À l’inverse, la « chasse aux complots », elle aussi très en vogue, ne comporte-t-elle pas des limites ?
Richard Hofstadter introduit sur ce point une nuance essentielle : « Le trait distinctif du style paranoïaque, écrit-il dans son livre, déjà cité, ne tient pas à ce que ses représentants voient des conspirations ou des complots çà et là au cours de l’histoire, mais au fait qu’à leurs yeux, une “vaste” et “gigantesque” conspiration constitue la force motrice des événements historiques. L’histoire est une conspiration ourdie par des forces démoniaques d’une puissance quasi transcendante. » C’est notamment le cas avec les Illuminati.
Illuminati
Tout commence en Bavière, en 1776. Un ancien jésuite, Adam Weishaupt, fonde une société secrète : les Illuminati. Ceux-ci auraient infiltré des loges de la franc-maçonnerie allemande. Mais toutes les sociétés secrètes bavaroises sont dissoutes en 1784, et les Illuminati disparaissent.
Telle n’est pas l’opinion de l’abbé Augustin Maruel, qui rédige en 1798 les Mémoires pour servir à l’histoire du Jacobinisme. Pour lui, la Révolution française résulte, non d’un mouve-ment populaire spontané, mais d’une conspiration antichrétienne.
Selon leurs « fidèles », les Illuminati n’auraient cessé, depuis, de conspirer pour dominer le monde. Avec un succès dont témoigne depuis 1933… le billet d’un dollar ! La version créée par le franc-maçon Franklin D. Roosevelt comporte en effet une pyramide égyptienne coupée en deux, avec à sa pointe un œil rayonnant et en bas la date MDCCLXXVI, date de la fondation des États-Unis et… des Illuminati.
Pour leur part, le sociologue Patrick Champagne et le politologue Henri Maler (9) dénoncent l’usage abusif de l’expression « théorie du complot ». Celle-ci « remplit des fonctions sociales et idéologiques relativement puissantes et cela d’autant mieux qu’il ne s’agit pas d’une véritable théorie, c’est-à-dire d’un ensemble de propositions cohérentes, discriminantes et falsifiables. Elle annexe à des critiques qui peuvent être fondées des imputations sans preuves qui fonctionnent alors comme de simples calomnies. Et la calomnie peut frapper d’autant plus largement que la théorie de “la théorie du complot” telle qu’elle est construite, est un vaste fourre-tout attrape-tout qui fonctionne par association de mots et mélange tous les genres : journalistiques et scientifiques, théoriques et polémiques, militants et politiques . »
Philosophe, maître de conférences à Paris-X, Aurélie Ledoux souligne l’ambiguïté politique du complotisme dans son article du numéro spécial d’Esprit consacré à cette problématique : « On pourrait donc voir dans le conspirationnisme contemporain le croisement de deux influences : celle qui est en son fond réactionnaire, élitiste et anti-moderne, et celle, populaire, “de gauche” ou anarchiste, qui procède d’une méfiance toute moderne vis-à-vis du pouvoir et de ses représentations. Si la première s’enracine dans la critique de la Révolution française et se nourrira des Protocoles des sages de Sion, la seconde résulte plutôt d’une méfiance à l’égard des images et de leur usage médiatique, qui se manifeste particulièrement à partir de l’assassinat de Kennedy et de l’affaire du Watergate, mais que l’on peut faire remonter à la Première Guerre mondiale et à l’instrumentalisation du cinéma à des fins de propagande. »
Le politologue Alain Garrigou (10), lui aussi, souligne les limites de la « chasse aux complotistes » : « Même la plus contestable théorie du complot, même la plus dévoyée, a une affinité avec l’esprit scientifique : la vérité n’est pas visible, n’est pas donnée. Et contrairement au régime d’opinion, tout n’est pas relatif. Le dévoiement de la raison en complots fantasmatiques ne saurait être utilisé systématiquement contre l’ambition scientifique de dévoilement. Élucider des mécanismes, dévoiler des systèmes, comprendre des logiques n’est pas mettre à jour des complots, même si c’est parfois le cas, mais révéler que les raisons et les méthodes de l’action échappent à la lucidité des acteurs . »
On pourra conclure avec l’économiste Frédéric Lordon (11) qu’il faut « dire des complots eux-mêmes qu’ils requièrent d’éviter deux écueils symétriques, aussi faux l’un que l’autre :
1) en voir partout ;
2) n’en voir nulle part. »
Et d’en appeler « à une pensée non complotiste des complots, c’est-à-dire aussi bien :
1) reconnaître qu’il y a parfois des menées concertées et dissimulées – on pourra les appeler des complots,
2) refuser de faire du complot le schème explicatif unique de tous les faits sociaux, ajouter même que de tous les schèmes disponibles, il est le moins intéressant, le moins souvent pertinent, celui vers lequel il faut, méthodologiquement, se tourner en dernier… et ceci quoiqu’il ait parfois sa place ! »
NOTES
(1) Voir Pierre-André TAGUIEFF, Les Protocoles des sages de Sion. Faux et Usages d’un faux, Berg International et Fayard, Paris, 2004.
