★ Contre la machine libérale de la social-démocratie
Loin de freiner les attaques antisociales entreprises par près de vingt ans de droite au pouvoir, l’arrivée du Parti socialiste à la présidence de la République, en 2012, les a même accélérées. Sans doute le patronat n’avait-il jamais été aussi bien servi depuis de longues années. Du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (2012) au pacte dit de « responsabilité » (2014), ce sont plusieurs dizaines de milliards d’euros de cadeaux fiscaux que le gouvernement socialiste a offert au capital.
Mais les largesses de François Hollande et sa clique ministérielle ne se sont pas limitées au seul porte-monnaie des exploiteurs. Répondant à quelques vieux désirs nourris par le Medef depuis des années, le nouveau gouvernement a entrepris de s’attaquer au Code du travail et à certains statuts salariés. Ainsi, l’accord national interprofessionnel (ANI) de janvier 2013 transposé en loi le 14 juin 2013 instaure-t-il la « flexisécurité » comme mode de gestion privilégié du marché du travail. En quoi cela consiste-t-il ? Rien moins qu’à faciliter considérablement les procédures de licenciement, au prétexte de rendre ainsi l’embauche plus aisée… Toujours des espérances et une confiance malsaine placée en Pierre Gattaz et ses affidés patronaux, qui n’en finissent plus de promettre en échange de mesures qu’ils obtiennent, eux, dès aujourd’hui. Il en va de même pour le statut des intermittents du spectacle, salement amoché depuis la signature, début 2014, de l’accord sur l’assurance chômage – lequel s’attaque aussi aux chômeurs, aux précaires et aux seniors pour financer le déficit de l’Unedic, tout en accordant au patronat 800 millions d’euros d’économies supplémentaires.
Ajoutons à cela : la poursuite de la destruction du statut de cheminot à travers la casse du service public ferroviaire ; les conséquences dramatiques de la libéralisation de la gestion de l’institution hospitalière (fermetures de structures, effondrement de la qualité de la prise en charge des patients par des personnels pressurisés et démunis) ; l’hypocrisie affichée à l’égard de l’industrie de la presse avec des aides exorbitantes offertes chaque année aux grands groupes pour financer des plans sociaux ; la volonté de supprimer les conseils de prud’hommes pour mettre encore plus de distance entre les salariés et le recours à la justice ; la remise en cause du droit à la formation (acquis en 1971) dans la loi du 5 mars 2014 par la suppression du 0,9 % alimentant le plan de formation, etc., et on se fera une idée de ce que signifie la social-démocratie au pouvoir pour les travailleurs et les travailleuses.
Cette série d’attaques en règle n’est pas du seul fait du gouvernement qui, seul, ne pourrait sans doute pas grand-chose. D’autres responsables sont à pointer du doigt, et en premier lieu la direction confédérale de la CFDT. Résolus à devenir le partenaire social numéro un du gouvernement « socialiste », les bureaucrates à la tête de cette centrale qui se réclamait jadis du projet autogestionnaire se sont montrés d’une servilité affligeante, disant « amen ! » à la plupart des projets évoqués ci-dessus. Mais les autres directions syndicales ne sont pas en reste. Bien qu’affichant une attitude de défiance à l’égard du locataire de l’Élysée, elles sont clairement coupables de n’avoir pas voulu organiser une conflictualité sociale digne de ce nom, préférant à la grève et aux stratégies de convergence quelques petites balades dans les rues (certaines allant même jusqu’à accompagner la CFDT dans la signature d’accords). Preuve, s’il en fallait encore, que nous n’avons pas grand-chose à attendre des bureaucraties de tous poils, et que si l’investissement sur le terrain de la lutte des classes via les syndicats demeure une option (notamment sur le terrain interprofessionnel), celui-ci doit se faire à la base et contre les stratégies des directions confédérales, en renouant avec les pratiques d’action directe (de la grève au sabotage).
Parallèlement, le gouvernement utilise son arsenal juridique et répressif pour écraser les mouvements sociaux déterminés (comme ceux de Notre-Dame-des-Landes et de la ferme des Mille Vaches) : violences policières, arrestations de militants et peines de prison ferme.
Face à cela, de manière générale, en investissant les syndicats ou en impulsant des comités de lutte, dans le monde du travail ou en dehors, dans les rues, il est primordial pour les anarchistes de se saisir de ces sujets et de participer à la construction d’une riposte sociale radicale. En ces temps électoraux de récupération partidaire des revendications légitimes du prolétariat, la réaffirmation de l’autonomie du mouvement social, qui doit se faire contre les partis politiques, est plus que jamais de mise, sans quoi nos révoltes auront leurs strapontins parlementaires pour tombeaux. Ne lâchons rien !
Motion adoptée lors du 72e congrès réuni à Saint-Imier les 7, 8 et 9 juin 2014.
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