★ 15 réalités de la crise écologique mondiale

1. La civilisation industrielle n’est pas et ne peut pas être soutenable.
Tout système social basé sur l’utilisation de ressources non-renouvelables est insoutenable par définition. Non-renouvelables signifiant qu’elles finiront ultimement par manquer. En surexploitant votre environnement non-renouvelable, vous finirez par le vider et par mourir. De la même manière, en exploitant votre environnement renouvelable — les arbres, par exemple — plus rapidement qu’il ne peut se régénérer, vous l’épuiserez et finirez par mourir. Il s’agit précisément de ce que fait la civilisation depuis le début de son expansion il y a 10 000 ans — en épuisant les sols, les rivières, les forêts mais aussi les métaux, le charbon et le pétrole.
2. La civilisation industrielle entraine un effondrement planétaire du vivant.
En raison de l’insatiable appétit de la civilisation industrielle pour la croissance, nous avons dépassé la capacité de charge de la planète. Une fois la capacité de charge d’une zone spécifique dépassée, les communautés écologiques qui s’y trouvent se voient sévèrement endommagées, et plus la surexploitation perdure plus les dommages empirent, jusqu’à ce que les populations s’effondrent. Cet effondrement a lieu en ce moment-même. Chaque 24 heures, plus de 200 espèces s’éteignent. 90% des grands poissons des océans ne sont plus. 98% des forêts originelles, 99% des zones humides ainsi que 99% des prairies originelles ont été éradiquées.
3. La civilisation industrielle est basée sur — et requiert — une violence permanente et systématique.
Ce mode de vie est basé sur les prérogatives autoproclamées des puissants à exploiter les ressources sur lesquelles ils jettent leur dévolu. Tous les territoires que la civilisation industrielle exploite actuellement ont été volés par la force à leurs habitants originels, et façonnés à l’aide de processus — exploitations forestières industrielles, exploitations minières, fontes — les structurant violemment à des fins industrielles. Les communautés traditionnelles abandonnent ou vendent rarement volontairement les ressources grâce auxquelles elles survivent et ne permettent pas volontairement que leurs territoires soient endommagés afin que d’autres ressources — or, pétrole, etc. — puissent en être extraites. Il s’ensuit que ceux qui convoitent ces ressources feront tout ce qui est en leur pouvoir pour les acquérir par tous les moyens nécessaires. L’extraction de ressources ne peut se faire sans l’usage de force et l’exploitation.
L’industrialisation est un processus transformant des communautés entières d’êtres vivants en marchandises et en zones mortes. Remontez à la source de chaque artefact industriel et vous constaterez la même dévastation : exploitation minière, coupes rases, barrages, agriculture, et aujourd’hui sables bitumineux, destruction des montagnes et fermes d’éoliennes. Ces atrocités, et d’autres du même acabit, se produisent autour de nous, chaque jour, seulement pour le fonctionnement normal des choses. Il n’existe pas de version plus gentille, plus verte, de la civilisation industrielle, qui nous permettrait de laisser vivre la planète.
5. Ce mode d’existence n’est pas naturel.
Les humains, ainsi que leurs prédécesseurs évolutionnaires immédiats, ont vécu de manière soutenable depuis au moins un million d’années. Ce n’est pas dans la « nature humaine » de détruire son habitat. La « centralisation du pouvoir politique, la séparation en classes, la division du travail pour la vie, la mécanisation de la production, l’amplification du pouvoir militaire, l’exploitation économique des faibles et l’introduction universelle de l’esclavage et du travail forcé à des fins industrielles et militaires » ne sont que les caractéristiques principales de la civilisation, et ne sont des constantes qu’à travers son histoire.
6. La civilisation industrielle n’est rendue possible qu’en raison d’une énergie bon marché.
La seule raison pour laquelle des processus industriels comme l’agriculture à grande échelle et l’exploitation minière existent est la présence de pétrole bon marché ; sans cela, les processus industriels redeviennent dépendants de l’esclavage et de la servitude, comme ce fut le cas pendant la majeure partie de l’histoire de la civilisation.
