★ Réflexions et questions

Publié le par Socialisme libertaire

Georges Darien anarchisme
Georges Darien (1862 - 1921)

Texte de Georges Darien, dans L’Ennemi du Peuple n°26, 16 août - 1er septembre 1904.  

" Dans son article sur le Parti libertaire, M. Sem écrit qu’il lui paraît « qu’un groupement libertaire doit tendre, avant tout, à l’éducation du prolétariat des milieux ambiants ». Je serais content de savoir de quelle éducation il parle. Veut-il dire qu’il s’agit de convertir les masses aux idées anarchistes ? Pense-t-il qu’une telle éducation soit nécessaire ? Croit-il, en tout cas, qu’elle puisse être donnée autrement que par des faits ? Ne croit-il pas, plutôt, qu’une propagande d’action immédiate (qui mettrait à profit tous les événements, afin de créer des faits) doit être préférée à une propagande d’éducation ? Combien de temps, à son avis, prendrait cette éducation ? Ne croit-il pas que les possédants, les riches se chargent suffisamment, par leurs actes, de l’éducation du prolétariat ? Ne lui est-il jamais arrivé de penser que c’est précisément parce qu’elles sont déjà parfaitement éduquées – c’est-à-dire parce qu’elles savent très bien qu’une lutte violente, seule, peut les tirer de leur esclavage – que les masses, soucieuses de leur santé (?) refusent de bouger ? Et n’a-t-il jamais entrevu cette conclusion : que toute éducation, aujourd’hui, est antirévolutionnaire ?

S’il ne s’agit pas de convaincre le prolétariat de la nécessité de l’action (car est-il rien de plus ridicule que de prêcher des convertis qui ont fait vœu d’immobilité ?), il s’agit de la forcer à l’action. Faire face d’autorité !… Mais M. Sem est opposé à l’Autoritarisme. Voudrait-il m’apprendre pourquoi ? Il se dit partisan de « l’esprit révolutionnaire ». Y a-t-il rien de plus autoritaire qu’une révolution ? Et peut-il en être autrement ?
À propos, M. Sem peut-il me citer un cas – un seul – de « désastreux retour en arrière » provoqué par l’absence ou l’insuffisance d’une éducation préalable ?
Les quelques questions que je viens de poser me donnent l’envie d’en poser d’autres. On parle d’un Parti Libertaire : je n’en suis point partisan, en principe ; un parti simplement révolutionnaire me suffirait. Pourtant, j’avoue n’avoir qu’une idée fort imparfaite de ce que pourrait être un Parti Libertaire. Je crois connaître à peu près les idées générales des libertaires, dont j’approuve quelques-unes, dont je regrette quelques autres, et dont le plus grand nombre m’est indifférent ; mais j’ignore quel est le but précis des libertaires et quels sont les moyens pratiques qu’ils proposent pour l’atteindre. On parle d’une organisation désirable, utile, nécessaire. Quelles pourraient être les bases de cette organisation ? ses intentions bien déterminées ? ses méthodes d’action ? Un idéal, même commun, serait dérisoirement insuffisant. Il faudrait des volontés claires, des réalités immédiates. Lesquelles ? – Tranchons le mot : les libertaires, isolés, ne peuvent rien faire. Pourraient-ils, unis entre eux, faire quelque chose ? Et si oui, quoi ?
Des réponses à ces questions me feraient grand plaisir, et seraient utiles généralement. Il est urgent en effet, non pas certes de s’entendre, mais de savoir à quoi s’en tenir.

M. Naine, en un triste compte rendu du Congrès d’Amsterdam, s’étonne de ce que la question de la Terre ait été discutée dans un Congrès antimilitariste. Étonnement qui étonne. M. Naine, qui est avocat, devrait savoir que tous les codes présents n’existent que pour instituer et défendre la propriété individuelle qui trouve toujours son expression suprême dans la propriété individuelle de la terre. D’autre part, puisqu’il a refusé de porter les armes, il doit savoir que les armées existent surtout pour prêter main-forte aux gens qui ont la garde desdits codes. Ne peut-il comprendre que, par conséquent, c’est justement dans le Congrès antimilitariste que la question de la terre doit être discutée ? M. Naine, homme de paix, les développements de l’Internationale antimilitariste vous réservent bien des surprises. "

Georges Darien
 

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