(2) Résultats d’une étude exclusive IPSOS pour Fleuve Éditions, réalisée en mai 2014 sur un panel de 1 500 individus de 15 à 65 ans.
(3) « Le préoccupant retour de la théorie du complot », Le Parisien, 18 juin 2014 (disponible sur <www.leparisien.fr>).
(4) Les commanditaires et auteurs perçus des attentats de New York en 2001 et de Paris et Montrouge en 2015, Ifop pour Sud Ouest Dimanche, janvier 2015 (disponible sur <www.ifop.com>).
(5) Dominique REYNIE, « L’antisémitisme dans l’opinion publique française. Nouveaux éclairages », Fondation pour l’inovation politique, novembre 2014 (disponible sur <www.fondapol.org>).
(6) En qu(o)i les Français ont-ils confiance aujourd’hui ? Le baromètre de la confiance politique, CEVIPOF-Sciences Po, janvier 2016 (disponible sur <www.cevipof.com>).
(7) Dominique VIDAL, « Extrêmes-droites, stratégies et identités », Nouveaux acteurs, nouvelle donne. L’état du monde 2012, La Découverte, Paris, 2011.
(8) Éric AESCHIMANN, « Comment sortir de la haine : grand entretien avec Jacques Rancière », Le Nouvel Observateur, 7 février 2016 (disponible sur <http://bibliobs.nouvelobs.com>).
(9) Henri MALER et Patrick CHAMPAGNE, « “La théorie du complot” en version France Culture (par P.-A.Taguieff, savant) », Acrimed, 1er février 2010 (disponible sur <www.acrimed.org>).
(10) Alain GARRIGOU, « Vous avez dit complot… », Les blogs du Diplo, 21 juin 2011 (disponible sur <http://blog.mondediplo.net>).
(11) Frédéric LORDON, « Conspirationnisme : la paille et la poutre », Les blogs du Diplo, 24 août 2012 (disponible sur <http://blog.mondediplo.net>).
Pour en savoir plus :
Richard HOFSTADTER, Le Style paranoïaque. Théories du complot et droite radicale en Amérique, Éditions François Bourin, Paris, 2012.
Yves PAGES, « Le pseudo-complot Illuminati. L’étrange destin d’une conspiration imaginaire (1797-2015) », Revue du Crieur, n° 1, juin 2012.
« Les théories du complot », Agone, n° 47, Marseille, janvier 2012.
« Vous avez dit complot ? », Le Monde diplomatique, juin 2015.
« La passion du complot », Esprit, Paris, novembre 2015.
« On vous ment ? », Society, Paris, 18 au 31 mars 2016.
- Dominique Vidal est historien et journaliste, on se souvient de sa participation au Monde Diplomatique ou de ses interventions dans l'émission "Là-bas si j'y suis" de Daniel Mermet. Un bon connaisseur aussi de la situation au Moyen-Orient, du conflit israélo-palestinien. Parmi ses nombreux ouvrages, se trouvent aussi des publications sur l'extrême-droite. C'est aussi une personne qui sait s'engager.
- En complément à l'analyse de Dominique Vidal : "L'ère du complotisme, la maladie d'une société fracturée", ouvrage de Marie Peltier, paru en octobre 2016. Concernant ce livre, lire, écouter son entretien sur France-Inter et cet article de Memorial 98, site antiraciste et antifasciste.
- Dominique Vidal aborde la question, mais il faudrait encore toute une étude particulière sur l'utilisation et la diffusion de sujets complotistes que font la fachosphère, (Alain Soral et son "Egalité et Réconciliation", les sites lepénistes et leur web-télé "TV Libertés", d'innombrables sites catho-réacs, ....), que font aussi des rouges virant très bruns, dont l'anti-impérialisme est complètement dévoyé (outre le "fameux" Réseau Voltaire de Thierry Meyssan, citons "Réseau International", "Arrêt sur Info.ch" ...).
A cette liste pas du tout exhaustive, il faut ajouter le rôle de médias (présents surtout sur l'internet et les réseaux sociaux) pilotés directement par la garde rapprochée de Poutine, "RT-Russia Today" ou "Sputnik", ... : ceux-là aussi mettent souvent en avant des "infos"qui ne sont qu'élucubrations et intox complotistes, sciemment, et font d'ailleurs le lien, de façon tout à fait étudiée et volontaire, entre bruns et rouges.
- Très utile est aussi, et bien que ce livre ne concerne pas uniquement le complotisme : " La France russe - Enquête sur les réseaux Poutine" (paru en mai 2016) du journaliste Nicolas Hénin (il avait été otage de Daesh durant de nombreux mois...)
- SOURCE : Vigilance Isère Antifascisme
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