7. Le pic pétrolier, et avec lui l’ère du pétrole bon marché, a déjà eu lieu.
Le pic pétrolier correspond au point où la production de pétrole atteint son apogée. Le pic pétrolier a déjà été passé et à partir de là les extractions vont décliner. Le déclin rapide en disponibilité de l’énergie mondiale résultera en une intensification des crises économiques et des bouleversements. Les coûts croissants et les ressources décroissantes en énergie déstabiliseront la manufacture et le transport et entraineront un trouble économique mondial. Les pauvres seront incapables de s’en sortir face aux prix croissants des denrées élémentaires, et les limites financières résulteront ultimement en l’impossibilité technique d’une production énergivore et à grande échelle, ce qui entrainera l’effondrement de l’infrastructure agricole, et des réseaux associés de transport et de distribution.
Au point où nous en sommes, il n’y a pas de bonne issue à court terme pour la société humaine mondiale. L’effondrement de la civilisation industrielle est inévitable, que nous tentions de le précipiter ou pas, il ne s’agit que d’une question de temps. Le problème étant que chaque jour où les rouages de ce système destructeur continuent à tourner est un jour de guerre contre le monde naturel. Étant donné que les plus de 200 espèces et 32 000 hectares de forêts humides qui disparaissent chaque jour ne représentent qu’une partie des atrocités journalières et systémiques qui permettent de maintenir à flot nos modes de vie, plus cet effondrement se produit tôt, mieux ce sera.
8. “Les technologies vertes” et les “énergies renouvelables” ne sont pas soutenables et ne sauveront pas la planète.
Les panneaux solaires et les éoliennes ne sont pas fabriqués en rien. Ces technologies « vertes » sont fabriquées à partir de métaux, de plastiques et de produits chimiques. Ces produits ont été extraits du sol, transportés sur des vastes distances, traités et assemblés dans d’immenses usines, et requièrent une maintenance régulière. Chacune de ces étapes entraîne une destruction environnementale étendue, et chacune de ces étapes n’est possible qu’en raison de l’utilisation massive d’énergie bon marché tirée des combustibles fossiles. Ni les combustibles fossiles ni les minéraux extraits ne sont des ressources soutenables ; par définition, elles s’épuiseront. Même les matériaux recyclés doivent subir des traitements hautement énergivores avant de pouvoir être réutilisés.
9. Les actes de consommation personnels ne sauveront pas la planète.
La société de consommation et l’état d’esprit capitaliste nous ont appris à prendre nos actes de consommateurs pour de la résistance politique organisée. Les habitudes de consommation personnelles — changer de type d’ampoule, devenir vegan, prendre des douches plus courtes, recycler, prendre les transports en commun — n’ont rien à voir avec une redistribution du pouvoir corporatiste, ni avec l’arrêt de l’économie de croissance qui détruit actuellement la planète. De plus, 90% de l’eau que consomment les humains est utilisée par l’agriculture et l’industrie. Les ¾ de l’énergie consommée et 95% des déchets sont produits par le commerce, par les corporations, par l’agriculture et l’industrie militaire. En blâmant l’individu, nous acceptons la redéfinition capitaliste de l’être humain devenant consommateur, ce qui restreint notre potentiel de résistance à consommer et ne pas consommer.
10. Il n’y aura pas de transformation volontaire massive vers un mode de vie sain et soutenable
Les systèmes de pouvoir concrets de notre temps rendent impossible toute possibilité de réforme sociale ou politique significative. Ceux au pouvoir bénéficient trop de la destruction de la planète pour autoriser des changements systémiques qui auraient pour conséquence, entre autres, de rogner leurs privilèges. Maintenir ce système à flot est plus important pour eux que les vies humaines et non-humaines détruites par les processus d’extractions, de traitements et d’utilisations des ressources naturelles.
11. Nous avons peur.
Nous sommes effrayés, et il s’agit là de la première raison pour laquelle nous ne résistons pas. Nous savons que si nous agissions de manière décisive pour protéger les endroits et les créatures que nous aimons ou que si nous agissions de manière décisive pour mettre fin à l’exploitation corporatiste des pauvres, ceux au pouvoir nous attaqueraient avec toute la puissance de l’état. Nous pouvons nous raconter autant d’histoire que nous voulons sur la vie en soi-disant démocratie et sur le consentement des gouvernés, mais le fait est que ceux qui s’opposent effectivement à la volonté de ceux au pouvoir risquent leur vie et se font automatiquement attaquer. Nous ne devons pas nous cacher cela, afin de pouvoir affronter la situation actuelle sans inhibition : ceux au pouvoir détruisent la planète et exploitent les pauvres, et nous ne les en empêchons pas parce que nous avons peur. C’est ainsi que fonctionnent les régimes autoritaires et les abuseurs : ils dissuadent leurs victimes et les autres observateurs d’agir en leur faisant peur.
12. Si nous ne combattons qu’au sein du système, nous perdrons.
Les choses ne changeront pas soudainement si nous utilisons les mêmes approches que celles qui sont utilisées depuis 30 ans. Lorsque rien ne fonctionne pour stopper ou ne serait-ce que freiner l’accélération de la destruction, il est temps de changer de stratégie. Jusqu’à présent, la majeure partie de nos tactiques et de nos discours (qu’il s’agisse de désobéissance civile, d’écrire des lettres ou des livres, de banderoles, de protection de petites parcelles de forêts, de poursuites judiciaires, ou de recherches scientifiques) ne sortent pas du cadre de ce qui est autorisé par les structures dominantes, celles-là même qui causent et autorisent la destruction.
13. Démanteler la civilisation industrielle est la seule solution rationnelle et définitive.
Nos stratégies, à ce jour, ont échoué parce que nos actions violentes comme non-violentes n’étaient pas des tentatives visant à nous débarrasser de la civilisation industrielle elle-même. En permettant à ses principales structures de perdurer, nous garantissons la continuation des comportements que ces structures requièrent et engendrent. Si nous ne l’arrêtons pas, la civilisation continuera à paupériser la grande majorité des êtres humains et à dégrader le paysage écologique de la planète jusqu’à ce qu’elle (la civilisation, et la planète aussi, probablement) s’effondre. Plus nous attendons que la civilisation s’effondre — ou qu’on la fasse s’effondrer — plus l’effondrement sera dramatique, et plus les choses seront compliquées pour les humains et les non-humains qui l’endureront, et pour ceux qui viendront après.
14. La résistance militante fonctionne.
Les études des insurrections sociales et des mouvements de résistance du passé montrent que certaines stratégies pour conflits asymétriques sont extrêmement efficaces.
15. Nous devons bâtir une culture de résistance.
Certaines choses — une planète vivante, y compris — valent le coup de se battre quel que soit le coût du combat, lorsque les autres moyens d’actions ont déjà prouvé leur inefficacité. Étant donné l’universalité des destructions qu’engendre la civilisation industrielle, peu importe où vous posez votre regard — peu importe vos aptitudes ou ce qui vous tient à cœur — partout un travail terriblement important nous attend. Certains d’entre nous peuvent poursuivre judiciairement et faire appel contre les ventes de bois. Certains peuvent aider les petits paysans ou œuvrer dans le domaine de l’agriculture soutenable [l’agroécologie, la permaculture, NdT]. D’autres peuvent s’occuper des services d’écoute téléphonique pour les urgences liées aux viols, ou travailler dans des refuges pour femmes battues ; d’autres encore peuvent travailler dans le commerce équitable, ou tenter de stopper entièrement le secteur du commerce international, d’autres peuvent éliminer des barrages, des pipelines, des équipements miniers et des infrastructures électriques.
Nous devons nous battre pour ce que nous aimons, lutter plus vigoureusement encore que nous nous en pensions capables. Tous les scénarios dans lesquels la civilisation industrielle perdure garantissent la destruction du monde.
Deep Green Resistance Traduction : Nicolas Casaux
Traduction d'un article initialement publié (en anglais) à l'adresse suivante.
- SOURCE : Le Partage - 23 juillet 2016
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